"Il avait une gueule et une voix" : l'hommage à Charles Piaget de son biographe Joël Mamet

  • l’année dernière
Quel héritage va laisser Charles Piaget ? La figure emblématique des Lip a tiré sa révérence ce week-end à l'âge de 95 ans. A l'heure où réactions et hommages se multiplient, son biographe, l'ancien journaliste Joël Mamet retient "une gueule et une voix". Il était l'invité du 6/9 ce lundi matin.
Transcript
00:00 Ici c'est le 6/9, France Bleu Besançon.
00:04 Bienvenue dans le 6/9 si vous nous rejoignez.
00:07 Ce matin, on a décidé de rendre hommage à une figure emblématique du mouvement LIP,
00:12 figure emblématique du syndicalisme, de la mobilisation, du dévouement aux autres.
00:16 Charles Piaget nous a quitté ce week-end Marion.
00:19 L'héritage qu'il nous laisse, on en parle ce matin avec Joël Meumet.
00:22 Bonjour.
00:23 Bonjour.
00:24 Ancien journaliste à l'Est Républicain, aujourd'hui retraité.
00:26 Vous avez été le biographe, l'un des biographes de Charles Piaget.
00:30 Piaget avant, pendant et après LIP, c'est le titre de votre ouvrage.
00:34 Vous avez beaucoup lu, beaucoup discuté, j'imagine, pour l'écrire cette biographie.
00:38 On ne va pas refaire toute l'histoire, mais au moins le début.
00:41 Quand on regarde le début de l'histoire justement, Charles Piaget n'avait pas forcément
00:44 le profil de leader.
00:46 Comment ça se fait que l'habit lui est tombé dessus ? Comment finalement ce rôle
00:49 lui est tombé dessus ?
00:51 C'est difficile à déterminer, mais moi il y avait quelque chose qui m'avait amusé
00:55 en discutant avec lui, en parlant de ce qu'il a fait en dehors de LIP.
01:00 C'est son service militaire.
01:02 Et pendant son service militaire, donc à la fin des années 40, il est dans une caserne
01:09 où on mange très mal.
01:10 Ce n'est pas propre à cette caserne, évidemment, c'est l'après-guerre, mais on mange vraiment
01:15 très mal et la plupart du temps c'est des pois chiches mal cuits.
01:18 Alors une fois ça va, deux fois ça va, trois fois ça va, mais six ou sept fois il n'en
01:22 peut plus.
01:23 Mais lui il a le courage de dire "puisque c'est ça, on ne sort pas à la pelle dans
01:28 la cour de la caserne".
01:30 Et les autres le suivent.
01:31 Alors pourquoi c'est lui qui à ce moment-là a cette idée-là et pourquoi il est suivi,
01:36 ça ce n'est pas facile à déterminer.
01:38 Je pense que ça vient de son histoire personnelle, son enfance difficile où il a dû se battre
01:44 pour trouver sa place.
01:45 Et puis en même temps quand on le regarde physiquement, je veux dire, Piaget, il est
01:48 frais, il est fragile, ce n'est pas une carure, ce n'est pas quelqu'un qui a une
01:50 grosse voix, ce n'est pas quelqu'un qui a wrangle les foules et pourtant c'est lui
01:54 qu'on suit.
01:55 Oui mais il a une gueule je trouve, il a vraiment une gueule.
01:59 Et donc on le regarde et puis il a une voix aussi.
02:03 Alors ça c'est comme ça, c'est un don de la nature en quelque sorte.
02:07 Et quand il parle, je pense qu'il était un petit peu comédien aussi, contrairement
02:14 à ce qu'on pourrait imaginer parce qu'il ne donne pas cette impression-là.
02:17 Mais moi, à force de le fréquenter, j'ai trouvé qu'il avait un petit peu un côté
02:21 comédien et qu'il savait, sans avoir été formé dans ce domaine-là, qu'il savait
02:25 un peu jouer sur la modulation de sa voix, plus ou moins, ce n'était pas extrêmement
02:30 travaillé.
02:31 Mais dans une assemblée de l'IP ou d'autres, on l'écoutait.
02:35 Oui parce qu'il arrivait à convaincre tout le monde, les ouvriers, les cadres, tout le
02:38 monde finalement, tous les profils.
02:40 Oui, alors ce qui est très fort chez Piaget, c'est qu'il a toujours eu un énorme sens
02:44 de l'écoute.
02:45 Et ça, ce n'est pas donné à tout le monde de savoir écouter.
02:48 Et pas seulement d'écouter, mais d'en faire quelque chose.
02:52 Parce qu'on peut écouter les gens et ne pas faire du tout ce qu'ils ont envie de
02:55 faire.
02:56 Et donc lui, il savait très bien écouter et il savait, pas toujours, mais souvent,
03:03 faire la synthèse de ce qu'il entendait.
03:05 Et ensuite, dans les réunions, dans les assemblées générales, les réunions du syndicat ou
03:08 dans les assemblées générales de tout le personnel, il restituait une sorte de synthèse
03:12 et puis après, il donnait son avis.
03:13 Et puis comme il savait très bien le faire, les gens avaient tendance à être de son
03:17 côté.
03:18 Alors, 50 ans après, j'ai envie de vous demander, Joël Mamey, qu'est-ce qui reste
03:21 finalement de cet héritage ? Durant toute sa vie, Charles Piaget a essayé de montrer
03:26 qu'avec le collectif, on pouvait se battre, qu'avec le collectif, on pouvait gagner.
03:30 Est-ce que 50 ans après, ça a toujours du sens de dire ça ?
03:35 Moi, je me moquais un peu de lui pour finir avec le collectif parce qu'il disait toujours
03:38 ça.
03:39 Oui, il le disait tout le temps.
03:40 Il avait raison, parce que sans les autres, on ne peut rien faire.
03:43 C'est ce qu'il disait en tous les cas.
03:45 Voilà, il avait complètement raison.
03:46 Mais il avait sa part aussi.
03:49 Il avait sa part personnelle qui faisait que la lutte prenait tel ou tel aspect.
03:54 D'autres aussi influençaient la lutte.
03:56 Il n'était pas le seul, évidemment.
03:57 Mais il avait ce sens du collectif qui a fait que la lutte a été ce qu'elle a été.
04:04 Si il n'avait pas poussé au combat collectif, il n'y aurait jamais eu le trésor de guerre,
04:10 il n'y aurait jamais eu la production qui repartait sans patron, les paix sauvages.
04:16 Le trésor de guerre, ce n'est pas une idée de lui.
04:19 Mais il était même assez inquiet parce que ce n'était pas évident à gérer.
04:24 C'était illégal.
04:25 Donc, la communauté responsable syndicale pouvait le retomber dessus en premier.
04:29 Mais il a vu que c'était une idée très originale et qu'ils n'avaient pas d'autre
04:36 choix pour continuer à vivre, pour continuer à se faire une paie, pour continuer à faire
04:40 pression.
04:41 Et donc, il a embrayé.
04:42 Ce n'est pas une idée de lui, mais il a su aller derrière.
04:45 Et si lui allait derrière avec son charisme, la plupart des gens le suivaient.
04:50 - Joël Mamet, vous regardez comme tous les journalistes, vous suivez l'actu.
04:54 Aujourd'hui, il y a de nouveaux leaders syndicaux.
04:56 Est-ce que vous avez l'impression que Charles Piaget a fait des petits ?
04:58 Est-ce qu'aujourd'hui, quand vous regardez certains leaders, des hommes, des femmes,
05:02 est-ce que vous voyez un peu de Charles Piaget dans qui ?
05:04 - Il y a certainement un peu de Piaget dans ce que vous appelez les leaders syndicaux
05:11 d'aujourd'hui.
05:12 Après, ils ont leur personnalité aussi.
05:14 Ce n'est pas le même contexte.
05:15 Ce n'est pas la même époque.
05:16 C'est un peu difficile à déterminer.
05:18 - D'ailleurs, Piaget a quitté la CFDT parce qu'il ne se reconnaissait plus dans la façon
05:21 de faire de la CFDT.
05:22 C'est-à-dire que le monde a changé.
05:23 - Oui, bien sûr.
05:24 Il a été à la CFDT pendant le mouvement LIP, encore quelques années après.
05:30 Et après, quand la CFDT s'est recentrée, ça ne correspondrait plus à son choix politique.
05:36 Donc, il a quitté la CFDT, bien sûr.
05:38 - Joël Mamet, est-ce qu'on trouve encore votre livre ?
05:40 - Je pense.
05:41 Sinon, on peut le commander aux éditions du Sequoia qui se fera un plaisir de le faire
05:47 parvenir à la personne qui le demande.
05:49 - Voilà, si vous voulez en savoir plus.
05:50 Piaget avant, pendant et après LIP.
05:52 Merci Joël Mamet d'être venu nous rappeler qui était Charles Piaget chez LIP, mais aussi
05:58 en dehors.
05:59 On était content de l'entendre défendre l'absence de pois chiches dans la cantine
06:03 du service public.
06:04 Merci.

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