"Très vite, j'avais envie de chanter devant les gens" : le chanteur Dave se confie dans ses mémoires

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Le chanteur Dave, le 3 novembre 2023 dans Le monde d'Élodie sur franceinfo.

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Transcription
00:00 Bonjour Dave. - Bonjour.
00:01 - Vous êtes un chanteur néerlandais, considéré comme le Hollandais préféré des Français.
00:05 Votre voix et votre auto-dérision ont su conquérir le public, justement, qui a toujours été au rendez-vous.
00:10 Vous avez connu le succès dans les années 70 avec des chansons francophones.
00:14 On pense à Vanina et Du côté de chez Swan.
00:16 Évidemment, là, on va parler d'un livre qui raconte beaucoup d'autres chansons.
00:19 Ces tubes, en tout cas, nous accompagnent encore aujourd'hui, souvent diffusés pendant les fêtes de famille, les anniversaires, les mariages, les baptêmes.
00:27 Ce qui est une réalité, vous avez toujours été présent dans les médias et à la télévision, comme dans l'émission "La France a un incroyable talent" sur M6.
00:34 Du côté de chez Swan, du côté de chez Dave, pardon, "L'absurde révélateur" sur France 3.
00:38 Aujourd'hui, vous publiez vos mémoires.
00:40 Comment ne pas être amoureux de vous chez Talent Édition.
00:43 Le mémoire est très fort et très symbolique aussi, car le parcours a d'ores et déjà été très long, fastidieux, parfois heureux.
00:51 Surtout, le point de départ de l'écriture de ce livre, vous le dites, c'est l'accident que vous avez eu le 29 janvier 2022.
00:57 Et qui a failli vous coûter la vie.
00:58 Ça a été un élément déclencheur ?
01:00 C'est pour ça que le titre me fait un peu rire, parce que c'est des problèmes de mémoire immédiate depuis ma chute.
01:05 Il fallait mieux l'écrire avant qu'après.
01:08 Ce qui me fait rire surtout, c'est quand j'ai dit à l'éditeur qu'il y avait déjà eu deux bio, qu'il a dit "ils sont morts, les gens qui ont lu ça".
01:13 Donc, ça fait très plaisir.
01:14 En tout cas, cette carrière, elle est assez incroyable.
01:17 Ça vous a obligé aussi à regarder dans le rétroviseur, cet accident ?
01:20 Non, pas.
01:22 Vous savez, ça arrive, paraît-il, souvent.
01:24 Je n'ai aucun souvenir de cet accident.
01:27 Et mon compagnon avec lequel j'ai vécu depuis 52 ans, lui, par contre, oui.
01:32 Et il me traite un peu comme si j'endormais son 15 jours avant sa mort.
01:37 Si je laisse tomber un truc, il arrive en courant.
01:40 Parce qu'il a quand même eu ce coup de fil qui doit faire très peur.
01:42 J'en revenais tout de suite parce qu'on ne pense pas qu'il va passer la nuit.
01:44 Je ne m'imagine même pas recevoir un coup de téléphone à son sujet.
01:48 Ça me ferait très peur aussi.
01:50 Mais moi, je ne me souviens de rien.
01:52 Il paraît que ça peut revenir, mais on ne me le souhaite pas parce que ce n'est pas spécialement agréable.
01:55 Non, j'ai couru comme ça.
01:57 Je fais tout le temps en courant trop vite, sauf l'amour peut-être.
01:59 Et donc, je parais-tu couru en escalier parce que j'avais la chance d'avoir une maison avec un étage.
02:06 Je suis tombé en arrière.
02:08 - De trois mètres de haut.
02:10 - Oui, de trois mètres.
02:11 Et après, c'est plus.
02:12 Donc voilà, pas de mauvais souvenirs, mais quand même.
02:15 - Avec un traumatisme cognant.
02:16 - C'est quand même, ce n'est pas un souvenir.
02:18 Je n'ai ni goût, ni odeur.
02:20 Quand on te dit ça, les gens pensent que tu as le Covid, mais moi, ce n'est pas le Covid, c'est un hémorragie cérébrale.
02:24 - Vous êtes rentré chez vous un mois plus tard.
02:26 Et c'est vrai qu'effectivement, les choses ont changé parce que les plaisirs de la vie vous ont été retirés.
02:33 - On en a enlevé deux, oui.
02:33 - Et voilà, mis en suspend.
02:35 Donc, notamment le fait de manger.
02:36 Vous aimez manger.
02:37 - Manger un bon verre de vin.
02:39 Je fais la cuisine quand je ne travaille pas.
02:41 Tous les soirs à 19h, je rentre dans la cuisine pour faire manger pour ma chaîne et après pour mon compagnon et moi.
02:47 Mon compagnon végétarien, moi, pas du tout.
02:49 Je suis homme niveau.
02:50 Et j'ai fait vraiment, je me disais, puis c'est ça.
02:52 Mais je ne goûte rien.
02:53 Mais je ne veux pas le savoir.
02:54 J'ignore.
02:55 - Vous démarrez cet ouvrage sur votre enfance.
02:57 Vous vous rappelez effectivement d'une chose, c'est que vous êtes né à Wouter Otto Levenbach, à Amsterdam.
03:04 Votre prénom n'était donc ni Dave ni David.
03:06 Ça l'est devenu plus tard.
03:08 Et ce que vous savez, ce que vous avez appris, c'est que le jour de votre naissance, votre père n'était pas là parce qu'il était justement...
03:14 - Il était caché.
03:15 - Il se cachait pour des milices allemandes, nazis, car il était juif.
03:18 Quel souvenir vous gardez de cette enfance ?
03:20 - Mais moi, j'ai des souvenirs.
03:21 On ne peut plus heureux.
03:23 Jusqu'au jour où on s'est rendu compte que mon père trompait ma mère avec notre femme de ménage.
03:28 - Et c'est vous qui le découvrez, d'ailleurs.
03:29 - Je suis tombé sur des lettres très explicites et je les ai jetées sur son bureau, fâchées, très fâchées.
03:35 Non pas pour moi, mais pour ma mère.
03:37 J'avais genre 18 ans et je trouve ça d'autant plus incroyable que cette femme de ménage, qui était plus qu'une femme de ménage, parce qu'elle est rentrée chez nous quand elle avait 14 ans.
03:46 Elle n'avait pas de mère et ma mère la traite comme si elle était sa fille.
03:50 Donc il y avait un côté incestueux.
03:51 Pas vraiment, mais quand même.
03:52 Et quelques mois après, j'ai entendu hurler en bas et je me suis dit "ça y est, elle sait".
03:58 Et c'est vrai que ça ne s'oublie pas, mais mon père est resté avec cette femme quasiment 30 ans.
04:02 Donc ce n'était pas, j'allais dire un gros mot, juste sexuel.
04:05 C'était vraiment une histoire, un rencontre.
04:07 Et c'était dur pour ma mère parce qu'elle n'a jamais eu d'autre mec, parce que ma mère était, comme moi, une femme à un homme.
04:14 Moi, je ne suis pas une femme, mais un homme.
04:16 - Vous parlez d'ailleurs de votre homosexualité sans aucun tabou.
04:20 Vous racontez comment vous vous êtes mis à aimer déjà au lycée un garçon, et puis juste par la suite, qui va être votre compagnon de voyage.
04:28 - Joust.
04:28 - Joust.
04:29 - Ce n'est pas facile à lire.
04:30 - Il faut le présenter.
04:31 - Mais c'est-à-dire qu'aux Pays-Bas, il y a très longtemps que ce n'est plus un tabou.
04:34 Et moi, je raconte toujours cette anecdote parce que ça m'a vraiment frappé, parce que j'habitais déjà en France depuis mal de temps.
04:39 J'étais aux Pays-Bas pour faire une émission de télé.
04:42 J'ai un gros tube aux Pays-Bas, qui n'est ni vanillin du côté de Tchétchén, mais c'est danser maintenant.
04:46 C'est Moonlight Serenade, Moonlight Serenade.
04:48 Et j'ai lu un journal, l'équivalent à l'époque de François.
04:52 Aujourd'hui, c'est peut-être un journal plus lu que ça, mais un grand article sur un haut fonctionnaire espion.
04:58 Et il a marqué, la suite, page 4, et page 4, il a marqué son ami, c'est plus Henri, Paul ou quoi que ce soit, c'était un homme.
05:05 Donc, c'était un homosexuel.
05:07 Les mots n'étaient nulle part.
05:08 Et je dis, bravo la Hollande quand même.
05:10 On n'en parle pas.
05:11 Ce n'est pas important. Tu fais ce que tu veux dans ton lit.
05:13 - Vous racontez ce parcours, ça commence par une exploration des rivières, de l'eau.
05:18 Vous aimez naviguer.
05:19 Vous êtes avec Jost et effectivement, vous découvrez le monde.
05:22 Vous arrivez jusqu'à Marseille.
05:24 Marseille, ça va devenir vraiment un port d'attache pour vous.
05:26 - Ah oui, j'ai une petite histoire d'amour avec Marseille.
05:29 Parce que déjà, quand on est parti, on avait, et mon père et le père de Jost, nous avaient donné un tout petit peu de soulet,
05:38 équivalent, on veut dire de 500 francs, 500 euros, pourquoi pas.
05:41 Et donc, c'est un amour que j'ai fait pour la première fois à la Manche.
05:45 Et c'est un peu humiliant.
05:46 Donc, mais finalement, je me suis complètement fait à cette idée.
05:50 C'est une très, très bonne école.
05:51 Et quand je suis arrivé à la Méditerranée, donc à Porteboucle, plus précis, puis après à Marseille,
05:57 j'ai eu une histoire d'amour dur avec Marseille.
06:01 - D'ailleurs, quand vous êtes revenu et que vous aviez réussi, c'était quelque chose de fort pour vous,
06:07 d'arriver avec une Mercedes SL, très exactement.
06:10 Et surtout, c'était une sorte de revanche aussi sur la vie.
06:13 Ce passage de la Manche, le fait de faire la Manche, d'être dans la rue, de chanter pour des passants,
06:22 on sent que c'est aussi ce qui vous a construit.
06:24 - C'était une très, très bonne école.
06:26 Ça m'arrive encore, pourtant, ça fait longtemps que je ne le fais plus, mais ça m'arrive encore que j'attends un chanteur et je m'oublie devant un terrasse, il ferait deux sous.
06:33 Parce qu'ils sont pas assez forts.
06:35 Parce que quand on...
06:36 Moi, je me souviens, donc, j'avais jamais entendu parler de Saint-Tropez, tant que j'étais au Pays-Bas.
06:40 À l'époque, on connaissait Menton, on connaissait Cannes, on connaissait Nice, mais pas encore Saint-Tropez.
06:43 C'était encore au début des années 60.
06:45 Et quand j'ai fait la Manche dans un crêperie russe, en tant que désert Paris 6e, on m'a parlé, on m'a dit "va à Saint-Tropez, c'est là que ça se passe".
06:52 Et ils avaient raison.
06:53 Et évidemment, il y a beaucoup de gens de Saubis.
06:54 Ma première proposition honnête pour faire des disques était Saint-Tropez, sauf que je disais non, parce que j'étais très content avec ma vie.
07:00 Et je me suis rendu compte qu'on peut gagner beaucoup d'argent, et comme on dit vulgairement, au noir.
07:04 Parce que les impôts, ils savent pas combien tu gagnes.
07:06 - Vous vouliez être pasteur au début.
07:09 Votre but, c'était simplement d'être écouté, d'être entendu.
07:13 - Oui, c'est-à-dire que mon père était donc de région juive, mais il était converti au protestantisme.
07:19 Et dans ma famille, il y avait ma mère totalement athée et mes deux frères et ma soeur athées.
07:24 Donc, il y avait que lui et moi qui allait à l'église.
07:26 Et le pasteur était une femme très belle, qui parlait très bien.
07:31 Et là, je pense que c'était aussi une forme de narcissisme et d'écout-centrisme.
07:34 J'ai envie d'être à sa place pour qu'on m'écoute.
07:36 Donc, ce n'est pas qu'une œuvre de "il faut aimer ses prochains".
07:39 C'était aussi un peu ça.
07:41 Et je suis rentré à l'université avec cette idée-là.
07:45 - Vous avez étudié la théologie, ensuite le droit.
07:48 L'idée, c'était effectivement...
07:49 - Et après, je n'y allais pas, parce que je commençais à chanter.
07:53 Je me couche à 4-5 heures le matin.
07:54 - Mais vous avez mis du temps à vous dire que la musique allait devenir votre métier passion.
07:58 - Oui, c'est-à-dire que très vite, j'avais envie de chanter devant les gens.
08:02 Donc, quand j'étais au lycée, des petites soirées et tout ça.
08:05 Mais je ne pensais pas que ça pouvait rapporter des sous.
08:07 Donc, c'était vraiment un plaisir.
08:09 Et j'aimais bien entendre.
08:10 Quand j'étais à l'époque avec ma parente, puis après elle seule allait en Italie,
08:14 j'apprenais les chansons en italien.
08:16 Et ça drague bien aussi quand tu chantes, si ça plaît.
08:20 Donc, c'était une manière de mon narcissisme aussi.
08:24 Il faut quand même avouer quelque part.
08:26 - C'est votre père qui va vous donner goût à la musique principalement.
08:29 - Ma mère était danseuse.
08:31 - Voilà, et votre maman était danseuse classique.
08:33 Elle est devenue prof de danse après.
08:35 Et c'est vrai que votre premier souvenir, c'est à l'école maternelle.
08:39 Vous allez chanter un titre de Léo Ferré.
08:41 - Oui, c'est-à-dire que je ne savais pas encore qu'il faut aussi être efficace.
08:47 C'est un gros mot pour un artiste quelque part.
08:49 Mais tu ne peux pas commencer par chanter des cours de waltz,
08:52 chanter par Lotte Lehn, c'est très beau, mais les gens ne comprennent pas.
08:56 Donc, moi, je commence depuis 1974,
09:03 15, avec "Dansez maintenant".
09:06 C'est facile, c'est Glenn Miller, c'est international.
09:09 Le texte est bien. Merci Patrick Vazzo pour le texte.
09:11 Et j'ai commencé en mes parts vanillin parce que c'est trop haut.
09:14 Il faut que la voix soit chauffée.
09:16 Un des rares chanteurs que je connaisse qui chauffe sa voix en chantant,
09:19 c'était Junior Lydie.
09:21 C'est extraordinaire parce que la plupart des chanteurs arrivent avec la voix chauffée.
09:24 Il le chauffait sur scène avec beaucoup de bons résultats.
09:27 - À quel moment vous avez compris alors que la musique ne pouvait qu'être votre quotidien ?
09:33 - En fait, c'est quand j'ai rencontré, quand je suis devenu guide sur les bateaux mouches d'Amsterdam
09:40 pour pouvoir avoir des sous pour acheter, je voulais acheter un Volkswagen bus pour partir.
09:46 J'avais aucune idée de partir en bateau.
09:47 C'est vrai que quand on est sur un bateau mouche, on va beaucoup de bateaux,
09:49 mais c'est surtout qu'un jour, il y a un garçon qui est arrivé qui était d'une beauté.
09:53 Et il y avait 19 filles dans le guide, mais le chef guide était vraiment, vraiment homo.
09:59 C'était un ancien légionnaire, ça n'a rien à voir.
10:02 J'accuse pas les légionnaires.
10:03 Et j'ai dit qu'il faut le prendre.
10:05 Donc, il fallait parler au moins quatre langues en plus du hollandais.
10:09 Et lui, il n'en parlait pas.
10:10 Il parle un peu français, un peu allemand, un peu anglais.
10:13 Mais on l'a quand même engagé et j'étais éperdument amoureux de lui.
10:16 Il était à 100% hétrosexuel, donc ce n'était pas réciproque.
10:19 Mais il était quand même assez malin pour mettre ses sous avec mes sous.
10:22 Et on a acheté un bateau ensemble et on est parti ensemble.
10:24 Et là, c'est vrai que c'est lui qui m'a dit, c'est pour ça que je parle de lui,
10:30 qu'il a fait la manche en vacances et qu'on pouvait chanter devant les terrasses.
10:33 Parce qu'en Angleterre ou au Pays-Bas, ça ne marche pas.
10:36 Parce que tu mets à chanter dans un pub anglais, tout le monde se met à chanter avec vous.
10:40 Donc, tu ne peux pas après passer une assiette pour avoir des sous.
10:43 Tout le monde chante. En France, ils t'écoutent ou pas, mais ils payent.
10:47 - A 16 ans, vous avez entamé ces études-là.
10:49 A 18 ans, vous racontez le traumatisme vécu finalement par la découverte de la liaison
10:55 de votre père avec cette bonne,
11:00 qui est donc effectivement été considérée comme une fille par votre maman.
11:04 Et à 19 ans, avec votre costume à queue de pie, d'étudiant finalement,
11:08 d'Amsterdam, de fac de droit, vous allez entrer dans ce groupe qui s'appelle les millionnaires.
11:13 - Oui, je m'appelle Dave Rich.
11:15 - Ce que ne l'est pas de venir à ce moment-là.
11:17 On va quand même le dire que ça a été assez long.
11:20 Quand vous réécoutez d'ailleurs ce premier disque que vous avez enregistré,
11:23 vous dites qu'on ressent
11:26 cette attirance pour Alice Presley ou Roy Orbison.
11:29 - Oui, Roy Orbison, qu'on ne connaît pas trop bien en France.
11:33 On ne connaît que Pretty Woman, mais il avait une quantité de succès extraordinaire.
11:37 Il avait une voix exceptionnelle et Elvis évidemment aussi.
11:40 Et donc, on entend que je ne les imite pas, mais on entend une vraie influence.
11:45 Mais je suis quand même content de l'entendre.
11:48 Ça date quand même de 1963, vous vous rendez compte ? J'avais 19 ans.
11:51 - C'est Eddie Barclay qui va craquer sur vous.
11:53 Vous venez pour une audition, vous décidez de prendre votre vie en main.
11:57 Effectivement, vous arrivez de ce voyage avec Hughes,
11:59 vous sentez que c'est fini, le bateau n'est plus.
12:02 Vous n'avez plus que vous.
12:04 Vous ne pouvez compter que sur vous-même d'ailleurs.
12:06 Et vous décidez de prendre votre vie en main,
12:07 de sortir les cartes que vous avez pu obtenir de différents producteurs.
12:11 Vous vous rendez chez Barclay.
12:13 - Et c'est lui qui dit... - Et il vous entend.
12:15 Il m'a entendu, il m'a signé et il m'a dit "Rich, Dave Rich".
12:19 Peut-être pas tout de suite, on va regarder juste Dave.
12:21 - Donc Dave Rich, c'est le nom que vous aviez décidé d'entendre pour être artiste.
12:25 - Oui, parce que j'avais commencé avec David Rivusvite,
12:27 parce que comme j'étais pédant, comme tous ceux qui font le lycée classique,
12:31 qui chez nous s'appelle Gymnasium, comme en Allemagne.
12:33 Donc 20 heures par semaine de latin et de grec, ça change un homme.
12:37 Il se pense toujours pour, vaguement, un des plus intelligents de tous ceux qu'il rencontre.
12:42 Et la maison de disque, "Rivusvite", pardon, comment, qu'est-ce que ça veut dire ?
12:46 J'ai reçu une lettre, "tu t'appelleras Dave Rich".
12:48 Moi, j'étais tellement content d'avoir un contrat avec la maison de disque.
12:51 J'ai dit d'accord.
12:52 Et à Barclay, "Dave, ok, d'accord aussi".
12:55 - Et puis, il y aura effectivement "Trop beau".
12:57 C'est votre premier grand succès.
13:00 - "Sugar Baby Love".
13:01 - C'est l'adaptation d'Héroubette, "Sugar Baby Love".
13:05 Ce titre, on sent qu'il est particulier dans votre parcours, Dave.
13:08 - Je l'ai chanté depuis très longtemps.
13:12 Quand, j'aime bien le citer, Jean-Jacques Chouplet, qui était mon directeur artistique,
13:16 dont le père était le PDG de la maison de disque, Cébiès, qui a changé de nom depuis.
13:20 Et on avait déjà fini un 45 tout.
13:24 Et il a dit, on va arrêter parce que j'ai entendu une chanson sur la BBC,
13:28 qui est numéro un des ventes en Angleterre.
13:29 Et c'est pour toi. Et c'était très, très, très aigu.
13:32 Et plus aigu que Vanina.
13:34 - Ça a été dur ? - Pardon ?
13:35 - Ça a été dur de la chanter ?
13:37 - Non, parce qu'à l'époque, je n'avais pas de problème avec ça.
13:40 Parce que j'ai la chance, c'est vraiment la chance.
13:42 Je dis ça aussi en pensant aux gens qui perdent leurs cheveux.
13:44 Vous n'y êtes pour rien, c'est dans l'ADN.
13:46 Et de perdre sa voix, pour certains chanteurs, j'hésiterai pas, non.
13:50 Ils s'y sont pour rien non plus.
13:51 Moi, j'ai la chance d'avoir quasiment la même voix,
13:53 sauf justement le falsetto en italien, la voix de femme, on va dire.
13:58 Elle est légèrement floutée, mais sinon, c'est quand même...
14:01 J'y suis pour rien, j'ai la même voix.
14:02 Donc, c'est pratique, parce que Vanina,
14:05 s'il faut le baisser de deux tons, c'est plus pareil.
14:08 - C'est vrai qu'on parle de Vanina parce que vous revenez aussi sur ce titre.
14:10 Inévitablement, c'est plus d'un million de 45 tons de rendu.
14:13 - On est à deux ans de retard.
14:14 - C'est incroyable.
14:16 Nous sommes en 1974.
14:18 Est-ce que vous pouvez me raconter l'histoire de la naissance de ce tube ?
14:22 - C'est-à-dire, c'est l'histoire aussi d'un chanteur,
14:25 parce que j'avais en effet, à Paris aussi, fait la Manche pendant longtemps,
14:30 rue Saint-Jacques, le Créperie rue Saint-André-des-Arts, pour les Parisiens.
14:33 Et finalement, quand on a eu une proposition d'une maison de disques,
14:39 on a fait ce succès trop beau, qui en effet, j'ai vendu 400 000 en anglais,
14:43 300 000 en français.
14:44 Donc, les Roubaix ne s'étaient pas du tout d'accord.
14:45 On s'est presque battu dans les couloirs de vos confrères d'Europe 1,
14:49 ça s'est bien terminé.
14:50 Mais il fallait trouver la suite.
14:52 Et moi, je chantais déjà une chanson d'un chanteur qui s'appelle Del Shannon,
14:55 qui s'appelle "Run Away".
14:56 Et on a proposé à Jean-Jacques Chouplet, qui n'est plus,
14:59 c'est pour ça que j'aime bien le citer,
15:00 parce que j'aime pas l'expression en français, que quelqu'un a disparu.
15:03 On ne disparaît pas quand on meurt.
15:04 On est toujours dans la tête et le cœur si on l'aime bien.
15:07 Et il a dit on va essayer de faire cette chanson.
15:09 J'ai fait ce "Ubu Roi"
15:13 avec George Wilson et Anna Prugnal à Faux Festival à l'Avignon.
15:17 Et j'ai joué "Bougre là" donc, pas "Ubu Roi", c'était George Wilson lui-même.
15:20 Et Patrick a commencé à faire un texte qu'on a montré en rentrant.
15:23 Et le directeur artistique, Jean-Jacques Chouplet, a dit "C'est super,
15:25 mais ce sera bien de mettre le prénom d'une fille sur le refrain".
15:28 Et le meilleur ami de Patrick Loiseau s'appelle Vanina.
15:31 Je ne l'ai pas appelée, elle n'est malheureusement plus là.
15:33 - L'histoire, elle est assez folle.
15:35 Comment vous l'avez vécu, le succès qui a été tellement énorme ?
15:39 - Je n'ai pas compris grand chose.
15:41 Non, c'est vrai que je n'étais pas du tout populaire, moi, à l'école.
15:45 J'étais en effet déjà assez caustique.
15:50 Donc ça ne me plaît pas toujours.
15:51 Pour faire rire, et je le regrette souvent, je peux faire mal.
15:54 Je ne fais pas exprès.
15:55 Mais ça me fait même parfois rougir quand je me rends compte
16:00 que pour être drôle, je peux faire de la peine.
16:02 Ce n'est pas ce que je veux faire.
16:02 Je veux faire rire et ça coûte cher parfois.
16:04 Et donc, de devenir populaire de quelqu'un qui est plutôt caustique,
16:09 c'est une grande surprise.
16:10 Mais j'essaie d'être à la hauteur.
16:12 Puis après, je me suis rendu compte, et je l'ai déjà dit à des gens,
16:17 à mes proches, notamment entre autres à Patrick Loiseau,
16:19 les gens qui vont se rendre compte qui je suis vraiment,
16:21 je serai peut-être moins populaire.
16:23 J'ai raison.
16:24 - La vraie question, c'est est-ce que vous avez perdu pied par moment,
16:28 dans cette carrière, avec tous ces succès ?
16:30 - C'est drôle parce que, imaginez-vous,
16:32 les gens ne savent peut-être pas, nous sommes donc sur France Info
16:35 et que c'est dans la maison de la radio.
16:37 Eh bien, je suis arrivé dans la maison de la radio avec un tube.
16:41 Je vendais genre 15, 20 000 disques par jour,
16:44 moins qu'avec Vanina, on en vendait carrément 40 000 par jour.
16:46 Et quand la barrière pour se garer devant la maison de la radio était fermée,
16:50 j'ai claque sonné et le monsieur m'a dit "vous ne rentrez pas".
16:54 Et là, je me suis entendu dire cette phrase que je regrette.
16:57 Mais enfin, vous ne voyez pas qui je suis.
16:58 Ça, c'est la phrase de quelqu'un qui a les grosses têtes.
17:01 Parce qu'on le voit, on ne le voit pas.
17:02 Si on ne le voit pas, on n'a rien à dire.
17:03 Fermez sa gueule, comme on dit en français.
17:05 Donc, je me suis dit à moi-même "oh, oh, oh, calme-toi".
17:08 Et depuis, je pense que ça va.
17:10 - Dans les années 70, tout vous a souri.
17:12 Vous avez même été numéro un des Carpentiers.
17:15 En 80, le succès s'est envolé.
17:17 Vous vendiez plusieurs dizaines de milliers de disques par semaine.
17:19 - Par jour.
17:21 - 40 000 par jour même.
17:22 - C'est incroyable.
17:23 C'est l'égalisation des radios libres qui va bouleverser la donne.
17:26 Je voudrais que vous me racontiez ça, parce que dans le livre,
17:29 vous dites, je ne vais pas dire que c'est à cause de Mitterrand,
17:32 mais un peu quand même.
17:33 - Oui, comme disait Balavoine.
17:36 Mais c'est vrai que là encore, ça se joue dans cette maison
17:40 où nous nous trouvons, vous et moi tous les deux.
17:42 Il y avait une des premières FM, c'était Radio 7.
17:45 Et c'était dans l'entrée de cet incroyable bâtiment.
17:50 Il y a un peu le même au cœur pour les radios égyptiennes d'ailleurs.
17:53 Et je suis allé voir la patronne, Marie-France Brière, pour ne pas le citer,
17:56 parce que tout le monde ne le connaît pas, mais dans le métier,
17:58 elle est quand même connue.
17:59 Et je me dis, pourquoi tu ne me poses pas ?
18:00 Elle me dit, parce que tu n'es pas notre cible.
18:03 Et je me suis rendu compte pour la première fois que être un chanteur,
18:06 c'est aussi un produit avec tout ce qui va avec comme publicité.
18:09 Et donc, j'ai essayé d'être le cible après,
18:13 parce que mon plus grand succès à France Inter,
18:16 c'était du côté de Césoine, grâce à Proust, plus que grâce à moi.
18:20 Et plus grâce à Patrick Noiseau qui a pensé à faire chanter le Proust là-dessus.
18:23 Tout ça, ça joue.
18:24 Mais quand les radios libres sont arrivées,
18:26 ils n'avaient pas envie de passer les mêmes chanteurs que les radios
18:28 qu'on appelle périphériques, c'est-à-dire RTL, Europe 1, RMC,
18:32 Sud Radio, Radio Andorre, tous ces radios.
18:34 Donc, les grands radios de l'époque, qui s'appelait l'énergie,
18:40 ne passaient que des chanteurs qu'on ne connaissait pas.
18:42 Un Jean-Luc Lé, des gens comme ça.
18:45 Et pas des gens connus comme le Normand, Dave, etc.
18:49 Et j'ai dit "Aïe, aïe, aïe, qu'est-ce qui se passe-t-il ?"
18:52 Et ça m'a donné une période de ce qu'on appelle en français
18:57 le traversé du désert.
18:59 Et c'est là où j'ai fait beaucoup de bateaux de croisière, sans jeu de mots.
19:02 Parce que c'est intéressant, parce que c'est pas tout à fait...
19:05 On oublie parfois de le dire aux fils
19:08 que quand on chante très, très loin de la côte de la France...
19:11 Mais c'est vrai que passer beaucoup par tous les radios
19:16 n'est plus passé du tout pour un chanteur, c'est grave.
19:18 Donc beaucoup l'ont vécu.
19:21 Je cite Gérard Normand parce que c'est quelqu'un qui a fait beaucoup plus de succès que moi,
19:24 beaucoup plus de chansons connues.
19:26 Pareil, on n'en voulait plus quoi.
19:27 Et ça s'est arrangé...
19:29 Mais c'était plus que les sept années dont on parle dans la Bible.
19:32 C'était long.
19:33 - Vous êtes très honnête dans cet ouvrage.
19:36 Pour terminer, depuis vos débuts, il y a une chose qui a toujours fait partie de vous.
19:39 C'est une formule mathématique qui vous accompagne.
19:41 C'est EFGH.
19:43 Ça veut dire "émotion, folie, générosité et humour".
19:46 - C'est les quatre mamelles d'un spectacle.
19:48 Que ce soit une pièce de théâtre, c'est pas facile tous les soirs.
19:51 Surtout quand on chante, qu'on voit des chansons depuis 50 ans.
19:54 Il faut quand même rentrer dedans.
19:56 Il faut être vrai.
19:57 Quand on fait ce qu'on appelle les arbres de Noël, c'est-à-dire pour les enfants,
20:00 qui en plus ne savent pas exactement qui vous êtes.
20:02 Ils le savent un peu grâce à un incroyable talent.
20:04 Comme je n'y suis plus, ils savent plus que moi.
20:06 Donc il faut leur raconter les histoires, il faut les convaincre.
20:09 Et pour ça, il faut aussi...
20:12 Moi, j'ai chanté une chanson que Patrick Loiseau a écrite au moment où ma mère a décédé.
20:16 C'est une très, très belle chanson.
20:18 Et quand j'entends pleurer dans la salle, un peu, pas trop quand même,
20:21 je dis "elle a marché la chanson".
20:22 Ça, c'est l'émotion, parce qu'il faut être vrai là-dedans.
20:24 D'ailleurs, j'avoue que je pense plus à ma soeur qui meurt il y a beaucoup moins longtemps que ma mère.
20:27 Mais il faut être vrai.
20:29 Il faut être vrai.
20:30 Et c'est Paul McCartney qui est dans un livre, je ne le connais pas,
20:34 donc il est vraiment content de lire une fois sur 30, ce qui ne me semble pas beaucoup.
20:38 Mais je pense qu'il exagère.
20:40 - Vous dites que vous aimeriez bien être sur scène pour fêter vos 80 ans et enregistrer un album.
20:45 - Ça se fait.
20:46 - Vous dites que vous n'êtes pas certain d'être en vie le 4 mai 2044 pour vos 100 ans.
20:51 Vous dites "je suis déjà un vieux chanteur, mais je ne m'imagine pas un instant arrêter de chanter
20:56 et de mettre fin à ma carrière.
20:57 Chanter sur scène fait partie des meilleurs moments de ma vie".
21:00 Ça veut dire que vous voulez limite mourir sur scène ?
21:04 - Pas obligatoirement.
21:06 Si je peux être dans un lit, c'est peut-être plus confortable.
21:07 Mais quand on me parle de ça, je pense toujours à Michel Bergé, avec beaucoup de respect,
21:14 parce que c'était un vrai compositeur et il adorait chanter.
21:16 Il ne se voyait pas vieux chanteur et il est mort avant.
21:19 Donc, je n'ai pas du tout envie de vivre ça comme ça.
21:21 Aznavour voulait chanter à 100 ans au Palais de Congrès.
21:24 Il y est presque arrivé, mais pas tout à fait.
21:26 Je ne sais pas comment on peut dire "je ne veux pas être un vieux chanteur".
21:29 D'ailleurs, je ne pourrais pas dire "je suis un vieux chanteur" n'importe comment.
21:32 Ça y est, je suis arrivé l'année prochaine.
21:34 Donc, je vais chanter le 21 juin au Rex.
21:37 On me l'a dit hier, donc je peux l'annoncer.
21:39 Vous êtes le premier à l'entendre.
21:40 - Pour terminer, vous dites, vous écrivez que vous aimeriez,
21:43 qu'en guise de conclusion, on écrive "ouf" sur votre urne.
21:47 Pourquoi ?
21:48 - Parce que j'aime bien le côté verlan de "ouf", parce que la vie...
21:54 Je vais vous donner le dernier truc qui m'a vraiment donné presque envie de pleurer.
21:57 C'est les photos de l'Ukraine.
22:00 Parce que moi, quand je voyais les photos de la Deuxième Guerre mondiale
22:04 dans les années 60, dans les années 50, c'était très, très jeune.
22:07 Ça me faisait peur.
22:08 Et je dis heureusement que ça n'arrivera plus jamais.
22:10 Eh bien, ça arrive toujours.
22:12 Donc aujourd'hui, évidemment, on parle plus d'Israël,
22:15 mais il y a toujours des guerres.
22:16 Et comme je ne me prends vraiment pas pour meilleur que les autres hommes,
22:20 comment ils font pour faire des erreurs pareilles ?
22:22 Puisqu'on est tous pareils, plus ou moins, même si on n'a pas la même différence.
22:25 Même si on n'a pas la même couleur de peau, même si on n'a pas la même religion.
22:30 On a tous envie d'avoir une femme, des enfants, une amie.
22:34 Je ne comprends pas ça et ça me fait peur.
22:36 Donc c'est pour ça que je dis "ouf", parce que ça sera la fin de la peur
22:39 et ça sera le repos.
22:41 Je ne suis pas sûr qu'il y ait un paradis, mais il y aura une espèce de nirvana sympathique.
22:44 Et puis, il y a le verlan de "ouf" qui est fou.
22:47 - Merci beaucoup, Dave, d'être pressé dans le Monde Élodie sur France Info.
22:49 Ça s'appelle "Comment ne pas être amoureux de vous ?"
22:51 Évidemment, c'est...
22:52 - C'est pas moi qui ai choisi le titre.
22:53 Je trouve ça un peu prétentieux.
22:54 - Et c'est sorti chez Talent Éditions.
22:57 Merci beaucoup.

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