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Suivre le Président de la République au fil des années et des personnalités est un exercice qui a beaucoup beaucoup évolué…Voyages de presse, Pool TV, petites phrases, exclus, environnement, verrouillage, Comment travaillent aujourd’hui les journalistes qui suivent les présidents ? Comment l'accès au président a changé ?

Retrouvez "La Question du jour" sur : http://www.europe1.fr/emissions/la-question-du-jour

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Transcription
00:00 9h, 11h, Europe 1 Culture Média.
00:03 Avec Thomas, il est Thomas, c'est l'heure de la question Média du jour.
00:06 Avoir la chance de suivre le président de la République peut paraître le graal pour un journaliste politique
00:11 et pourtant c'est un exercice qui a beaucoup évolué au fil de la 5ème République,
00:15 au point de devenir très cadenassé aujourd'hui.
00:17 Alors comment travaillent les journalistes qui suivent l'Élysée, à quoi ont-ils vraiment accès ?
00:22 C'est notre question Média ce matin et pour y répondre, nous sommes avec Arthur Delabord.
00:26 Bonjour Arthur.
00:26 Bonjour à tous.
00:27 Vous êtes journaliste au service politique d'Europe 1, vous suivez le président Macron depuis 2 ans maintenant
00:31 et puis Michel Cotta et Patrice Duhamel qui suivent la politique depuis quelques années aussi
00:36 sont bien sûr toujours avec nous.
00:38 Alors racontez-nous d'abord Arthur, comment ça se passe aujourd'hui, un déplacement en France du président ?
00:45 Alors en général ça commence par une note aux rédactions.
00:48 Donc tous les journalistes qui suivent le président reçoivent des informations sur le déplacement qu'Emmanuel Macron va effectuer
00:55 avec des détails pratiques, son heure d'arrivée, les séquences qui vont se dérouler.
01:01 Et en général, alors en fonction des déplacements, les séquences sont suivies par ce qu'on appelle des "pools".
01:09 Donc des petites équipes de journalistes.
01:13 En général dans un "pool" il y a 4 ou 5 personnes, 4 ou 5 rédacteurs en plus du personnel technique
01:21 qui va capter les échanges que ce soit pour la télé ou la radio.
01:25 Donc ça veut dire que par exemple, un déplacement, vous allez tous à Beauvais,
01:29 il y a tous les journalistes qui se déplacent, tous ceux qui sont accrédités du moins,
01:32 parmi tous les journalistes accrédités, il y en a quelques-uns qui vont être sélectionnés et qui vont faire partie du "pool".
01:37 Exactement. En général il y a une place par média,
01:40 donc un journaliste télé, un journaliste radio et un journaliste ou deux presse écrites.
01:46 En général il y a toujours au moins l'AFP qui est intégré au "pool".
01:50 Et les autres pendant ce temps ils font quoi ?
01:51 Alors ils sont en général dans des salles de presse, ils attendent que leurs copains reviennent.
01:57 En fait tout est décrit dans des boucles WhatsApp, pour être tout à fait concret.
02:03 Donc tous les journalistes qui sont dans les "pools" au plus près du président vont décrire ce qui se passe
02:07 dans des boucles WhatsApp qui permettent aux journalistes qui eux se situent en salle de presse
02:12 de pouvoir savoir ce qui se passe exactement au-delà des images qui sont sur les chaînes info
02:18 puisque la plupart du temps les séquences à laquelle Emmanuel Macron participe
02:25 sont en direct aussi sur les chaînes info.
02:27 Donc ça veut dire que vous, ça vous arrive parfois de faire 500 km pour vous retrouver dans une salle
02:32 où vous allez lire votre WhatsApp et regarder la télé ?
02:34 Alors ça peut arriver heureusement, c'est assez rare parce qu'il y a en fait
02:38 ce qu'on appelle un système de "pools tournants", c'est-à-dire que les journalistes qui sont dans les "pools"
02:44 donc au plus près du président vont tourner avec leurs collègues en fonction des séquences.
02:50 En général c'est "timé", c'est une vingtaine de minutes, ce qui permet un peu à tout le monde
02:56 de pouvoir être au plus près du président, ce qui est quand même le but quand on le suit au quotidien.
03:01 Ça ne se passait pas comme ça avant Michel Cotard ?
03:03 Pas du tout, c'était à la fois beaucoup plus simple, il n'y avait pas cette armée d'attachés de presse,
03:10 de chargés de communication, cette volonté d'avoir le langage qu'il faut, de trouver les mots.
03:19 Il y avait la proximité entre... plutôt entre les candidats, il ne s'agit pas...
03:24 Les présidents de la République c'est toujours un peu plus difficile,
03:27 et on n'approchait pas les présidents de la République aussi facilement que ça.
03:31 Ça m'est arrivé de faire des voyages avec des présidents de la République
03:34 qui prenaient trois ou quatre journalistes dans leur avion, sans qu'il y ait même de suite présidentielle.
03:40 Vous partagez le même avion que les présidents de la République ?
03:42 Pas toujours !
03:43 Parce qu'aujourd'hui c'est deux avions séparés en général, c'est ça Arthur ?
03:45 En général oui, alors il y a des journalistes ce qu'on appelle "embarqués" avec le président
03:49 qui sont donc choisis par l'Élysée, il y en a d'autres qui peuvent être tirés au sort
03:52 pour être dans le même avion qu'Emmanuel Macron,
03:54 mais le gros des journalistes lui est dans un autre avion,
03:59 en général l'avion de la délégation, où ça peut être aussi des votes commerciaux régulièrement.
04:03 On peut distinguer les voyages des candidats et des hommes politiques
04:05 mais les voyages des présidents, parce qu'il y a des raisons de sécurité
04:08 qui font effectivement qu'on doit de temps en temps être plus lointain,
04:12 on va difficilement être à côté d'eux.
04:15 Mais il y avait surtout, quand même, il me semble qu'ils prenaient le temps de nous parler beaucoup.
04:22 Alors évidemment on s'est fait de temps en temps se faire accuser de complicité,
04:26 mais comme après tout il s'agit de voir tout le monde et on est complices de tout le monde
04:29 ou au contraire critiques de tout le monde,
04:32 mais c'est vrai qu'on a l'impression que le métier de journaliste de la presse présidentielle
04:39 était plus facile de notre temps que du vôtre.
04:42 - Et je sais que Patrice Duhamel vous avez passé quelques temps aussi dans les avions avec les présidents,
04:45 vous nous racontez ça dans deux minutes, on revient.
04:47 - Culture Média sur Europe 1 avec la suite de la question de médias du jour, Thomas Hill.
04:52 Comment suivre le président de la République aujourd'hui en 2023 ?
04:56 On en parle avec Arthur Delaborde, journaliste au service politique d'Europe 1,
04:59 Michel Cotta et Patrice Duhamel vos invités.
05:02 - Il y a beaucoup de journalistes qui disent que depuis la crise sanitaire,
05:04 c'est devenu beaucoup plus compliqué d'avoir accès au chef de l'État,
05:08 que ça ne s'est pas vraiment déverrouillé depuis.
05:10 Est-ce que vous confirmez cette impression Arthur Delaborde ?
05:13 - Oui effectivement, je dirais depuis le début du deuxième quinquennat notamment.
05:18 Le début a été marqué évidemment par la réforme des retraites, les casserolades,
05:23 alors là ça a été peut-être le moment où les déplacements étaient le plus compliqué à suivre.
05:30 Surtout ils étaient communiqués au dernier moment,
05:32 souvent la veille au soir pour partir le lendemain matin couvrir le déplacement.
05:38 - Et puis sur place, il pouvait y avoir des imprévus d'un seul coup apparemment,
05:42 on pouvait prendre quelques journalistes en hélico pour aller un petit peu plus loin,
05:47 faire quelques images avec Emmanuel Macron.
05:48 - Oui, tout était calibré de manière à respecter au maximum les conditions de sécurité
05:55 pour pas que des événements puissent venir perturber,
05:59 et notamment ces fameuses casserolades qui accompagnaient Emmanuel Macron un peu partout.
06:04 - Ce qui a beaucoup changé quand même c'est la notion de sécurité.
06:07 On s'aperçoit que nous quand on faisait des voyages présidentiels,
06:11 la notion de sécurité était très loin finalement, même d'une manière incroyable.
06:17 Non seulement on approchait les présidents, mais les présidents approchaient tout le monde, la foule.
06:21 De Gaulle était toujours en train de tendre les mains.
06:23 - De Gaulle il n'avait que ses quatre gorilles avec lui.
06:25 - Et encore il échappait à ses quatre gorilles, il ne voyait rien.
06:29 Il ne voyait rien de la foule, il tendait les bras sans voir,
06:32 ce qui serait complètement impossible maintenant.
06:35 Et puis aussi ce qui a changé c'est quand même l'atmosphère générale,
06:40 qui est beaucoup moins respectueuse d'un président de la République.
06:45 Un président de la République on lui dit "là vraiment tu charries",
06:49 quand on le croise on voit bien comment les gens se comportent.
06:53 - Mais ça c'était impossible.
06:56 Il y a l'attitude du public, il y a l'attitude des médias aussi,
07:00 parce qu'on peut se dire aussi que si la com' est aussi verrouillée,
07:03 si même vous êtes aussi brifé par les équipes de l'Elysée,
07:06 est-ce que ça n'en va pas aussi de la responsabilité des médias,
07:09 qui ont quand même une fâcheuse tendance à se focaliser sur la petite phrase,
07:13 la petite image qui va faire parler,
07:16 et ça finalement est-ce que ce n'est pas en train de se retourner contre Parisian Amen ?
07:19 - Oui, il y a quelque chose de nouveau qui n'existait pas du tout,
07:23 on ne va pas faire les anciens combattants,
07:25 mais il y a encore une vingtaine d'années,
07:27 ce qu'on appelle je crois le micro tendu, c'est ça ?
07:29 - Oui, exactement.
07:29 - C'est-à-dire qu'il y a un moment où le président arrive,
07:32 et fait une déclaration, répond à quelques questions,
07:35 bon, De Gaulle il n'en était même pas question, il n'a jamais fait ça.
07:39 - Mitterrand non plus.
07:40 - Mitterrand assez peu.
07:42 - Chirac un peu de temps en temps.
07:43 - D'où ça a surtout commencé avec Sarkozy.
07:45 - C'est une fenêtre en tout cas qui nous permet quand même
07:48 de pouvoir directement poser des questions au président.
07:52 Il y en a d'autres, les conférences de presse
07:56 qui par contre sont souvent assez réglementées
07:58 avec un nombre de questions limitées,
08:00 et puis il arrive quand même régulièrement
08:02 qu'Emmanuel Macron nous fasse ce qu'on appelle des offres,
08:05 donc vienne voir les journalistes,
08:08 et là on peut échanger dans un cadre plus privé,
08:11 oui avec lui heureusement.
08:13 - Sans que vous citiez son nom après,
08:15 mais il vous fait des petites confidences quoi.
08:16 - Alors ça, ça dépend, des fois on peut le citer directement,
08:19 et des fois on doit effectivement citer Source Elysée
08:22 ou Source Entourage, alors que c'est lui-même
08:25 qui finalement nous a donné les informations.
08:28 - Mais de toute façon il y a une proximité
08:30 qu'il pouvait y avoir, pas systématiquement,
08:32 mais qu'il pouvait y avoir avec les anciens,
08:34 les présidents les plus anciens, qu'il n'y a plus maintenant.
08:37 Moi j'ai un souvenir d'un voyage dans l'avion de Giscard
08:41 pour les Etats-Unis où il allait faire un discours
08:43 devant le congrès américain, il allait parler en anglais,
08:47 et à un moment il me fait venir et me dit
08:48 "je viens de penser à quelque chose là,
08:51 le discours va être diffusé en direct sur TF1,
08:54 mais qui va me traduire ?"
08:57 Alors je dis "ben il y a un interprète",
08:59 alors il me dit "oh non, ça serait mieux,
09:01 vous savez, je viens de penser à ça",
09:02 alors il avait des idées comme ça jusqu'à...
09:04 Il me dit "on va enregistrer, faites venir votre ingénieur du son,
09:07 on va enregistrer la traduction, c'est moi qui vais me doubler".
09:10 - Ah génial !
09:11 - Et alors on enregistre, sauf que ni lui ni moi
09:16 n'avions en tête qu'il allait être interrompu
09:18 par des applaudissements au congrès américain.
09:20 Et donc au bout des premiers applaudissements,
09:22 c'était complètement bordélique,
09:24 parce qu'il continuait à parler sur les applaudissements.
09:27 Donc ça a été une panique absolument totale.
09:29 Mais ça prouve qu'il y avait de la proximité
09:32 qui existe, on n'imagine pas Macron faire ça aujourd'hui.
09:35 - C'était clairement une autre époque.
09:37 - Et c'était une autre époque.
09:38 - Merci, merci.
09:39 - Avec ses bons moments et ses moins bons moments.
09:41 - Merci à tous les trois d'être venus ce matin.
09:44 Merci Arthur Delaborge, journaliste au service politique d'Europe 1.
09:47 Vous filez au conseil des ministres, d'ailleurs.
09:48 - Exactement.
09:49 - Je vous remercie.
09:50 Merci à Michel Cotta et Patrice Duhamel.
09:51 On rappelle la diffusion du troisième volet
09:53 de votre excellente série documentaire
09:54 "Président, le prix à payer face au terrorisme".
09:57 Ce sera diffusé samedi 11 novembre à 21h sur Public Sénat.
10:01 Et puis c'est déjà d'ailleurs sur le site de la chaîne
10:04 comme les deux autres volets de cette série.
10:06 Merci.

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