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Les monuments aux morts font partie intégrante de l'histoire de la Première guerre mondiale. Dans les années 1920 c'est à travers ces monuments qu'on tente de se souvenir, des milliers de monuments apparaissent alors en France. Aujourd'hui ils font partie de notre paysage, pourtant si nous nous y intéressons de plus près ils nous révèlent les horreurs de la guerre, les traumatismes et nous mettent face à la thématique de la mort. A quoi servent ces monuments et quel rapport avec nous avec? Comment nous racontent-ils l'histoire d'une boucherie, celle de la Première guerre mondiale?Pour en débattre, Jérôme Prieur, documentariste et réalisateur du documentaire et Annette Becker, historienne et professeur émérite à l'Université de Paris-Nanterre.LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcription
00:00:00 Générique
00:00:02 ...
00:00:15 -Bienvenue à tous.
00:00:16 Chaque village, ou presque, a le sien.
00:00:19 "Débat d'oct" s'intéresse aujourd'hui au Monument aux Morts,
00:00:22 érigé un peu partout en France,
00:00:24 après l'hécatombe de la Grande Guerre, la guerre de 14-18,
00:00:28 avec tout d'abord le documentaire exclusif
00:00:30 qui va suivre, "Les Sentinels de l'Oubli".
00:00:33 Son réalisateur, Jérôme Prieur, s'attarde longuement,
00:00:36 vous allez le voir, sur ces monuments,
00:00:38 leur histoire, leur symbolisme,
00:00:40 leur auteur aussi, des sculpteurs qui, pour beaucoup,
00:00:43 avaient eux-mêmes pris part au combat.
00:00:46 Je vous laisse le découvrir, ce film,
00:00:48 puis Jérôme Prieur sera avec nous sur ce plateau,
00:00:52 en compagnie de l'historienne Annette Becker.
00:00:54 Avec eux, nous nous interrogerons
00:00:57 sur l'histoire de ces monuments, qui sont encore là chaque jour,
00:01:00 pour nous rappeler l'horreur de la guerre.
00:01:03 Bon doc.
00:01:20 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
00:01:23 ...
00:01:52 ...
00:02:08 -On ne fait plus attention à eux,
00:02:10 pas plus qu'aux panneaux de signalisation
00:02:13 ou aux poteaux électriques.
00:02:15 ...
00:02:18 Ils ornent les places de villages,
00:02:20 ils sont aux pieds de la mairie,
00:02:22 ils décorent le chevet des églises.
00:02:25 ...
00:02:28 Ces sentinelles, c'est comme un musée invisible,
00:02:32 ouvert à tout vent.
00:02:34 ...
00:02:37 Deux ou trois fois l'an, on vient y déposer des gerbes de fleurs.
00:02:40 ...
00:02:45 Les monuments aux morts de la Grande Guerre
00:02:48 ont fini par se mélanger au paysage.
00:02:50 ...
00:02:53 À ceux de 14, on a ajouté d'autres plaques.
00:02:56 Les morts de 40,
00:02:59 les résistants, les déportés,
00:03:01 tous se confondent.
00:03:04 Et puis ceux d'Indochine, d'Algérie, d'ailleurs.
00:03:08 ...
00:03:11 Il reste encore un peu de place,
00:03:13 au cas où.
00:03:15 ...
00:03:24 Les pauvres soldats de l'armée morte ont donné leur vie.
00:03:28 Qu'au moins, on vénère leur nom.
00:03:30 ...
00:03:38 Pour la première fois, c'est systématique.
00:03:42 Les guerriers inconnus ont le droit d'être nommés,
00:03:45 et pas seulement les chefs de guerre.
00:03:47 ...
00:03:55 Les simples soldats, les sous-officiers
00:03:58 et les officiers sont logés à la même enseigne.
00:04:01 Les paysans, les ouvriers, les citadins,
00:04:04 les pauvres et les riches.
00:04:06 Tous les contingents d'hommes envoyés au feu.
00:04:09 ...
00:04:16 Noms inoubliables dont on ne se souvient pas.
00:04:20 Les mêmes souvent, jusqu'à six ou sept fois.
00:04:24 Les frères, les fils, les pères, les oncles, les cousins.
00:04:28 ...
00:04:34 La pierre est gorgée de sang.
00:04:36 ...
00:04:42 ...
00:04:50 -Danière à Salon-de-Provence.
00:04:53 De Verdun à Pessac.
00:04:55 De Nîmes à Amiens.
00:04:56 Les héros ordinaires méritent maintenant d'entrer dans un panthéon
00:05:02 qui doit se répandre partout à travers la France.
00:05:05 ...
00:05:08 C'est de la frénésie.
00:05:10 Chacune des 36 000 communes veut son monument.
00:05:14 Sauf que la France est exsangue.
00:05:16 ...
00:05:22 Le quotidien, l'humanité, se désolera en voyant
00:05:25 que l'Allemagne rechigne à payer ses dommages de guerre.
00:05:29 Nous n'avons ni pierre, ni mortier, ni argent, ni maçon
00:05:33 pour construire des choses propres à abriter les vivants.
00:05:36 Mais nous érigeons, dans toutes les localités de France et de Navarre,
00:05:41 tant de monuments qu'on pourrait bâtir une ville
00:05:44 avec ces matériaux gaspillés.
00:05:45 ...
00:05:52 Élève-t-on des monuments à la lèpre ?
00:05:54 Se désespèrent certains camarades de tranchée,
00:05:57 effrayés qu'on puisse glorifier la guerre et les grandes batailles.
00:06:01 ...
00:06:13 ...
00:06:15 Pourtant, la majorité des associations d'anciens combattants
00:06:19 poussent à la roue.
00:06:20 ...
00:06:22 Les poilus, démobilisés, demandent que l'on honore les morts,
00:06:27 mais aussi les vivants, qui s'entraident
00:06:30 et qui veulent être récompensés pour ce qu'ils ont fait.
00:06:33 ...
00:06:35 Qu'on ne les oublie pas.
00:06:37 ...
00:06:47 Il est vrai que les anciens combattants
00:06:49 sont une force avec laquelle il faut compter.
00:06:53 C'est près de la moitié du corps électoral.
00:06:56 ...
00:07:26 ...
00:07:33 Seuls, les grands monuments érigés sur les champs de bataille
00:07:36 le sont à l'initiative de l'Etat.
00:07:38 ...
00:07:45 Au contraire, la charge de la construction
00:07:47 de tous les autres monuments aux morts
00:07:50 revient aux municipalités.
00:07:54 L'Etat se contente d'accorder une petite subvention.
00:07:57 Elle est calculée en fonction du nombre de soldats morts
00:08:01 par rapport au nombre d'habitants de la commune.
00:08:03 ...
00:08:18 C'est insuffisant.
00:08:20 On organise des balles payantes,
00:08:22 des séances de cinématographes, des concerts,
00:08:25 des ventes de charité, une corrida,
00:08:28 même la quête dans certaines paroisses.
00:08:31 ...
00:08:38 Il n'est pas rare que la presse locale
00:08:40 publie le nom des bienfaiteurs
00:08:43 et le montant de leurs dons.
00:08:45 C'est un encouragement certain.
00:08:47 ...
00:08:51 ...
00:08:57 ...
00:09:06 -Un comité constitué spécialement dans chaque commune
00:09:09 pour suivre les étapes du projet.
00:09:11 Le maire doit négocier,
00:09:15 défendre ses préférences,
00:09:17 mais aussi obtenir l'assentiment du plus grand nombre,
00:09:20 celui des familles.
00:09:22 Les familles des morts pour la France,
00:09:24 comme celles des démobilisés,
00:09:26 dont il faut éviter les jalousies.
00:09:29 ...
00:09:32 On est invité à aller voir les plans ou la maquette
00:09:35 à la mairie ou chez l'épicier pour donner son avis.
00:09:39 Car l'oeuvre à créer doit être l'oeuvre de tous,
00:09:43 selon l'expression du maire de Châteauneuf-la-Forêt.
00:09:46 ...
00:09:56 -Le chantier qui s'annonce offre du travail.
00:10:07 Il incite les différents corps de métier
00:10:09 et les petits artisans, sans parler des intermédiaires,
00:10:12 à se disputer le marché auprès des municipalités.
00:10:16 ...
00:10:19 Terracier, maçon, carrier,
00:10:22 fondeur, ferronnier, tailleur de pierre...
00:10:26 Et même architecte et sculpteur,
00:10:28 pour les édifices plus originaux.
00:10:30 ...
00:10:35 "La Marseillaise", de J.S. Bach
00:10:38 ...
00:10:44 Le bruit des marteaux et des ciseaux retentit à travers le pays,
00:10:49 tout au long des années 20 et jusqu'à la fin des années 30.
00:10:53 ...
00:11:01 De nombreuses communes font de l'origine locale
00:11:04 ou départementale des sculpteurs
00:11:07 une condition de leur appel d'offre.
00:11:09 ...
00:11:14 Ainsi, Donzelli, artisan venu d'Italie avec ses fils,
00:11:18 s'est installé pour trouver du travail
00:11:21 dans les régions sinistrées de l'est de la France.
00:11:24 ...
00:11:39 En rendant hommage aux soldats de la Croix-sur-Meuse
00:11:42 et aux habitants morts pendant la guerre,
00:11:44 le village a été presque intégralement détruit.
00:11:47 Donzelli utilise peut-être aussi la pierre
00:11:50 pour remercier le pays qu'il a accueilli
00:11:53 et donner libre cours à sa gratitude
00:11:55 envers les femmes et les hommes de la commune.
00:11:58 ...
00:12:12 Ailleurs, on est fiers de solliciter
00:12:14 des célébrités de la capitale,
00:12:17 des sculpteurs prestigieux.
00:12:18 Pris de Rome,
00:12:21 membre de l'Académie des Beaux-Arts,
00:12:24 anciens élèves de l'atelier de Frémiers,
00:12:27 de Carpeau, de Dalou ou de Rodin.
00:12:29 ...
00:12:34 Y a-t-il eu un tel projet depuis les cathédrales ?
00:12:37 ...
00:12:43 ...
00:12:57 -Des entreprises qui s'étaient spécialisées
00:13:00 dans les statues de la République ou les bustes de Marianne,
00:13:03 le culte des grands hommes et des petits notables,
00:13:06 se convertissent dans la production en série de monuments aux morts.
00:13:10 ...
00:13:14 Les marbreries funéraires, les bronziers,
00:13:17 les fonderies offrent sur catalogue des stèles,
00:13:20 des obélisques, des colonnes tronquées,
00:13:23 lauriers, palmes, couronnes,
00:13:26 coques gaulois, etc.
00:13:28 ...
00:13:32 Des effigies sortent en quantité du même moule.
00:13:35 Près de 800 exemplaires du poilu modèle Camus,
00:13:38 en une seule taille de 1,60 m,
00:13:41 patinées imitation pierre de taille ou imitation bronze,
00:13:45 en ciment dur, inaltérable,
00:13:48 aussi résistant que le granit,
00:13:50 ou peints en couleur naturelle, bleu horizon, à la demande.
00:13:54 ...
00:14:00 Les exemplaires produits en série
00:14:02 sont bien meilleurs marchés que les oeuvres originales.
00:14:06 ...
00:14:13 -Dans son premier roman,
00:14:14 le jeune Alexandre Vialat imagine en 1928
00:14:18 le personnage d'un représentant de commerce.
00:14:21 ...
00:14:23 -Il y a encore plus de communes qu'on ne pense
00:14:26 qui n'ont pas leurs monuments aux morts.
00:14:28 Mais on n'a pas compris ce qu'il leur faut.
00:14:31 On leur propose la France avec des ailes,
00:14:34 la victoire avec des nichons pointus,
00:14:36 des pyramides de casques, des faisceaux de baïonnettes
00:14:40 et des tas de choses allégoriques.
00:14:42 Et l'art, que je dis aux maires en les regardant bien en face.
00:14:46 Ils s'en foutent, ils veulent leurs poilus.
00:14:50 Alors voilà, je leur fais des poilus en série.
00:14:53 ...
00:14:55 Suivant les villages, je leur colle le numéro du régiment
00:14:58 dans lequel ils ont servi presque tous.
00:15:00 Ils ne voient plus que ça dans la statue.
00:15:03 Je leur fais plus de plaisir qu'une belle femme avec des cheveux,
00:15:06 comme les réclames pour le pétrole.
00:15:08 Tu signales les moletières, les boutons,
00:15:11 le sac, la musette, la grenade du casque.
00:15:15 Servet chaud, c'est du pain vendu.
00:15:17 Ils se reconnaissent.
00:15:19 Ca, c'est nous.
00:15:21 C'est comme ça que nous étions.
00:15:23 ...
00:15:30 J'appris ainsi pourquoi les villages s'ornaient inexcusablement
00:15:35 d'une belle floraison de poilus,
00:15:37 raides comme des tuyaux de gouttières et pimpants comme des mannequins.
00:15:41 Si ce n'était pas un triomphe de la sculpture,
00:15:45 c'était du moins une victoire de la psychologie.
00:15:48 Majorité réactionnaire,
00:15:50 j'offre le modèle numéro 4, le poilu debout, invincible, victorieux.
00:15:55 Majorité rouge, je préconise le 4 bis,
00:16:00 le soldat mourant, le cadavre, la guerre sans compensation.
00:16:04 ...
00:16:12 ...
00:16:20 -Dans la pierre ou la fonte, on donne des leçons d'héroïsme.
00:16:25 On met en scène l'exaltation patriotique.
00:16:29 Les tambours et les trompettes, le vieux sang séché.
00:16:32 "On ne passe pas", crient les soldats aux bras tendus,
00:16:37 qui, ainsi postés, auraient offert une cible parfaite.
00:16:41 ...
00:16:47 Ultime représentation du théâtre aux armées.
00:16:50 ...
00:16:57 ...
00:17:08 Les nuits est hors champ.
00:17:10 Comme dans les tranchées, les nuits ne se montrent pas.
00:17:13 Au mieux, un casque à pointe, un casque pris dans les barbelés.
00:17:18 Au pire, un aigle immense, abattu au pied d'un soldat.
00:17:22 ...
00:17:29 ...
00:17:41 Le temps est suspendu.
00:17:43 Le drap tombe d'un coup, et la statue apparaît.
00:17:46 ...
00:17:52 L'inauguration est la fête rituelle de l'entre-deux-guerres.
00:17:56 Année après année, les discours s'adressent aux monuments aux morts
00:18:02 comme aux dieux protecteurs de la cité.
00:18:05 Défilent les corps constitués et les enfants des écoles.
00:18:10 Le monument devient le centre autour duquel gravite la vie locale.
00:18:16 ...
00:18:20 La victoire a lieu dans chaque commune.
00:18:23 ...
00:18:28 La République honore le sacrifice de ses soldats.
00:18:31 La République console ses enfants
00:18:35 en proclamant qu'ils ne sont pas morts pour rien.
00:18:38 ...
00:18:50 La presse nationaliste lance une virulente campagne,
00:18:53 en avril 1927,
00:18:55 pour interdire l'inauguration du monument de Levallois-Perret.
00:18:59 Elle s'insurge que la guerre y soit montrée
00:19:02 comme une chose horrible.
00:19:04 ...
00:19:11 Le Populaire, le quotidien dirigé par Léon Blum,
00:19:15 se félicite au contraire d'y voir un des mutinés,
00:19:18 fusillé pour l'exemple.
00:19:19 ...
00:19:22 Et que soit figuré un tirailleur des troupes d'Afrique,
00:19:25 victime de la colonisation.
00:19:27 ...
00:19:33 Au centre, un soldat gazé, à l'agonie.
00:19:36 ...
00:19:38 Le préfet de la Seine veut réconcilier les points de vue.
00:19:41 ...
00:19:43 N'est-ce pas plutôt sa compassion immense
00:19:45 qu'exprime le sculpteur Charles Hirondi
00:19:48 envers les tortures morales et physiques,
00:19:50 enduré stoïquement par les poilus,
00:19:52 au service de la patrie meurtrie,
00:19:55 explique-t-il dans son discours ?
00:19:57 ...
00:20:04 Quant à l'ouvrier, qui attire toute la polémique,
00:20:07 brise-t-il son glaive ?
00:20:09 "C'est l'une des armes de l'ennemi
00:20:12 "ramassée sur le champ de bataille", justifie encore le préfet.
00:20:15 ...
00:20:18 La paix retrouvée, n'est-il pas temps de jeter ses armes ?
00:20:21 ...
00:20:23 L'artiste Hirondi, un ancien combattant valeureux,
00:20:27 se défend de toute inspiration subversive.
00:20:30 ...
00:20:33 "Il fut quand même bien imprudent",
00:20:35 déplore le journal de l'Union nationale des combattants,
00:20:39 "d'en appeler à l'imagination des spectateurs,
00:20:41 "au risque de prêter son œuvre à toutes les interprétations."
00:20:45 ...
00:20:51 ...
00:21:01 ...
00:21:11 ...
00:21:21 ...
00:21:31 ...
00:21:44 Parmi les sculpteurs,
00:21:46 beaucoup étaient en âge de partir combattre sur le front
00:21:49 ou de rejoindre des unités de camouflage.
00:21:51 ...
00:21:56 Maintenant, ils veulent témoigner pour leurs camarades.
00:21:59 ...
00:22:02 Les plus novateurs veulent simplifier,
00:22:05 frapper.
00:22:06 Être moderne,
00:22:08 ce peut être simplement refuser l'allégorie ou le style épique,
00:22:12 chercher à être vrai.
00:22:15 ...
00:22:25 ...
00:22:35 ...
00:22:45 ...
00:22:55 ...
00:23:05 ...
00:23:11 -L'on peut lire dans le numéro de juillet 1922 du magazine
00:23:15 "Art et décoration",
00:23:17 ce compliment sur une statue de Meurthe et Moselle.
00:23:20 ...
00:23:22 "Rien de brutal dans ce guerrier,
00:23:25 dont la guerre n'est ni la profession, ni l'idéal.
00:23:28 Il est viril, sans violence.
00:23:30 Il reste alerte sous l'épaisse capote,
00:23:33 et il garde, jusque dans la boue des tranchées,
00:23:36 une élégance native."
00:23:38 ...
00:23:56 -C'est presque toujours le soldat
00:23:58 qui a abandonné son élégant képi en beau drap
00:24:01 de l'été 1914 qui est représenté.
00:24:03 Il n'a plus sa tenue bleue égarance,
00:24:07 d'un rouge merveilleux pour les mitrailleuses allemandes.
00:24:10 ...
00:24:12 Il porte enfin l'uniforme, que l'on sait "Bleu horizon",
00:24:16 et le casque adrien.
00:24:18 Il a fallu attendre le printemps 1915
00:24:22 pour que sa tête soit un peu protégée.
00:24:24 ...
00:24:26 Mais ne sont pas trop montrées les bidons de Pinard ou de Niaul,
00:24:30 ce qui aidait pourtant les fantassins à jaillir de la tranchée
00:24:34 à la place, quelques dizaines de mètres plus loin.
00:24:36 ...
00:24:56 Benjamin Simonnet est capitaine d'un régiment d'infanterie.
00:24:59 Chaque jour, ou presque,
00:25:02 il écrit à sa femme depuis le début de la guerre.
00:25:04 ...
00:25:06 -Ma chérie,
00:25:07 il a fallu d'abord franchir un terrain découvert
00:25:11 d'environ 400 mètres battus par les balles.
00:25:14 Ce n'était rien encore.
00:25:17 Du point le plus dangereux,
00:25:19 un boyau d'une centaine de mètres conduisait à la tranchée.
00:25:22 Au fond, une boue épaisse
00:25:26 dans laquelle nous enfonçons jusqu'aux genoux.
00:25:29 Quelle supplice !
00:25:31 Ces 100 mètres m'ont paru des kilomètres.
00:25:33 ...
00:25:35 Enfin, nous voici arrivés,
00:25:37 jambes et pieds trempés,
00:25:40 immondes,
00:25:42 mais effets couverts d'une couche de boue collante,
00:25:45 si vous m'aviez vu.
00:25:46 ...
00:25:48 Enfin, je prépare l'attaque,
00:25:51 transmets mes ordres,
00:25:52 juste à temps, car bientôt,
00:25:54 l'artillerie donna d'une façon intense.
00:25:57 ...
00:25:59 Nos hommes sont tassés, baïonnettes au canon, dans la tranchée.
00:26:02 Malheureusement, aucun gradin préparé.
00:26:05 Le talus est haut de près de 2 m,
00:26:08 la terre glissante.
00:26:10 ...
00:26:12 Je donne un coup de sifflet à 7h45.
00:26:14 Quelques braves, gradés en tête,
00:26:17 grimpent d'une centaine de mètres.
00:26:20 Aussitôt, des mitrailleux ennemis déclenchent leur tir.
00:26:23 Quelques-uns tombent près de la tranchée,
00:26:26 la plupart gagnent un talus à 30 m de là et s'y couchent.
00:26:30 ...
00:26:33 Ceci parti, l'élan est fini.
00:26:36 J'ai beau supplier,
00:26:39 crier, taper à coups de pied,
00:26:42 sortir mon revolver,
00:26:44 les hommes ne veulent pas quitter la tranchée.
00:26:47 Quelques-uns essaient.
00:26:49 Je les fais hisser par les pieds pour qu'ils aillent plus vite.
00:26:53 À peine arrivent-ils au sommet pour prendre leur élan et courir,
00:26:57 une balle les frappe et ils retombent,
00:27:00 tués ou blessés.
00:27:02 L'attaque est ratée.
00:27:05 Toute la journée ainsi.
00:27:08 Tu comprends pourquoi hier, je ne t'ai pas écrit.
00:27:14 ...
00:27:23 ...
00:27:43 -Les monuments sont la manière moderne de pratiquer l'alchimie.
00:27:47 Ils transmutent en dur la chair,
00:27:50 solidifient les corps par le calcaire,
00:27:53 mais aussi le marbre blanc, la fonte ou le bronze,
00:27:57 l'agglomérat de poudre de roche, le béton armé.
00:28:01 Mais le fer à l'intérieur peut rouiller,
00:28:05 il faut des aciers mêlés de cuivre et c'est plus cher.
00:28:08 Le granit en Bretagne ou dans les Vosges,
00:28:11 le grès rose en Alsace,
00:28:13 la pierre de lave en Auvergne.
00:28:19 Rien ne doit provenir d'Allemagne,
00:28:21 ni matériaux, ni main-d'oeuvre.
00:28:24 Les voici maintenant, les sculpteurs qui attrapent des choses vues.
00:28:38 ...
00:28:47 Les monuments fixent en volume et en relief
00:28:51 ce que personne ne pouvait voir loin du front.
00:28:54 ...
00:29:02 Les sculpteurs stockent des gestes.
00:29:04 Ils cachent des souvenirs au fond de leurs statues.
00:29:08 ...
00:29:18 De même que les offensives doivent être reconstituées
00:29:21 pour les actualités filmées, la guerre est rejouée par les monuments.
00:29:25 ...
00:29:36 Le spectacle est contemporain de l'essor du cinématographe.
00:29:39 ...
00:29:44 Le passage du muet au parlant.
00:29:46 ...
00:29:53 Les statues sont muettes,
00:29:55 mais elles parlent.
00:29:58 ...
00:30:05 Si ce jeune soldat se bouche les oreilles,
00:30:08 c'est que la guerre, en permanence, fait un boucan de tous les diables.
00:30:11 ...
00:30:21 Les statues sont toujours dressées,
00:30:23 érigées.
00:30:24 ...
00:30:27 Seuls les bas reliefs, gravés sur le socle,
00:30:30 comme des vues photographiques imprimées dans la pierre,
00:30:33 montrent que les soldats ont vécu enfouis,
00:30:35 enterrés,
00:30:37 dans la terre.
00:30:38 ...
00:30:58 Tout y est,
00:30:59 jusqu'au parapet,
00:31:01 au panier en osier, au sac de sable.
00:31:04 Le froid,
00:31:05 le terrassement,
00:31:07 le poste de guet.
00:31:08 L'attaque des gaz,
00:31:11 le souffle des tirs de canon,
00:31:13 l'explosion soudaine,
00:31:15 le compte à rebours juste avant l'assaut.
00:31:17 ...
00:31:30 Quelque chose d'implacable.
00:31:32 La guerre réduite à l'essentiel.
00:31:35 La vie,
00:31:36 la guerre, la mort,
00:31:39 l'attente,
00:31:40 l'abrutissement.
00:31:42 ...
00:31:56 ...
00:32:09 Explosion.
00:32:10 ...
00:32:24 En une suite d'instantanées,
00:32:26 Gaston Broquet rend hommage à ses compagnons d'armes.
00:32:30 Il disperse des bouts de récits entre Rangs-l'Étape,
00:32:34 Bains-les-Bains, Commercy,
00:32:36 Chalons-en-Champagne,
00:32:38 Samogneux
00:32:39 ou l'hôpital du Val-de-Grâce à Paris.
00:32:41 ...
00:32:51 Marcel Bitsch, infirmier au 94e Régiment d'Infanterie,
00:32:55 musicien dans le civil, raconte.
00:32:58 -Rosset me présente Gaston Broquet,
00:33:02 sculpteur, soldat à la 7e.
00:33:04 Grande discussion sur Balzac.
00:33:07 ...
00:33:16 8 mai,
00:33:18 le bataillon stationne à l'entrée du Ravin de la Houillette,
00:33:21 voie d'accès à Bagatelle.
00:33:23 J'ai l'impression qu'en pleine attaque, c'est imprudent.
00:33:26 Rafale d'obus juste sur nous, pénétrant et fusant.
00:33:30 Des obus qui tombent à toute vitesse.
00:33:33 Tués, blessés, désordres.
00:33:37 Je me foule la cuisse.
00:33:39 Un mort.
00:33:40 Broquet, le sculpteur qui faisait ses débuts de brancardier, s'affale.
00:33:46 ...
00:33:58 De son côté, Louis Moffret, médecin auxiliaire,
00:34:01 consigne le même jour.
00:34:03 ...
00:34:05 -Nous voyons alors que l'un d'entre nous ne s'est pas relevé.
00:34:09 C'est Gaston Broquet, le sculpteur.
00:34:11 "Je suis touché, me dit-il. Je ne peux plus bouger."
00:34:16 Apparemment, il a un shrapnel dans l'épaule
00:34:18 et l'une de ses chaussures est déchirée.
00:34:20 Je le confie à un brancardier pour qu'il l'emmène immédiatement.
00:34:24 ...
00:34:48 Que dire à ceux qui n'ont jamais rien vu ?
00:34:52 ...
00:34:55 -Eugène-Emmanuel Lemercier combat aux éparges.
00:34:58 -Nos pertes sont effroyables.
00:35:01 Celles de l'ennemi, pire encore.
00:35:03 Tu ne peux pas savoir, ma mère aimée,
00:35:07 ce que l'homme peut faire contre l'homme.
00:35:10 ...
00:35:14 Voici cinq jours que mes souliers sont gras de cervelle humaine,
00:35:18 que j'écrase des thorax,
00:35:21 que je rencontre des entrailles.
00:35:23 Les hommes mangent à côté des cadavres.
00:35:27 ...
00:35:31 Le régiment a été héroïque.
00:35:33 ...
00:35:47 ...
00:36:06 -Le médecin auxiliaire René Prieur, le 25 février 1916,
00:36:11 près de Verdun.
00:36:12 -Le canon de 75 fouche tout.
00:36:16 Les bras, les têtes, les membres volent en l'air.
00:36:20 Je suis éclaboussé de sang.
00:36:23 Le ravin est comblé de morts qui s'amoncèlent.
00:36:27 Et vers quatre heures et quart,
00:36:30 quand je me dégage de dessous ma tranchée et des arbres,
00:36:33 je ne sais pas où je vais.
00:36:35 Je n'ai rien vu de plus infernal.
00:36:40 J'entendrai toute ma vie le son métallique du 75,
00:36:46 les cris des blessés,
00:36:47 le nombre inouï des morts.
00:36:51 ...
00:37:21 -Caston Broquet, toujours,
00:37:22 ose montrer ce à quoi ressemble le cadavre tout recroquevillé
00:37:26 d'un simple soldat.
00:37:27 ...
00:37:43 ...
00:37:52 A Hochel, dans le Pas-de-Calais, comme au Lilas, près de Paris,
00:37:56 le sculpteur Félix Desruels ne craint pas non plus
00:37:59 de représenter les morts.
00:38:00 ...
00:38:09 L'un est affalé sur le ventre, face contre terre.
00:38:13 L'autre regarde sans plus rien voir.
00:38:16 ...
00:38:23 "Voyez ce soldat", explique à ses administrés le maire
00:38:26 d'une autre commune située dans le puits de Dôme.
00:38:29 "Voyez cette face convulsée par la douleur.
00:38:32 "Ce n'est pas un héros victorieux.
00:38:34 "C'est un paysan de chez nous qui est allé jusqu'aux limites
00:38:37 "de ce qu'on peut souffrir."
00:38:39 ...
00:38:42 Ce corps affaissé, cette tête penchée,
00:38:44 ce visage amaigri, ce regard qui s'éteint,
00:38:47 cet épuisement, cette grande détresse,
00:38:50 tout cela dit au passant les horreurs de la guerre.
00:38:53 ...
00:39:05 Certains sculpteurs sont les disciples de Goya, de Géricault.
00:39:10 Ils sont embarqués sur le radeau de la Méduse.
00:39:12 ...
00:39:17 ...
00:39:32 Si l'on veut échapper au réalisme brutal,
00:39:35 au tragique, aux scènes de la vie du soldat,
00:39:39 comment concevoir une forme de monument
00:39:41 à la mesure de la démesure de la guerre,
00:39:44 à la hauteur de la mort de masse ?
00:39:46 ...
00:39:50 Comme à Lyon, dans l'île du Souvenir,
00:39:53 certains adeptes de l'art déco en appellent en dernier recours
00:39:57 à l'Antiquité, à ses mythologies.
00:39:59 ...
00:40:08 Leurs sculptures sont proprement monumentales.
00:40:11 Elles portent le poids de la catastrophe,
00:40:15 le catafalque de la guerre.
00:40:18 ...
00:40:34 Mais les communes ne sont pas très inclines
00:40:37 vers les courants de l'avant-garde,
00:40:39 qu'elles jugent souvent décadents.
00:40:42 Et ces artistes redoutent de travailler sous contrôle.
00:40:45 ...
00:40:51 Maintenant, il faut refermer la lourde porte,
00:40:54 ainsi à Vierzon.
00:40:56 ...
00:41:00 Pour faire que la Grande Guerre soit la der des ders,
00:41:04 la dernière des guerres,
00:41:06 il ne reste plus qu'à mobiliser les titans.
00:41:08 ...
00:41:15 ...
00:41:37 Pendant qu'il travaille à la maquette en plâtre
00:41:40 de son grand monument, Paul Landowski tient son journal.
00:41:43 ...
00:41:46 "17 octobre 1919.
00:41:49 "Rue de Valois.
00:41:51 "Au ministère, M. Moulet me demande toutes sortes de renseignements,
00:41:54 "prix du modèle, prix de l'exécution.
00:41:56 "Quel titre donner à mon groupe ?
00:41:58 ...
00:42:00 "Le titre que je lui donnerai, ce sera 'Les fantômes'.
00:42:04 "Mais pour la commande, il ne faut effrayer personne.
00:42:06 "Nous l'appellerons 'Les morts'.
00:42:09 ...
00:42:12 "2 décembre 1921.
00:42:15 "L'ami Bouglet m'a donné 3 heures ce matin
00:42:17 "pour la tête de l'homme à la pioche.
00:42:19 "Je n'ai pas perdu ces 3 heures.
00:42:22 "Travailler l'après-midi au bras droit de l'homme à la pioche,
00:42:25 "avec le dréveau.
00:42:27 "Je fais apparaître un morceau de bras nu
00:42:29 "sous la manche de la capote déchirée.
00:42:32 ...
00:42:38 "7 décembre 1921.
00:42:41 "Je fais mouler les mains du jeune soldat Leboeck
00:42:43 "pour l'homme-fusil.
00:42:45 ...
00:42:49 "J'y suis.
00:42:50 "Je prends de plus en plus possession de mon groupe.
00:42:52 "Et mon groupe prend de plus en plus possession de moi.
00:42:55 ...
00:43:03 "15 novembre 1923.
00:43:06 "Je simplifie de plus en plus la présentation des fantômes.
00:43:10 "Quand on arrive à une solution simple, très simple,
00:43:13 "qui fait presque dire,
00:43:14 "ce n'était pas bien malin, il n'y avait pas autre chose à faire,
00:43:18 "on peut être content.
00:43:21 "Mais seuls les artistes peuvent se douter du mal qu'on a eu
00:43:23 "pour arriver à ce résultat.
00:43:25 "Et par quel détour on y est arrivé.
00:43:28 ...
00:43:31 "J'ai tout simplement aligné côte à côte,
00:43:34 "comme ils l'étaient dans leur vie de soldats,
00:43:37 "comme ils le sont maintenant dans les fosses où ils dorment.
00:43:41 "Les morts.
00:43:42 "Ils se redressent.
00:43:45 "Autour de ces grands spectres, la terre s'entrouvre.
00:43:48 "Ils réapparaissent debout.
00:43:50 "Un peu incertains.
00:43:53 "Les yeux clos,
00:43:55 "dit Paul Landowski."
00:43:57 ...
00:44:20 -Achevé enfin en 1935, le groupe des fantômes,
00:44:25 chaque figure de granit atteint 8 m de hauteur,
00:44:28 orne la butte de Chalmont,
00:44:30 où avait eu lieu la seconde bataille de la Marne à l'été 1918.
00:44:34 ...
00:44:52 -Corps sans nom,
00:44:54 noms sans corps,
00:44:55 les disparus sont des morts qui n'ont pas laissé de traces
00:44:59 de leur anéantissement.
00:45:00 Des fantômes,
00:45:02 ceux que l'on considère comme des demi-morts,
00:45:07 n'ont aucune sépulture.
00:45:09 Ils n'en finissent pas de rôder.
00:45:12 Ces morts sont d'autant plus angoissants
00:45:16 que l'on peut continuer, envers et contre tout,
00:45:19 à espérer leur retour à la vie,
00:45:21 même défigurés,
00:45:22 même inconscients,
00:45:24 même amnésiques.
00:45:25 Les faits divers de l'époque, comme les romans,
00:45:29 en sont peuplés.
00:45:31 ...
00:45:38 Combien de soldats sont restés inconnus ?
00:45:49 Rien que du côté français,
00:45:51 un rapport parlementaire a évalué, au lendemain de la guerre,
00:45:55 leur nombre à plus de 300 000.
00:45:56 Mais en réalité, c'est bien plus.
00:46:00 Un mort sur quatre,
00:46:02 ou un mort sur trois, n'a pu être identifié.
00:46:05 ...
00:46:09 Comment être exact,
00:46:10 alors que les soldats disparus ressortent,
00:46:13 encore aujourd'hui, des entrailles de la terre ?
00:46:16 ...
00:46:26 Qu'attendre, désormais ?
00:46:29 Maxime Réal-Delsarte,
00:46:33 le sculpteur, a perdu un bras aux éparges.
00:46:36 Veut croire, lui, que la mort est un passage vers l'au-delà,
00:46:40 le prélude à la résurrection des corps.
00:46:43 ...
00:46:48 Pas de symbole religieux en principe sur les monuments,
00:46:51 pour ne pas risquer de raviver la querelle
00:46:54 de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
00:46:56 Mais beaucoup de ruses, y compris la croix de guerre,
00:47:01 qui sert de croix de substitution.
00:47:03 ...
00:47:08 Jeanne d'Arc, la Vierge guerrière, a été canonisée en 1920 par le pape,
00:47:14 et puis par la République.
00:47:16 ...
00:47:23 De manière à peine voilée,
00:47:25 le récit de la Passion offre un modèle parfait.
00:47:28 Il sert à évoquer à mots couverts le martyr du soldat,
00:47:33 sa descente de croix, sa déposition...
00:47:36 ...
00:47:40 ...d'innombrables piétats.
00:47:42 ...
00:47:44 Combien de mater de l'orosa ?
00:47:46 ...
00:47:51 Quelque chose de sacré en oublie le drame abominable.
00:47:55 ...
00:48:03 ...
00:48:12 ...
00:48:22 ...
00:48:30 -Dernière lettre d'Edouard Béga,
00:48:33 lieutenant au 169e Régiment d'infanterie.
00:48:36 -Ma chère femme,
00:48:42 les attaques, les contre-attaques de part et d'autre
00:48:45 ne font que tuer les hommes.
00:48:47 Dans de telles circonstances, nous n'avons plus qu'à attendre la mort.
00:48:53 Tu embrasseras nos enfants.
00:48:57 Je te recommande de veiller à leur éducation,
00:49:01 si possible, de leur faire apprendre un métier.
00:49:03 Pour notre René,
00:49:06 il faut lui faire avoir son brevet supérieur,
00:49:09 pour le faire entrer dans l'école spéciale,
00:49:12 pour les fils des officiers tués devant l'ennemi.
00:49:14 En ce qui concerne ta pension,
00:49:19 les assurances, les mutuelles, ma solde,
00:49:22 vois M. Chenet,
00:49:24 surveillant de travaux à la mairie de Nancy.
00:49:27 Il t'aidera à régler tout cela.
00:49:29 Quant à moi, qui vais reposer avec mes camarades
00:49:33 au cimetière de Montauville,
00:49:36 j'aimerais bien être rentré près de vous tous
00:49:39 au cimetière de notre village.
00:49:42 Eh bien, ma chère femme,
00:49:44 je pense, au moment de mourir,
00:49:46 que j'ai passé 14 années heureuses avec toi.
00:49:49 Au revoir, ma chère femme.
00:49:51 M'embrasse bien mes pauvres petits.
00:49:54 Ton mari tué, Edouard.
00:49:58 ...
00:50:18 -Les monuments sont des mises en abîme.
00:50:21 Des tombeaux.
00:50:23 ...
00:50:27 Connus ou inconnus,
00:50:29 enterrés dans les cimetières des champs de bataille,
00:50:32 reposant dans leur village
00:50:34 ou disparus corps et âme,
00:50:36 le mort peut maintenant revenir à la maison.
00:50:39 ...
00:51:10 Celles qui n'ont jamais pu s'approcher,
00:51:13 elles peuvent enfin arriver.
00:51:15 Les jeunes filles, les jeunes femmes,
00:51:18 les marraines de guerre, les épouses,
00:51:21 les veuves en noir
00:51:22 et les fiancées que l'on appelle les veuves blanches.
00:51:25 ...
00:51:54 La famille peut voir son défunt une dernière fois.
00:51:56 ...
00:51:59 Le gisant est lavé, embaumé,
00:52:02 paré.
00:52:03 Plus beau mort que vivant.
00:52:06 Comme s'il s'était éteint dans son lit.
00:52:10 ...
00:52:25 La pierre accorde des larmes,
00:52:28 des caresses
00:52:29 et des étreintes que le mort n'a jamais reçues.
00:52:32 ...
00:52:38 La pierre des monuments célèbres des funérailles
00:52:40 qui n'ont jamais eu lieu.
00:52:42 ...
00:52:53 ...
00:53:12 -A Lodev, dans les Rots, en guise de pleureuse moderne,
00:53:21 à l'époque où les femmes jouent un nouveau rôle
00:53:24 et réclament en vain leur droit de vote,
00:53:26 quatre élégantes sont habillées selon la mode des années folles.
00:53:30 ...
00:53:33 Leurs robes, leurs manteaux,
00:53:35 leurs parures, leurs broderies sont taillées
00:53:38 dans un calcaire coloré à l'acide.
00:53:40 ...
00:53:59 "Il y a deux éléments qui dictent impérieusement
00:54:02 "les grandes lignes du monument.
00:54:04 "La lumière directe du soleil et la disposition du terrain",
00:54:09 répond le sculpteur Paul Dardé au journal local.
00:54:11 ...
00:54:19 "La question de la lumière est très importante.
00:54:22 "C'est elle qui fait jouer la perspective,
00:54:24 "qui la détruit ou l'accentue.
00:54:27 "Pour qu'elle ne soit pas détruite, cette perspective,
00:54:31 "il faut qu'elle possède une forte ossature,
00:54:33 "une masse qui ne soit pas déchiquetée par la lumière."
00:54:37 ...
00:54:42 "D'où la disposition de ces quatre figures,
00:54:45 "sur lesquelles viendront battre les rayons du soleil."
00:54:49 ...
00:54:55 "Ainsi disposées,
00:54:57 "l'ensemble prendra un beau caractère d'intimité."
00:55:01 ...
00:55:08 "Un côté du visage est intact, comme chez les gisants,
00:55:13 "mais l'autre côté est défiguré, par exception.
00:55:16 "Les gueules cassées, il faut les laisser errer dans les rues
00:55:21 "ou les cacher dans les hôpitaux et les asiles.
00:55:24 "On ne les sculpte pas.
00:55:26 "Ca suffit, comme ça, leur visage cubiste.
00:55:29 "Un amputé, très rarement.
00:55:31 "Aucun cul-de-jatte.
00:55:34 "Alors qu'il y a un million d'invalides et d'hommes défigurés.
00:55:38 "D'êtres trafiqués par la guerre."
00:55:40 ...
00:55:48 Applaudissements
00:55:51 ...
00:56:03 -Yvonne, 24 ans,
00:56:05 apprend la mort de son mari, Maurice Retour.
00:56:09 "Je suis brisée.
00:56:12 "Il me semble que je n'ai plus de coeur,
00:56:15 "tant il est broyé dans ses fibres les plus intimes.
00:56:18 "Quand je songe aux longues années qui s'ouvrent devant moi,
00:56:21 "je suis prise de vertige.
00:56:24 "Il m'a abandonnée alors que je n'ai fait qu'entrevoir
00:56:28 "le bonheur de notre union.
00:56:30 "Du jour au lendemain, j'apprends que tout est fini,
00:56:35 "sans avoir pu donner un dernier regard à celui que j'aimais
00:56:37 "plus que moi-même."
00:56:39 "Près de sept ans plus tard,
00:56:45 "Yvonne assiste à l'exhumation du corps de son mari
00:56:47 "pour son rapatriement dans le cimetière de sa ville de Normandie.
00:56:51 "Ah, si je le revoyais non pas vivant, s'exclame-t-elle.
00:56:58 "C'est de la folie d'y songer.
00:57:01 "Mais seulement intacte...
00:57:04 ...
00:57:10 "C'est lui, intacte.
00:57:13 "Le jeune officier au visage de héros qu'a sculpté Marcel Pierre
00:57:16 "à la Ferté-Massé,
00:57:19 "pour exaucer le vœu de sa jeune épouse."
00:57:21 "Quand ils arrivaient en permission,
00:57:23 "le plus souvent, les soldats ne pouvaient rien raconter.
00:57:26 "Ils n'avaient pas de mots,
00:57:28 "ni de mots de réflexion.
00:57:30 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:32 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:34 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:36 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:39 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:41 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:43 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:45 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:47 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:50 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:52 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:54 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:56 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:57:58 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:58:00 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:58:02 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:58:05 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:58:07 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:58:09 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:58:11 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:58:13 "Ils n'avaient pas de mots de réflexion.
00:58:15 ...
00:58:20 Nombre de ceux qui sont revenus vivants
00:58:23 font semblant d'être en vie,
00:58:25 absents comme des revenants, comme des statues.
00:58:28 Une part d'eux n'en reviendra jamais.
00:58:32 ...
00:58:36 Ils ne répondent pas aux questions,
00:58:39 muets, comme des tombes.
00:58:43 Les enfants portent l'empreinte de ces silences.
00:58:46 Ils sont pétrifiés.
00:58:49 ...
00:58:58 Les petites filles et les petits garçons ont beau supplier,
00:59:02 ils sont voués à fêter les héros
00:59:05 pour faire oublier qu'ils sont des victimes collatérales.
00:59:08 ...
00:59:15 Il y eut 760 000 à 1 million d'orphelins,
00:59:19 on le sait,
00:59:21 qui s'ajoutent aux 600 000 veuves,
00:59:24 aux parents, aux frères, aux sœurs,
00:59:27 aux proches qui ont été atteints.
00:59:29 ...
00:59:54 ...
01:00:15 Les monuments ne montrent pas que la guerre,
01:00:17 ils ne font pas que célébrer les héros.
01:00:23 Les statues contiennent l'endurance,
01:00:25 la résignation,
01:00:29 la colère,
01:00:31 la douleur.
01:00:33 ...
01:00:56 Ce sont des sarcophages pour enfouir les chagrins,
01:00:59 ...
01:01:02 pour continuer à se souvenir,
01:01:04 ...
01:01:06 pour parvenir à oublier.
01:01:08 ...
01:01:13 Il y a des larmes dans les choses.
01:01:16 ...
01:01:45 André Pézard, "Nous autres à vos quoi", 1918.
01:01:49 ...
01:01:52 Mes amis, tout cela est fini, et maintenant, vous êtes morts.
01:01:55 ...
01:01:56 Je m'égare dans mes souvenirs, et parfois, je ne les reconnais pas,
01:01:59 tellement j'ai changé depuis.
01:02:01 ...
01:02:03 Mes amis, je vis encore à toute heure avec vous,
01:02:06 et vous ne savez pas.
01:02:08 ...
01:02:09 Je deviendrai vieux, avec vous, qui serez jeunes.
01:02:12 ...
01:02:14 Je m'en veux de voir en ma tristesse une chose qui est tellement mienne.
01:02:18 Il faudrait oublier que c'est moi qui parle,
01:02:21 car c'est vous qui en êtes le prix.
01:02:23 ...
01:02:25 Vous me rendez si triste que je ne voudrais même pas mourir maintenant,
01:02:30 mais rester sans plus jamais changer.
01:02:34 Car si je mourais,
01:02:36 toute cette peine qui est votre chose serait perdue.
01:02:39 ...
01:02:45 Laissez-moi dire ceci lentement,
01:02:47 comme est lente une pensée endolorie.
01:02:50 Laissez-moi dire lentement,
01:02:53 comme tombent à regret de chères syllabes meurtries,
01:02:57 adieu, ma pauvre guerre.
01:03:01 Et c'est tout.
01:03:02 ...
01:03:04 Adieu, ma pauvre guerre.
01:03:08 ...
01:03:18 Musique douce
01:03:21 ...
01:03:23 -Les Sentinelles de l'oubli,
01:03:25 documentaire réalisé par Jérôme Prieur.
01:03:27 Sa caméra, vous venez de le voir,
01:03:29 s'attarde sur ces monuments érigés un peu partout en France
01:03:33 à la sortie de la Grande Guerre, de la boucherie humaine
01:03:37 et de la guerre de 14-18.
01:03:39 Quelle fut leur histoire ? Quel sens donnait à leur place
01:03:42 au coeur de chaque commune française ?
01:03:44 Nous allons y revenir avec nos invités présents
01:03:47 sur ce plateau de débats d'octobre.
01:03:49 Jérôme Prieur est avec nous. Bienvenue.
01:03:51 C'est donc à vous qu'on doit ce documentaire
01:03:54 consacré à ces monuments aux morts,
01:03:56 ces Sentinelles de l'oubli.
01:03:58 Comme vous les avez appelés,
01:04:00 vous êtes écrivain et réalisateur,
01:04:02 auteur d'une vingtaine d'essais
01:04:04 et d'une bonne trentaine de films,
01:04:06 le plus souvent à caractère historique.
01:04:09 Vous étiez sur ce même plateau, il n'y a pas si longtemps,
01:04:12 pour nous parler du mur de l'Atlantique,
01:04:14 où, là aussi, vous aviez réalisé un documentaire à ce sujet.
01:04:19 Et puis je renvoie, tout simplement,
01:04:21 nos téléspectateurs à votre filmographie.
01:04:24 Annette Becker est également avec nous.
01:04:27 Bienvenue. Vous êtes historienne
01:04:29 des guerres contemporaines et des génocides.
01:04:31 Vous êtes l'auteur, entre autres, de ce livre,
01:04:34 "Monuments aux morts, patrimoine et mémoire de la Grande Guerre".
01:04:38 C'était aux éditions Erance.
01:04:40 Et votre dernier ouvrage s'intitule
01:04:42 "Messager du désastre", publié chez Fayard
01:04:45 et consacré à Raphaël Lemkin
01:04:48 et à Liane Karsky,
01:04:50 lanceur d'alerte inaudible pendant la Shoah.
01:04:54 C'est donc à découvrir chez Fayard.
01:04:57 Jérôme Prieur, pourquoi êtes-vous intéressé
01:05:00 à ces fameux monuments aux morts ?
01:05:03 -Enfant, j'ai voulu écrire un livre sur la guerre de 14.
01:05:06 Heureusement, ce projet, je ne l'ai pas mené à bien,
01:05:08 mais il y a quelques années, j'ai écrit "Mes souvenirs",
01:05:12 cette ironique de la guerre de 14,
01:05:14 un livre qui s'appelle "La moustache du soldat inconnu".
01:05:17 Je me suis rendu compte que, finalement, tout autour de nous,
01:05:20 cette guerre qui semble très lointaine,
01:05:22 le centenaire l'a rendue encore plus vieille, peut-être,
01:05:26 cette guerre qui est très lointaine,
01:05:28 elle est tout autour de nous, comme vous l'avez dit.
01:05:31 Et à travers tous ces monuments aux morts,
01:05:33 il y en a quasiment un par commune, plus parfois,
01:05:36 dans certains endroits, et que parmi ces monuments aux morts,
01:05:39 qu'Anette Becker a été l'une des premières, d'ailleurs,
01:05:43 à étudier historiquement,
01:05:44 parmi ces monuments aux morts,
01:05:47 il y en a qui se répètent, qui sont pareils,
01:05:50 qui sont peu extraordinaires,
01:05:53 mais il y en a quelques-uns qui m'ont toujours extrêmement frappé.
01:05:57 Et donc, au long de mes voyages à travers la France,
01:06:00 mais depuis longtemps, c'est bien antérieur au film,
01:06:03 je n'ai eu de cesse que de les regarder,
01:06:05 de les photographier, et puis, un beau jour,
01:06:08 je me suis dit qu'il faut que je fasse quelque chose,
01:06:11 je suis cinéaste, il faut que je fasse,
01:06:13 à partir de ces monuments, de cette statuaire,
01:06:16 qui est très inventive, de cette fantasmagorie en relief,
01:06:19 que je fasse un film, et j'ai réussi à le faire.
01:06:22 -Avant de vous donner la parole, on va recontextualiser
01:06:25 ce qu'a été cette guerre et les morts de cette guerre.
01:06:29 Regardez ce petit tableau.
01:06:32 Les chiffres sont contestables,
01:06:34 et il est très difficile de comptabiliser les morts
01:06:37 à l'occasion de cette guerre.
01:06:39 La fourchette, généralement retenue,
01:06:41 se situe entre 9 et 10 millions de morts
01:06:44 à l'occasion de ce conflit,
01:06:45 uniquement concernant les militaires,
01:06:48 et non pas les civils.
01:06:50 C'est beaucoup, ce chiffre, c'est énorme.
01:06:52 Néanmoins, la Seconde Guerre mondiale
01:06:55 a fait, du côté des militaires,
01:06:57 deux fois plus de victimes, plus de 20 millions de victimes
01:07:00 pour la Seconde Guerre mondiale.
01:07:02 Cette Seconde Guerre mondiale a aussi fait
01:07:04 près de 80 millions de victimes, si on y ajoute les civils.
01:07:08 Et puis, regardez les morts du côté français,
01:07:11 sur ce même graphique, 1,4 million de morts
01:07:14 du côté des militaires français
01:07:16 lors de ce conflit,
01:07:19 et 4,2 millions de blessés.
01:07:23 À titre comparatif, là aussi,
01:07:26 la Seconde Guerre mondiale avait fait
01:07:29 250 000 morts du côté des militaires français.
01:07:33 On mesure la différence qu'ont représentées
01:07:36 ces deux conflits dans l'esprit des Français.
01:07:39 C'est peut-être là par où il faut commencer
01:07:42 pour bien comprendre ce qu'ont été ces monuments morts
01:07:45 érigés après cette fameuse guerre de 14-18.
01:07:48 -Oui, tout à fait.
01:07:49 Ce que j'aime beaucoup dans le film, justement,
01:07:52 c'est que le film s'intéresse aux hommes
01:07:56 et aux femmes, un peu moins,
01:07:57 mais surtout aux hommes qui ont fait ce combat
01:08:01 et donc qui ont consenti,
01:08:04 qui ont détesté, qui ont haï,
01:08:06 et le résultat,
01:08:09 c'est ce deuil immense sur la société.
01:08:13 -D'une certaine manière, est-ce qu'on peut dire
01:08:16 qu'on a humanisé ce combat à travers ces monuments morts ?
01:08:20 On a enfin pensé aux hommes qui l'ont fait, cette guerre.
01:08:23 -Il y a des monuments morts partout,
01:08:25 non seulement en France, mais dans le monde entier.
01:08:28 Une guerre mondiale, des monuments partout,
01:08:32 et donc on voit bien que c'est une façon
01:08:35 de réfléchir à l'épreuve extraordinaire
01:08:39 qui vient de se passer, qui est partout.
01:08:41 Mais la France a une spécificité, c'est qu'il y en a plus qu'ailleurs.
01:08:45 Il y en a plus qu'ailleurs. -95 % des 36 000 communes françaises
01:08:50 ont un monument mort. -Non seulement les 36 000 communes,
01:08:54 mais vous multipliez par le nombre d'églises,
01:08:57 par le nombre de temples, par le nombre de synagogues,
01:09:00 par le nombre d'usines, par le nombre d'écoles,
01:09:03 partout, il y a eu des combattants.
01:09:05 Et partout, on veut se les remémorer.
01:09:09 Et donc, ça montre bien
01:09:12 que le...
01:09:16 La mort, la blessure,
01:09:18 la façon dont on est mort,
01:09:22 c'est une façon tellement extraordinaire
01:09:25 qu'on veut absolument que ça soit présent.
01:09:29 Et ce qui est intéressant dans le documentaire,
01:09:33 c'est qu'il montre à la fois les monuments des communes
01:09:36 qui n'ont pas d'argent et qui achètent sur catalogue
01:09:40 quelque chose d'un petit peu banal, on dirait.
01:09:44 -Ca sera aussi un commerce ? -C'est aussi un commerce.
01:09:47 Tout est un commerce. Bertrand Tavernier,
01:09:49 si rien d'autre, l'a montré dans un film de fiction.
01:09:53 Remarquable, bien sûr.
01:09:55 Bien sûr que c'est un commerce,
01:09:57 mais avant d'être un commerce, c'est l'expression
01:10:00 du fait que l'on a perdu
01:10:04 des hommes en nombre extraordinaire
01:10:07 et que ceux qui les ont perdus,
01:10:10 les veuves, les orphelins, la société toute entière,
01:10:13 leurs camarades de combat qui sont encore vivants,
01:10:16 quelques fois des sculpteurs qui ont échappé à la mort,
01:10:20 tout le monde veut que ça soit visible.
01:10:23 Et donc, ce qui était invisible pendant la guerre,
01:10:26 on savait pas très bien, on se doutait bien,
01:10:29 parce que ça arrivait, les télégrammes,
01:10:31 mais on avait pas une idée du chiffre.
01:10:33 Et à ce moment-là, les monuments morts
01:10:36 viennent figer, ficher la mort absolument partout.
01:10:41 -L'époque d'or des monuments morts,
01:10:43 ce sont les années 20. -C'est tout de suite après la guerre.
01:10:47 -C'est logique.
01:10:48 C'est le moment où le deuil est le plus frais.
01:10:53 Et très souvent, les conseils municipaux
01:10:56 déclarent qu'ils feront un monument aux morts.
01:11:00 L'année 1918 n'est pas terminée.
01:11:03 La guerre s'arrête le 11 novembre,
01:11:05 et dès le mois de décembre 1918,
01:11:08 dès le mois de janvier 1919,
01:11:10 on décide qu'on fera un monument aux morts.
01:11:13 Après, il faut le construire, ça devient plus compliqué.
01:11:16 -On y reviendra peut-être. -La décision est prise.
01:11:19 -On va voir un extrait du documentaire "Jérôme Prieur",
01:11:22 parce que c'est la première fois qu'il y a une forme d'égalité
01:11:26 à travers ces monuments aux morts. C'est expliqué dans votre film.
01:11:29 -La première fois, c'est systématique.
01:11:32 -Pour la première fois, c'est systématique.
01:11:35 Les guerriers inconnus ont le droit d'être nommés,
01:11:39 et pas seulement les chefs de guerre.
01:11:41 ...
01:11:49 Les simples soldats, les sous-officiers
01:11:52 et les officiers sont logés à la même enseigne.
01:11:54 Les paysans, les ouvriers, les citadins,
01:11:57 les pauvres et les riches.
01:11:59 Tous les contingents d'hommes envoyés au feu.
01:12:02 ...
01:12:05 -Pour la première fois, systématiquement,
01:12:07 vous l'avez dit, les guerriers ont eu le droit
01:12:10 d'être nommés, et pas seulement les chefs de guerre.
01:12:13 Quand on voit ces monuments, on voit très souvent, d'ailleurs,
01:12:17 plusieurs frères qui ont été tués au combat.
01:12:20 Bon, ils sont tous là, les non-figures.
01:12:23 Le symbolisme est fort, là aussi, non ?
01:12:25 -Oui, puis c'est vraiment dans des coins
01:12:28 les plus éloignés de la zone des combats.
01:12:30 On va en Corse, on voit des litanies de noms.
01:12:33 On sent que des familles ont été décimées,
01:12:36 littéralement, au sens littéral.
01:12:38 Ca, c'est très frappant.
01:12:40 J'ajouterais quelque chose par rapport à ce qui vient d'être dit
01:12:44 par Annette Becker, ce qui m'a beaucoup frappé,
01:12:46 que j'avais pas très bien réalisé avant de faire le film,
01:12:50 c'est à quel point ces monuments aux morts
01:12:52 sont une façon d'honorer les morts
01:12:55 et aussi de rendre hommage aux vivants,
01:12:58 aux survivants, aux poilus survivants
01:13:00 qui veulent qu'on leur garde leur place d'honneur
01:13:04 dans la société, mais aussi que ces monuments aux morts
01:13:07 sont une façon de réunir les morts.
01:13:10 Il faut bien comprendre
01:13:12 qu'en 1920, il y a un grand débat en France
01:13:16 de savoir si les morts qui sont morts sur le champ de bataille,
01:13:19 on peut les rapatrier dans leur petite patrie,
01:13:22 dans leur commune, ou s'ils doivent rester
01:13:24 avec leurs camarades de combat.
01:13:26 Finalement, on décide que les morts
01:13:28 pourront être rapatriés chez eux, ce qui coûte cher
01:13:31 et ce qui n'est pas au pouvoir de toutes les familles.
01:13:36 Donc, il y a les morts sur les champs de bataille,
01:13:39 les morts qui sont rapatriés dans leur village,
01:13:41 et puis, il y a un nombre incroyable.
01:13:45 Celui-là, on ne le connaît pas, on n'arrive pas à le connaître.
01:13:48 Il y a un nombre incroyable de soldats inconnus.
01:13:51 Pas le soldat inconnu qui est sous l'arc de triomphe.
01:13:54 Il y a 300 000, 400 000, 500 000 morts inconnus.
01:13:59 -Vous dites même dans votre film
01:14:01 qu'un mort sur quatre n'a pas pu être identifié.
01:14:04 -Oui, les historiens sont...
01:14:05 On a lancé des évaluations au lendemain de la guerre de 14
01:14:09 pour savoir combien il y en avait.
01:14:11 Il y a ceux dont on a que le nom,
01:14:13 il y a ceux dont on a que les restes,
01:14:15 il y a ceux dont on n'a rien.
01:14:16 Je pense, c'est l'hypothèse que je fais dans le film,
01:14:20 que les monuments aux morts, c'est une façon de réunir
01:14:23 les morts qui sont sur les champs de bataille,
01:14:25 qui sont dans leur cimetière,
01:14:27 mais aussi tous ces soldats inconnus,
01:14:29 de donner des funérailles à tous ces soldats, quels qu'ils soient.
01:14:33 -Ce qu'on apprend dans votre film,
01:14:35 c'est que seuls les monuments des grandes batailles
01:14:38 sont à l'initiative de l'Etat,
01:14:39 mais les autres sont à la responsabilité
01:14:42 des municipalités, avec une éventuelle subvention de l'Etat
01:14:45 pour atteindre les morts et la taille de la commune.
01:14:49 Vous me parliez tout à l'heure,
01:14:51 il a fallu les construire,
01:14:52 il y avait aussi un enjeu politique,
01:14:54 on l'a très bien compris dans ce film,
01:14:57 parce que les anciens combattants
01:14:59 représentaient une part importante du corps électoral,
01:15:02 comment les choses se sont passées ?
01:15:04 -Je pense qu'il faut minimiser le côté politique.
01:15:07 Je ne veux pas dire qu'il n'existe pas,
01:15:10 et il y a même des sculpteurs qui ont des opinions politiques
01:15:13 qui le font passer sur les monuments,
01:15:15 mais je crois qu'il faut le minimiser.
01:15:18 Il faut bien voir que de la société tout entière,
01:15:21 il y a une demande de tombe,
01:15:25 de tombe pour aller auprès de ceux qu'on a perdus.
01:15:31 Or, ils sont soit dans les cimetières militaires,
01:15:35 et un certain nombre, après 1920,
01:15:38 parce que les gens crient au scandale,
01:15:41 on les a donnés, certains disent, à la Chambre des députés,
01:15:45 on les a donnés pour la France,
01:15:47 et maintenant, on veut les avoir
01:15:49 pour que notre deuil soit dans notre cimetière communale.
01:15:53 Mais ça coûtait cher, même s'il y avait des subventions,
01:15:57 et donc, c'est finalement surtout les officiers
01:16:01 de familles plus aisées qui ont été rapatriés,
01:16:04 et le monument aux morts était pour tous les autres.
01:16:07 Le monument aux morts, c'est un cénotaphe,
01:16:09 c'est un tombeau vide.
01:16:11 Il faut le voir comme un tombeau.
01:16:13 C'est pour cela que ça ressemble, pour les plus simples,
01:16:16 à des monuments de cimetières.
01:16:18 Tout simplement, on vient
01:16:20 aux tombeaux de ceux qui sont morts,
01:16:24 mais ils sont morts pour la patrie,
01:16:27 pour la France, ils sont morts victimes de la guerre,
01:16:30 ils sont morts pour leur commune,
01:16:34 et c'est intéressant de voir cela,
01:16:36 parce qu'on dit très souvent "les fils de la France"
01:16:40 ou "les fils de la commune".
01:16:42 Or, normalement,
01:16:44 ils ont entre 20 et 45 ans,
01:16:47 ils ne devraient pas être morts,
01:16:49 et c'est leurs parents
01:16:51 qui viennent prier devant
01:16:54 leur tombe, prier au sens religieux,
01:16:58 ou simplement exercer,
01:17:00 montrer leur affliction épouvantable.
01:17:03 -On fait la quête aussi.
01:17:05 Il y a souvent des initiatives paroissiales
01:17:08 qui provoquent les initiatives communales
01:17:11 pour trouver de l'argent, tout simplement,
01:17:13 pour financer ces fameux...
01:17:16 -Bien sûr, parce que tout ça, ça coûte cher.
01:17:18 Tout ça, comme le dit extrêmement bien le film,
01:17:21 avec beaucoup de finesse,
01:17:24 ça donne du travail à toutes sortes de corps de métiers.
01:17:27 -Oui. -Et les architectes,
01:17:30 les gens qui taillent les pierres,
01:17:33 les ferronniers, etc.
01:17:34 Et je crois qu'au-delà de cela,
01:17:37 cela, une fois de plus,
01:17:41 rassemble toute cette France de l'époque.
01:17:44 Tous les métiers possibles et imaginables
01:17:47 sont aussi autour du Monument aux Morts.
01:17:49 -Je sais pas combien de Monuments aux Morts
01:17:52 vous avez vu dans le documentaire.
01:17:54 Je rajoute que là, on voit une version courte.
01:17:57 Il y a une version de 90 minutes qui existe.
01:18:00 -Qui va sortir, j'espère. -Ce film.
01:18:02 Qui sortira en salles.
01:18:04 Je conseille à tous ceux qui nous regardent
01:18:06 d'aller voir ce film en salles,
01:18:08 car le rendu n'est pas du tout le même,
01:18:11 compte tenu du prix cinématographique,
01:18:13 quasiment, que vous avez eu dans ce documentaire.
01:18:16 Ce n'est pas politique, me dites-vous,
01:18:18 je vous entends, je vous écoute,
01:18:21 mais dans le documentaire, il dit qu'il y a aussi
01:18:23 ces monuments très patriotiques,
01:18:26 dont on peut supposer qu'ils viennent
01:18:28 de maires de municipalités plus patriotes,
01:18:31 et puis il y a des monuments, à l'inverse,
01:18:33 complètement pacifistes.
01:18:35 Vous avez observé, dans tous ces monuments
01:18:39 que vous avez pu voir, ce genre de différence,
01:18:42 ce genre d'approche ?
01:18:43 -Pour donner des chiffres,
01:18:45 on a filmé à peu près 200, 300 monuments
01:18:48 et on a parcouru 9 000 kilomètres
01:18:51 en tournant quatre saisons.
01:18:53 C'est vraiment un travail important,
01:18:55 et j'aurais pu continuer,
01:18:57 car il y a des régions dans lesquelles je ne suis pas allé.
01:19:00 Ca coûte cher de faire un film,
01:19:02 donc il y a des territoires que je n'ai pas explorés.
01:19:05 -C'est la diversité. -C'est la diversité,
01:19:08 et en même temps, il y a des rimes,
01:19:10 il y a des récurrences, il y a des thèmes,
01:19:13 il y a une thématique, et c'est ça qui m'intéressait,
01:19:16 de construire le film comme si les monuments
01:19:18 étaient les roches d'un film imaginaire
01:19:21 qui n'aurait jamais été monté.
01:19:23 Pourquoi les roches ? Parce qu'il y a plusieurs...
01:19:26 Il y a plusieurs veuves éplorées,
01:19:28 il y a plusieurs scènes de combat,
01:19:30 il y a plusieurs soldats qui portent le drapeau,
01:19:33 il y a les statues qui pratiquent la série,
01:19:36 et puis il y a toutes les oeuvres originales.
01:19:39 Certaines sont dues à des petits artisans
01:19:42 et puis d'autres sont dues à des grands sculpteurs.
01:19:46 Il y en a qu'on connaît,
01:19:49 comme Paul Lamsdorffsky, par exemple,
01:19:52 mais il y a un sculpteur qui me touche infiniment
01:19:54 qui a fait le monument à Comontry, à Châlons-en-Champagne,
01:19:58 Gaston Broquet, au Val-de-Grâce,
01:20:01 qui travaille la fonte.
01:20:04 C'est extraordinaire. -Avec des sculpteurs
01:20:06 qui avaient participé au combat.
01:20:08 -Il y en a beaucoup qui sont des anciens combattants
01:20:11 et qui témoignent pour leurs camarades.
01:20:14 Et puis, il y en a d'autres
01:20:16 qui n'ont pas vu le feu, comme on dit.
01:20:20 Par exemple, à Bar-le-Duc,
01:20:22 il y a un monument très beau que j'ai filmé
01:20:24 et on a l'impression que le sculpteur était là
01:20:27 et en réalité, il n'était pas là.
01:20:29 Ce sont des artistes et il y en a qui sont géniaux,
01:20:32 on peut dire.
01:20:33 -Anette Becker, vous attardez sur cette diversité
01:20:37 dans votre ouvrage consacré au monument aux morts.
01:20:40 Vous dites qu'il y a la faucheuse, le gisant,
01:20:43 le palus succombant au feu, les parents épleurés,
01:20:45 surtout la mer, assimilable à la République.
01:20:48 On l'a très bien vue, ça, dans le film.
01:20:50 Et puis, à Amel, il y a un monument qui n'est autre qu'une piéta,
01:20:54 si proche de Michel-Ange.
01:20:56 -Oui, bien sûr.
01:20:57 L'idée est que, je le redis,
01:21:01 ce sont des lieux du deuil.
01:21:04 Et donc, forcément,
01:21:07 le deuil va aller avec les pratiques religieuses.
01:21:10 Et dans une France encore largement catholique,
01:21:14 eh bien, ce va être la Vierge, la Mater Dolorosa,
01:21:18 la piéta, la Tabat Mater, évidemment.
01:21:22 -A priori, aucun signe religieux n'était autorisé sur ces monuments.
01:21:26 -On est après la loi de séparation des Eglises et des Etats,
01:21:30 et donc, aucun signe religieux n'est possible.
01:21:34 Mais on tourne la loi très facilement,
01:21:37 d'une part en les mettant à proximité de l'Eglise,
01:21:41 et là, ça permet d'utiliser la croix de l'Eglise,
01:21:45 qui se retrouve comme la croix du monument,
01:21:48 ou alors, bien évidemment,
01:21:51 c'est la façon dont on représente les personnages.
01:21:55 Et donc, Marianne, c'est aussi une croyance,
01:21:59 et je dirais que, quelque part,
01:22:02 le coq, qu'on entend d'ailleurs très souvent dans la musique,
01:22:07 et ça, c'est une chose magnifique dans cette musique,
01:22:10 qui est composée, mais avec des bruits de guerre
01:22:13 ou des bruits de paix, comme le coq.
01:22:16 Le coq, pensons que c'est une France encore largement rurale,
01:22:20 et c'est pour cela que, dans les plus petits villages
01:22:23 qui, aujourd'hui, ont quasi disparu, il y a ces longues listes.
01:22:27 Et donc, le coq, c'est Galous, évidemment,
01:22:30 qui rappelle, par une erreur d'étymologie,
01:22:32 Gallia, la Gaule,
01:22:34 mais c'est aussi cette France paysanne,
01:22:37 et c'est celle-là, d'abord,
01:22:40 qui a donné,
01:22:42 ou était obligée de donner,
01:22:45 tous ces morts à la guerre.
01:22:49 C'est ça qu'on retrouve sur les monuments.
01:22:51 Et puis, on retrouve, évidemment, le combattant,
01:22:54 presque toujours, donc on a croire,
01:22:58 combattre, et puis, très souvent, des femmes au travail.
01:23:02 Parce que c'est les femmes qui ont,
01:23:05 pendant la guerre, été le front domestique,
01:23:09 le front de l'intérieur.
01:23:11 Si elles n'avaient pas travaillé dans les usines,
01:23:14 si elles n'avaient pas tenu la charrue,
01:23:18 la guerre s'arrêtait immédiatement.
01:23:21 Ce n'était pas possible sans les femmes.
01:23:23 Et donc, les monuments sont plus sophistiqués
01:23:26 qu'ils n'en ont l'air.
01:23:28 Bien sûr, on voit avant tout des soldats au combat.
01:23:32 C'est ceux qui sont les plus nombreux.
01:23:34 Mais quand on les regarde avec la finesse de ce film,
01:23:38 on voit tout de suite que c'est bien plus compliqué.
01:23:42 Et la présence des femmes,
01:23:44 la présence des femmes, en particulier,
01:23:47 dans les départements envahis,
01:23:49 dans les départements occupés,
01:23:51 me paraît particulièrement importante.
01:23:54 On voit, à un moment, le monument de Poix-du-Nord,
01:23:57 où il y a une civile
01:24:01 qui est prise dans les pierres écroulées de son village.
01:24:05 C'est le monument aux morts.
01:24:06 C'est une femme, mais à cet endroit-là,
01:24:09 les civils étaient occupés,
01:24:11 les civils étaient aussi en première ligne.
01:24:13 Donc, si on regarde bien,
01:24:15 on voit pas seulement l'idée de l'union sacrée en pierre,
01:24:19 qui y est,
01:24:20 mais il y a plein de détails absolument...
01:24:23 qui montrent la différence de la France.
01:24:26 On voit des Bretonnes en Bretagne,
01:24:28 des Savoyards dans Savoie, des Basques au Pays basque.
01:24:31 On voit tout le régional aussi, tout le local.
01:24:35 Chacun se réapproprie le monument aux morts
01:24:39 parce qu'il se réapproprie son propre mort.
01:24:42 -Vous en parlez avec passion.
01:24:44 C'est fini, Jérôme Prieur.
01:24:45 Vous voulez rajouter un mot, mais c'est un mot.
01:24:48 -Sur le rôle des femmes, c'est plus modéré.
01:24:50 Les femmes sont là dans leur rôle éternel, un peu,
01:24:53 et que le nouveau rôle qu'ont pris les femmes
01:24:56 grâce à la guerre de 14, il est peu présent.
01:24:59 Elles sont présentes, mais dans une vision un peu archaïque
01:25:03 qu'elles occupent dans la société.
01:25:05 -Merci beaucoup. Cette fois, c'est la fin.
01:25:07 Un grand merci à tous les deux, spécialement à vous,
01:25:10 Jérôme Prieur, pour ce film que vous nous avez livré
01:25:13 en exclusivité pour cette émission.
01:25:16 Annec Béquer, on vous retrouvera avec plaisir
01:25:18 dans cette émission.
01:25:19 Vos réactions, ça sera bien sûr sur #DébatDoc.
01:25:22 Merci à Selma Sally, qui m'a aidé à préparer cette émission.
01:25:25 Je vous donne rendez-vous pour un prochain "Les Badocs",
01:25:29 et ça sera bien entendu avec son documentaire et son débat.
01:25:32 A bientôt.
01:25:33 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:25:36 Générique
01:25:38 ...

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