Épreuve tactique, défi humain, la zone urbaine est l'un des terrains d'engagement les plus redoutés des militaires. Ce milieu marque pourtant l'histoire des conflits de ces 80 dernières années : de Stalingrad à Kherson, Marioupol ou Bakhmout, en passant par Sarajevo, Grozny, Gao, Mossoul ou Raqqa, les batailles portent des noms de villes. La guerre sera-t-elle désormais urbaine ? Comment et avec quels moyens fait-on la guerre en ville ? Quels enseignements a-t-on tirés des batailles passées ? Eléments de réponse dans ce nouveau Journal de la Défense.
Immersion au sein des forces armées.
Au travers d'images réalisées au plus près des entraînements comme en opérations, Le Journal de la Défense pose chaque mois un autre regard sur l'actualité des armées pour mieux appréhender et comprendre l'univers de la Défense.
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NewsTranscription
00:00 ...
00:10 Musique intrigante
00:13 -Depuis le 24 février 2022,
00:15 à la télévision, sur les réseaux sociaux,
00:17 on assiste en direct à des combats acharnés
00:20 dans les villes ukrainiennes.
00:21 Avant la guerre en Ukraine, la lutte contre Daesh
00:24 a, elle aussi, été rythmée par des opérations
00:27 dans des villes du Mali, de Syrie ou d'Irak.
00:30 Stalingrad, Berlin, Grozny, Falluja,
00:33 Gao, Mosul, Huracá, la bataille urbaine
00:36 marque l'histoire des conflits de ces 80 dernières années.
00:39 La guerre sera-t-elle désormais urbaine ?
00:42 Comment et avec quels moyens fait-on la guerre en ville ?
00:45 Dans ce journal de la Défense,
00:47 des civils et des militaires racontent de l'intérieur
00:50 leurs combats en milieu urbain.
00:52 ...
01:00 Brouhaha
01:02 Depuis deux ans de guerre en Ukraine,
01:04 la ville est au coeur de l'action.
01:06 Encerclée, bombardée, parfois rasée,
01:09 elle est un théâtre d'opérations privilégiée.
01:11 En octobre 2022, le ministre des Armées,
01:15 Sébastien Lecornu, annonce une vaste offre de formation
01:19 pour plusieurs milliers de soldats ukrainiens,
01:22 avec au programme de l'entraînement au combat urbain,
01:24 une demande spécifique de l'Ukraine.
01:27 -Le nom des batailles en Ukraine, c'est le nom de ville.
01:31 On s'est battus pour Karsone,
01:34 on s'est battus pour Mariupol, évidemment,
01:36 on s'est battus pour Kharkiv, Kiev, etc.
01:41 Donc, l'enjeu de cette guerre, ce sont les villes.
01:44 Maintenant, la ville est redevenue un lieu de champ de bataille,
01:47 et le lieu de champ de bataille privilégié des combats modernes,
01:51 depuis pratiquement la Seconde Guerre mondiale.
01:55 Voilà, c'est là que, véritablement,
01:58 on a commencé à donner des noms de grandes villes
02:03 comme lieu de bataille,
02:05 comme Stalingrad, évidemment, Berlin, et d'autres.
02:09 Puis, avec l'urbanisation croissante des sociétés,
02:15 forcément, mécaniquement,
02:17 vous rencontrez de plus en plus de villes,
02:20 et les villes sont des endroits où on peut se protéger.
02:26 En réalité, le mieux de toute la puissance de feu de la ville.
02:29 Quand on regarde dans l'histoire des conflits, des guerres,
02:34 la ville n'a pas toujours été le lieu des batailles, historiquement.
02:38 On a siégé une ville, on la défendait, on combattait autour,
02:41 mais on y combattait rarement à l'intérieur.
02:43 C'est vraiment au début du XXe siècle
02:45 que la ville devient un champ de bataille,
02:47 et on commence à voir dans les conflits à travers le monde
02:50 la conduite d'opérations d'envergure
02:53 dans cet environnement urbain.
02:56 Au milieu des années 90, il y avait des événements particuliers,
02:59 comme le siège de Sarajevo,
03:01 ou, en dehors des Balkans, la bataille de Grozny,
03:04 qui alimente une réflexion dans plusieurs pays, dont la France,
03:07 sur les engagements en zone urbaine
03:09 et la nécessité de se doter d'outils, d'entraînement
03:12 et de développer des doctrines spécifiques.
03:14 -Il y a près de 30 ans,
03:17 en avril 1992, la ville de Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine,
03:21 est assiégée.
03:22 Sous mandat de l'ONU, la France envoie des soldats
03:26 à protéger les populations civiles dans la capitale bosniaque,
03:29 dont le colonel Michel Goya, alors lieutenant,
03:32 chef de section au 21e régiment d'infanterie de marine.
03:35 -Ce qui m'avait frappé, c'est...
03:38 Alors, l'idée, lorsqu'on était rentrés dans la ville,
03:41 c'est le vide de cette ville.
03:44 C'est-à-dire que vous avez une ville en guerre,
03:46 une ville assiégée,
03:48 en réalité, vous ne voyez personne, très peu de gens,
03:50 parce que tout le monde se cache.
03:52 Donc, vous avez...
03:54 Il n'y a pas de circulation, par exemple.
03:56 Donc, vous avez l'impression d'être dans une ville fantôme.
03:59 Les seuls bruits que vous entendez,
04:02 ce sont quelques bruits de véhicules,
04:04 qui étaient souvent les nôtres, qui se déplaçaient,
04:07 et le bruit des balles et des obus.
04:09 Donc, ça vous plonge dans un contexte,
04:12 même cognitif, même sensoriel,
04:15 qui est complètement différent d'une ville normale.
04:19 La ville recevait en moyenne 250 obus chaque jour.
04:23 Donc, d'ailleurs, au passage,
04:26 c'est une des dernières grandes expériences que l'on a,
04:29 d'être pris sous le feu, de l'artillerie à grande échelle.
04:32 C'est une ville toute en longueur,
04:35 avec un axe central qui a été baptisé "Sniper Allé",
04:39 parce qu'il était sous le feu des snipers.
04:42 Quand on est arrivé, d'ailleurs, ça n'a pas loupé,
04:45 on est arrivé deux heures,
04:47 on avait déjà perdu un soldat qui avait été frappé
04:51 par un tireur, probablement bosniaque, d'ailleurs.
04:55 Parmi les problèmes tactiques qu'on a eu à résoudre,
04:59 c'est les problèmes qu'on fait pour faire face
05:01 à ces gens qui nous tirent dessus, depuis des maisons,
05:04 avec cette contrainte qu'on n'a pas le droit,
05:07 en tant que Casquebleu, d'aller dans les maisons.
05:10 Donc on peut juste se défendre
05:12 contre ces gens-là qui nous tirent dessus.
05:15 Donc il y a tout un tas de savoir-faire
05:17 qu'il a fallu inventer, ou réinventer, en réalité.
05:21 Je ne peux pas vous donner les détails,
05:23 mais c'est un combat assez compliqué,
05:26 où il faut tout cartographier, il faut tout analyser,
05:29 il faut un combat de statistiques,
05:31 il faut analyser les sons des balles
05:35 pour savoir d'où viennent les tirs.
05:39 Je vous donne juste un exemple.
05:42 Ce qui m'a aidé, en réalité, à ce moment-là,
05:45 c'est que j'avais toujours avec moi
05:46 le manuel du sous-officier d'infanterie de 1949,
05:49 qui était plein de savoir-faire de l'époque,
05:53 très concret, daté de la Seconde Guerre mondiale,
05:56 et dont on avait été oubliés.
05:57 C'est comme ça que j'ai appris comment distinguer
06:00 les bruits des balles,
06:01 distinguer le bruit de la détonation de départ,
06:05 qui arrive vers vous à la vitesse du son, forcément.
06:09 300 m/s, c'était le combat de fantôme.
06:11 On tire sur des zones, on calcule,
06:13 c'est le combat du calcul, on calcule d'où ça vient,
06:16 et à partir de là, on tire sur des points précis.
06:20 À l'époque, j'avais pris quelqu'un qui dessinait bien,
06:24 et il avait dessiné toute la zone autour de nous.
06:27 Ça a pris un certain temps,
06:29 mais il avait dessiné tous les bâtiments, toutes les fenêtres.
06:32 J'avais baptisé chacune des maisons, des immeubles,
06:36 et j'avais numéroté chacune des fenêtres.
06:38 Et ce dessin, on l'avait photocopié.
06:41 Donc, ce schéma, on l'a trouvé à peu près partout.
06:45 Et donc, quand on communiquait entre nous,
06:47 je disais, voilà, "feu sur le bâtiment Maurice 3".
06:53 Donc, ça indiquait une fenêtre précise
06:55 que tout le monde pouvait voir.
06:57 Et en même temps, j'avais pris le temps
06:58 d'analyser toutes les distances.
07:00 Donc, tout... On appelle ça un baptême terrain.
07:03 Donc, les tireurs n'avaient qu'à mettre sur leurs lunettes
07:08 et qu'ils avaient qu'à régler en fonction de la distance
07:11 pour pouvoir tirer le plus vite possible.
07:14 Et donc, les années 90, c'est l'époque où, en réalité,
07:19 toutes les grandes armées modernes se préparent à ce type de combat.
07:24 On crée des centres spécifiques pour s'entraîner à ce combat
07:30 dont on pressent que ce sera vraiment
07:34 le combat le plus difficile à mener dans les années à venir.
07:38 C'est effectivement en 1999
07:40 qui est décidé par l'Université des Armées françaises
07:44 la création d'un centre d'entraînement
07:46 aux actions en zone urbaine
07:48 qui sera implanté ici, sur le camp de Sissonneux.
07:51 Je dispose de moyens très spécifiques,
07:53 des instructeurs spécialisés
07:55 pour accompagner les unités au combat dans l'entraînement,
07:58 une compagnie interarme de forces adverses
08:00 dont la mission est de jouer l'adversaire sur les entraînements,
08:04 des infrastructures comme celle que vous pouvez voir derrière moi,
08:07 qui sont uniques en France et en Europe,
08:09 et un système de simulation et d'animation du champ de bataille
08:13 particulièrement moderne.
08:14 ...
08:18 -Ces fantassins du régiment de marche du Tchad
08:20 entament leur 3e semaine de formation
08:23 avant leur déploiement en Roumanie.
08:25 ...
08:36 -Au-dessus !
08:37 -Une ville, pas sur tête !
08:38 -Il y a une fente à droite.
08:39 ...
08:40 -Une ville, je l'ai, dans cette ville.
08:42 ...
08:58 -Je suis au 2e étage, je détends, il y a mon équipe,
09:01 je progresse, c'est super. -OK ! 2 détents, 2 détents !
09:05 2 détents, je n'arrive pas, et un blessé léger.
09:08 -Je vais faire prendre le sud, donc là, 41 orange.
09:11 -C'est une mission offensive de s'emparer
09:14 de la zone moderne de Geoffreycourt.
09:16 C'était une manoeuvre coordonnée
09:18 avec tout le groupement tactique interarmes,
09:21 avec un appui de nos alliés belges,
09:24 et nous devions nous emparer du sud vers le nord
09:26 de la zone moderne.
09:27 C'est ce que nous avons fait, une attaque offensive.
09:30 D'abord, une phase préalable de bouclage,
09:32 où on encercle un peu la ville,
09:34 à distance, pour renseigner un maximum
09:36 sur ce qui se passe dans la ville,
09:38 où est positionné l'ennemi, où il y a des mines
09:41 ou pas, afin de pouvoir préparer ensuite notre engagement
09:45 par des tirs artillerie, pour qu'il y ait un ennemi
09:47 qui soit plus faible, et pour identifier
09:50 notre axe d'approche.
09:51 Une fois qu'on a fait cette phase-là,
09:53 il y a la phase d'abordage, d'assaut,
09:55 où les sections d'infanterie font en tête,
09:58 et sont appuyées par des éléments de génie
10:01 pour leur ouvrir les obstacles et dépléger,
10:03 s'il y a besoin de dépiéger.
10:05 Ensuite, ça se fait successivement,
10:07 bâtiment après bâtiment, de manière très coordonnée.
10:10 C'est assez complexe, parce qu'en zone urbaine,
10:13 la menace peut venir de toute azimuthe,
10:15 et aussi au niveau de la 3D,
10:17 en dessous, à gauche, à droite, devant, derrière.
10:20 -Aplatis !
10:21 (Tirs)
10:22 -C'est un combat !
10:23 -Ce qui est certain, c'est que le milieu urbain,
10:26 c'est un milieu qui est particulièrement agressif
10:28 sur deux dimensions.
10:30 La première, c'est la dimension physique.
10:32 Quand on passe sa journée à monter, descendre des étages,
10:35 passer par des fenêtres, des portes,
10:37 dans des conditions qui ne sont pas faciles,
10:40 physiquement, c'est extrêmement engageant,
10:42 astreignant, et ensuite,
10:44 c'est un combat qui est fatigant psychologiquement,
10:46 parce que la menace est omnidirectionnelle.
10:49 L'ennemi peut venir de partout, il peut être partout,
10:52 il est proche. Quand on est confronté
10:54 à un ennemi à courte distance,
10:56 on va s'y affronter le premier jour,
10:58 mais il sera nécessaire de reconduire cet engagement
11:01 le lendemain et pendant une durée très longue.
11:03 On a entendu notamment sur les rétexes de Bakhmout,
11:06 en Ukraine, des progressions de la dizaine de mètres par jour.
11:09 On se rend bien compte que le milieu est abrasif,
11:12 qui ne permet pas une progression aussi rapide
11:15 que sur un terrain ouvert, et ça ajoute à la difficulté
11:18 physique et psychologique.
11:19 (Tirs)
11:21 Si l'ennemi a un groupe qui est déployé,
11:23 il va falloir une compagnie en face
11:25 pour pouvoir mettre un terme,
11:27 pour pouvoir affronter ce groupe-là.
11:29 On a un rapport qui est estimé à 1 contre 6, 7.
11:32 Là où, en terrain ouvert, on a un rapport de force
11:34 qui est estimé à 1 contre 3.
11:36 -C'est l'origine pour laquelle des organisations armées
11:39 vont se réfugier, s'installer dans des villes.
11:42 C'est un multiplicateur de forces pour les défenseurs,
11:45 c'est un diviseur de forces pour l'attaquant,
11:47 c'est un diviseur de puissance de feu.
11:50 C'est une sorte de zone fortifiée, c'est un grand fort
11:53 qui a été construit par des civils,
11:55 d'une certaine façon, qui est en trois dimensions.
11:58 -On est sur des zones qui sont solides, c'est dur.
12:02 Taper, franchir, percer des...
12:05 des bâtiments, des grands bâtiments,
12:08 c'est fou, il faut y mettre le paquet.
12:12 J'ai passé une mission dans la ville de Sarajevo
12:14 pendant le siège, on était dans un complexe sportif,
12:17 on recevait des obus toute la journée sur ce complexe,
12:20 et ça résistait.
12:21 -Le centre abrite un site d'instruction unique en son genre,
12:25 le complexe de tir en zone urbaine.
12:27 Au total, huit champs de tir, mais ici, rien de fictif,
12:31 l'entraînement se fait à balles réelles.
12:33 -Au-delà des constructions qui matérialisent
12:36 un environnement urbain, nous avons,
12:38 à partir de cette tour de contrôle,
12:40 la capacité d'animer nos champs de tir
12:44 et de ramener au plus près l'entraînement du combattant
12:47 dans des conditions qui se rapprocheront
12:49 des territoires d'opération et de la réalité de l'engagement,
12:53 par des bruits de fond, des sonorités spécifiques,
12:56 des bruits de combat, des passages d'hélicoptères,
12:58 d'avions de chasse, ce genre d'environnement,
13:01 mais également des appuis lumineux
13:03 ou, à contrario, des gènes que l'on retrouverait
13:06 sur un territoire d'opération urbain,
13:09 telle que la pollution résiduelle de l'éclairage public,
13:12 des flashs d'explosion ou ce genre de choses.
13:15 On retrouve dans ce complexe de tir en zone urbaine
13:17 tout un tas d'environnements qui nous permettent
13:20 de nous mettre dans des situations d'inconfort au tir
13:23 et bien évidemment, réagir à une mise en situation
13:26 de vivre une embuscade,
13:28 donc de réagir et de se désengager d'une embuscade.
13:31 -De par notre expertise, nous avons également
13:34 une vocation à observer et à tirer les enseignements
13:37 des conflits en cours et des engagements en zone urbaine
13:40 qui pourraient se produire à travers le monde,
13:43 de manière que nous échangeons avec d'autres pays
13:45 qui développent des structures équivalentes,
13:48 de manière à adapter nos scénarios d'entraînement,
13:51 de manière à nous aider à travailler avec les unités
13:54 pour rester le plus réaliste possible et coller au plus près
13:57 de ce que les unités pourraient rencontrer
14:00 sur le terrain en opération.
14:01 Et quand on observe les conflits de ces 20 dernières années,
14:05 l'Irak, le sud-liban, le Sahel et aujourd'hui en Ukraine,
14:10 cela confirme toute la pertinence et l'intérêt pour la France
14:14 de disposer d'un centre d'entraînement
14:17 spécialisé dans le combat en zone urbaine.
14:20 -Il y a 10 ans, en janvier 2013,
14:22 la France lance l'opération Serval
14:24 pour bloquer la progression des groupes djihadistes au Mali.
14:28 Le 21 février, le 92e régiment d'infanterie
14:31 combat dans la ville de Gao.
14:33 -Un enseignement important pour moi,
14:35 au sortir de ce qu'on a appelé la bataille de Gao,
14:38 sur la journée du 21 février 2013,
14:41 c'est que le passage que mon sous-groupement
14:45 avait pu faire au Sansub à Sissone,
14:47 en novembre 2012,
14:49 il a revêtu une importance dont je n'avais pas conscience
14:53 dès le départ,
14:55 mais il m'a appris, il nous a appris collectivement
14:58 tout ce qu'on avait besoin de savoir
15:00 pour être efficaces en zone urbaine.
15:02 Ce pour quoi on a été entraînés,
15:04 c'est quasiment exactement ce qui nous est arrivé.
15:07 Quand on est arrivé sur le terrain et qu'on a dû intervenir,
15:10 on a été assez efficaces.
15:12 A cette époque-là, j'étais capitaine,
15:14 un capitaine d'infanterie,
15:16 c'est un officier qui commande à peu près 180 fantassins
15:19 divisés en cinq sections.
15:21 Et puisque cette compagnie d'infanterie
15:24 avait été transformée en agrégent des renforts,
15:27 en sous-groupement tactique interarmes,
15:29 j'avais sous mes ordres à peu près 250 combattants
15:33 de différentes armes.
15:34 J'avais avec moi une équipe du CP A30,
15:38 des commandos parachutistes de l'air,
15:40 qui assurait la liaison avec la composante aérienne
15:43 et aviation légère de l'armée de terre.
15:45 En plus de ces gens de l'armée de l'air et de la latte,
15:48 j'avais avec moi des sapeurs du 31e régiment du génie,
15:52 qui ont été incroyables de sang-froid et d'efficacité.
15:56 Ce qui s'est passé le 21 février, c'est que durant la nuit,
15:59 alors que la ville avait été libérée,
16:02 que la population avait repris sa vie normale,
16:05 sa vie quotidienne,
16:07 les djihadistes d'un mouvement appelé le Moudjahou
16:10 sont arrivés pour s'installer en défense ferme
16:13 dans le centre-ville, dans l'hypercentre de Gao,
16:16 un centre avec des constructions qui datent de l'ère coloniale
16:19 et des murs qui sont d'une épaisseur terrible
16:22 et qui constituent autant de défenses très efficaces
16:26 contre un assaillant.
16:28 Ce sont des points fortifiés naturellement.
16:30 A l'entrée de la ville, on a été recueillis
16:33 par quelques éléments français qui faisaient du mentoring
16:36 au profit de l'armée malienne
16:38 et qui ont pu nous donner quelques premiers éléments de contexte,
16:42 quelques directions générales.
16:44 Dans cette direction, le fleuve, à gauche, la population,
16:47 une zone sécurisée, à droite de cet axe, la zone des combats,
16:51 les positions tenues par les djihadistes
16:53 et les positions dont il faut vous emparer.
16:55 Pour moi, c'était simple. Je savais que la population avait été évacuée
16:58 et que tout ce qui se présenterait à moi
17:00 dans le compartiment qu'on m'avait attribué
17:02 c'était à détruire et que c'était de l'ennemi.
17:04 Donc c'était relativement simple.
17:06 La vraie difficulté qu'on a pu connaître,
17:09 c'est que l'habitat avait été piégé,
17:10 massivement piégé par les djihadistes du Moujaou,
17:13 avec des grenades, avec de l'explosif, avec du fil piège,
17:16 et qu'on ne m'a pas autorisé à prendre pied dans les bâtiments
17:18 et donc je devais combattre depuis les extérieurs.
17:20 C'est-à-dire rester sur les axes.
17:27 Le bâtiment, c'est une zone inconnue,
17:29 mais c'est aussi, à partir du moment où on l'a sécurisé,
17:31 c'est un appui possible pour progresser vers des objectifs ultérieurs,
17:35 se regrouper, faire le point,
17:38 se réapprovisionner en munitions,
17:40 réfléchir aux ordres qu'on va donner.
17:42 Et là, ce n'était pas possible,
17:43 donc on était exposés au tir en permanence.
17:45 Je comprends que, exactement comme on l'a appris
17:47 lorsqu'on était à l'entraînement au centre d'entraînement
17:51 aux actions en zone urbaine de Sissonne,
17:53 mes véhicules blindés, mes VBCI, vont m'être précieux,
17:57 puisqu'ils constituent à la fois un appui-feu redoutable,
18:01 terriblement efficace,
18:03 mais que ce sont des espèces de remparts sur roue,
18:08 c'est-à-dire remparts mobiles,
18:09 ils sont très blindés, très solides, très protecteurs.
18:11 Et puis, comme ils sont hauts,
18:14 ils nous permettent, en grimpant dessus,
18:15 d'avoir des visions possibles au-dessus des murs,
18:18 sur les terrasses, et ainsi de suite,
18:19 et de prendre pied dans le bâti si nécessaire.
18:22 L'infanterie, c'est une arme de mêlée,
18:23 c'est une arme qui va au contact,
18:24 qui va au plus près de l'adversaire et de l'ennemi,
18:27 et qui va dans la bagarre,
18:30 qui va se battre de très près,
18:31 pas à distance, mais vraiment au contact.
18:33 On dit que c'est l'arme des 300 derniers mètres.
18:35 On se mettra en ligne le long du muret, là-bas, sur la gauche.
18:39 OK, allez, en avant !
18:39 C'est aussi et surtout l'arme des derniers mètres.
18:41 Et on dit qu'on va chercher l'ennemi à la fourchette.
18:44 C'est vraiment ça, en fait.
18:45 Et on s'est battus au pistolet, à la grenade,
18:48 au fusil d'assaut, au lance-roquette,
18:52 au canon mitrailleur,
18:54 et le dernier ordre que j'aurais pu donner,
18:57 c'est baïonnette au canon.
18:59 Je ne l'ai pas donné, mais l'occasion se serait présentée
19:01 effectivement à Gao ce jour-là.
19:02 On sort de là en étant épuisés, soulagés,
19:08 on est fiers de la mission remplie,
19:10 parce qu'on sait à ce moment-là que la mission est remplie.
19:12 En octobre 2016, les forces irakiennes,
19:19 appuyées par les combattants kurdes et la coalition,
19:22 dont les États-Unis et la France font partie,
19:24 lancent une offensive pour reconquérir Mossoul,
19:27 la deuxième ville d'Irak, et chasser Daech.
19:29 Au-delà de la reconquête de son terrain,
19:33 l'objectif de la coalition,
19:36 c'était bien de s'emparer du symbole
19:39 qu'était la ville de Mossoul,
19:40 puisque c'est là qu'en 2014,
19:42 l'État islamique avait proclamé son califat.
19:45 Donc, au-delà de l'objectif terrain,
19:49 il y avait l'objectif immatériel,
19:51 qui était la saisie de la capitale de l'État islamique.
19:55 Mossoul, c'est la deuxième ville d'Irak,
19:57 c'est une ville vraiment tentaculaire,
19:59 elle doit faire à peu près 2 km²,
20:02 avec un centre-ville très dense.
20:05 Il est très difficile d'estimer combien d'habitants y restent,
20:08 mais dans les manœuvres qu'on peut faire,
20:10 on voit qu'il y a encore une grande masse de population,
20:12 avant, c'était 2 millions d'habitants,
20:14 là, on est plutôt dans l'inconnu au moment des opérations.
20:17 Et effectivement, on voit que la vie continue un peu malgré tout,
20:20 on voit des marchés,
20:22 on scrute la ville rue par rue,
20:25 et on voit que, voilà, il y a vraiment de l'activité quotidienne,
20:28 mais ça perturbe vraiment les opérations.
20:33 À l'époque où le 11e Rama se déploie,
20:34 notre mission, à ce moment-là,
20:36 est d'appuyer par le feu les opérations des Irakiens.
20:38 Toute la coalition sait que,
20:40 du fait de la nature urbaine de l'objectif,
20:43 la tâche sera rude.
20:45 Alors, à ce moment-là, j'étais le chef opération du 11e Rama,
20:49 et à ce titre, j'étais, pour mon chef de corps,
20:52 l'officier en charge de la conception des opérations
20:56 et de leur conduite.
20:57 La Mossoul, c'est une ville de 200 000 structures,
21:00 3 000 km de route,
21:02 que l'ennemi a valorisé pendant près de deux ans.
21:04 Daech a utilisé des moyens civils qu'il a détournés,
21:07 essentiellement des tunneliers, des engins de terrassement,
21:09 pour créer des abris, pour créer des tranchées,
21:13 pour créer des caves, des dépôts avancés de matériel.
21:18 Il a créé des pièges également.
21:20 Donc, pour les militaires que nous sommes,
21:22 nous savons que, en fait, la préparation,
21:25 enfin, un terrain défensif valorisé comme une zone urbaine
21:29 et qu'on a valorisé pendant deux ans,
21:32 c'est en réalité un objectif militaire extrêmement difficile à conquérir.
21:36 Pour prendre une ville comme Mossoul, ça a duré plusieurs mois,
21:42 il a fallu assurer une permanence H24, jour et nuit,
21:45 dans toutes conditions météo,
21:47 pour justement appuyer la manœuvre terrestre
21:49 et assurer une présence de tout type d'avions,
21:53 aussi bien de reconnaissance que d'appui.
21:55 Il faut savoir que c'est une reprise immeuble par immeuble,
21:58 maison par maison,
21:59 qui implique de grandes précautions de la part des troupes au sol
22:02 et qui ont pu se retrouver prises sous de multiples tirs
22:05 et parfois sans possibilité de se désengager.
22:08 Et c'est grâce à l'arme aérienne
22:09 que nous pouvons accomplir cette mission
22:12 de reprise, de reconquête en milieu urbain.
22:16 Je me rappelle très bien d'être arrivé sur Mossoul,
22:18 de découvrir cet environnement très, très dense
22:21 et d'avoir délivré tout mon armement
22:24 parce que des forces spéciales de la coalition
22:26 étaient prises sous le feu de Daesh.
22:29 Et c'est là que je me suis vraiment senti utile
22:33 au terme d'une mission
22:35 qui est passée en un claquement de doigts.
22:39 Le premier risque auquel on est exposé,
22:41 c'est la sécurité des vols,
22:43 c'est-à-dire les potentielles collisions
22:46 qui peuvent apparaître entre appareils,
22:48 qui évoluent dans un volume très réduit,
22:50 un espace aérien très contraint.
22:52 Il faut savoir que sur quelques kilomètres carrés,
22:54 il y avait aussi bien des troupes au sol
22:56 qu'une multitude d'avions,
22:58 tels que des drones, des avions de reconnaissance
23:00 et des avions de chasse,
23:02 prêts à délivrer le feu si le besoin était nécessaire.
23:05 Et il n'y a pas que nous, c'est une coalition.
23:07 Donc il y avait des avions de chasse américains, britanniques.
23:10 Tous ces gens, dans un même endroit,
23:12 nécessitent évidemment des procédures particulières,
23:14 notamment d'étagement.
23:16 Chaque patrouille a une altitude qui lui est allouée
23:19 avant de rentrer dans la zone et en ressortant.
23:21 Évidemment, c'est la déconfliction,
23:23 le premier de nos soucis avant d'opérer sur ce théâtre.
23:26 En octobre 2016, une équipe Mossoul a été mise en place
23:29 à la Direction du renseignement militaire.
23:31 Dans cette équipe, on a beaucoup de spécialistes,
23:35 des analystes IRAK,
23:36 mais aussi des interprètes images
23:38 pour étudier les images de nos capteurs,
23:40 les satellites, les drones, les aéronefs, en tout genre.
23:44 On a aussi des experts en cartographie,
23:46 des spécialistes de la recherche en sources ouvertes.
23:49 L'idée, c'est d'apporter notre connaissance,
23:52 notre enseignement, à la fois vers le haut,
23:54 aux autorités politiques et militaires
23:56 pour les aider à prendre une décision,
23:58 et aussi vers le bas, vers les forces déployées,
24:01 que ce soit les forces conventionnelles ou spéciales,
24:03 pour qu'elles puissent agir avec la meilleure connaissance
24:05 de leur environnement sur le terrain.
24:07 Mossoul, c'est une ville très compliquée,
24:11 avec beaucoup de sites sensibles, des écoles, des mosquées,
24:14 des hôpitaux, des universités.
24:16 Pour nous, l'objectif, ça va être d'identifier
24:18 si Daesh exploite certains de ces sites
24:21 et si des civils sont également présents.
24:23 Si on n'est pas sûr à 100%, on ne peut pas mener d'opération.
24:27 En revanche, lorsqu'on sait que Daesh exploite
24:30 vraiment pleinement ce site,
24:31 on transmet le dossier à nos forces,
24:34 à celle de la coalition, pour que l'objectif soit traité
24:36 le plus rapidement possible.
24:38 Au-delà de ces sites, la périphérie de Mossoul
24:40 comporte aussi pas mal d'usines agricoles,
24:43 dont les produits peuvent être utilisés
24:44 pour la fabrication d'explosifs et peut-être d'armes chimiques.
24:48 Ce sont des sites particulièrement sensibles qui sont traités.
24:51 Et plus généralement, ce qui nous intéresse également,
24:54 ça va être tout ce qui concerne la fabrication de mortiers
24:57 et de véhicules explosifs.
25:00 Ce genre de sites sont protégés par le droit des conflits armés,
25:02 par la Convention de Genève,
25:04 qui nous interdisent de cibler ce type de cibles,
25:08 donc des édifices religieux, typiquement,
25:10 des barrages, des champs de production agricole.
25:15 Et en revanche, la protection qui leur est associée
25:18 est levée si ces objectifs sont détournés de leur objectif premier.
25:22 C'est-à-dire que si l'ennemi s'en sert contre nous,
25:25 on peut être amené à ouvrir le feu sur ce genre d'objectif.
25:29 L'impératif de l'environnement, notamment urbain,
25:32 c'est qu'il faut une grande précision.
25:34 Moins de 10 mètres, on va dire,
25:35 pour que notre armement soit sûr qu'il impacte au bon endroit,
25:39 avec un effet de souffle et de fragmentation qui soit maîtrisé.
25:43 D'où l'importance d'avoir un armement,
25:45 en l'occurrence, guidé GPS ou guidé laser,
25:47 avec une tâche laser qui lui indique où il doit impacter,
25:50 et avec des cordes-bombes qui soient...
25:53 font une détonation forte ou une détonation plus contenue,
25:58 si on veut vraiment que la bombe
26:00 ne fasse pas de dégâts autour de l'objectif.
26:03 Durant mon détachement, on avait huit avions sur le parking
26:09 qui opéraient jour et nuit
26:11 pour participer à l'effort multinational.
26:15 Et c'était vraiment un engagement hors du commun,
26:18 parce que l'environnement l'était.
26:20 C'est un des plus gros engagements de ma carrière de pilote,
26:25 notamment sur Rafale.
26:26 À titre personnel, durant deux mois,
26:28 j'ai fait entre 20 et 25 missions de guerre,
26:31 quasiment toutes au-dessus de Mossoul, en plus, pendant deux mois.
26:33 L'engagement du 11e Raman en Irak, en 2017,
26:37 c'est, en termes de nombre de coups tirés,
26:40 le plus significatif pour l'artillerie française
26:42 depuis l'Indochine.
26:43 On a tiré, avec quatre pièces,
26:46 plus de 5 600 coups dans la bataille,
26:48 ce qui n'est pas exceptionnel,
26:50 mais compte tenu de la nature de l'ennemi,
26:53 compte tenu de ses forces et de son agressivité,
26:57 c'est inédit, compte tenu des opérations militaires françaises
27:00 des cinquante dernières années.
27:02 Pour le soldat, ça représente cinq mois de posture d'alerte,
27:06 cinq minutes, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
27:10 Donc des séquences extrêmement longues,
27:12 avec des...
27:16 avec un sommeil particulièrement perturbé
27:18 et des nerfs mis à rude épreuve.
27:20 Je pense que la ville est un théâtre particulièrement abrasif
27:24 et exigeant pour les forces, quelles qu'elles soient,
27:28 et qu'il doit impérativement être pris en compte
27:30 pour préparer un système de forces adapté.
27:32 C'est un champ de bataille privilégié, c'est indéniable.
27:35 Est-ce que ça le sera ? Est-ce que ce sera le champ de bataille ?
27:38 Je ne sais pas répondre à cette question.
27:40 Lorsqu'on a à combattre,
27:43 on sait la difficulté que représente le combat aux zones urbaines,
27:45 on sait le coût exorbitant que ça va représenter
27:49 en engagement, en vie, en dommages,
27:52 en énergie, en temps,
27:55 sans résultat assuré, en fait.
27:57 Et donc s'engager en ville, c'est toujours prendre un risque gigantesque.
28:01 Et je pense qu'on est heureux d'éviter au maximum
28:05 les affrontements en zone d'urmaide, mais malheureusement,
28:09 si l'ennemi s'y est retranché, il faut y aller.
28:12 Sous-titrage ST' 501
28:14 ...