Tête-à-tête avec Albert Dupontel

  • l’année dernière
"La réalité peut parfois être hilarante et tragique."

Pourquoi Albert Dupontel dédie-t-il son film "Second Tour", actuellement en salle, à Jean-Paul Belmondo ? A-t-il ressenti une apréhension à dévoiler cette nouvelle réalisation après le succès retentissant d'"Adieu les cons" ? Pourquoi cette envie d'incarner un candidat à la présidentielle ?

En tête-à-tête avec "Marie Claire", le cinéaste se confie aussi sur ses retrouvailles avec Cécile de France, son amour et sa reconnaissance envers le cinéma qui fait rire et pleurer dans un même souffle, son admiration pour Charlie Chaplin...
Transcription
00:00 J'étais proche de lui depuis ses 20 dernières années.
00:02 Il m'a même fait l'honneur un soir de venir déjeuner dans ma campagne
00:05 avec Marielle et Rochefort, vous imaginez ?
00:07 L'appréhension depuis trois mois n'existe pas.
00:12 Maintenant que vous me posez la question,
00:14 oui, la sortie du film, c'est votre film,
00:15 est transformé en cheval de course
00:17 et on va savoir s'il va terminer placé ou gagnant, etc.
00:19 Donc je supplie qu'une casaque bleue et une toque verte,
00:21 alors que le film, au départ, regroupe beaucoup de choses.
00:23 Donc ce n'est pas une angoisse,
00:24 c'est ce stress un peu trivial de la sortie
00:26 pour savoir en gros si on va pouvoir faire un autre.
00:27 Si le film se passe bien ou suffisamment bien,
00:29 je pourrais en faire un autre, c'est ça qui m'intéresse.
00:31 Une fois, j'ai vu un film qui n'a pas marché,
00:32 c'était mon deuxième film, Le Créateur.
00:33 J'ai mis cinq ans à un retoit des sous pour faire un film
00:35 et je n'ai pas vraiment envie de relivre cette histoire-là.
00:38 Jean-Paul était proche de lui depuis ses 20 dernières années.
00:44 Il m'a même fait l'honneur un soir de venir déjeuner dans ma campagne
00:47 avec Marielle et Rochefort, vous imaginez ?
00:48 Comme c'était hyper chouette dans la cuisine,
00:50 on était tous les trois à son égard, très émus de cette soirée.
00:52 Et voilà, c'est un grand acteur qui était doublé d'un individu
00:55 épatant au niveau du tempérament
00:57 et qui, bien qu'esquinté à la fin de sa vie, ne se plaignait jamais
01:00 et avait la politesse de sourire et de demander des nouvelles de nous.
01:03 Et voilà, j'ai adoré ce personnage, j'ai adoré l'acteur
01:05 et j'ai découvert un individu qui était équivalent à l'acteur,
01:07 voire même encore supérieur.
01:08 C'était parti, cette idée saugrenue, d'un documentaire sur Robert Kennedy.
01:14 J'ai vu un personnage à la fois résigné et héroïque
01:17 qui va vers un destin qui s'est inéluctable.
01:19 Romain Garay lui a dit quelques semaines avant son assassinat,
01:22 "Vous vous rendez compte qui ils vont vous tuer ?"
01:23 Il a dit "Je sais" et puis il est allé quand même courageusement.
01:25 J'ai vu dans un film que j'ai beaucoup aimé, c'est "Madame de la Jonquière"
01:31 et je trouvais qu'elle était épatante et gentiment et humblement
01:33 et courageusement et artistiquement.
01:35 Elle s'est prêtée au jeu des répétitions pendant deux mois avec Nicolas.
01:38 Et sur le tournage, c'est encore mieux que tout.
01:40 Et quand je lui ai demandé pourquoi, elle m'a dit "Le tournage c'est la récompense."
01:43 C'est une démarche qui s'adresse à des consommateurs.
01:50 Et moi ce que je cherche c'est des spectateurs, il y a une vraie nuance.
01:52 Donc le consommateur dit "Moi je veux rire, faites-moi rire."
01:54 "Moi je veux un film de SF, il faut que ça pète de partout."
01:56 Voilà, comprenez ?
01:57 Et moi j'ai bizarrement jamais été sensible à cette façon de fonctionner.
02:00 Je suis complètement bisexuel en termes de goût.
02:02 Vraiment toujours spontanément, enfant, j'ai été sensible à ces deux dimensions.
02:05 À la fois rire, c'est pour ça que je dis souvent que Chaplin est un classique.
02:08 Chaplin est à la fois très émouvant et très marrant.
02:10 Quand j'écris, quand je fais le film, ce que je me force à faire c'est un lâcher-prise intérieur.
02:13 Ces émotions, rire, indignation, colère, tout ça c'est mélangé.
02:16 La réalité peut des fois être hilarante et tragique.
02:18 Et qu'à regarder les actualités, elles sont souvent tragiques.
02:21 Quand vraiment je dis "Voilà, c'est ce que tu veux raconter",
02:23 je me retrouve confronté à ces deux émotions.
02:24 Qu'il ait passé un bon moment.
02:30 Quand les gens me disent ça, je suis au summum de mon ambition.
02:32 Moi j'ai adoré passer des bons moments, voir les films qui me parlaient bien sûr.
02:35 Que ce soit, je sais pas, le Brasil de Terry Gilliam ou d'autres films.
02:38 Moi j'ai vu des films, j'ai vraiment pas vu le temps passer.
02:40 Et puis ils m'ont apporté plein d'informations, ils m'ont bouleversé, etc.
02:42 J'en ai des dizaines, des centaines de films comme ça.
02:44 Donc si moi à mon niveau je peux au moins donner ça aux gens,
02:46 franchement voilà, je restitue de l'eau dans le puits qui m'a formé.
02:50 [Musique]

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