Très présente en élevage laitier, la maladie de mortellaro concerne aussi l’élevage allaitant. Et si cette maladie bactérienne est très difficile à éradiquer, il y a tout de même des solutions pour limiter les dégâts. Les solutions proposées par Jérôme Delpy, vétérinaire chez Elvup.
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00:10 Pour ce nouvel épisode, nous allons parler de la santé du pied.
00:14 Jérôme Delpy, bonjour.
00:16 Bonjour.
00:17 Vous êtes vétérinaire pour HealthUp.
00:19 On va parler un petit peu de mortellaro.
00:22 Est-ce qu'il y a encore beaucoup d'élevages qui sont indemnes de mortellaro aujourd'hui ?
00:26 Malheureusement, la maladie de mortellaro, la dermatite digitée,
00:31 touche entre 60 et 95 % des troupeaux laitiers.
00:36 Mais pas que.
00:38 Les troupeaux alétants aujourd'hui sont également concernés par cette maladie.
00:41 Ce n'est pas très connu par les éleveurs alétants.
00:46 Il faut quand même les sensibiliser.
00:48 Parce qu'une fois que c'est rentré dans leurs troupeaux,
00:50 malheureusement, c'est extrêmement difficile d'éradiquer totalement cette infection.
00:55 Justement, pourquoi jusqu'à présent, ça a touché principalement les vaches laitières
00:59 et pas les élevages alétants ?
01:01 Quelle différence il y a ?
01:03 Cette infection est due à une bactérie qu'on appelle un tryponème.
01:07 Mais seule, cette bactérie-là ne peut pas se développer.
01:11 Il lui faut un environnement humide, sale,
01:16 pour permettre le développement de l'infection.
01:22 Les conditions d'élevage des bovins laitiers aujourd'hui, en stabulation,
01:26 on retrouve cette humidité,
01:28 on retrouve un environnement sale,
01:32 c'est une ère d'exercice où on trouve du lisier.
01:37 Ces conditions-là permettent au tryponème de se développer.
01:44 C'est une maladie qui coûte cher ?
01:46 C'est une maladie qui coûte cher.
01:48 C'est estimé pour un troupeau de 100 vaches laitières,
01:51 entre 2500 euros et 4000 euros par an.
01:54 Ça englobe.
01:57 Mais en dehors de cet aspect financier,
01:59 on a quand même une baisse de production,
02:02 des troubles de la reproduction.
02:04 Au niveau du bien-être animal, là encore,
02:08 on a un impact marqué, majeur,
02:11 puisqu'on a des animaux qui souffrent.
02:13 C'est une maladie inflammatoire.
02:15 Il faut vraiment s'en occuper.
02:19 C'est une maladie qu'on achète.
02:23 C'est une maladie qu'on achète.
02:25 Bien souvent, la porte d'entrée, c'est un animal qui était infecté au départ.
02:29 On ne l'a pas vu et on a agrandi son troupeau.
02:33 Malheureusement, dans le lot, il y avait une vache qui avait de la dermatite.
02:38 Parfois, ça ne se voit pas puisque la lésion est guérie.
02:42 Si on n'a pas l'œil, on peut passer à côté.
02:46 D'autant plus que cette bactérie a la capacité de s'enquister.
02:50 On la retrouve également dans le tractus digestif des animaux.
02:54 C'est extrêmement difficile.
02:57 Si on ne va pas la chercher, on ne va pas spécialement la trouver.
03:01 Il faut vraiment veiller, quand on achète des animaux,
03:05 il faut lever les pattes.
03:08 Il faut vraiment lever les pattes pour vérifier l'absence de lésion.
03:12 C'est le premier conseil que je donnerais.
03:16 Justement, on va rentrer dans le vif du sujet.
03:18 On lève la patte, c'est confirmé, il y a de la mortellaro.
03:22 Qu'est-ce qu'on fait derrière en tant qu'éleveur ?
03:26 Il y a plusieurs solutions.
03:29 La solution miracle n'existe pas aujourd'hui.
03:32 Il n'y a pas de vaccin.
03:34 Pour l'instant, beaucoup de laboratoires cherchent.
03:37 Mais pour l'instant, il n'y a pas de vaccin.
03:40 Un des traitements curatifs qui a montré une réelle efficacité,
03:45 ça reste les pédiluves à base de sulfate de cuivre.
03:48 D'autres pédiluves à base de formol peuvent être utilisés.
03:51 Mais avec des énormes précautions.
03:54 C'est un produit qui est cancérigène.
03:56 Il faut vraiment faire très attention avec ce type de produit.
04:01 Nous, on préconise plutôt le sulfate de cuivre.
04:04 L'avantage, c'est que c'est toxique pour l'environnement
04:07 par accumulation de cuivre.
04:09 Mais aujourd'hui, on n'a pas le choix.
04:11 Si on veut guérir et surtout limiter la propagation de la dermatite,
04:15 il faut traiter collectivement les animaux à base de pédiluves
04:21 dont la fréquence dépend de la prévalence au sein du troupeau.
04:27 Là, c'est propre à chaque élevage.
04:30 Il y a quand même des bonnes pratiques à suivre
04:32 quand on met en place un protocole avec pédiluves.
04:35 Il ne faut pas que ça devienne n'importe quoi.
04:37 Non, le pédiluve, il faut au maximum 150 passages d'animaux dans le pédiluve.
04:46 Au-delà, ça va devenir un bouillon de culture
04:48 et ça n'aura plus d'efficacité.
04:51 Il faut se limiter à 120-150 passages.
04:54 Vider le pédiluve dès l'instant où on ne s'en sert plus.
04:57 Et le renouveler en fonction de la prévalence de la dermatite.
05:04 Mais on peut aller jusqu'à 4 fois par semaine.
05:08 Quand on fait un pédiluve 4 fois par semaine, là on a une réelle efficacité.
05:11 C'est lourd, mais je pense que toutes les nouvelles structures
05:16 où dès l'instant où il y a un projet de robot,
05:18 il faudrait intégrer systématiquement un emplacement réservé au pédiluve
05:24 pour contrôler cette infection qui maintenant est quasi généralisée.
05:31 Tout à l'heure, on parlait de pansements.
05:34 Est-ce que c'est utile de faire un pansement à une vache boiteuse ?
05:37 Oui, la première étape, la plus importante, c'est le traitement collectif des animaux.
05:42 Et parallèlement à cela, il faut faire un traitement individuel
05:46 de toutes les vaches boiteuses.
05:48 Le traitement individuel, on préconise, on met en avant,
05:55 ce qu'on souhaite, c'est que les éleveurs aient une cage de parage.
05:59 On en trouve des cages assez simples,
06:02 mais au moins l'éleveur peut travailler en toute sécurité.
06:05 Et dans ces conditions-là, dès l'instant où il est en sécurité,
06:09 il peut faire un travail correct et mettre notamment un pansement.
06:12 Mais un rappel important, c'est que le pansement doit rester 24 heures.
06:16 Au-delà, à moins de faire un vrai pansement hermétique,
06:20 et souvent ce n'est pas fait, parce qu'il faut du matériel un peu spécifique,
06:24 mais si on fait un pansement classique avec des bandes classiques,
06:28 on ne laisse pas plus de 24 heures, parce qu'au-delà,
06:31 le lisier passe au travers et au final,
06:36 on recrée un milieu favorable au développement du tréponème.
06:40 Et les génisses, il ne faut pas les oublier aussi.
06:43 Les génisses.
06:44 Les paris, en fait, au final.
06:45 Voilà, dans le traitement collectif, il faut bien évidemment
06:49 fractionner son troupeau en différents lots,
06:52 faire un lot de génisses, aller lever les pattes.
06:56 On voit des génisses infectées par la dermatite
06:59 dès 3, 4 mois, l'âge de 3, 4 mois.
07:02 On n'y penserait pas.
07:03 On n'y penserait pas et pour autant, on en voit.
07:06 Donc ça, il faut absolument s'en occuper.
07:08 Là encore, il faut faire des pansements, des soins individuels,
07:12 pas forcément du collectif, encore qu'on pourrait même se poser
07:15 la question si un pédiluve ne serait pas efficace dans ce cas là.
07:19 Et le troupeau, là encore, il faut le diviser en primipares,
07:24 fraîches-velées, vaches adultes, fraîches-velées et vaches taries.
07:28 Et les primipares, ce qu'on conseille, c'est de les voir
07:32 un mois et demi, deux mois après le vélage.
07:35 Les vaches adultes, 60 jours après le vélage,
07:37 par exemple, vers deux mois.
07:38 Et les taries, au début du tarissement
07:41 et en faisant cela, au moins, on n'oublie personne.
07:45 Le but, c'est vraiment de parer toutes les vaches
07:49 parce que le parage permet de détecter les lésions de dermatite.
07:53 On va pouvoir faire des pansements, mais parallèlement à cela,
07:57 il faut impérativement mettre en place un pédiluve de façon régulière.
08:02 Et là, je vous dis, la prévalence définit la fréquence de passage
08:07 dans le pédiluve.
08:08 - Juste pour finir, le parage, on parle de quelle fréquence à peu près
08:12 pour faire venir le pareur dans le troupeau ?
08:15 - Tous les mois, c'est vraiment...
08:18 Pour un troupeau de 80 vaches laitières, 80 ou 100 vaches laitières,
08:23 je pense qu'une fréquence mensuelle, une fois par mois, c'est le minimum.
08:29 On peut augmenter toutes les trois semaines,
08:31 mais c'est vrai qu'il y aura une facture à l'arrivée.
08:34 Mais la dermatite coûte vraiment très cher, très, très cher.
08:39 - Et pour conclure, est-ce qu'on peut dire que c'est une maladie
08:41 qu'on ne peut pas vraiment éradiquer ?
08:43 On peut la contenir, mais une fois qu'elle est là,
08:46 malheureusement, c'est compliqué.
08:47 - C'est compliqué, c'est compliqué parce que la bactérie vit dans l'environnement.
08:52 Elle est quand même résistante, elle a des capacités à s'enquister, etc.
08:56 Et donc, malheureusement, on va réussir à la contenir.
08:59 Si on met en place des pédiluves et un parage curatif et préventif en parallèle,
09:07 eh bien, on va réussir à contenir sérieusement l'infection.
09:13 Mais de là à l'éradiquer, à ce jour, pour l'instant, c'est quasi impossible.
09:19 - Écoutez, en tout cas, merci pour ces précieux conseils
09:22 et puis retrouvez d'autres articles relatifs à ce sujet sur WebAgri.
09:26 Merci. - Merci.
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