Grand témoin : Eugénie Bastié, journaliste au Figaro et autrice de « La dictature des ressentis » (Plon)
GRAND DÉBAT / Cour de Justice de la République : en finir avec cette exception française ?
« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski
Créée en 1993 pour réinstaurer de la confiance entre les citoyens et ses représentants politiques, la Cour de Justice de la République (CJR) est le seul organisme étatique capable de juger un ministre dans l'exercice de ses fonctions. Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, comparait justement devant cette juridiction pour « prise illégale d'intérêts », depuis le lundi 6 novembre. Pour autant, nombreuses sont les voix qui doutent de la pertinence de cette Cour dont on ne compte que sept jugements et des condamnations légères. Les deux derniers présidents de la République, Emmanuel Macron et François Hollande, ont d'ailleurs exprimé leur volonté de la supprimer. Trente ans après sa création, la Cour de justice de la République a-t-elle encore sa place au sein de la Vème République ?
Invités :
- Christopher Weissberg, député Renaissance des Français établis hors de France
- Benjamin Lucas, député Ecologiste des Yvelines
- Denis Salas, ancien juge, Président de l'association française d'histoire de la justice et essayiste
- Paul Cassia, professeur de droit public à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
GRAND ENTRETIEN / Eugénie Bastié : comment déconstruire les déconstructeurs
Eugénie Bastié utilise l'expression "la dictature des ressentis" pour décrire une société dans laquelle prospère l'idéologie woke, cette idée que seul ce que je ressens comme une souffrance ou une liberté doit compter. Cette pensée, venue d'Amérique, mène la société occidentale vers la décadence, selon l'autrice. Ce recueil de chroniques parues dans le Figaro défend le droit d'entendre une parole qui dérange et la possibilité de parler "franchement, vivement, de tous les sujets". Pour comprendre ce qui nous arrive aujourd'hui, Eugénie Bastié puise dans la littérature du passé. Le wokisme est-il en train de tuer la France ?
Grand témoin : Eugénie Bastié, journaliste au Figaro et autrice de « La dictature des ressentis » (Plon)
LES AFFRANCHIS
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe
- Yaël Goosz, éditorialiste et chef du service politique à France Inter
« Bourbon express » : Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
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GRAND DÉBAT / Cour de Justice de la République : en finir avec cette exception française ?
« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski
Créée en 1993 pour réinstaurer de la confiance entre les citoyens et ses représentants politiques, la Cour de Justice de la République (CJR) est le seul organisme étatique capable de juger un ministre dans l'exercice de ses fonctions. Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, comparait justement devant cette juridiction pour « prise illégale d'intérêts », depuis le lundi 6 novembre. Pour autant, nombreuses sont les voix qui doutent de la pertinence de cette Cour dont on ne compte que sept jugements et des condamnations légères. Les deux derniers présidents de la République, Emmanuel Macron et François Hollande, ont d'ailleurs exprimé leur volonté de la supprimer. Trente ans après sa création, la Cour de justice de la République a-t-elle encore sa place au sein de la Vème République ?
Invités :
- Christopher Weissberg, député Renaissance des Français établis hors de France
- Benjamin Lucas, député Ecologiste des Yvelines
- Denis Salas, ancien juge, Président de l'association française d'histoire de la justice et essayiste
- Paul Cassia, professeur de droit public à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
GRAND ENTRETIEN / Eugénie Bastié : comment déconstruire les déconstructeurs
Eugénie Bastié utilise l'expression "la dictature des ressentis" pour décrire une société dans laquelle prospère l'idéologie woke, cette idée que seul ce que je ressens comme une souffrance ou une liberté doit compter. Cette pensée, venue d'Amérique, mène la société occidentale vers la décadence, selon l'autrice. Ce recueil de chroniques parues dans le Figaro défend le droit d'entendre une parole qui dérange et la possibilité de parler "franchement, vivement, de tous les sujets". Pour comprendre ce qui nous arrive aujourd'hui, Eugénie Bastié puise dans la littérature du passé. Le wokisme est-il en train de tuer la France ?
Grand témoin : Eugénie Bastié, journaliste au Figaro et autrice de « La dictature des ressentis » (Plon)
LES AFFRANCHIS
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe
- Yaël Goosz, éditorialiste et chef du service politique à France Inter
« Bourbon express » : Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP
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NewsTranscription
00:00 (Générique)
00:06 -Bonsoir et bienvenue.
00:07 Heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde"
00:10 une figure inquiète de la droite conservatrice en France.
00:13 Eugénie Bastier, merci d'être notre grand témoin.
00:15 Cette inquiétude parcourt votre dernier livre,
00:18 "La dictature des ressentis", chez Plon.
00:21 C'est une déconstruction minutieuse
00:23 de ce qu'on appelle la pensée woke
00:25 que vous voyez prendre une ampleur dangereuse dans notre pays.
00:29 On va en parler.
00:30 Le remède, c'est la littérature.
00:32 Des grands écrivains d'hier pour aujourd'hui,
00:35 vous nous direz lesquels tout à l'heure.
00:37 Notre grand débat, ce soir,
00:39 faut-il supprimer la Cour de justice de la République ?
00:42 C'est une situation assez surréaliste.
00:44 Un ministre de la Justice en exercice
00:46 qui se rend à son propre procès.
00:48 Une première, sous la Vème République,
00:51 qui se déroule depuis lundi,
00:52 devant une cour composée de députés,
00:54 des hommes et des femmes politiques
00:56 qui jugent l'un des leurs,
00:58 une situation bien française.
01:00 Faut-il y mettre fin ?
01:01 Nous en débattons dans un instant.
01:03 Enfin, nos affranchis ce soir,
01:05 le parti Prix politique de Yael Ghose,
01:07 le billet philo de Pierre-Henri Tavoyo
01:09 et Bourbon Express, signé Elsa Mondin-Gavin.
01:12 Voilà pour le programme.
01:13 On y va, Eugénie Bastier ?
01:15 Ca vous regarde, c'est maintenant.
01:17 Générique
01:18 ...
01:27 -Eric Dupond-Moretti soupçonnait
01:29 de vouloir régler ses comptes
01:31 avec plusieurs magistrats croisés
01:33 durant sa longue carrière d'avocat
01:35 depuis l'ouverture du procès ce lundi.
01:37 Le malaise est palpable.
01:39 Conflit d'intérêts pour les uns,
01:40 gouvernement des juges pour les autres,
01:43 la neutralité de la cour devant laquelle il est entendu
01:46 est contestée.
01:47 Qu'est-ce qui ne va pas et qu'est-ce qu'il faudrait changer ?
01:50 Bonsoir, Christophe Weisberg.
01:52 Vous êtes député Renaissance des Français
01:55 établi en Amérique du Nord.
01:56 Vous débattez avec Benjamin Lucas.
01:58 Bonsoir.
01:59 Bienvenue, député Europe Ecologie,
02:01 les Verts des Yvelines.
02:03 Bonsoir, Denis Salas.
02:04 Ravis de vous retrouver sur ce plateau.
02:06 Vous êtes magistrat, essayiste
02:08 et vous présidez l'Association française
02:11 pour l'histoire de la justice.
02:12 Votre dernier ouvrage, qui n'a rien à voir avec ce débat,
02:16 "Le déni du viol", chez Michel Ong.
02:18 Enfin, bonsoir, Paul Cassiat.
02:19 Ravis de vous retrouver également.
02:22 Vous êtes professeur de droit public
02:24 à l'université Panthéon-Sorbonne
02:26 de l'association Anticor.
02:27 Vous avez été entendu, mardi dernier,
02:29 comme témoin devant cette cour de justice
02:32 de la République.
02:33 Vous nous direz comment ça s'est passé
02:35 et ce que vous reprochez aux gardes d'Esso.
02:38 Eugénie Bastier, vous intervenez quand vous le souhaitez.
02:41 On va commencer par planter le décor.
02:43 Il est baroque, ce soir, un ministre de la Justice
02:46 devant la justice, le chrono de Blaco.
02:48 (Bruit de clavier)
02:49 Je me retourne pour vous accueillir,
02:51 mon cher Stéphane Blakovski.
02:53 Bonsoir. -Bonsoir, Myrgame.
02:55 Bonsoir à toutes et tous.
02:56 -Alors, ce procès... -Depuis le début de la semaine,
02:59 le ministre de la Justice compare
03:01 devant la cour de justice de la République,
03:03 qui est la seule juré d'élection
03:05 habilitée à juger des ministres
03:07 qui ont commis...
03:09 Qui ont reproche, en tout cas, des délits ou des crimes,
03:12 dans l'exercice de leurs fonctions.
03:14 Je vous fais un petit rappel.
03:16 La CJR, c'est comme ça qu'on l'appelle,
03:18 est composée de 15 juges,
03:20 12 parlementaires,
03:21 donc moitié Sénat, moitié Assemblée nationale,
03:24 et seulement trois magistrats professionnels.
03:27 Je vous connais, Myrgame.
03:29 Vous vous demandez si le ministre peut exercer son métier
03:32 alors qu'il est convoqué à un procès.
03:34 Voici la réponse du ministre.
03:36 -Je me lève très tôt, à 4h du matin,
03:38 5h tous les jours, 5h, quand je fais une grasse matinée.
03:42 Pour signer les paraphores, ça ira très bien.
03:44 -J'espère que vous êtes rassuré. -Oui, impressionné.
03:47 Matin à l'idée.
03:49 -Éric Dupond-Moretti est donc accusé de prise illégale
03:52 d'intérêt. C'est-à-dire qu'on lui reproche
03:55 d'avoir ordonné une enquête administrative
03:57 contre des magistrats du Pôle national financier
04:00 avec qui il était en conflit lorsqu'il était avocat.
04:03 Il leur reprochait de l'avoir espionné
04:05 sur ses communications téléphoniques.
04:08 Donc, en clair, ce qu'on reproche à l'ancien avocat,
04:11 c'est d'avoir profité d'être nommé ministre
04:13 pour régler ses comptes avec des magistrats qu'il n'aimait pas.
04:17 Cela dit, quand on se replonge dans l'affaire,
04:20 on se rend compte qu'on pourrait poser la question inverse.
04:23 Est-ce que ce ne seraient pas les magistrats
04:26 qui auraient tenté de prendre une revanche sur ce ministre ?
04:29 Je vous rappelle qu'une semaine seulement
04:31 d'avoir été nommé garde des Sceaux,
04:33 Eric Dupond-Moretti, fidèle à sa tradition,
04:36 a fait des déclarations tonitruantes
04:38 dans "Le Parisien" où il expliquait qu'en France,
04:41 nous avions basculé dans la République des juges
04:44 et en soulignant que dans notre pays,
04:46 les juges ne sont jamais ou quasiment jamais sanctionnés
04:49 pour leurs erreurs.
04:50 Il citait en exemple l'affaire Doutreau,
04:53 l'un des pires fiascos judiciaires de notre histoire,
04:56 dans laquelle le juge responsable s'était vu infliger
04:59 une réprimande, ce qui est la plus faible sanction possible.
05:03 Résultat, une semaine après cette interview
05:06 quand Eric Dupond-Moretti est nommé garde des Sceaux,
05:09 les syndicats de magistrats voient rouge.
05:11 Ils estiment que c'est une déclaration de guerre
05:14 contre leur profession.
05:16 Ils vont mener une guerre contre le ministre,
05:18 ils vont aller jusqu'à écrire à la Commission européenne
05:22 pour demander la démission du ministre.
05:24 Mais il n'y a pas que les syndicats
05:26 qui sont en guerre contre le ministre.
05:28 Les deux plus hauts magistrats,
05:30 François Moinens et Chantal Arrins,
05:33 ont publié une tribune dans "Le Monde"
05:35 dans laquelle ils reprochaient au ministre
05:37 d'avoir ouvert une enquête contre des magistrats.
05:40 On peut s'interroger sur leur motivation.
05:43 Défendre la justice, j'imagine.
05:45 Mais n'avaient-ils pas de leur côté
05:47 envie de se payer la tête d'un ministre
05:50 qui ne leur revenait pas ?
05:51 Prenons François Moinens.
05:53 On a cru qu'il serait nommé ministre de l'Intérieur,
05:56 ça lui a échappé.
05:57 On a cru qu'il serait nommé ministre de la Justice.
06:00 C'est Eric Dupond-Moretti qui a été nommé.
06:03 Serait-il jaloux ?
06:04 Je ne sais pas, c'est une question que je pose.
06:07 Si les magistrats croyaient obtenir la tête du ministre
06:10 en le mettant en examen, ils se sont trompés.
06:12 Le président de la République a précisé
06:15 qu'il n'avait pas l'intention de leur céder.
06:18 -Quand des syndicats de magistrats
06:20 décident de lancer une procédure
06:22 contre un quart de déceau,
06:23 ils le font dans une instance
06:26 où ils siègent eux-mêmes,
06:29 je considère que je ne rendrai pas service à la démocratie
06:33 en cédant à ce que je ne considère pas
06:36 comme un fonctionnement satisfaisant.
06:38 -Qu'est-ce qui va rester de cette affaire ?
06:41 J'imagine que si le ministre est relaxé,
06:43 on va dire que la justice est laxiste avec les ministres.
06:46 Mais si il est condamné, on va dire
06:48 que les juges décident de tout dans ce pays.
06:51 Je crois que le débat est ouvert.
06:53 -Il est ouvert. C'est un regard de Stéphane Blakowski,
06:56 ce billet, ce soir.
06:57 Christophe Weisberg, je commence avec vous.
07:00 Vous connaissez bien les Etats-Unis.
07:02 Vous êtes le député des Français qui habitent là-bas.
07:05 C'est une grande démocratie.
07:07 Pensez-vous une seule seconde que cette situation,
07:10 un ministre de la Justice en exercice
07:12 son propre procès, puisse être possible
07:16 dans un pays comme celui-là ?
07:18 -Aux Etats-Unis, il voulait dire.
07:20 C'est un bon exemple.
07:21 On parle de la responsabilité d'un dirigeant
07:24 quand il est au pouvoir.
07:25 Aux Etats-Unis, il y a une procédure politique,
07:28 la procédure d'impeachment.
07:30 -C'est pour les présidents.
07:31 -Pour les présidents.
07:33 -Là, on parle des ministres.
07:35 -N'importe quel haut fonctionnaire,
07:37 n'importe quel institut, n'importe quel ministre
07:40 peut faire preuve d'impeachment.
07:42 C'est une manière de disqualifier
07:44 dans un procès politique.
07:45 Donc, évidemment, c'est très difficile
07:48 de juger des gens qui sont en responsabilité.
07:51 Moi, je trouve, et le débat est ouvert,
07:53 que cette Cour de justice, c'est une réponse à la française.
07:56 Il n'y a pas de réponse parfaite.
07:58 -Ca veut dire quoi, une réponse à la française ?
08:01 -On met trois magistrats, des députés d'opposition,
08:04 il y a huit députés d'opposition et quatre de la majorité.
08:08 Il y a Danielle Obono, dont on ne peut pas dire
08:11 dans le détail, à la composition.
08:12 Et donc, il y a, quand on regarde la composition,
08:15 objectivement, plus de gens qui ne sont pas acquis
08:18 à la cause du ministre que le contraire.
08:20 -On la voit bien à l'antenne.
08:22 -Il y a toujours eu des débats sur réformer cette Cour.
08:25 -Cinq députés de la majorité.
08:27 -Ca n'est jamais un débat qui est facile à trancher,
08:30 puisque, comme toujours, quand on est en responsabilité,
08:34 on prend des décisions, et ces décisions peuvent être
08:37 toujours attaquées et condamnées.
08:39 -Ca, c'est une question importante.
08:41 Certains réclamaient, au moins,
08:43 sa démission, qu'il se mette en retrait
08:45 les quelques jours de son procès.
08:47 Là, il dit "je suis matinale,
08:49 "je signe mes paraffers à 4h du matin".
08:51 Est-ce que ça donne une bonne image ?
08:54 Je parle un peu de l'éthique,
08:56 ce n'est pas uniquement la question légale qui se pose.
08:59 Est-ce qu'on a l'impression d'un abandon de poste ?
09:02 Comment tenir la place Vendôme dans ces conditions ?
09:05 -Le procès est court.
09:07 Ce n'est pas un procès qui va durer des mois ou des années,
09:10 donc c'est une période très spécifique.
09:12 Évidemment, le faire, le sortir de ses fonctions,
09:15 déjà, ça mettrait aussi un peu à risque la fonction,
09:18 car c'est le garde des Sceaux qui gère les dossiers.
09:21 -Il faut quelqu'un pour l'occuper.
09:23 -Je suppose qu'il y aurait des candidats
09:25 à être mis de la justice chez les macronistes.
09:28 -Ca dépend. Vous parlez d'émettre quelqu'un.
09:31 Là, ce serait contraire à sa présomption d'innocence.
09:34 Il va admettre dès le départ qu'il ne peut pas être en fonction
09:37 puisqu'il est coupable.
09:39 Je ne trouve pas que sur une période aussi courte,
09:41 ça comporte un risque pour la justice.
09:44 -Je vais tourner la parole,
09:45 vous avez parlé de la présomption d'innocence.
09:48 Il y a un changement de jurisprudence
09:50 d'Emmanuel Macron.
09:51 En 2017, après l'affaire Fillon,
09:53 Emmanuel Macron promet la République exemplaire
09:56 et édicte la règle baladure simple,
09:58 mise en examen, égal, démission, sortie du gouvernement.
10:02 Et puis là, c'est l'inverse qui se passe.
10:04 Est-ce qu'il n'y a pas un problème,
10:06 pour simplement la compréhension des Français ?
10:09 Pourquoi il change d'avis ?
10:11 -Depuis le début,
10:13 depuis le premier jour où ce ministre a été nommé,
10:16 il y a un risque qu'il soit attaqué en justice
10:19 par la corporation sur laquelle il est censé travailler.
10:24 -Représenté. -Représenté.
10:26 Depuis le début, on le sait, il y avait ce risque très fort.
10:29 Ce qu'avait dit le président de la République,
10:32 c'était céder à un chantage.
10:33 Si on n'acceptait pas que cet homme,
10:36 qui a sa carrière derrière lui,
10:38 pour prouver qu'il est légitime pour avoir ses fonctions,
10:41 si on avait décidé dès le début qu'il serait attaqué
10:44 par la magistrature, il fallait pas qu'il prenne la fonction.
10:47 Ca n'a pas été fait.
10:49 -Il y a un cas du pomorétis spécifique.
10:51 -C'est pas quelqu'un pour l'anglaiser.
10:53 -Qu'est-ce qui vous inspire ?
10:55 C'est drôle, parce qu'en même temps,
10:57 le cas de l'anglais, c'est celui de François Bayrou,
11:00 qui lui-même était garde des Sceaux,
11:03 qui est sorti et qui a décidé de partir pour se défendre
11:06 pour des raisons éthiques.
11:07 Son procès pour des affaires d'assistant parlementaire
11:11 avec des soupçons de détournement sont en ce moment.
11:14 Pour vous, il y a deux poids, deux mesures ?
11:16 -Être ministre de la République, c'est pas un droit.
11:19 La présomption d'innocence n'est pas en cause.
11:22 J'appelle à ce qu'Eric Dupond-Moretti
11:24 quitte ses fonctions.
11:25 Je préjuge absolument pas ni du fond du dossier
11:28 sur lequel je n'ai pas à m'exprimer, ni de ce qui sera décidé.
11:31 Quand on a l'honneur d'être ministre de la République,
11:34 vous succédez à Robert Banninter,
11:36 c'est pas rien dans ce qu'est notre République.
11:39 Vous avez le devoir d'être totalement à votre tâche
11:42 et qu'il n'y ait pas le risque d'une suspicion sur votre probité.
11:46 C'est ce qui avait conduit Emmanuel Macron
11:48 à juste titre dans la campagne de 2017,
11:50 à dire qu'un ministre mis en examen ne pourra pas rester ministre.
11:54 On peut pas le passer à d'autres.
11:56 Être ministre de la République, c'est pas un droit.
11:59 On a un personnel politique, un personnel judiciaire
12:02 qui est suffisamment fourni pour qu'on soit capable,
12:05 même si plus grand monde veut entrer dans les gouvernements,
12:09 de trouver un nouveau garde-d'essau.
12:11 Aujourd'hui, on a un ministre de la Justice
12:13 qui est jugé dans le cadre d'une cour de justice,
12:16 qui est une forme d'anomalie institutionnelle.
12:19 Il y a un procureur dont il est le supérieur
12:22 et qu'il a nommé lui-même.
12:24 -C'est le chef des magistrats, des procureurs,
12:26 qui l'accuse dans ce procès.
12:28 -On est dans un moment où la démocratie ne va pas bien,
12:31 où beaucoup de nos compatriotes s'interrogent
12:33 sur la vitalité de notre démocratie,
12:36 où le pays est en tension.
12:37 On a une tension, j'ai pas besoin de la décrire,
12:40 dans le pays, une menace terroriste,
12:42 un contexte international qui fait que les gens sont angoissés.
12:46 On a besoin que le gouvernement puisse faire son travail.
12:49 Je veux qu'il puisse conduire sa politique
12:52 dans une bonne condition.
12:53 Le ministre de la Justice n'est pas en situation de le faire.
12:57 Le président de la République doit choisir
12:59 entre préserver son clan et l'intérêt général.
13:02 -Il préserve son clan ?
13:03 -On l'a vu sur Benalla, sur l'affaire Kohler,
13:06 sur un certain nombre de sujets.
13:08 Avec M. Bayrou, il avait eu la main beaucoup plus lourde
13:11 et il avait eu raison de le faire.
13:13 -François Bayrou dit que c'est lui qui a voulu démissionner
13:16 de son chef.
13:17 -Il faut bien comprendre,
13:19 l'affaire est très complexe, mais il faut bien comprendre
13:22 qu'il est jugé pour conflit d'intérêts avec des juges
13:25 et des procureurs qu'il a lui-même nommés.
13:27 C'est ça, la configuration, et c'est totalement inédit
13:30 sur la cinquième.
13:32 -Totalement.
13:33 Non seulement il est le supérieur hiérarchique du procureur
13:37 qui tient la barre du mystère public à l'audience,
13:40 mais également des juges eux-mêmes,
13:42 dont il maîtrise les décrets de nomination.
13:45 Donc il y a une sorte de regard un peu comme ça paradoxal
13:49 sur une juridiction où il est à la fois
13:53 en position de domination statutaire
13:56 et en même temps de prévenu.
13:58 La deuxième chose qu'il faut souligner
14:01 dans cette juridiction extrêmement curieuse,
14:03 c'est l'absence de partis civils,
14:05 parce qu'effectivement, ceux qui sont à l'origine
14:08 de la plainte, les syndicats de magistrats
14:11 et l'association Andy Corp, ne sont pas présents à l'audience.
14:14 Paul Kassia n'a été là que comme témoin.
14:17 -C'est ça, parce que les partis civils,
14:19 dans un procès classique, ce sont eux qui portent l'accusation,
14:23 souvent même plus fortement que le mystère public.
14:26 -Exactement. -Les procureurs.
14:27 -Qui portent les questions les plus inconfortables
14:30 pour le ministre.
14:31 La troisième chose qu'il faut souligner,
14:34 c'est comment ça démarre, cette affaire-là.
14:36 Le ministre se plaint d'une accusation scandaleuse,
14:40 une ignominie ou une infamie, etc.
14:42 Donc on a le sentiment, si vous voulez,
14:45 qu'on a face à face deux adversaires
14:48 dont chacun veut emporter la victoire.
14:50 Je trouve que c'est dommage d'en arriver là,
14:53 parce qu'on a besoin de savoir la vérité.
14:55 On n'a pas besoin de savoir qui va gagner.
14:57 -Dans une tribune au Monde,
14:59 vous doutez de l'apport du procès d'Eric Dupond-Moretti
15:02 au débat sur la responsabilité des gouvernants.
15:05 -Oui, absolument. -La justice sera la perdante ?
15:08 -Ecoutez, là, pour le moment, ça me semble très largement le cas.
15:12 La juridiction en elle-même est minée, elle-même,
15:16 par des conflits d'intérêts dont on vient de parler.
15:20 Le ministre, lui-même, considère sa position
15:23 comme une position de combattant
15:25 par rapport à un corps judiciaire qui le menace.
15:28 Je rappelle quand même, un, que le conflit d'intérêts,
15:31 c'est la loi, et que les juges appliquent la loi.
15:33 Ils considèrent que le conflit d'intérêts est ici
15:36 et ne font qu'appliquer la loi.
15:38 Le ministre, de son côté, décide de son propre chef,
15:41 de sa propre volonté, de sa propre initiative,
15:43 de les poursuivre par une enquête prédisciplinaire.
15:46 D'un côté, il y a l'application de la loi,
15:49 de l'autre, un choix individuel. -Paul Cassiat,
15:51 vous avez été témoin pour Anticor, mardi,
15:54 à ce procès, à défaut de pouvoir être parti civil,
15:57 si je comprends bien. Comment ça se déroule, concrètement,
16:00 et qu'est-ce que vous avez expliqué dans cette cour,
16:03 qui est publique, les journalistes ont pu,
16:05 comme dans tous les tribunaux, suivre les audiences.
16:09 -Anticor, c'est une association créée en 2002
16:11 pour favoriser l'éthique publique.
16:13 Anticor, dans cette affaire, est la première
16:16 à avoir déposé plainte, avant les syndicats de magistrats.
16:19 Ce n'est pas une affaire qui concerne les rapports
16:22 entre le garde des Sceaux et les magistrats.
16:24 Nous avons déposé plainte le 6 octobre 2020,
16:27 les magistrats ont déposé plainte en décembre 2020.
16:30 Ensuite, c'est vrai que la juridiction est particulière,
16:33 alors que, pour revenir sur ce qu'a dit le député,
16:36 ce qui est en cause, ce n'est pas l'impeachment du ministre,
16:39 c'est simplement le fait qu'il a commis,
16:42 il peut avoir commis, un délit pénal de droit commun.
16:45 C'est ça, le paradoxe, c'est qu'on est devant
16:47 une juridiction spécifique pour un délit ordinaire.
16:50 -On y va tout de suite. On va regarder dans le détail
16:53 comment est composée cette juridiction,
16:55 pas comme les autres. Le fonctionnement
16:58 de la Cour de justice de la République,
17:00 c'est signé Marco Pomier.
17:02 Musique douce
17:04 -Comment est composée la CGR ?
17:06 -Ils sont 15 juges.
17:08 Trois sont magistrats à la Cour de cassation,
17:11 élus pour trois ans par leur père.
17:13 L'un d'eux préside la CGR, Dominique Pote,
17:16 depuis 2019.
17:18 Les 12 autres membres sont des juges parlementaires,
17:21 six sénateurs, six députés, élus à chaque renouvellement
17:24 de l'Assemblée et du Sénat.
17:26 -Quel est son rôle ?
17:28 -Sa fonction est de juger les membres du gouvernement,
17:31 Premier ministre compris,
17:33 pour des actes commis dans l'exercice de leur fonction.
17:36 -Comment ça marche ?
17:38 -Toute personne, française ou étrangère,
17:40 peut saisir la CGR.
17:41 Les plaintes individuelles
17:43 sont d'abord filtrées par plusieurs magistrats.
17:46 Aucune constitution parti-civil n'est possible.
17:49 A la fin d'un procès, les 15 juges de l'instance
17:52 votent à bulletin secret et à la majorité absolue
17:55 sur la culpabilité du prévenu, sur la peine infligée aussi.
17:59 Seul recours possible pour un condamné
18:02 le pourvoit en cassation.
18:03 -Quelles affaires jugées par la CGR ?
18:06 -Huit ministres et trois secrétaires d'Etat
18:09 ont déjà été jugés par l'institution.
18:11 L'affaire la plus emblématique, celle du sang contaminé.
18:15 1999, Laurent Fabius, Premier ministre à l'époque des faits,
18:19 est relaxé.
18:21 Son ex-secrétaire d'Etat, lui, est reconnu coupable,
18:24 condamné, mais dispensé de peine,
18:26 tout comme Christine Lagarde en 2016.
18:29 -Un petit mot ? -Pas ici.
18:31 -Coupable de négligence pour sa gestion de l'arbitrage
18:34 entre Bernard Tapie et le crédit Lyonnais,
18:37 la CGR, décriée pour la clémence de certains verdicts
18:40 et la partialité des juges,
18:42 symbole aussi pour certains d'une justice d'exception
18:45 à deux vitesses.
18:47 François Hollande avait promis de la supprimer,
18:49 Emmanuel Macron aussi,
18:51 mais aucun n'a réussi à réviser la Constitution.
18:54 -Paul Cassiat, je vous redonne la parole.
18:57 5 sur 12 députés, membres de cette...
19:00 Parlementaires, membres de cette CGR,
19:03 cour de justice de la République, appartiennent à la majorité.
19:06 Est-ce que, pour vous, ça crée d'emblée
19:09 un soupçon de partialité, même s'ils prêtent serment ?
19:12 -Ils prêtent serment. Ils et elles ont des habits de juge.
19:15 Quand on les voit, on pense qu'on a affaire
19:18 à des vrais magistrats ou magistrates.
19:20 Ce qui pose problème, c'est pas qu'il y ait 5 parlementaires
19:24 qui soient favorables aux ministres.
19:26 Le problème, c'est qu'il y ait 12 parlementaires
19:29 qui ont une opinion préconçue, un préjugé sur le ministre.
19:32 Qu'il soit favorable ou défavorable,
19:34 ça n'a pas d'importance. Ce qui est gênant
19:37 et inadmissible devant une juridiction ordinaire,
19:39 c'est qu'il y ait un préjugé politique, quel qu'il soit.
19:43 C'est inacceptable, inédit.
19:44 Il n'y a pas d'autre cour en France, pas d'autre juridiction
19:48 où un tel préjugé est admis.
19:50 Il est inhérent au fonctionnement de la cour.
19:52 C'est inacceptable. -Il faut la supprimer ?
19:55 -C'est inacceptable. -La remplacer ?
19:57 -Il y a, par construction, un vice
20:00 dans la neutralité de cette juridiction.
20:02 Il faut réformer la cour, ça vient d'être dit par le reportage.
20:06 Cette réforme est envisagée de manière consensuelle depuis 2012.
20:09 Elle n'a jamais été mise en oeuvre. -Pourquoi ?
20:12 Pourquoi chaque président promet sa suppression, sa réforme ?
20:15 Pourquoi il ne le fait pas ? Denis Salas ?
20:17 -Parce qu'il y a, dans notre culture politique,
20:20 c'est très ancien,
20:23 une image de la souveraineté parlementaire
20:25 qui a beaucoup de mal à accepter un contrat sur elle-même.
20:28 La haute cour, qui était la figure antérieure
20:31 à la cour de justice de la République,
20:33 n'a jamais fonctionné, parce que le parlementaire
20:36 s'estimait souverain dans son comportement.
20:39 Il récusait toute forme de contrôle.
20:41 Et la CJR retrouve, en quelque sorte,
20:44 ce sentiment de souveraineté sans contrôle,
20:47 sans acceptation de contrôle,
20:49 qui se perpétue, finalement, à travers les agents.
20:52 Il y a une question de culture politique.
20:54 -Culture politique ou, comment dire,
20:56 concurrence de légitimité ?
20:58 -Oui. -Souveraineté populaire
21:00 contre souveraineté judiciaire.
21:02 -Je pense que c'est le... -Séparation des pouvoirs.
21:05 -C'est le coeur du problème.
21:07 D'un côté, vous avez ce que portent les magistrats,
21:10 une culture du droit, de l'application de la loi,
21:13 qu'eux-mêmes mettent en oeuvre dans cette réforme,
21:16 dans cette cour, et de l'autre, la culture politique,
21:19 qui ignore très souvent,
21:20 par méconnaissance, le fonctionnement de la loi,
21:24 de la justice, de son déroulement et de son application.
21:28 -Christopher Feisberg, c'est la nature même
21:31 de cette cour et de sa composition
21:34 qui pose problème, qui jette le soupçon.
21:37 Faut-il la changer ?
21:39 -Evidemment, on pourrait l'améliorer.
21:41 Ca demande une réforme constitutionnelle,
21:44 et par principe... -Ca prend du temps.
21:46 -Ca prend toujours du temps.
21:48 -Avec une majorité difficile à trouver.
21:50 C'est un débat qui est d'ailleurs actuel, alors pourquoi pas ?
21:53 Mais encore une fois, il faut se rendre compte
21:56 de la spécificité de juger des actes
21:58 liés à l'exercice du pouvoir, de l'Etat.
22:01 On a Edouard Philippe,
22:02 qui a été Premier ministre pendant le Covid.
22:04 On a Olivier Véran, ministre de la Santé pendant le Covid.
22:08 -Agnès Buzyn aussi. -Oui.
22:09 -Elle a tendu devant la cour.
22:11 -On se rend compte que dans un moment de crise
22:14 comme ce qu'on a vécu pendant le Covid,
22:16 avec des choses exceptionnelles...
22:18 -C'est une responsabilité pénale qui se substitue
22:21 à la responsabilité politique ?
22:23 C'est d'abord une responsabilité politique
22:26 devant les électeurs, qui devrait être la première légitime ?
22:29 -Je dis pas forcément que ça.
22:31 Quand on est dans l'exercice du pouvoir,
22:33 on prend des décisions qui dépassent
22:35 le simple fonctionnement individuel de ce que l'on fait.
22:39 -Ca, c'est les risques du métier.
22:41 -Il faut aussi protéger la décision politique.
22:43 Le risque, c'est que si on met dans une cour de droit commun
22:47 n'importe quel fait le risque,
22:49 plus personne ne prenne de décision,
22:51 plus personne ne prenne le risque...
22:53 -Le risque pénal qui tétanise les élus.
22:56 -La question du Covid était particulière
22:58 car elle était exceptionnelle
23:00 et que personne n'a fait les choses parfaitement.
23:03 Partout dans le monde, chacun pourrait être repris.
23:06 Le risque, c'est que face à une juridiction de droit commun,
23:09 tout le monde soit logé à la même enseigne
23:12 et qu'on ne prend pas en considération
23:14 les risques inhérents de la prise du pouvoir.
23:17 -Eugénie Bastier ?
23:18 -Juste quelques choses.
23:19 Je trouvais que la politique du Covid menée par le gouvernement
23:23 était aberrante, mais je trouvais scandaleux
23:26 que la CJR fasse faire une perquisition des ministres.
23:29 C'est contraire à tout exercice de politique.
23:31 On parle de l'irresponsabilité des politiques,
23:34 mais précisément la question que soulevait Dupond-Mériti,
23:37 c'est celle de l'irresponsabilité des juges.
23:40 Qui contrôle les politiques ?
23:42 Beaucoup, mais personne ne les contrôle.
23:45 Qui jugera les juges ? C'est une vraie question.
23:47 Je trouve que le politique en France,
23:49 ce n'est pas Goliath, c'est Gulliver.
23:52 Il est entravé en permanence par les juges,
23:54 il est sans cesse remis en question.
23:56 Le nombre de démissions en cascade...
23:59 -On va voir le magistrat qui se sent acquisé.
24:01 -M. Collère est toujours secrétaire général de l'Elysée,
24:04 M. Dupond-Mériti est toujours ministre de la Justice.
24:08 Si les juges entravent le pouvoir politique,
24:10 ils ne sont pas très efficaces.
24:12 -Nous ne parlons pas de la surinterprétation
24:15 d'Etat de droit. -Je partage l'idée...
24:17 -B. Maluca, D. Salas, juste après.
24:19 -Il faut des gardes fous.
24:21 Le Conseil d'Etat va formuler une juridiction spécialisée,
24:24 mais on ne peut pas continuer avec cet anachronisme
24:27 qu'est la Cour de justice de la République.
24:29 Vous avez rappelé sa composition.
24:31 On a besoin aussi que nos compatriotes
24:34 soient rassurés dans l'exercice des décisions de justice.
24:37 Je suis pour qu'on mette des gardes fous.
24:39 Il faut pas entraver la décision politique,
24:42 mais on doit être capable, dans une démocratie adulte,
24:45 de ne pas perpétuer des schémas qui datent d'une époque
24:48 où il y avait une moindre vigilance de transparence.
24:51 -Sur l'accusation sur les juges...
24:53 -C'est bien qu'il y en ait plus.
24:54 -Ca me fait sourire, votre affirmation,
24:57 parce qu'il y a un corps d'inspection
24:59 qui a mobilisé M. Dupond-Mériti,
25:01 un Conseil supérieur de la magistrature
25:03 qui assure le contrôle disciplinaire des juges,
25:06 qui rend un rapport annuel,
25:08 qui est un fonction d'innocence.
25:10 Un magistrat qui est confronté à un délit,
25:12 quel qu'il soit, dans l'exercice de ses fonctions,
25:15 il est présumé innocent, mais suspendu par le Conseil.
25:18 Il n'est pas du tout dans une impunité.
25:21 Il est suspendu et il y a une procédure
25:23 d'interdiction temporaire où, pendant qu'il est mis en examen,
25:26 au même moment où il l'est, il est en dehors de ses fonctions.
25:30 Le ministre a un privilège extraordinaire
25:32 par rapport à ses magistrats.
25:34 Il reste en fonction, alors que le magistrat doit quitter
25:38 le Conseil. -C'est un chantage.
25:40 -Je voudrais qu'on précise aussi une chose
25:42 qui rend encore plus compliqué l'histoire,
25:44 où tout le monde se tient par la barbichette.
25:47 S'il est condamné, Eric Dupond-Mériti
25:49 quittera le gouvernement.
25:51 Il s'y est engagé, c'est ce qu'il a dit.
25:53 Ca rend encore plus compliqué cette affaire,
25:56 puisque tout le monde le sait dans cette cour.
25:59 C'est une donne qu'il faut prendre en compte.
26:01 -On a déjà vu des engagements qui n'ont pas été respectés.
26:05 -Dupond-Mériti s'était engagé à ne venir jamais ministre.
26:08 -Ca peut influencer aussi cette cour.
26:10 -C'est quand même curieux qu'on soit passé
26:13 du procès de la CGR au procès des magistrats.
26:15 -C'est un débat.
26:16 -S'agissant de la CGR, il est évidemment très important
26:20 de laisser les ministres et les secrétaires d'Etat
26:23 exercer leurs fonctions.
26:24 Il n'est pas question que tout un chacun puisse à tout moment
26:28 saisir le juge ordinaire pour empêcher
26:30 un gouvernement de fonctionner.
26:32 C'est pourquoi les projets de réforme
26:34 qui avaient été présentés en 2012 et en 2017
26:37 prévoyaient que les ministres pouvaient être jugés
26:40 par la juridiction ordinaire, mais...
26:42 -Pour tous les faits ? -Bien évidemment.
26:44 Mais avec un filtre préalable pour éviter que n'importe qui
26:48 puisse saisir à n'importe quel moment un juge
26:50 pour empêcher l'action ministère de se dérouler.
26:53 Comme il en existe aujourd'hui devant la CGR.
26:56 -Il y a déjà des procédures judiciaires
26:58 en amont de l'arrivée devant cette cour.
27:00 -Bien évidemment. Ces filtres-là doivent être transposés...
27:04 -Commission des requêtes. -Absolument.
27:06 Ce même filtre doit être transposé devant le juge ordinaire.
27:09 Ce qui est important, c'est qu'il n'y ait pas de jugement
27:12 par un entre-soi. C'est très...
27:14 C'est inconfortable, je le dis comme témoin,
27:17 de rentrer dans une salle d'audience
27:19 et de voir un prévenu qui garde des seaux
27:21 avec son ancien subordonné d'un côté
27:23 et des hommes et des femmes politiques de l'autre
27:26 qu'il connaît, qu'il fréquente.
27:28 -Benjamin Lucard, est-ce qu'une réforme de cette cour,
27:32 en ramenant, on va dire, le ministre ou l'ex-ministre
27:36 pour des faits durant son exercice
27:39 devant une cour classique de justiciables,
27:42 mais avec un filtre, ça vous conviendrait ?
27:44 -Il faut en discuter. -Vous pourriez signer
27:46 un projet de loi ? -On n'aurait pas la même problématique
27:50 si vous dites que les gens qui le jugent
27:52 savent qu'ils ont aussi son avenir politique.
27:54 J'aurais aimé, par sa démission,
27:56 que les gens prennent ces responsabilités,
27:59 qu'il n'est qu'à juger Eric Dupond-Moretti.
28:01 Je ne suis pas juriste, et il y en a ici qui le sont,
28:04 mais je suis un responsable politique
28:06 et je regarde ce qui se raconte politiquement.
28:09 Quand on reprend des argumentaires qu'on entend
28:11 chez M. Trump, chez M. Bolsonaro,
28:13 chez M. Orban pour dénoncer le gouvernement des juges,
28:16 ou jadis chez M. Berlusconi ou M. Sarkozy,
28:19 de la part de ceux qui se sont érigés
28:21 comme le temple du progressisme, le camp de la raison, etc.,
28:24 on est dans une espèce de dérive dangereuse
28:27 qui prépare le fait que demain,
28:29 une extrême droite au pouvoir pourra s'en prendre à la justice,
28:32 qui est un fondement de notre démocratie.
28:34 -Donald Trump, la grande différence,
28:37 c'est qu'il remet en question la décision de la justice.
28:40 C'est pas ce que dit Eric Dupond-Moretti.
28:43 Il dit que s'il est condamné, il quittera ses fonctions.
28:46 Vous allez parler de Bolsonaro et de Trump
28:48 comme il y en a des gens qui ont décidé,
28:51 quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe...
28:53 -Vraiment, je vois une différence.
28:55 Il y a un procès, et ce procès, considérons qu'il est équitable,
28:59 car les partis ne sont pas des partis prenants
29:01 avec des visions impartiales.
29:03 -Pour terminer, cette question,
29:05 est-ce que le problème ne vient pas d'Emmanuel Macron,
29:08 qui a choisi Eric Dupond-Moretti, qui est en guerre,
29:11 il faut le dire, c'est vrai, avec les magistrats,
29:14 depuis toujours, et encore plus depuis qu'il est gardé sauve,
29:17 et choisit de le maintenir au gouvernement ?
29:19 Est-ce que c'est pas ça, le péché originel ?
29:22 -Il a mis au premier plan la passion politique.
29:25 Du coup, ce que vous appelez le filtre,
29:27 j'appelle ça les institutions,
29:29 ont été étranglées, parasitées par ces passions.
29:31 D'un côté, la passion du ministre,
29:33 qui est en vœu aux magistrats,
29:35 de l'autre, les magistrats, qui ont aussi leur syndicat,
29:38 qui ont dit que c'est une déclaration de guerre.
29:41 Je trouve qu'il est très important, pour la démocratie,
29:44 comme vous l'avez dit,
29:46 de mettre, pour faire l'économie de ces passions,
29:49 pour les atténuer, les modérer, d'introduire du droit,
29:52 de faire jouer les institutions,
29:54 qui vont filtrer les passions politiques
29:56 et qui vont permettre, peu à peu, d'acheminer
29:59 ce que nous attendons, la vérité,
30:01 dans le conflit d'intérêts.
30:02 C'est la commission d'instruction et le jugement final,
30:06 avec ses réquisitions et sa motivation.
30:08 -On dépassionne, on fait tomber un peu le niveau de tension,
30:11 ramène la raison, peut-être que, voilà,
30:14 on trouve le début d'un changement,
30:16 d'une réforme possible, même si ça prendra du temps.
30:19 -M. Lucas... -On relance pas le débat.
30:21 Je dis simplement, par rapport à cette accusation,
30:24 qu'il n'aurait pas fallu choisir dès le début.
30:27 Il est très virulent contre la police.
30:29 -Je peux pas vous permettre d'affirmer ça.
30:31 -Vous allez où ? C'est la fin du débat.
30:34 -Je dis simplement... -Je suis pas virulent
30:36 contre la police. -Si des syndicats de police,
30:39 si vous arrivez aux responsabilités,
30:41 vous disqualifiez de devenir ministre d'Intérieur,
30:44 ça poserait un problème politique.
30:46 Vous avez le droit d'avoir des positions critiques
30:49 et d'aspirer au pouvoir.
30:50 -On a compris où vous voulez l'emmener.
30:52 Continuez, si vous le voulez, dans les coulisses.
30:55 Nous, on va s'arrêter là,
30:57 parce qu'on a envie de parler du livre de Génie Bastiez.
31:00 Merci, messieurs. C'était passionnant.
31:02 C'était important d'avoir ici, sur la chaîne parlementaire,
31:05 un tel débat. Vous restez avec moi, Génie Bastiez,
31:08 dans une dizaine de minutes, les partis pris de nos affranchis.
31:12 Ce soir, Yael Ghos s'interroge.
31:14 Le président doit-il marcher ce dimanche
31:16 contre l'antisémitisme ? Le RN, qui sera dans le cortège,
31:19 ou encore un parti d'extrême droite ?
31:21 C'est la question de Pierre-Henri Tavoyau.
31:24 Vous, Elsa et mon dingava, de quoi nous parlez-vous ?
31:27 -De la loi Immigration.
31:28 On va décrypter la version du Sénat
31:30 et se projeter sur les débats.
31:32 -A tout à l'heure, les amis.
31:34 D'abord, on se plonge dans votre livre, Génie Bastiez,
31:37 "La dictature des ressentis", chez Plon.
31:39 "Ca n'est pas une menace", nous dites-vous.
31:42 "Elle est déjà là. Dis-moi ce que tu ressens,
31:44 "de quoi tu souffres, je te dirai qui tu es."
31:47 Comment peux-tu s'opposer sans s'offenser ?
31:49 C'est dans "L'invitation" de Marco Pomier.
31:52 On en parle après.
31:53 -Si on vous invite, Eugénie Bastiez,
31:57 c'est parce que vous lancez un SOS,
31:59 il faut sauver la liberté de penser.
32:01 A l'heure de la dictature des ressentis, dites-vous,
32:05 dans ce monde où tout reposerait sur l'émotion,
32:08 l'image, la vitesse et la culture du moi-jeu,
32:11 chacun se replie sur soi, sur son vécu,
32:14 résultat, selon vous, c'est la porte ouverte au sectarisme,
32:18 à vous entendre, on ne peut plus débattre avec n'importe qui.
32:22 -Discuter, avoir une conversation, débattre,
32:24 c'est accepter l'idée de pouvoir être dérangée
32:27 dans ses convictions.
32:28 -Jeune pousse de la droite conservatrice pour certains,
32:31 réac et fille spirituelle d'Éric Zemmour pour d'autres.
32:34 -Je l'assume totalement, je suis conservatrice.
32:37 -Votre parcours a été fulgurant, Eugénie Bastiez.
32:40 À seulement 24 ans, vous entrez au Figaro,
32:43 éditorialiste, essayiste,
32:45 dans vos livres comme dans vos chroniques,
32:48 des opinions tranchées, souvent clivantes,
32:50 mais assumées, antilibérales,
32:52 contre l'avortement et le mariage gay,
32:54 jugées antiféministes aussi
32:56 pour vos prises de position polémiques
32:59 sur le mouvement #MeToo.
33:00 -Je m'irrige contre la victimisation excessive
33:04 en disant "la main aux fesses n'a jamais tué personne".
33:07 -C'est vrai ? -Oui, c'est vrai.
33:09 -Vous n'avez pas la langue dans votre poche,
33:12 votre dernier ouvrage en témoigne,
33:14 deux années de pensée intellectuelle compilée
33:17 et des coups de gueule pour alerter
33:19 sur le grand renoncement face à l'immigration,
33:22 pour s'offusquer de la mcdonnalisation
33:24 de l'éducation nationale,
33:26 qui placerait l'identité des élèves sur un piédestal,
33:29 pour fustiger aussi le "deliruok",
33:32 une hérésie de la religion du progrès, d'après vous.
33:35 Alors, pour déconstruire les déconstructeurs,
33:38 vous invoquez des contemporains à contre-courant,
33:41 Alain Finkielkraut, Michel Houellebecq, Hubert Védrine,
33:44 sans oublier les écrivains d'hier,
33:47 Montaigne, Camus, Bernanos.
33:49 Alors, Eugénie Bastier, si l'idéologie woke
33:52 est avant tout anglo-saxonne,
33:54 ne surestimez-vous pas son ampleur en France ?
33:57 -Réponse.
33:59 Je pense qu'il y a une différence
34:01 entre la France et les Etats-Unis, sur ce plan-là,
34:04 parce que, justement, je parle de la dictature des ressentis,
34:08 de ce culte de l'émotion,
34:09 de l'idée que les opinions deviennent des blessures,
34:12 et je pense qu'en France, on a un certain nombre d'antidotes à ça,
34:16 et puis, on est pays de la raison,
34:18 on adore les débats,
34:19 alors c'est sûr qu'on aime beaucoup s'écharper
34:22 pour des mots, etc.,
34:23 mais on arrive peut-être plus à mettre à distance l'émotion,
34:26 le témoignage... -La raison.
34:28 -On est un pays de l'abstraction,
34:30 on aime les mots, liberté, égalité, laïcité.
34:33 -Il ne se passe plus un jour
34:34 sans que le militantisme woke ne fasse l'actualité.
34:37 On en est là ?
34:39 -Oui, c'est vrai, on le voit encore ces jours-ci,
34:41 je trouve, sur le conflit israélo-palestinien,
34:44 les échos woke qu'on voit tous les jours,
34:46 la manière dont c'est récupéré par le wokisme sur les campus.
34:50 -Justement, puisque vous en parlez,
34:52 je voulais vous en parler un peu plus tard,
34:54 mais puisque vous en parlez, c'est impressionnant, même.
34:58 Harvard, seul le régime d'apartheid d'Israël
35:01 est en faute dans les massacres du 7 octobre,
35:04 Columbia, la résistance à l'occupation des terres
35:07 justifie tout, même les massacres,
35:10 et l'université de Virginie,
35:11 mais j'en ai pris quelques-unes, seulement,
35:14 une étape vers la libération de la Palestine.
35:17 Est-ce que c'est une forme de lecture woke
35:21 de ce qui se passe entre Israël et le Hamas,
35:24 aujourd'hui, qui est à l'oeuvre
35:26 dans les grandes universités d'élite aux Etats-Unis ?
35:29 -Vous avez deux phénomènes.
35:31 On voit dans ces manifestations des manifestations d'islamisme,
35:34 à travers les slogans à la Wackbar,
35:36 des drapeaux de Daesh en Allemagne,
35:38 et on voit des manifestations de ce qu'on appelle le wokisme
35:42 qui récupèrent cette cause
35:44 et qui le fait parce que, au nom de quoi ?
35:46 C'est un grand lien avec la dictature des ressentis.
35:49 Le wokisme, c'est l'idée que quand on appartient à une communauté,
35:52 on est coupable ou victime.
35:54 -Dominant ou dominé. -Dominant ou dominé.
35:56 Dans l'imaginaire woke, les Israéliens, les Juifs,
35:59 appartiennent au camp des dominants.
36:01 Ils sont moins considérés comme Juifs que comme Blancs.
36:04 -Parce que ce gouvernement colonise.
36:07 -On réduit Israël à un Etat colonial.
36:09 Comme le colonialisme est le pire des crimes dans la pensée woke,
36:13 il est fermé contre Israël, y compris le terrorisme.
36:16 C'est ça, la clé de lecture qu'appliquent, effectivement,
36:19 ces campus, ces étudiants woke,
36:21 contre l'Israël aux Palestiniens,
36:23 et c'est effrayant. Ca promène dans la jeunesse.
36:26 -Vous dites la dictature des ressentis,
36:28 et pourquoi pas la dictature des ressentiments ?
36:31 Pour l'instant, c'est un débat intellectuel,
36:34 c'est un débat culturel. Il a des effets, tous les jours,
36:37 mais il est, comment dire, dans les discussions,
36:40 dans la manière de voir le monde.
36:42 Il ne se traduit pas par de la violence.
36:44 Vous trouvez qu'on en est là ?
36:46 -Quand on voit certaines manifestations aux Etats-Unis,
36:49 que ce soit à l'occasion de la mort de George Floyd
36:52 ou du conflit israélo-palestinien,
36:54 on a des manifestations de violence.
36:56 Quand on voit qu'il y a certains débats qui sont annulés
36:59 ou des professeurs qui se sont virés d'université aux Etats-Unis,
37:02 on est déjà dans le domaine de conséquences concrètes,
37:06 qui sont là, déjà là.
37:07 Vous parlez de ressentiment, le mot est intéressant,
37:10 parce que je pense qu'effectivement, ce culte des ressentis,
37:13 cette idée que je suis blessée par une opinion qui me dérange
37:17 et que l'expression d'opinion est en soi une agression,
37:20 elle conduit à une forme d'enfermement,
37:22 de ce ressenti se muant. -On ne vit que l'échange.
37:25 -Vous avez une grande détresse, même, de cette jeunesse,
37:28 je pense, woke, qui a été...
37:30 D'ailleurs, c'est un... Comment dire ?
37:32 Pour moi, le wokisme est une forme de croyance de luxe,
37:35 ça touche une jeunesse extrêmement privilégiée
37:38 qui peut se payer le luxe de trouver, finalement,
37:41 des dominations, là, il n'y en a pas,
37:43 des inégalités, là, il n'y en a presque plus.
37:46 -C'est petit bourgeois. -C'est tout à fait le petit bourgeois.
37:49 -Vous-même, vous racontez ça. -Oui.
37:51 -Aujourd'hui, vos anciens camarades ne vous reconnaissent plus,
37:55 vous n'arrivez pas à comprendre vos partis pris.
37:58 -Euh... Oui, j'ai subi une forme de sectarisme
38:02 qui m'a touchée personnellement,
38:04 parce que c'était avec des gens de qui j'étais vraiment proche
38:08 et qui... Moi, ça ne me venait pas l'idée
38:10 de les exclure de ma vie pour leurs opinions
38:13 ou même de mettre une distance.
38:15 Il se trouve que moi, voilà, ils m'ont...
38:18 Ils ont jugé que ce n'était pas possible.
38:20 -Ils vous ont ghosté. -Comment ?
38:22 -Ils vous ont éliminé. -Je trouve ça terrible.
38:25 Le sectarisme a toujours été présent à gauche,
38:27 intellectuel. Sartre dit que tout anticommuniste
38:30 est un chien qui se brouille avec Camus,
38:32 qui se brouille avec Aron, ça a toujours existé,
38:35 et ce sectarisme est encore pire,
38:37 parce qu'il repose sur le pathos, sur le sentiment,
38:40 c'est-à-dire que non seulement je ne suis pas d'accord avec toi
38:44 et tu n'es pas d'accord avec moi, mais tu m'as blessée,
38:47 tu me fais du mal, tu me fais souffrir,
38:49 et je trouve que c'est difficile de répondre à quelqu'un
38:52 qui fait des opinions, en soi, une forme de blessure,
38:55 et c'est contre ça que j'essaie de lutter.
38:57 -On va venir à la lutte. Il y a plein d'exemples concrets,
39:01 vous parlez de l'émogie enceinte, vous ne l'aimez pas du tout.
39:04 -Voilà. Vous dites que c'est l'alliance du woke
39:07 et de la silicone vienne.
39:08 -De dire qu'il suffit de se sentir homme ou femme
39:11 pour être un homme ou une femme,
39:13 on est typiquement, pour moi, dans la dictature du ressenti,
39:17 c'est-à-dire l'idée qu'il y a une sorte d'individualisme
39:20 et de subjectivisme absolu qui fait que les faits n'existent plus,
39:24 il suffit juste de proclamer que l'on est quelque chose
39:27 pour l'être, et si les autres ne sont pas d'accord avec vous,
39:30 ce sont des nazis, et c'est vraiment, pour moi,
39:33 typiquement un exemple de la dictature des ressentis.
39:36 -Bon, après, vous êtes aussi très radicale
39:38 dans la manière dont vous les dénoncez.
39:41 Ils ne sont pas forcément dans une espèce de fermeture absolue
39:45 à tout échange, non ?
39:47 Vous voyez des nuances dans ce courant de pensée ?
39:50 -Oui, sans doute.
39:51 Après, je pense quand même qu'il y a
39:53 un phénomène idéologique très puissant qui,
39:56 comme l'a été d'ailleurs une forme de marxisme autrefois,
39:59 qui prend le relais de ces grandes idéologies,
40:02 et qui, pour le coup, je pense que la radicalité
40:04 est plutôt de ce côté-là.
40:06 D'ailleurs, je ne demande l'exclusion de personne
40:09 du débat public, je pense que ces vaux doivent avoir la parole.
40:12 Je ne dis pas du tout qu'on leur coupe le micro.
40:15 -D'ailleurs, vous aiderez à les observer
40:17 pour mieux les déconstruire, c'est un peu votre passion au quotidien.
40:21 -J'ai quand même d'autres passions.
40:23 -Il reste des raisons d'espérer, car des contemporains
40:26 à contre-courant sont très présents dans l'espace médiatique.
40:30 C'est Wellbeck, Gaspard Proust, Jérôme Fourquet,
40:33 Alain Finkielkraut, mais ce qui m'a intéressée,
40:35 c'est les écrivains, les intellectuels.
40:38 Il y a plein d'intellectuels que vous citez.
40:40 On a choisi Pierre Nora, nous.
40:42 Pourquoi, Pierre Nora, il faudrait l'écouter
40:45 et le lire aujourd'hui ?
40:47 -D'abord, parce que c'est quelqu'un
40:49 qui a une immense expérience et un regard
40:52 sur la société française intellectuelle
40:54 qui date de presque un demi-siècle d'édition.
40:57 Il a édité tous les grands penseurs
40:59 dans les années 60-70 jusqu'à aujourd'hui,
41:01 donc il a vraiment une amplitude et un regard
41:04 qui est extrêmement long.
41:05 C'est ça qui est passionnant quand on discute avec lui,
41:08 c'est qu'il a cette profondeur de champ.
41:11 En même temps, je trouve de la lucidité sur certains sujets.
41:14 C'est quelqu'un qui vient de la gauche,
41:16 mais qui n'est pas aveugle pour autant à certains débats,
41:20 qui voit ce qu'il doit voir,
41:22 et donc je trouve que c'est un personnage
41:24 de notre vie publique intéressant,
41:26 qui a un parcours... -C'était intéressant aussi
41:29 de voir que vous avez aussi une référence de gauche,
41:32 le remède pour vous, c'est la littérature.
41:34 Alors, il y a Peggy, l'anti-Boehmer,
41:37 il y a Camus, il y a Solzhenitsyn.
41:39 On en a choisi un, parce que vous défendez aussi
41:43 la dimension, comment dire, catholique
41:46 de la société française, en tout cas, ses racines,
41:49 ses valeurs, c'est Bernanos, écrivain chrétien,
41:52 homme d'hier et d'après-demain, écrivez-vous, pourquoi ?
41:56 -Parce que...
41:57 "Homme d'hier", parce que c'est un homme
41:59 qui a vécu essentiellement au XXe siècle
42:02 et qui a été dans ces débats-là,
42:04 et qui était profondément enraciné
42:07 dans une tradition, tradition politique,
42:09 tradition intellectuelle, tradition religieuse,
42:12 qui était profondément attachée à la France, patriote,
42:16 qui venait de l'action française, du mot "racisme",
42:19 qui s'en est progressivement détaché,
42:21 et en même temps, qui a su voir les enjeux
42:24 très nouveaux de son temps, la technique, par exemple,
42:26 il a des phrases prophétiques sur la robotisation du monde,
42:30 la place que va prendre la technique
42:32 dans le monde de demain, et donc voilà,
42:34 c'est ça que j'aime, chez Bernanos, chez Peggy,
42:37 chez Camus, on pourrait citer Orwell,
42:39 mais ce sont des gens qui appartenaient à un camp,
42:42 mais qui ont su penser contre eux-mêmes,
42:44 penser contre leur camp, voir ce qu'il...
42:46 Comme le dit Peggy, il faut dire ce que l'on voit,
42:49 mais ce qui est difficile, c'est de voir ce que l'on voit,
42:53 ce qui est pertinent dans le monde où on vit,
42:55 où on a des œillères idéologiques,
42:57 il faut toujours questionner ces œillères-là,
43:00 et moi, j'essaie de le faire aussi,
43:02 pour voir vraiment...
43:03 -Et d'ailleurs, le choix de ces grands écrivains
43:06 en témoigne à la fin du livre.
43:08 Merci beaucoup, Eugénie Bastie, "La dictature des ressentis",
43:11 sauvez la liberté de penser !
43:13 On en est là !
43:14 Quel défi ! C'est à lire aux éditions Plon,
43:17 et c'est... Voilà, vous revisitez
43:19 les différents articles du Figaro
43:22 de ces dernières années.
43:23 Restez avec moi, c'est l'heure de les accueillir.
43:26 Ils vont vous faire réagir.
43:27 On les accueille.
43:28 Et Yael Gauze de France Inter
43:32 nous rejoint comme chaque jeudi soir
43:34 en compagnie de Pierre-Henri Tavoyau
43:36 du Collège de philosophie.
43:38 Bonsoir à vous deux.
43:39 Ravie de vous retrouver.
43:41 On va commencer par Bourbon Express,
43:43 comme chaque soir.
43:44 L'histoire du jour, vous nous la racontez.
43:46 Bonsoir. -Bonsoir.
43:48 Je vais vous parler d'un article
43:50 qui rend fou du projet de loi immigration,
43:52 l'article 3, celui sur la régularisation
43:54 des sans-papiers dans les métiers en tension.
43:57 Les sénateurs, le Sénat est à majorité à droite,
44:00 l'ont supprimé hier soir.
44:01 C'est une victoire pour le président du groupe LR
44:04 au Sénat, Bruno Retailleau.
44:06 -C'est une victoire politique.
44:08 On l'a bien vue d'ailleurs hier,
44:09 puisque le ministre a donné un avis très défavorable
44:12 à notre amendement qui supprimait l'article 3.
44:15 L'article 3, c'était une machine, non seulement à régulariser,
44:19 mais aussi à frauder. C'est une belle victoire.
44:21 Très franchement, il y a 48 heures,
44:23 vous m'auriez dit que ça se serait terminé comme ça.
44:26 -Victoire, crie la droite sénatoriale,
44:28 sauf que quand on interroge la majorité ici, à l'Assemblée,
44:32 ils ne sont pas du tout d'accord.
44:34 Pourquoi ? Parce que l'article 3 est supprimé,
44:36 mais il y a un article 4 bis,
44:38 qui est certes un peu plus dur, mais qui a le mérite d'exister.
44:42 Pour Florent Boudier, c'est le rapporteur général
44:45 du texte à l'Assemblée.
44:46 -Les sénateurs LR font un pas
44:48 et plus qu'un pas vers la politique ciblée de régularisation.
44:53 Les sénateurs LR, il y a encore quelques jours,
44:56 n'indiquaient pas de politique de régularisation
44:59 des travailleurs sans-papiers en France.
45:01 Là, nous allons vers une politique de régularisation ciblée,
45:04 acceptée par les sénateurs LR.
45:06 Ca, c'est le fait politique majeur.
45:09 -Pour des responsables de la majorité,
45:11 Bruno Retailleau, en acceptant un compromis
45:13 sur les régularisations, il a mangé son chapeau.
45:16 -Ca a tout embarrassé les députés LR, ici, à l'Assemblée.
45:19 Olivier Marlex, le président du groupe,
45:22 et Eric Ciotti, le président du parti,
45:24 sont sur une ligne dure.
45:26 Ils ne veulent pas voter ce texte,
45:28 mais on le sait, les 62 députés du groupe
45:30 sont tous sur des lignes différentes.
45:32 L'intérêt tactique de la majorité, c'est de diviser les Républicains.
45:36 -Division à droite, mais division, attention,
45:39 au sein de la majorité.
45:40 -Ca peut tanguer. Ce matin, dans le Figaro,
45:43 coup de pression de Sacha Houllier,
45:45 le président de la Commission des lois,
45:47 représentant de l'aile gauche de la Macronie.
45:49 "A l'Assemblée, nous rétablirons le texte ambitieux
45:52 "de l'exécutif sur l'immigration."
45:54 -Le débat sur l'immigration à l'Assemblée
45:58 va commencer le 27 novembre, si je ne dis pas de bêtises,
46:01 et le 11 décembre, dans l'hémicycle.
46:03 On commence déjà, en coulisses, à compter les voix.
46:06 -On a ressorti les calculettes, celles qu'ont bien chauffé
46:09 pendant la réforme des retraites.
46:11 La majorité absolue en dispose de 251,
46:15 il en manque donc 38.
46:17 On essaie d'avoir celle du groupe Lyott,
46:19 le groupe petit mais costaud,
46:21 qui est très bien traité.
46:22 On cherche un vote par-ci, une abstention par-là.
46:25 S'il en manque à la fin, on sait comment ça finira,
46:28 en 49-3.
46:29 -Bon, ça rime. -On verra.
46:31 -Merci, ça rime. C'était très clair et passionnant,
46:34 comme chaque soir. Elsa, on enchaîne avec vous, Yael.
46:38 "Ira, ira pas ?" C'est la grande question.
46:41 Le président de la République n'a toujours pas dit
46:43 ses intentions concernant la grande marche
46:46 pour la République et contre l'antisémitisme.
46:49 Qu'en pensez-vous ?
46:50 -Est-ce qu'il doit marcher ?
46:52 C'est peut-être réducteur de focaliser sur une seule personne.
46:55 L'enjeu, c'est de se compter, de savoir combien de Français,
46:59 s'ils seront nombreux à faire bloc, à dire stop à la haine.
47:02 Le carré de tête sera symbolique, les ex-présidents,
47:05 François Hollande, Nicolas Sarkozy, les ex-premiers ministres,
47:09 pour le gouvernement actuel, Elisabeth Borne.
47:11 Faut-il en plus que le chef de l'Etat mène ce cortège ?
47:15 C'était le cas en mai 1990,
47:17 après la profondation du cimetière de Carpentras,
47:20 François Mitterrand devant 200 000 personnes à Paris.
47:23 C'était aussi l'image de François Hollande,
47:26 avec 40 chefs d'Etat et de gouvernement,
47:28 en janvier 2015, après les attentats de Charlie
47:31 et de l'hypercachère.
47:33 Pour l'instant, je vais être franc avec vous,
47:35 on n'a aucune confirmation de l'Elysée
47:38 de venir, dimanche ou non.
47:39 La seule chose qu'on sait, c'est qu'il y aurait
47:42 une grande expression forte en presse écrite avant la marche.
47:45 -Ca ne suffit pas ?
47:46 -Non, le président incarne la République,
47:49 il est le garant de ses valeurs.
47:50 Bien sûr que la marche aura une autre dimension,
47:53 un autre poids, s'il est là.
47:55 Sa présence limiterait les parasitages.
47:57 Ce serait l'assurance que la marche n'est pas dévoyée
48:00 par des politiques qui ont d'autres arrières-pensées,
48:03 dont l'histoire ne les autorise pas à venir
48:06 et que rien n'était, comme si on pouvait impunément
48:09 être l'héritier de Jean-Marie Le Pen
48:11 ou tenir des propos révisionnistes,
48:13 comme Éric Zemmour. Il ne faut pas tout inverser.
48:16 C'est à l'extrême droite de se regarder dans la glace
48:19 et de dire, s'il y a sa place dans la marche, pas aux autres.
48:22 -S'il ne vient pas, ça pourrait être mal interprété ?
48:25 -Si c'est par crainte que le message que ça envoie
48:29 brouille sa politique étrangère,
48:31 au moment où il cherche à obtenir un cessez-le-feu
48:34 et à se mettre à écuidistance, ça serait une erreur.
48:37 N'ajoutons pas des fractures nationales
48:39 aux fractures internationales.
48:41 Vous vous souvenez des propos à l'occusion du 12 octobre ?
48:44 Cette marche-là consiste à dire stop à l'importation en France
48:48 des tensions venues du Proche-Orient.
48:50 En un mois, il y a eu trois fois plus d'actes antisémites
48:53 que sur toute l'année 2022.
48:55 Or, les Juifs de France ne sont pas responsables
48:57 des bombardements sur Gaza, pas plus que les musulmans de France
49:01 ne sont comptables des pogroms du Hamas.
49:03 Le nom à l'antisémitisme, ici, en France,
49:06 c'est pas dire oui à Netanyahou.
49:08 Le député insoumis David Guiraud se fourvoie
49:10 quand il dit que marcher dimanche,
49:12 c'est soutenir de manière inconditionnelle
49:15 le "nettoyage ethnique" de Gaza,
49:17 tout comme Maurice Léville, patron de Publicis,
49:20 lui aussi, vous avez peut-être entendu,
49:22 est excessif quand il prétend que si on reste chez soi dimanche,
49:25 c'est qu'on cautionne le Hamas.
49:27 Dans ces temps troublés, éruptifs,
49:29 il y a un besoin de parole d'autorité,
49:32 de dire pourquoi on marche, c'est aussi ça,
49:34 le rôle et la fonction d'un président,
49:36 d'être là dimanche dans la marche.
49:38 -Merci, Yael Ghoz. Réaction, Eugénie Desbestiers.
49:41 Il doit y aller ?
49:43 -Il faudrait être un peu de hauteur
49:45 dans ce qui est en train de devenir un carnaval ahurissant
49:48 où un tel demande à être à 3,50 m de Marine Le Pen
49:51 ou à 150 m, il faut un gros, un petit cordon sanitaire
49:54 en béton armé ou en...
49:56 Je trouve que ça devient ridicule.
49:58 Je trouve que cette polémique sur le Rassemble national
50:01 est ridicule.
50:02 -J'aimerais vous entendre sur le président de la République.
50:05 200 000 personnes, c'était Carpentras,
50:08 les années 90, très différent, contexte extrêmement différent.
50:11 Il ne pouvait pas y avoir le Front national dans ce cortège.
50:14 C'était des tombes profanées. Aujourd'hui, avec ce conflit,
50:18 avec ce qui se passe dans le pays, l'antisémitisme explose,
50:21 les Juifs ont peur, ils le disent.
50:23 Est-ce que le président doit marcher avec les Français
50:26 pour la République qu'il doit défendre ?
50:28 -Moi, je pense que oui, il peut y aller.
50:31 Oui, il doit y aller, parce qu'effectivement,
50:33 là, il y a un phénomène, un moment antisémite
50:36 que nous vivons en France,
50:37 qui est un moment inédit et qui est un moment
50:40 d'une rare violence.
50:41 Après, si c'est pour y aller sans mettre les mots
50:44 sur cet antisémitisme, d'où il vient ?
50:46 Est-ce qu'il vient toujours de l'extrême droite
50:49 ou est-ce qu'il vient de notre partie de la population,
50:52 notamment l'antisémitisme arabo-musulman
50:54 qu'on a longtemps nié ?
50:55 Si c'est pour se montrer sans en tirer les conséquences
50:58 ou pour y remédier, ça ne servira à rien.
51:01 Je voudrais qu'il y aille et qu'il en tire les conséquences.
51:04 -Vous irez, d'ailleurs ? -Je suis malheureusement
51:07 pas à Paris ce week-end, sinon, j'y serais allée.
51:09 -Zia El Ghoz, vous êtes d'accord ? Il faut qu'il parle.
51:13 -Il faut qu'il y ait deux. -Les mots aussi.
51:15 -Il y aura l'expression présidentielle,
51:17 presse écrite ou télé, il y aura quelque chose,
51:20 mais là, il s'agit d'être cohérent avec la marche.
51:23 -On verra aussi l'ampleur de cette manifestation
51:26 qui sera scrutée de près.
51:27 Pierre-Henri, vous vouliez,
51:29 et c'est la continuité de la chronique de Zia El,
51:32 revenir sur cette marche.
51:34 On a vu l'embarras, la gêne,
51:37 notamment avec la présence de Marine Le Pen
51:40 et du RN. Vous vous posez cette question,
51:42 ce soir, ce parti est-il encore d'extrême droite ?
51:46 -C'est la question qui fâche,
51:47 mais on peut l'aborder de manière dépassionnée.
51:50 En distinguant, il y a trois sens possibles d'extrême droite.
51:53 Un premier sens, géographique ou topographique,
51:56 situé à l'extrême droite, à l'Assemblée, à l'hémicycle.
51:59 Ca, ça date de août 1789, le vote sur le veto royal.
52:03 Donc, de ce point de vue-là, oui, le parti RN est d'extrême droite.
52:07 Après, il y a deux autres sens qu'il faut ajouter,
52:10 plus idéologiques. Le second sens, c'est un sens historique.
52:13 Au fond, c'est un courant de la droite française
52:16 qui a été contre-révolutionnaire,
52:19 qui s'est prolongé dans les ligues fascistes,
52:21 qui a atteint son apothéose sous le régime de Vichy,
52:24 qui a rebondi dans le cadre de l'OS.
52:26 Il y a trois caractéristiques, je crois,
52:28 de ce mouvement politique.
52:30 C'est d'abord l'antiparlementarisme.
52:32 Deuxièmement, cette extrême droite,
52:34 c'est aussi ce qu'on peut appeler la révolution conservatrice.
52:38 C'est pas simplement une position réactionnaire.
52:40 C'est la phrase de Duc Guépard de Visconti.
52:43 "Il faut que rien ne change."
52:45 C'est ça, l'idéologie révolutionnaire-conservatrice.
52:47 Ca peut être violent, mais on revient au départ.
52:50 Troisième idée de cette...
52:52 C'est l'idée d'une pureté nationale.
52:54 C'est l'idée que la nation,
52:55 c'est pas un plébiscite de tous les jours,
52:58 mais c'est une substance mystique qui transcende tous ses membres.
53:01 De ce point de vue-là,
53:03 on a une première définition de l'extrême droite.
53:05 Un troisième sens est très important.
53:08 On insiste sur le terme "extrême", c'est-à-dire extrême-extrémisme.
53:11 Je reprends à Pierre-André Taguiaf.
53:14 L'extrémisme, c'est la légitimation de la violence.
53:16 C'est ensuite une forme d'intolérance à l'intérieur et à l'extérieur.
53:20 Troisièmement, c'est ce qu'on peut appeler
53:23 une forme de fanatisme.
53:24 Il y a une cause sacrée qu'il faut défendre.
53:27 Cette fin justifie tous les moyens.
53:29 -Au regard de tous ces critères,
53:31 est-ce que ce parti, le RN, d'aujourd'hui,
53:34 est d'extrême droite ou pas ?
53:35 -Si on est d'accord avec ces critères,
53:38 on peut les discuter, mais non.
53:39 Le RN ne coche plus les critères idéologiques.
53:42 Sur le plan idéologique,
53:44 les deux changements spectaculaires
53:46 entre Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen,
53:48 c'est sur l'ancitéxiamitisme,
53:50 parce que Jean-Marie Le Pen est l'homme du point de détail,
53:53 et deuxièmement, sur la question de la laïcité.
53:56 Si je puis dire, Marine Le Pen s'est convertie à la laïcité,
53:59 alors que son père était dans un contexte
54:03 de catholicisme traditionnaliste,
54:05 même si c'est plus identitaire que républicaine.
54:08 Si on regarde l'autre définition, l'extrémisme,
54:10 de ce point de vue-là, c'est plutôt la France insoumise
54:13 qui l'incarne. La légitimation de la violence,
54:16 c'est la France insoumise. L'intolérance,
54:18 c'est la France insoumise, avec cette logique de purge.
54:21 Pas le fanatisme, il faut être honnête.
54:23 Le fanatisme, c'est la grande cause
54:26 à laquelle on sacrifie tout. La seule cause
54:28 de l'éléphant, c'est la conquête du pouvoir.
54:31 -Alors, s'il n'est plus d'extrême droite,
54:33 à vous suivre, qu'est-il, le RN, aujourd'hui ?
54:36 Comment vous le situez ?
54:38 -C'est un objet nouveau qu'il faut arriver à définir
54:41 de manière rigoureuse. Pour moi, c'est un parti
54:43 de droite radicale, populiste et illibérale.
54:46 Au fond, ce qui le caractérise,
54:48 c'est pas du tout comme le fascisme,
54:50 une antidémocratie, c'est une hyperdémocratie.
54:53 On veut, d'une certaine façon, toujours plus de peuples
54:56 et toujours plus de pouvoirs,
54:58 toujours plus de peuples contre l'oligarchie qui monopolie,
55:01 c'est ça, le populisme, et toujours plus de pouvoirs,
55:04 c'est ça, l'illibéralisme, contre l'Etat profond
55:07 qui produit de l'impuissance publique.
55:09 Ces deux dimensions, populiste et illibérale,
55:12 me paraissent définir aujourd'hui ce qu'est le RN.
55:16 A mon sens, l'excommunication,
55:17 le procès en excommunication morale
55:20 à l'égard de la RN... -Est inefficace.
55:22 -Est totalement inefficace.
55:24 Ca veut dire quand même ça,
55:26 que les 13 millions d'électeurs qui ont voté pour Marine Le Pen
55:29 sont soit des salauds, soit des idiots.
55:32 Soit des idiots parce qu'ils ont voté pour un parti
55:35 dont ils n'ont pas vu qu'il était raciste et fasciste,
55:38 soit des salauds parce qu'ils sont réellement racistes.
55:41 Si on veut récupérer ces électeurs,
55:43 c'est pas le bon message à faire passer.
55:45 -Vous êtes d'accord. J'ai eu bien réaction.
55:48 -Je suis assez d'accord, mais je crois que c'est radical.
55:51 -C'est aussi injuste.
55:52 Je pense que le RN, c'est comme le bateau de Thésée.
55:55 C'est un bateau dont avaient changé toutes les pièces en bois
55:59 et à la fin, on disait "est-ce que c'est le même bateau ?"
56:02 Effectivement, on a changé le nom,
56:04 ils ont rompu avec leur fondateur,
56:06 ils ont changé de doctrine.
56:08 -Il y a quelques vieux débats.
56:10 -Ils ont rompu avec leur fondateur.
56:12 -C'est exclu du... Attendez, j'ai pas terminé.
56:15 Je pense que c'est injuste,
56:16 parce que précisément, la lutte contre le racisme
56:19 et l'antisémitisme repose sur quoi ?
56:22 Sur le fait de ne pas assigner quelqu'un à ses origines.
56:25 C'est ce qu'on fait avec Marine Le Pen.
56:27 On l'assigne à son père.
56:28 -Il a touché la place à la marche de demain.
56:31 -C'est injuste. C'est un parti populiste et libéral,
56:34 on peut le qualifier autrement.
56:36 -Si l'extrême droite, c'est l'antisémitisme,
56:38 dans vos critères,
56:40 si l'entité ou le patron actuel du parti
56:42 n'est pas capable de dire que le patriarche Le Pen
56:45 a eu des propos antisémites,
56:46 alors il y a une filiation.
56:48 C'est l'extrême droite.
56:50 -Il y a une non-reconnaissance.
56:51 Cette dimension de rapport avec une histoire
56:54 qui ne veut pas passer, oui.
56:56 Il y a des vieux démons dans le RN.
56:58 On peut lui objecter, à ce RN,
57:00 que ces vieux démons, probablement,
57:02 pourront être un obstacle à sa prise de pouvoir
57:05 et à son exercice du pouvoir.
57:07 -On s'arrête là.
57:08 C'est passionnant de vous écouter.
57:10 Merci à vous, les Affranchis.
57:12 Merci, Elsa.
57:13 Et merci, Eugénie Bastier.
57:15 La dictature des ressentis, c'est-à-dire Cheplon.
57:18 Les anti-Woke vont se jeter sur cet ouvrage.
57:20 C'est une évidence.
57:22 On s'arrête là. C'est la fin de cette émission.
57:24 Merci de l'avoir suivie.
57:26 Votre soirée documentaire Jean-Pierre Gracien.
57:29 A demain.
57:30 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
57:32 Générique
57:34 ...