La chronique de Toussaint par Guy Carlier

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##GUY_CARLIER-2023-11-01##

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Transcript
00:00 - Allez il est 7h51 sur Sud Radio, on souffle un petit peu, petite pause dans l'actualité.
00:07 Laurie, vous nous avez rejoint puisque vous nous annoncez le thème de la chronique de Guy Carlier tout de suite.
00:12 - Avec la Toussaint, les nouvelles qui sont mauvaises, le temps mossade, la tempête qui arrive,
00:16 mais Guy nous a promis une chronique joyeuse, on espère en tout cas. Bonjour Guy !
00:21 - Ah oui c'est important, bonjour Guy ! Bonjour Laurie, bonjour Benjamin, bonjour à tous.
00:25 - Oui c'est vrai Laurie, en ce jour de Toussaint, tout contribue à faire de cette journée le symbole de la tristesse.
00:31 Oh j'aurais pu vous faire un inventaire du désespoir, tant le monde ressemble à un jour de Toussaint chez Lars von Trier.
00:38 Par exemple, imaginez le jour de Toussaint chez ce réalisateur où après la diffusion du film "Les Hommes et des Dieux"
00:44 on dînera frugalement à la lueur sombre de grands chandeliers et sous des tentures pesantes avec en fond sonore le miséréré d'allégorie.
00:52 Ou mieux, la musique du mépris de Godard tandis qu'une femme en noir énoncera la litanie de tous ceux qui nous ont quittés cette année.
01:00 Puis cette femme se lèvera, s'approchera d'une fenêtre, écartera le lourd rideau, dira "le temps est mauvais Helmut"
01:07 et le regard perdu au loin vers les grands arbres de la forêt de Gretchen Coven,
01:11 elle récitera machinalement quelques vers de "Früden Schoten Frund", un oratorio de 8 heures écrit par un auteur danois Jean Siniste.
01:19 Mais j'aurais aussi pu vous raconter les Toussaint de nos enfances que nous gardons toute notre vie en mémoire.
01:25 Vous savez, quand nos parents nous emmenaient nous habiller en dimanche pour la tournée des cimetières,
01:29 il y en avait deux des cimetières, celui de la famille du côté de maman, celui du côté de papa,
01:33 et à l'arrière des dauphines comme chantait Bachung, on était étouffés par les pots de chrysanthème,
01:38 on avait hâte d'arriver d'entendre le bruit de nos chaussures du dimanche sur les graviers du cimetière.
01:44 Je suis sûr que vous nous entendez encore le bruit de vos pas d'enfance sur les graviers des cimetières.
01:49 Je suis sûr aussi que vous vous souvenez à quel point vous étiez impressionné par les mausolées des riches à l'entrée du cimetière.
01:55 Vous savez, ces maisonnettes surmontées d'une croix avec une porte, une fenêtre, avec des vitraux,
02:00 à travers laquelle on voyait même une banquette à l'intérieur.
02:03 Et c'est là que l'expression "le plus riche du cimetière" prend tout son sens,
02:08 car le mausolée, c'est la dernière manifestation dérisoire de la connerie humaine et de la fatuité.
02:14 Le mec est mort et il se la pète encore.
02:16 Le mausolée, c'est le cynisme des riches jusqu'au bout.
02:20 Nos familles n'avaient pas de mausolée.
02:21 Leur tombe était loin, on marchait sous une pluie fine,
02:24 nos respirations faisaient de la buée dans le froid du matin d'automne,
02:28 et on arrivait enfin, et nos mères nous tendaient l'arrosoir caché derrière la croix
02:32 pour qu'on aille le remplir au robinet sur l'allée principale.
02:35 Et c'est là que pour moi, un jour de Toussaint ressemblait à un matin de Noël.
02:42 Je n'ai pas reconnu tout de suite la fille qui remplissait son arrosoir.
02:44 Elle portait un dufault le côte et je l'avais connu qu'en short et en chemise madras l'été précédent,
02:50 en colonie de vacances en Vendée, où elle avait été mon amoureuse,
02:53 où j'avais plongé pour aller lui chercher une étoile de mer au fond de l'eau.
02:57 Là, en se retrouvant, on ne savait pas quoi se dire,
02:59 tant on était surpris évidemment de se retrouver là près du robinet d'un cimetière,
03:03 et comme on n'avait que quelques instants, alors je lui ai dit
03:07 « Tous les mots d'amour en avalanche, ça n'avait aucun sens. »
03:10 Mais elle m'écoutait et des larmes coulaient,
03:12 elle avait un petit sac à main de jeune fille avec un fermoir en tête de chat, je m'en souviens.
03:17 Elle l'a ouvert et d'une enveloppe, elle a sorti l'étoile de mer en me disant
03:21 « Je la garderai toujours avec moi. »
03:24 Aujourd'hui au cimetière, quand je vais aller remplir mon arrosoir,
03:28 je ne vais pas pouvoir m'empêcher d'espérer la voir.
03:31 Peut-être est-elle au cimetière en permanence, en dessous.
03:34 En tout cas, l'amour est plus fort que la mort.
03:38 Je plains ceux qui se font construire des mausolées dans les cimetières,
03:41 car leur amour de jeunesse n'y mettra jamais les pieds.
03:44 Alors on va donner un air de fête à cette journée triste,
03:47 comme un doigt d'honneur au temps qui passe,
03:48 et en souvenir des Toussaint joyeuses de nos enfances,
03:51 et on va écouter une chanson joyeuse.
03:54 Allez, bon robinet de cimetière à tous !

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