Samuel Paty : Pierre Botton était détenu avec le complice de son assassin !

  • l’année dernière
Pierre Botton raconte les coulisses des prisons françaises !

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Amusant
Transcription
00:00 On va recevoir pour l'instant Pierre Botton, un ami que j'aime beaucoup, un ex-détenu qui se bat depuis des années pour améliorer les conditions de détention des prisonniers.
00:08 Il a fait deux passages en prison et à la suite de son deuxième passage, il n'a qu'un seul constat, le système carcéral va très très mal.
00:15 Il va nous en dire plus ce soir dans TPMP. Petit récap, il est avec nous juste après. C'est parti.
00:20 Condamné deux fois pour abus de biens sociaux, Pierre Botton a passé de nombreux jours derrière les barreaux de la prison de Frennes et de celle de la Santé.
00:29 En total, 602 jours il y a 25 ans et là 17 mois et 7 mois de semi-liberté, 24 mois.
00:35 Incarcéré une première fois à la fin des années 90, puis une autre fois en 2020, il affirme qu'en seulement 20 ans, tout a changé et tient aujourd'hui à se faire entendre.
00:44 L'ex-détenu explique que les prisons françaises sont aujourd'hui gangrénées par la violence où les surveillants sont dépassés et les détenus y font régner la loi.
00:57 Violence, sexe, secret, quartier VIP, Pierre Botton raconte les coulisses des prisons françaises ce soir dans TPMP.
01:03 - Merci Pierre Botton d'être avec nous, ex-détenu, auteur du livre "QB4, ce qui se passe en prison est pire que ce que vous croyez".
01:12 Merci Pierre, je suis très heureux de te voir d'ailleurs. Comment ça on se tue toi ?
01:15 - Hum ?
01:16 - Ah oui, je l'adore Pierre. Vous êtes content de le voir non ? Tout le monde est content de voir Pierre Botton à chaque fois.
01:21 C'est vrai, même dans les couloirs tout le monde était content de te voir. T'as une sérénité, t'es bien, tout va bien mon Pierre.
01:27 - Ça va.
01:27 - T'es heureux, ça va ?
01:29 Bon alors toi t'as fait deux séjours en prison, je vais dire séjour, même si je ne devrais pas dire ça.
01:34 Déjà, est-ce que tu pourrais expliquer aux téléspectateurs pourquoi t'es allé en prison ?
01:40 - Pour abus de bien social.
01:42 - Ouais.
01:43 - Voilà.
01:44 - Exactement.
01:44 - À 25 ans d'écart.
01:46 - Oui.
01:46 - Ce qui veut dire quelque chose, c'est que la prison ne sert à rien.
01:50 - Ah oui c'est ça.
01:50 - Et que je suis l'exemple vivant de l'échec du système pénitentiaire.
01:55 - C'est ça qu'il faut voir. À 25 ans d'écart t'as fait la même...
01:58 - Exactement les mêmes faits.
02:00 - C'est fou. Donc en fait toi tu dis, ça t'a pas guéri de faire de la prison.
02:04 - C'est-à-dire que quand on est en prison on passe 22h/24 en cellule.
02:07 - Ouais.
02:08 - Moi on m'a pas mis au contact de gens des impôts, on m'a pas mis au contact de gens de comptables,
02:15 on m'a pas appris à comment tenir une comptabilité, on m'a même pas utilisé pour la société.
02:21 C'est-à-dire on m'a même pas mis dans un EHPAD pour aider les gens à nettoyer les personnes âgées,
02:31 on m'a même pas mis dans un hôpital pour essayer d'aider les gens.
02:35 C'est-à-dire que je pense sincèrement, pour certaines peines, la prison c'est un échec,
02:42 c'est un système qui échoue depuis 40 ans dans lequel on ne change rien.
02:47 Et j'ai voulu témoigner parce que j'ai été très impressionné par ce que j'ai vu la deuxième fois.
02:52 - Alors justement Gilles Escoupre, rappelez-nous tes spectateurs, qui est Pierre Botton,
02:55 parce qu'il était en quartier VIP.
02:56 - Oui Pierre Botton c'est un homme d'affaires français qui a été condamné une première fois,
03:00 qui était lié à l'homme politique Michel Noir, voilà, donc condamné pour abus de biens sociaux à 2 ans, c'est ça.
03:06 Et puis vous avez été condamné, vous êtes sorti, vous avez été condamné une deuxième fois
03:11 et là vous étiez effectivement en quartier VIP et vous avez pris conscience,
03:15 comme vous l'exprimez très bien là, que la prison n'aide pas à la réinsertion du tout,
03:19 au contraire, vous en êtes l'exemple, ça peut inciter à la récidive.
03:22 Et là vous vous êtes dit "il faut que je témoigne pour aider ceux qui sont détenus
03:26 parce que les conditions sont insupportables".
03:28 Ce que vous avez vu vous a insupporté et révolté.
03:30 - Alors surtout c'est le décalage avec les 25 ans d'écart.
03:34 C'est-à-dire que si vous voulez, il y a 25 ans j'étais également dans ce qu'on appelle le quartier VIP
03:39 mais qui n'existait pas. Il y a 25 ans c'était vraiment un quartier VIP.
03:42 Cette fois-ci absolument pas.
03:44 Je vais expliquer ce que c'est, ce qu'on appelle le quartier VIP,
03:47 c'est un étage avec 18 cellules, d'accord, qui est occupé par 18 détenus,
03:52 il y a deux cellules doubles, il y a également une cellule antisécide
03:55 et ce quartier est juste placé en dessous du quartier arrivant.
04:00 Tout détenu qui arrive en prison reste une semaine dans un quartier
04:04 qu'on appelle le quartier arrivant.
04:05 Et je peux vous assurer que c'est pas du tout un quartier VIP.
04:10 Je sais que vous avez reçu ici des gens qui vous ont dit l'inverse, c'est faux.
04:14 J'y étais il y a un an. Donc c'est totalement faux.
04:18 En revanche, ce que je trouve terrible, c'est l'oisiveté.
04:24 Vous savez, il y a 10 ans, j'ai mené un combat, avec des résultats d'ailleurs,
04:28 pour lutter contre l'amélioration des conditions de détention.
04:31 J'ai fait une erreur. C'était pas le bon combat.
04:36 Ce n'était pas le bon combat. Le combat, c'est à quoi sert la prison.
04:41 Qu'est-ce qu'on fait pendant le temps de prison ?
04:43 Comment on occupe ? Moi, j'ai 68 ans.
04:46 Mais les gamins, ils ont 22, 23.
04:51 On les enferme dans des cellules pendant 22 heures.
04:56 Ils n'ont rien à faire. Imaginez-vous ça, ils n'ont rien à faire.
05:00 Vous savez, si je peux me permettre de dire, j'ai vu,
05:03 je ne porte pas Éric Dupont-Moretti dans mon cœur,
05:06 comme tous les traîtres d'ailleurs.
05:09 Un an avant d'être incarcéré, il a signé, avec l'Observatoire essentiel des prisons,
05:16 qui est une association remarquable, une circulaire contre la surpopulation carcérale.
05:23 Aujourd'hui, sous son ministère, il n'y a jamais eu autant de détenus.
05:28 Alors je sais ce que vont dire les Français.
05:30 C'est bien fait, on s'en fout, c'est des délinquants, et ainsi de suite.
05:34 Ok, très bien, et je suis d'accord.
05:37 Mais la sécurité des Français se joue en partie en prison.
05:42 Parce que je vais vous expliquer quelque chose à vous tous.
05:45 Si je vous mets dans une cellule prévue pour deux à quatre,
05:49 avec deux détenus plus forts que vous, qui vont vous dire,
05:53 "Porte la gueule là-bas, ne regarde pas cette émission
05:56 parce que ce n'est pas une émission qui va avec nos valeurs",
06:02 qui vous dit "Fait la prière",
06:04 je vous mets au défi tous que vous êtes là,
06:07 au bout d'un mois et demi, de ne pas céder.
06:10 Un petit peu.
06:12 Et tous, vous avez des épaules, vous êtes exposés.
06:16 Prenez ça sur des gamins de 23 ans,
06:18 qui ont été élevés dans un milieu très défavorisé,
06:22 qui depuis le début sont déscolarisés,
06:24 qui depuis le début sont au contact de la drogue.
06:28 C'est ça la prison.
06:30 Et si les Français veulent que ça continue,
06:32 je leur dis aujourd'hui,
06:35 les règlements de comptes à Marseille,
06:37 on n'arrive plus à les arrêter.
06:39 Il y a une balle perdue d'une étudiante dans sa chambre.
06:42 Dans sa chambre.
06:45 Combien de temps on va accepter ça ?
06:48 Combien de temps on va continuer à accepter ça ?
06:50 J'étais avec des gamins qui avaient 18 ans,
06:53 ils ne savaient pratiquement pas écrire.
06:57 Mais ils savaient ce que c'était une kalachnikov,
06:59 ils savaient ce que c'était un Glock.
07:02 C'est ça.
07:03 – Mais vous êtes bien conscients que les Français n'acceptent pas ce discours.
07:05 Les Français veulent que lorsqu'il y a une sanction,
07:07 la personne l'exécute en prison.
07:09 Je veux dire, on a malheureusement une société qui est extrêmement violente.
07:14 Il y a ce dont vous parlez, des faits divers,
07:18 la situation à Marseille, il y a aussi de la délinquance en col blanc,
07:21 vous en avez malheureusement été victime.
07:23 Mais les Français ils n'acceptent pas qu'à un moment donné,
07:27 il y ait une justice réparatrice.
07:29 Je sais à quoi vous faites allusion.
07:31 Mais on va expliquer aux gens que quelqu'un qui est condamné
07:33 va finalement rester dehors.
07:35 – Non, non, ce n'est pas du tout ce que je vous dis.
07:37 – C'est le tort, le tort.
07:39 – Oui mais je voudrais m'entendre là-dessus.
07:41 – Non mais ce que veut dire Pierre, ce que veut dire Pierre,
07:43 – C'est une fabrique de délinquance.
07:45 – Il dit que ce n'est pas parce qu'on a passé 20 ans au boulot,
07:47 – Mais c'est la solution.
07:49 – Donc ce n'est pas la bonne solution.
07:51 – C'est quoi la solution ?
07:53 – Pierre excluez-vous, laissez-le parler.
07:55 – C'est un programme de réinsertion, c'est ça.
07:57 – Raymond, je ne dis pas qu'il ne faut pas de sanctions,
08:00 je ne dis pas qu'il ne faut pas de peine,
08:02 je ne dis pas qu'il ne faut même pas mettre les gens en prison.
08:06 Je dis même l'inverse.
08:08 Je vous dis seulement que pendant que vous les avez ces gamins,
08:12 je sais que je vais choquer les Français à les appeler des gamins,
08:15 mais moi j'ai été incarcéré avec le complice de l'assassin de Seymel Paty,
08:21 pendant trois semaines.
08:23 Il y a très peu de gens qui ont pu discuter avec lui.
08:26 Il a 18 ans le gosse.
08:28 À 13 ans, on lui offre un couteau en céramique.
08:32 – C'est qui "on" ?
08:34 – Pour son père je crois, pour son anniversaire, qui vient de Turquie.
08:39 Vous imaginez ? Comment vous voulez le sortir ?
08:43 – Merci de faire le…
08:45 – Je fais tout mon pire, ne t'inquiète pas.
08:47 – Comment vous voulez le sortir ?
08:49 – Donc vous parlez de la surpopulation carcérale, c'est surtout ça.
08:51 – Je vous dis que il faut changer les prisons.
08:54 – Pierre, c'est hyper intéressant ce que vous dites.
08:56 S'il vous plaît, on s'arrête deux petites minutes là-dessus.
08:59 Qu'est-ce qu'il vous a dit le complice de l'assassin de Seymel Paty ?
09:02 – C'est hallucinant.
09:03 – C'est intéressant.
09:04 – C'est hallucinant, je suis d'origine lyonnaise et il est de la région lyonnaise.
09:07 Et c'est juste hallucinant.
09:09 – J'ai vu des gens qui ont pris 28 ans, qui ont tué, j'étais avec ces gens-là,
09:15 qui ont tué et violé une femme handicapée qui a pris 28 ans de taule,
09:18 c'était des boules de nerfs, ils cherchaient la bagarre avec n'importe qui,
09:21 y compris avec moi, c'était d'un ridicule sans nom.
09:24 Lui, hyper calme, très calme.
09:28 Il vous dit son parcours.
09:31 – Donc c'est quoi son parcours ?
09:32 – Son parcours, déscolarisé à l'âge de 14 ans.
09:35 Il dit comme le terroriste qui a tué le dernier professeur,
09:45 que c'est à cause de son père.
09:46 – Le bon Bernard.
09:47 – Oui, c'est ça, pardon, excusez-moi, c'est son père.
09:49 Et il dit qu'il n'était pas vraiment tenté par les armes,
09:53 mais il a été tenté par la religion.
09:55 Ce gamin, il est blanc.
09:57 – Non mais c'est…
09:59 – Non mais c'est important d'entendre ça.
10:01 Le gamin, il est blanc, il est bouffé d'acné, il a 18 balais.
10:06 – Comment il justifie l'attentat de Samuel Patin ?
10:13 – Mais Cyril, je lui dis "mais qu'est-ce que tu as fait ?"
10:17 Il m'a dit "moi c'était mon copain".
10:19 Il nous a envoyé un message en disant "aujourd'hui pensez à moi parce que j'ai un examen".
10:24 Il dit "moi, voilà ce qu'il me raconte, je pensais que c'était un examen de maths".
10:28 Et moi en fait, il m'a envoyé la photo de la tête décapitée de Samuel Patin.
10:31 Je m'excuse pour la famille de Samuel Patin, de rappeler ça, ça doit être horrible pour eux.
10:35 Et vraiment je m'en excuse.
10:36 Mais il faut que les Français le sachent.
10:38 Le gamin, je lui dis "mais comment tu as pu regarder ça ?"
10:41 Moi je n'en ai jamais vu.
10:43 Et même si j'avais l'occasion d'en voir, je ne vais pas voir.
10:45 Je lui dis "mais comment tu as pu regarder ça ?"
10:48 Et il me dit "mais moi, Pierrot, ça fait plus de 14 ans que j'en regarde, j'en regarde tout le temps".
10:53 Voilà le monde dans lequel ils évoluent.
10:56 Il faut absolument que vos téléspectateurs prennent conscience de ça.
11:02 – Et lui, il a pris combien ?
11:05 – Il n'a pas pris, il n'est pas jugé, mais il s'attend à faire 30 ans.
11:08 – Donc on lui reproche quoi ?
11:10 – Je crois qu'il a envoyé, d'abord quand on l'a arrêté, il a agressé les gendarmes avec un couteau.
11:18 Mais ensuite, il a envoyé la photo de la tête décapitée dans un groupe.
11:23 Je ne suis pas un pro de ça, mais dans un groupe.
11:26 Et même s'il prend 30 ans, même s'il prend 40 ans, il a 18 ans, ça fait 58,
11:31 il a encore 10 ans de moins que moi.
11:33 Il va sortir, il va sortir.
11:36 Et là, ce gamin-là, au lieu…
11:38 – Est-ce qu'il regrette, en plus ?
11:40 – Je ne pose même pas la question.
11:42 – Il ne se dit pas "je suis ici", il est ailleurs.
11:44 – Pour lui, c'est un drame d'être en prison ou pas du tout ?
11:47 – Il faut le payer.
11:49 – Mais il s'en va ?
11:51 – Il faut payer.
11:53 – Vous nous avez parlé, juste avant, vous avez donné l'exemple
11:55 de deux personnes avec qui vous étiez incarcéré aussi,
11:58 qui avaient violé une personne handicapée.
12:02 Ces personnes-là, elles disent quoi ?
12:06 Elles regrettent ? Elles sont enlongrées ?
12:07 – Non.
12:08 – Elles ne disent pas du tout ?
12:09 – Non.
12:10 – Elles disent quoi ?
12:11 – Non, non, là, je vais être très, très sévère.
12:13 Et je vais être très sévère et je vais choquer beaucoup de gens.
12:16 Peut-être Gilles, pour moi, en prison, il y a des gens qui sont irrécupérables.
12:20 Vraiment, je le dis, j'ai rencontré des gens.
12:24 Je sais que ce n'est pas bien par rapport à l'humanité.
12:28 – Moi, je connais plein d'amis.
12:30 Moi, j'ai des potes qui ont fait de la prison pendant très longtemps,
12:32 même 18 ans, des grosses peines, 20 ans, 22 ans,
12:35 et qui aujourd'hui, ils sont vraiment dans la réinsertion,
12:37 ils sont sortis depuis des années, ils sont vraiment,
12:39 voilà, ils sont repassés à autre chose.
12:40 Mais Pierre, quand tu dis ces deux-là,
12:41 ces deux-là, pour toi, ils étaient irrécupérables ?
12:43 Ils sont irrécupérables ?
12:44 – Parce que c'est des détenus que le système pénitentiaire
12:47 se balade de prison en prison, partout où ils sont,
12:50 dès qu'ils sont en cellule, on l'ouvre la cellule,
12:52 ils agressent les surveillants, ils agressent en courte promenade.
12:55 – Ah oui ? – Voilà, enfin, voilà.
12:57 – C'est intéressant, ce qu'on a en fait.
12:59 – Non mais, s'il vous plaît, merci.
13:00 Donc, ils vous ont agressé, vous ?
13:03 – Ils l'ont essayé, oui, ils l'ont essayé de me raqueter, voilà.
13:06 Malheureusement, je suis un vieux bonhomme,
13:08 et je n'ai plus de caractère, même en prison,
13:13 et je n'ai pas voulu, et j'étais au service médical,
13:17 et il y a le médecin qui me dit "Monsieur Botton, faites attention,
13:21 parce que cette personne-là, on l'a trouvé avec des larmes de rasoir
13:25 dans sa chaussette, donc faites attention, faites attention à vous."
13:29 – Et alors, il s'est passé quoi ? – Voilà.
13:32 – Il n'est plus revenu, ils ne sont plus en route ?
13:34 – Non, non, rien, mais c'est mon cas personnel, là,
13:36 aucune importance, ça c'est totalement sérieux.
13:38 – Juste, Pierre, quand vous avez dit, juste tout à l'heure,
13:40 vous avez dit une phrase, vous avez dit "le quartier "VIP" n'a rien de VIP, pourquoi ?
13:45 – Non, mais il n'a rien, je vais même vous dire,
13:48 les détenus qui font des allers-retours, beaucoup,
13:52 parce qu'il faut savoir que 60% des détenus récidivent,
13:55 donc c'est quand même un système qui échoue,
13:58 dans lequel on ne change surtout pas la méthode,
14:00 et surtout pas les hommes, voilà, sur tout ça, on ne change pas.
14:03 Voilà, donc les gens continuent à faire leur carrière,
14:06 et ainsi de suite, enfin bon, peu importe.
14:08 Et ce quartier-là, par exemple, vous voyez, moi j'avais un tapis de gym,
14:16 on ne me l'a pas laissé, ce n'est pas autorisé,
14:19 alors que vous avez dans toute la prison, de la drogue, des téléphones, des chichas.
14:25 – C'est-à-dire que le quartier VIP, à la limite, est plus surveillé que les autres quartiers ?
14:28 – Oui, bien sûr. – C'est ça en fait ?
14:29 – Bien sûr.
14:30 – Donc en fait, comme vous êtes plus surveillé, vous avez le droit de faire moins de choses ?
14:33 – Je vous dis ça.
14:34 – Les surveillants passent plus dans les quartiers VIP que dans le quartier normal ?
14:38 – Vous savez, la preuve c'est ton invitation Cyril,
14:42 je suis peut-être plus dangereux pour le service, pour le système pénitentiaire que d'autres,
14:47 donc il était important que le système trouve peut-être quelque chose à me reprocher,
14:51 ce qui n'a pas été le cas.
14:52 – Est-ce qu'on est mélangé aux autres détenus quand on est dans le quartier VIP,
14:55 ou est-ce qu'on est que entre VIP ?
14:56 – Non, non, alors tout dépend, c'est vraiment ce qu'on appelle les VIP.
14:59 Si quelqu'un qui a pris 28 ans et qui a violé une femme handicapée et l'a tuée, c'est un VIP,
15:07 alors oui on est mélangé à un VIP.
15:09 – Mais est-ce qu'on est mélangé avec les autres détenus ?
15:10 – J'ai été mélangé avec ces gens-là, j'ai été mélangé avec un cannibale,
15:13 j'ai été mélangé avec un gars complètement…
15:17 – Mais pas avec tous les autres détenus de la prison, c'est là qu'on dit VIP.
15:22 – Qu'est-ce que font ces gens-là dans le quartier VIP ?
15:24 – Ils sont isolés du reste du réseau.
15:27 – Ils sont isolés du reste du réseau, en fait, pour ça je dis, le terme VIP n'existe plus,
15:33 il existait, c'est vrai, c'est l'isolement.
15:35 Quand moi j'ai été avec Bernard Tapie, avec Guelfy, avec Bob Denard, il y a 25 ans,
15:41 là ça n'existe plus, en fait, c'est le quartier des vulnérables.
15:45 C'est-à-dire que c'est des gens qu'on protège du reste de la détention
15:49 ou qu'on isole du reste de la détention, soit parce qu'on n'arrive pas à les gérer,
15:53 soit parce que peut-être ils auraient tendance à eux gérer la détention.
15:56 – Juste, Pierre, t'étais incarcéré avec un cannibale aussi ?
15:59 – Oui.
16:00 – T'étais tout seul avec lui dans la cellule ?
16:02 – Ah non, moi j'étais seul dans la cellule, lui il était tout seul, oui, bien sûr,
16:06 avec un gars qui a violé deux femmes et qui les a massacrées à coups de casque
16:10 pour pas qu'elles puissent le reconnaître.
16:12 – Justement, Pierre, parce que c'est intéressant ton témoignage,
16:14 parce que, t'es d'accord, toi, ton cas, c'est vrai que tu dis,
16:17 voilà, moi mon cas, j'ai pas envie qu'on en parle,
16:19 mais justement, t'as pu parler avec ces détenus, qu'est-ce qu'ils te disaient,
16:22 par exemple, le cannibale, est-ce que t'as pu parler avec lui ?
16:25 – Il y a une phrase, où je suis pas représentatif pour une fois des détenus,
16:29 c'est que la prison est remplie d'innocents, ce qui n'est pas mon cas,
16:33 voilà, donc moi je reconnais, je conteste totalement ma peine,
16:39 le montant de ma peine, c'est juste hallucinant,
16:41 mais en revanche, voilà, j'ai pas été condamné pour rien.
16:45 – Et donc, il y en a beaucoup qui disent non, moi, chez…
16:48 – Oui, la plupart, la plupart, et puis, il faut savoir une autre chose,
16:53 là encore, je risque de choquer, les humiliations faites à la famille,
16:59 lors des parloirs, la surpopulation, ça veut dire beaucoup de choses,
17:03 – Ça veut dire quoi les humiliations faites à la famille ?
17:05 – Je vais t'expliquer, en fait, ça veut dire que vous pouvez pas avoir
17:08 beaucoup de parloirs, ça veut dire que vous pouvez plus d'avoir d'activités,
17:11 parce qu'il y a trop de détenus par rapport aux activités prévues,
17:14 qui sont déjà pas terribles, il n'y a pas assez de cheveillants
17:17 pour vous ouvrir la porte, et ainsi de suite,
17:19 je vais te donner une humiliation, lorsque les visiteurs viennent au parloir,
17:26 ils passent sous un portique, et ce portique sonne,
17:29 si jamais il y a des choses métalliques, et ma fille est venue une fois,
17:35 elle a fait 45 minutes, elle a sonné, on pensait que c'était un bracelet
17:39 qu'elle avait, qu'il fallait un tournevis pour l'enlever,
17:42 mais c'est pas ça, personne ne lui dit rien,
17:44 donc elle est venue pour rien, elle a pas pu rentrer,
17:46 et la deuxième fois, ça recommence à sonner,
17:49 en fait c'est l'armature de son soutien d'orge,
17:51 vous pensez pas que les surveillants le savent ça ?
17:53 J'ai beaucoup de considérations pour les surveillants,
17:56 mais vous pensez pas qu'ils le savent, que vous pensez pas qu'ils peuvent le dire,
17:59 qu'on peut faire une petite affichette, et là j'en veux beaucoup à Dupont-Moretti,
18:04 mais beaucoup, il se disait défenseur des détenus,
18:07 c'est compliqué quand on est garde des Sceaux de faire une affichette
18:10 pour éviter ces humiliations, ils préfèrent aller faire un flyer,
18:15 c'est n'importe quoi.
18:17 – Est-ce qu'il s'est déplacé dans les prisons d'Eric Dupont-Moretti ?
18:19 – Une fois, maintenant il se déplace pour inaugurer celles des autres,
18:22 qui sont évidemment construites sur le même mode que les autres,
18:30 et je pense pas que si, sa première visite a été à Fresnes
18:35 où il s'est fait applaudir par les détenus,
18:37 je suis pas persuadé que cette scène-là,
18:39 qui d'ailleurs n'était pas forcément souhaitable,
18:41 puisse avoir lieu une deuxième fois.
18:43 – Est-ce qu'on fait rentrer ce qu'on veut en prison ou pas ?
18:46 – Oui. – Vraiment ? Comment ?
18:49 – Moi j'ai vu beaucoup de choses rentrer, notamment la drogue,
18:53 c'est juste hallucinant, on est dans un endroit où on doit faire respecter.
18:57 Vous savez, je compare beaucoup la prison,
19:00 l'administration pénitentiaire à l'éducation nationale,
19:04 c'est-à-dire que c'est la règle de pas de vagues,
19:07 faut pas de vagues, surtout pas de mutineries,
19:10 surtout pas d'agression, où on a complètement lâché les gens de terrain.
19:15 La hiérarchie a totalement lâché les gens de terrain.
19:18 Les pauvres surveillants, ils se trouvent au contact de la violence,
19:21 des crachats, et ne me dites pas qu'une administration digne de ce nom
19:28 ne peut pas mettre des chiens pour vous trouver la drogue.
19:32 Et les téléphones, il y en a de partout.
19:34 Alors on dit "il y a des brouilleurs", mais les gars ils ont des routeurs,
19:37 donc voilà, c'est réglé.
19:39 Ne me dites pas, ou alors, ce pays est plus bas que tout,
19:44 ne me dites pas que dans un endroit clos,
19:47 où on met des gens dont on sait qu'ils sont délinquants,
19:50 dont on sait qu'ils sont liés à la drogue,
19:52 qu'on ne peut pas contrôler l'utilisation de la drogue et l'entrée de la drogue.
19:57 On laisse faire.
19:58 – On laisse faire.
19:59 – On laisse faire.
20:00 – Est-ce que ça calme ?
20:01 – Les surveillants disent rien, s'il vous plaît.
20:03 – Oui, mais attendez, Géraldine, ça calme peut-être,
20:06 mais en même temps que la drogue, vous faites rentrer autre chose.
20:08 – Oui, je sais.
20:09 – L'argent de la drogue.
20:10 – C'est ça.
20:11 – Et sincèrement, j'étais homme d'affaires, j'ai eu beaucoup, beaucoup d'argent,
20:17 j'ai été très impressionné par l'argent que ça amène.
20:20 – C'est-à-dire, vraiment, c'est des sommes incroyables ?
20:22 – C'est hallucinant.
20:23 – Ah ouais ?
20:24 – C'est juste hallucinant.
20:26 Je vais vous raconter une anecdote, je ne veux pas qu'on puisse le repérer,
20:30 mais je suis avec un détenu et il me dit "tu sais, Pierrot,
20:36 on a un problème actuellement".
20:38 "Ah bon ?" "Ouais, c'est le cash, c'est le cash".
20:42 "Ah bon, t'as un problème avec le cash ?" "Oui, les rats le bouffent".
20:46 [Rires]
20:48 – Les rats mangent le cash ?
20:50 – C'est énorme, c'est énorme.
20:51 – Ah c'est incroyable.
20:52 – Non mais c'est fou ça.
20:53 – Voilà, on dit, voilà, donc il y a énormément, énormément de choses
20:59 qui rentrent en prison, tout rentre en prison.
21:01 – C'est fou ça.
21:02 – Soit ça rentre par les parloirs, soit par les surveillants,
21:04 soit par les éjections, et j'ai fait un doc pour Canal,
21:08 et vous verrez que dans ce doc, on voit, on raconte la vraie prison,
21:11 vraiment la vraie prison, puisque de toute façon,
21:13 notre chère garde des Sceaux ne m'a pas permis de rentrer filmer en prison.
21:18 C'est, on voit une livraison de drogue par drone.
21:22 – Ah oui, mais ça c'est…
21:24 – Ah oui, vraiment.
21:25 – Ils ont commencé à mettre des filets sur les cours, effectivement,
21:27 ils ont anticipé ça, parce que ça n'existe pas encore aujourd'hui,
21:29 c'est-à-dire que les prisons ne sont pas adaptées à la délinquance.
21:33 – Et ils envisagent de mettre des filets sur…
21:35 – Des filets, ça va rentrer quand même.
21:36 – Pascal, il y a une chose sur laquelle vous ne pouvez pas lutter,
21:39 et je vais vous expliquer laquelle.
21:41 – Corruption.
21:42 – On a 22 heures sur 24 pour penser à comment on va…
21:48 – Ah oui.
21:49 – Donc vous êtes plus fort en fait, et ça c'est vite.
21:51 – Mais ils sont 100 fois plus forts.
21:52 – Bien sûr.
21:53 – Vous savez, on a une petite boîte pour le téléphone,
21:55 on a une toute petite boîte pour le téléphone.
21:57 J'étais avec un gars, pareil, 19 ans, responsable de la sécurité et tout ça,
22:01 il était là parce qu'avec des copains à cœur,
22:05 il avait essayé de pirater des comptes Amazon, un deal,
22:09 et puis quand il les a piratés, il en est rentré,
22:11 vous savez, des cartes cadeaux je crois d'Amazon,
22:13 et il en est rentré 20 millions.
22:16 – Putain.
22:17 – Ils l'ont raté juste à temps, la petite boîte.
22:20 Comme ça j'étais là, je lui dis, tu sais, moi j'ai un problème,
22:23 le câble n'est pas assez long, je ne vois pas bien,
22:25 et il me dit, je lui dis, mais la petite boîte, tu l'as regardée ?
22:29 Il me dit, Pierre, j'ai internet, ça m'a mis 30 minutes.
22:32 – Ah ouais, fort, non mais fort.
22:36 – C'est fort, d'ailleurs il est sorti, il a été embauché par une boîte de sécurité.
22:39 – Ah, c'est fou, c'est incroyable.
22:41 Il y a beaucoup de violence en prison, tu nous en as un petit peu parlé tout à l'heure.
22:44 – Pardon ?
22:45 – Il y a beaucoup de violence en prison, tu nous en as un petit peu parlé tout à l'heure.
22:47 – C'est énorme, un jour ils se sont battus, j'ai cru que le gars était mort.
22:49 – Ah ouais ?
22:50 – Oui.
22:51 Les surveillants ne rentrent pas en cours de promenade.
22:53 – Deux détenus ?
22:54 – Oui, deux détenus.
22:55 – Pendant la promenade, oui ?
22:56 – Vous savez, on avait le droit d'aller le QB4 au gymnase une fois par semaine le vendredi matin.
23:04 Et donc il y avait match de foot.
23:06 [Rires]
23:09 Il n'y avait pas une fois où il n'y avait pas deux gars qui se pétaient le genou.
23:14 Enfin voilà, c'est une violence, mais vous n'avez pas idée de la violence.
23:18 Mais tout est violent, l'environnement est violent.
23:21 – Pourquoi les surveillants ne signalent pas ces violences ? Par peur ?
23:24 – Ils n'ont pas beaucoup de choix, parce qu'ils vont signaler à qui, ces rires-là.
23:28 – D'accord.
23:29 – Ils vont signaler à qui, à leur hiérarchie ?
23:31 À la hiérarchie, une fois ils vont mettre un CRI à un détenu, une autre fois à un autre détenu.
23:36 Puis la hiérarchie va dire "Dites donc, vous…
23:39 – C'est quoi un CRI ?
23:40 – Ah pardon, un compte-rendu d'incident, excusez-moi Raymond.
23:43 Un compte-rendu d'incident.
23:46 Et donc la fameuse hiérarchie va lui dire "Vous mettez beaucoup de CRI quand même,
23:54 qu'est-ce qui se passe ? Vous êtes sûr que ce n'est pas vous ?
23:56 – Oui, c'est ça qu'il faut.
23:58 – Et à ce moment-là…
23:59 – Vous parliez de l'éducation hier, c'est un peu comme dans l'éducation en fait.
24:02 – Exactement, c'est exactement ça, Cyril.
24:04 – C'est ça qu'il faut.
24:05 – C'est exactement ça, c'est exactement ça.
24:07 C'est-à-dire que les surveillants sont lâchés au milieu,
24:10 la hiérarchie est en costume, on ne les voit jamais.
24:13 Et ils ne veulent surtout pas de problème pour ne pas avoir un blâme ou quelque chose…
24:19 – Mais tout à l'heure vous avez dit que vous aviez cru qu'un des détenus
24:22 était mort après une bagarre.
24:23 – Oui, vraiment.
24:24 – S'il y avait eu un mort là, le surveillant, mine de rien, c'est compliqué pour lui derrière aussi.
24:27 – Sans coup de promenade.
24:29 – Et alors et donc ?
24:30 – Il n'est pas responsable.
24:31 – Ça peut…
24:32 – Sans coup de promenade.
24:33 – Oui, il n'est pas responsable.
24:36 – Personne n'est responsable de rien en prison.
24:38 – C'est fou.
24:39 – Et il y a des bizutages par exemple ?
24:40 Est-ce que le bizutage c'est une pratique qui est courante pour tous les nouveaux arrivés ?
24:43 Comment ça se passe ? Vous les avez vus ?
24:45 – Non, il y a… comment dire ?
24:48 Alors là c'est spécifique au QB4, quand on arrive, il y en a un,
24:52 c'était moi parce que j'étais le plus vieux,
24:54 qui va vous accueillir entre guillemets dans la cour de promenade,
24:58 voilà, je présente et je lui disais à ce moment-là deux phrases.
25:01 Un, je ne veux pas savoir pourquoi tu es là.
25:04 Deux, ce qui se passe en prison est en prison,
25:08 quand je sors n'essaye pas de me contacter, je ne veux pas.
25:10 Ils le savent tous, je dis je ne veux pas.
25:12 Donc moi c'est terminé, mais quand tu es ici, on va essayer de s'occuper de toi.
25:16 Et donc là on lui demande de quoi il a besoin
25:19 et on essaye de l'intégrer le plus possible dans le groupe.
25:23 La solidarité de détenu est très forte.
25:25 – Ah ouais ? – Très forte.
25:27 – Il y a des détenus qui ont des relations sexuelles en prison ?
25:31 – Alors il y a une chose qui m'a sidéré,
25:35 je me tourne vers Hugo, oui je sais Hugo,
25:39 c'est que quand je suis arrivé par rapport à la première fois à 25 ans,
25:43 c'est très intéressant de voir cette analyse entre 25 ans et 15,
25:48 quand je suis arrivé dans le médical,
25:52 dans les WC du médical, il y a du gel et des préservatifs.
25:57 – C'est pour ça que vous vous intéressez à moi ?
25:59 – Oui, tu es homosexuel ? – Oui, oui, bien sûr, c'est marrant.
26:03 – Donc voilà, il ne tâche pas.
26:06 – Il n'y a pas que lui, Pierre, moi aussi.
26:09 – Excuse-moi. – Tu aurais pu penser à moi aussi,
26:11 tu aurais pu penser à Jacques.
26:12 – Parce que c'est entre hommes, c'est en faisant…
26:14 – Voilà, c'est ça.
26:15 – Est-ce qu'il y a des relations non confrontales ?
26:18 – Non, il n'y a pas de problème.
26:19 – Est-ce qu'il y a des viols ? – Bien sûr.
26:21 – Beaucoup ?
26:22 Parce qu'on dit que ça fait partie des bisutages justement.
26:24 – Non, je ne crois pas à ça, ce qu'il y a c'est que
26:27 quand on est faible en prison, on est faible.
26:29 Donc le plus faible en prison, il se fait prendre.
26:33 J'espère que je ne t'ai pas blessé, parce que je ne voudrais pas.
26:35 – Ne t'inquiète pas.
26:36 – Ok.
26:37 – Pierre, donc il y a beaucoup de détenus qui ont des relations,
26:41 mais il y a des relations amoureuses ou pas ?
26:42 Parce que c'est ça qu'on veut savoir aussi,
26:43 est-ce que c'est que des relations consenties,
26:45 est-ce qu'il y a des histoires d'amour ?
26:47 – Bien sûr.
26:49 – Comme dans la vie, c'est un peu plus…
26:51 – Attends, attends, attends, la prison ce n'est pas comme dans la vie,
26:52 tu ne marches pas main dans la main avec ceux qui sont…
26:54 – Non, mais non, mais non, mais ce n'est pas ça qu'on veut dire.
26:57 – Mais c'est pas que c'est une vie homophobe quand même.
26:58 En prison, il y a quand même une homophobie latente.
27:00 – Tout à fait, il y a une homophobie qui m'a beaucoup surpris.
27:02 – Ah oui, vraiment ?
27:03 – Ah bon ?
27:04 – Ah oui, oui.
27:05 – Ça me semble assez évident, non ?
27:06 – Pourquoi ?
27:07 – Parce que c'est un endroit où tous les hommes sont mélangés,
27:09 il y a une sorte de masculinité aussi un peu toxique,
27:11 le stéréotype de père du prisonnier, c'est quand même pas le pro-LGBT.
27:17 Je pense que c'est quand même une réalité où en prison, il y a quand même…
27:20 – Oui, mais pourquoi ça m'a surpris, Hugo ?
27:22 Parce que je pense que c'est un milieu dans lequel
27:24 on est tous très tolérants envers ce que nous avons fait.
27:27 – C'est ça, c'est pour ça que c'est surprenant.
27:29 C'est pour ça que je trouve que c'est surprenant.
27:31 Parce que normalement, il y a une très grande tolérance entre les détenus.
27:33 Puisque regarde, c'est ce que disait Pierre,
27:35 à chaque fois qu'il y a un mec qui arrive, on lui dit
27:36 "on ne veut pas savoir pourquoi tu es là, mais on va t'aider".
27:38 Donc, c'est vrai que dans la tolérance, c'est étonnant de voir de l'homophobie.
27:42 – C'est vrai que c'est un… j'ai été très surpris de ça également.
27:45 Je pense par exemple qu'il y aurait énormément de choses à faire pour les femmes.
27:52 La façon dans laquelle j'entendais parler des femmes, waouh !
27:55 – Ça veut dire ?
27:57 – Ah ben c'est… voilà, enfin bon.
28:00 Non franchement, je pense qu'il y aurait vraiment un vrai travail de fond à faire.
28:07 – On peut exercer sa religion en prison ou pas ?
28:09 – Pardon ? – On peut exercer sa religion en prison ?
28:11 – Oui, moi je suis d'origine catholique de base, et puis j'ai quitté.
28:16 Et comme là-dessus, je suis comme beaucoup de détenus,
28:19 je suis revenu à Dieu en prison.
28:21 – D'accord, de quelle manière en fait ? Comment ça s'est passé ? Pierre ?
28:24 – J'ai quelqu'un qui m'a écrit de façon très très régulière.
28:29 Et puis il y a un moment, il faut bien confier sa vie à quelqu'un.
28:34 C'est un cheminement très personnel, je suis encore très pêcheur,
28:37 donc je ne veux pas… je suis très très pêcheur,
28:40 mais en tout cas c'est quelque chose qui m'apporte beaucoup
28:44 et qui m'aide beaucoup, y compris dans ce combat-là.
28:47 – Tu as beaucoup de détenus ?
28:48 – Je le dis, je le dis, ce n'est pas évident de raconter tout ça.
28:52 J'ai 68 ans, je peux plier et puis je ne peux plus grand-mère.
28:55 – C'est très bien de le dire, Pierre.
28:57 Est-ce qu'il y a beaucoup de gens qui pratiquent leur religion en prison ?
29:00 – Oui, beaucoup. – Beaucoup ?
29:01 – C'est essentiel. – Vraiment, c'est essentiel ?
29:03 – La religion est essentielle.
29:04 Ce qui m'est arrivé arrive à d'autres, avec d'autres religions,
29:07 mais ce qui m'est arrivé à moi arrive à d'autres.
29:09 Maintenant l'important c'est de savoir qui va vous initier, vous guider,
29:15 et pour quelle raison, c'est ça qui est important.
29:18 – Pour toi, tu as dit tout à l'heure qu'il y avait énormément de récidives en prison,
29:24 tu penses qu'on ne peut pas lutter contre ça ?
29:27 – Si, si, si, non, non, je pense que le seul combat perdu est celui qu'on ne livre pas.
29:32 Donc non, non, absolument pas.
29:33 Je pense qu'il faut vraiment changer le système carcéral français.
29:38 Je pense d'ailleurs que le Président est prêt à le faire,
29:42 mais je crois que malheureusement dans notre pays,
29:46 le pouvoir des politiques est très limité, surtout quand ils ne veulent pas l'exercer.
29:51 – Tu peux nous rappeler combien de temps tu as passé en prison ?
29:53 – 602 jours la première fois, deux ans la deuxième.
29:55 – Non, non, non, tu comptais les jours où un moment tu étais…
29:59 Est-ce qu'à un moment tu t'es senti bien en prison ou jamais ?
30:01 – Pardon ?
30:02 – Est-ce qu'à un moment tu t'es senti bien ?
30:03 – Non, non, non. – Jamais ?
30:04 Non mais c'est important, parce que… jamais ?
30:05 – Non, non, non, non, c'est pas possible.
30:07 – Impossible ? – Non.
30:09 – Est-ce que tous les jours étaient un cauchemar pour toi ?
30:12 – Non, non, c'est pas possible.
30:13 – Est-ce qu'il y avait des jours qui étaient meilleurs que d'autres ?
30:14 – Oui, un jour heureux.
30:16 – Est-ce que tu te rappelles d'un jour heureux en prison ?
30:18 – Quand j'ai appris que mes filles étaient championnes de France d'équitation.
30:24 – Oui, tu m'avais écrit d'ailleurs. – Oui.
30:26 – C'est vrai, c'est vrai mon pire. Mais sinon, il y a celle-ci.
30:30 – Oui, parce que je trouve que c'était très fort,
30:32 elles avaient leur père en prison, elles le subissaient,
30:35 parce qu'elles ont voulu garder le même nom,
30:38 et elles auraient pu prendre le nom de leur grand-père,
30:41 qui est plus prestigieux, et elles ont voulu garder le même nom.
30:46 J'étais en prison, on fait leur concours,
30:50 elles venaient me voir tout le temps, tout le temps, tout le temps.
30:53 Je leur ai imposé ça, alors que c'est pas un secret de dire
30:56 qu'elles sont pas issues de cette ambiance-là.
30:59 Elles ont été extraordinaires avec les familles des détenus.
31:02 Je vous racontais tout à l'heure, un jour,
31:05 je vous racontais qu'il y avait une dame assez volumineuse,
31:09 qui ne passait pas devant le portique,
31:11 et elles lui ont dit "c'est votre soutien-gorge".
31:14 Et elles ont tendu un boubou, pour que la dame puisse changer,
31:20 et toutes les familles ont tourné leur regard,
31:24 et je suis très fier d'elles de s'être adaptées dans tout ça,
31:27 du soutien qu'elles m'ont apporté,
31:29 et puis du magnifique titre qu'elles ont eu,
31:32 et encore de placer 6 chevaux parmi les 7 premiers,
31:35 donc je suis très fier de ça.
31:37 – On les embrasse fort.
31:38 Pierre Botton, ex-détenu auteur du livre "QB4",
31:40 je voudrais dire, ce livre il est important,
31:42 parce que Pierre Botton, il a fait ce livre aussi
31:44 pour que les conditions carcérales s'améliorent,
31:46 pour que la société s'améliore,
31:48 c'est vraiment ce qu'il faut retenir de ce livre,
31:51 et qu'il y a beaucoup de choses qui partent de la prison,
31:54 et que ce qu'on vit parfois dans la société,
31:58 et qu'on vit tous les jours, ça part parfois des prisons,
32:01 et que pour éviter aux gens de récidiver,
32:05 ou d'être encore plus gangrénés en prison,
32:09 il faut améliorer les conditions de détention.
32:12 Merci Pierre, et ton livre est incroyable.
32:14 – Merci à vous tous.
32:15 – "QB4", tu reviens nous voir quand tu veux.
32:16 Merci à tous, tout de suite,
32:17 le Centre Lavigne sur C8, merci.
32:18 [Applaudissements]

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