Nous, porteurs de projets - pratiques pour accompagner le changement de comportement

  • l’année dernière
Changer le comportement des individus et des ménages pour répondre aux enjeux climatiques et préserver les ressources. Faire évoluer nos modes de vie vers plus de durabilité. Oui, mais comment ?

Découvrez ici des témoignages de porteurs de projets d’accompagnement au changement de comportement.

Ce retour d’expérience fait partie de la collection « Pratiques pour accompagner le changement de comportement » réalisée par l’ADEME dans le cadre de ses travaux en sciences humaines et sociales et des actions de terrain identifiées avec ses équipes ou des partenaires. L’objectif est d’inspirer les acteurs qui travaillent sur l’accompagnement au changement de comportement des individus et des ménages dans le domaine de la transition écologique.

Ces retours d’expérience sont extraits de la formation « Acquérir les fondamentaux du changement de comportement : Espace Ressources ».

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Transcript
00:00 Je ne sais pas si nous avons le droit, mais en tous les cas certainement le devoir, à partir du
00:12 moment où même dans notre fiche de poste on nous demande d'accompagner vers une transition
00:17 énergétique, en l'occurrence en ce qui nous concerne auprès des professionnels du bâtiment.
00:25 On a le devoir de montrer comment on peut changer et quels sont les bénéfices du changement.
00:35 Donc je pense qu'il ne faut pas imposer mais qu'il faut suggérer, montrer les bénéfices et accompagner.
00:44 Pour l'accompagnement au changement, ce qui est important effectivement c'est d'être exemplaire
00:49 avant tout, donc de montrer les bonnes pratiques. Je pense que le changement ne peut pas s'opérer
00:54 si on ne montre pas, si on ne donne pas des exemples, si on ne donne pas la possibilité
01:00 d'essayer. Et pour moi c'est un facteur de réussite avant de devoir imposer quoi que ce soit ou de
01:06 devoir, je pense qu'il faut montrer et qu'il faut du coup inciter par l'exemple. Porteur de projets
01:13 donc au sein de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME a une
01:18 mission de service public importante par rapport au changement de comportement de nos cibles qui
01:27 sont les collectivités, les entreprises mais aussi le grand public, donc du coup d'améliorer sa
01:32 performance sur l'environnement, en tout cas d'être moins impactant sur l'environnement. Et je dirais
01:38 que par rapport à cette légitimité, l'ADEME finalement a un devoir d'apporter la connaissance
01:47 une connaissance qui soit la plus juste, la plus fine, la plus développée, la plus mise à jour
01:55 possible pour les différentes cibles pour qu'elles puissent adapter les comportements les plus
02:02 vertueux. Donc la question est formulée peut-être de façon un peu provocatrice, donc le fait d'avoir
02:11 le droit de demander directement de changer de comportement c'est peut-être un peu fort,
02:16 en revanche cette mission d'apporter la connaissance la plus adaptée finalement aux différentes cibles,
02:24 c'est un devoir en tout cas pour les gens de l'ADEME et c'est une mission principale. Après
02:33 il faut de mon point de vue être très vigilant sur justement le fait de garder le contact avec
02:41 nos cibles, de pouvoir échanger sur comment les gens reçoivent cette information, qu'est-ce qu'il
02:47 faut apporter pour compléter pour que justement on ne soit pas dans du prosélytisme et des choses
02:55 qui ne soient pas argumentées suffisamment ou pas suffisamment adaptées ou mal comprises,
02:59 mal interprétées. Donc c'est pour moi ce devoir d'apport de connaissances et de rester toujours
03:06 en contact avec la cible pour pouvoir échanger qui est un devoir quelque part. À mon sens on peut
03:13 leur demander de changer, on le fait dans tout un tas de domaines, moi travaillant dans la mobilité
03:19 je pense qu'on a vocation à informer, sensibiliser, éveiller les consciences sur les conséquences de
03:27 nos choix en matière de déplacement et puis ça a fait écho aux pratiques et au développement
03:32 d'autres services de la collectivité que sont la gestion des déchets, la sécurité, l'aménagement,
03:39 enfin ça s'inscrit aussi dans une démarche plus globale de territoire où nous collectivités,
03:45 enfin acteurs de la collectivité locale, on vient répondre à des questions et des missions de
03:53 service public où on nous interroge aussi, ça peut être des partenaires, ça peut être des habitants
03:57 qui nous sollicitent sur ces questions, ce sont aussi des chefs d'entreprise qui ont des
04:01 besoins et qui vont aussi demander à la collectivité d'intervenir, donc on peut demander
04:09 des évolutions de pratiques, les contraintes c'est peut-être plus compliqué, on le voit quand même
04:17 quand c'est de la redevance incitatif pour la gestion des déchets, on le voit aussi quand on
04:23 a des grilles de stationnement qui sont très variables où on essaye de faire des zones de
04:29 stationnement plus libres et d'autres moins accessibles, donc on met quand même en place
04:35 des contraintes pour activer certains changements de comportement. On met en place quand même
04:42 certaines solutions d'accompagnement, l'idée c'est pas de contraindre un changement de comportement,
04:49 c'est aussi de l'accompagner et de l'éclairer, de le motiver aussi, pourquoi on change de
04:55 comportement, c'est à dire que je reparle de la mobilité, mais on a parfois des plans
05:01 déplacements établissements scolaires où on va aller réfléchir avec l'équipe pédagogique,
05:06 avec les familles, avec les élèves sur des solutions qui sont des fois simplement des
05:15 toutes petites choses, alors ça nous permet d'envisager plein de choses dans le changement
05:18 de comportement, ça va de nos pratiques habituelles qu'on n'a même plus conscience de faire, on va
05:27 aller les interroger et après on va pouvoir dérouler ça, on part de l'établissement scolaire,
05:33 on peut aller ensuite voir les familles, on peut aller voir tous les champs de la société et puis
05:40 on peut aller jusqu'au chef d'entreprise, on peut là aussi proposer de les accompagner dans
05:44 l'intervention, on parle de plans déplacements entreprise ou inter-entreprise et là encore on
05:50 vient animer des démarches pour accompagner, l'idée aussi c'est d'expliquer pourquoi on est dans ces
05:56 démarches là, nous on est aussi dans une posture où on vient comprendre les problématiques des
06:01 entreprises et de leurs salariés pour aussi pouvoir y répondre parce que l'idée c'est pas de dire
06:05 bon on veut que vous changiez de comportement, l'objectif c'est de savoir comment eux pourraient
06:14 trouver des solutions et quelles sont nous, collectivités, les ressorts pour faciliter
06:19 aussi ces changements, ça permet d'ajuster, on sait très bien que changer ses pratiques de
06:25 déplacement c'est quelque chose qui est compliqué parce que c'est ancré dans nos habitudes, c'est
06:29 quelque chose de rassurant donc on va leur demander un effort de ce côté là, il faut qu'on puisse
06:35 aussi être garant de cet accompagnement pour faciliter aussi les choses donc quand on le
06:42 demande c'est aussi avec un accompagnement généralement, parfois avec des contraintes
06:50 mais toujours dans l'idée d'un objectif de service public et là en l'occurrence les questions
06:58 environnementales, économiques, sociales, elles vont nous donner cette légitimité à travailler
07:06 avec le territoire. Si nous en tant que porteurs de projet on ne demande pas aux gens de changer,
07:10 qui le fera ? Par contre je pense qu'avant de leur demander de changer, la première étape c'est nous
07:14 déjà d'adopter ce changement de comportement pour être en cohérence avec nos propos et ensuite
07:19 plutôt que de leur demander de changer et de leur fournir des arguments, des explications qui vont
07:24 plutôt les toucher dans leur vie quotidienne et du coup ils se sentiront beaucoup plus concernés
07:28 lorsqu'on leur demande. On voit bien au travers de ces différents témoignages que la question de
07:40 savoir si on a le droit ou pas d'imposer ou de demander même un changement de comportement
07:45 n'est pas aussi simple qu'on pourrait l'imaginer. Alors pourquoi ? Parce qu'évidemment personne
07:51 ici n'est une autorité morale et religieuse donc on n'a pas l'habitude de parler au niveau de "il
07:56 faut, on doit" et puis on est dans des démocraties et donc on a plutôt tendance à respecter les
08:01 libertés individuelles et on a bien conscience que de demander un changement c'est potentiellement
08:06 demander à restreindre un petit peu cette liberté individuelle. Alors on a deux types de réponses
08:13 dans les témoignages qui ont été produits. La première réponse est un peu une réponse
08:21 statutaire qui dit "bon c'est dans ma fiche de poste" ou alors "j'appartiens à une agence qui
08:26 est une mission de service public donc je suis légitime parce que mon statut me confère cette
08:30 légitimité". Ce qui est une manière de répondre mais un petit peu en disant que d'autres ont déjà
08:35 répondu ceux qui ont fait la fiche de poste en question ou ceux qui ont délégué une mission
08:40 de service public à votre employeur. Et puis on a aussi un autre type de réponse qui est de dire
08:45 "oui mais en fait on n'impose pas vraiment, nous on est là pour faciliter, on est là pour encourager,
08:51 on est là pour accompagner, c'est très important qu'on ne perde pas le lien avec la cible mais on
08:56 doit apporter de la connaissance" qui est en gros de dire qu'on va essayer de faire faire, donc de
09:01 faire changer mais surtout sans imposer. Reste toujours cette même question qui est "est-ce
09:06 qu'on a le droit de faire changer de comportement et notamment de les imposer, est-ce qu'on a le
09:11 droit d'aller jusque là ?" Alors il y a deux autres réponses qui ont été apportées aussi et sur
09:17 lesquelles on peut s'appuyer pour répondre "oui" à cette question. La première est de dire que "oui
09:22 comme dans d'autres domaines" et en même temps c'est vrai, il y a plein de domaines et la personne
09:26 mettait justement en avant la question de la mobilité où nos libertés individuelles sont
09:31 restreintes, on n'a pas le droit de rouler à n'importe quelle vitesse, il y a des moments où il
09:37 faut s'arrêter, il y a des stops, il y a des feux, on restreint, il y a des règles dans l'organisation
09:42 collective sinon ça marche moins bien. Alors oui on a le droit dans d'autres domaines et pourquoi ?
09:46 Eh bien parce qu'il y a des conséquences pour autrui. Alors on le sent bien notamment en matière
09:53 de mobilité, si vous ne respectez pas le code de la route ou si vous buvez plus de trois verres avant
10:00 de prendre le volant, vous mettez en péril non seulement votre propre vie mais aussi celle des
10:05 autres. Donc il y a des conséquences négatives et c'est ce que les économistes appellent les
10:09 externalités négatives, c'est-à-dire des choses qui ne sont pas prises en compte par le prix ou le
10:14 coût que vous payez vous-même. Alors en matière d'environnement par exemple quand vous faites un
10:19 plein d'essence, vous payez l'essence mais vous ne payez pas toutes les catastrophes naturelles
10:25 qui vont être issues des gaz à effet de serre et donc vous ne payez quelque part que l'essence
10:31 mais votre comportement a potentiellement d'autres conséquences. Et c'est ça les externalités et
10:36 c'est ça qui légitime que la puissance publique en l'occurrence restreigne ses libertés individuelles.
10:43 Alors si on fait un petit peu une exploration historique pour voir depuis quand ça remonte,
10:49 alors c'est vrai que c'est pas tout récent mais c'est quand même pas très très ancien non plus.
10:55 Les politiques publiques qui ont visé vraiment le changement de comportement, ça date du 19e
11:02 siècle avec notamment les politiques hygiénistes qui avaient pour but d'éviter justement le
11:07 développement des maladies via une bonne hygiène de chacun. Et puis ça s'est prolongé aussi ces
11:12 politiques-là après la guerre notamment sur d'autres thématiques qui sont la sécurité
11:16 routière notamment mais aussi les addictions. Et là ce qui justifie l'intervention des pouvoirs
11:22 publics sur le comportement des individus c'est aussi que l'individu ne respecte pas son propre
11:29 intérêt donc c'est pour ça qu'on limite les addictions, les drogues, elles sont interdites.
11:32 Donc pour résumer, la puissance publique considère qu'elle est légitime à intervenir sur les
11:38 comportements à partir du moment où les individus vont contre leur propre intérêt ou alors que
11:43 leurs actions ont des conséquences potentiellement négatives sur les intérêts des autres. Donc ça
11:49 c'est ce qui permet de légitimer que nous on y aille. Ce qui est vrai c'est qu'en matière
11:53 d'environnement c'est assez récent en fait comme approche sur les comportementales. Historiquement
12:00 encore une fois les politiques publiques en matière d'environnement notamment dans les
12:04 années 70 étaient vraiment liées à la question de l'efficacité énergétique. Donc on s'est surtout
12:11 employé à développer de meilleures technologies avec quand même quelques petites campagnes qui
12:16 étaient attention au gaspillage, les économies d'énergie etc. Mais essentiellement c'était quand
12:21 même surtout sur des développements de technologies qui soient plus efficaces, ce qui est très pratique
12:26 parce que ça veut dire qu'on change juste les équipements mais qu'on change pas les pratiques
12:30 derrière donc les modes de vie. A partir des années 2000, les politiques publiques en matière
12:34 d'énergie et d'environnement se sont plus adressées au consommateur et à sa dimension éthique,
12:40 donc citoyenne, pour l'encourager à prendre conscience de la nécessité de faire des
12:46 économies d'énergie et de préserver l'environnement. A partir de 2006, une directive européenne, on s'est
12:52 rendu compte que les gisements d'économies d'énergie n'étaient pas seulement dans la technique, que ça
12:57 ne suffirait pas atteindre nos objectifs et qu'il y en avait de gros gisements dans les comportements
13:02 eux-mêmes. Et c'est ça qui a aussi réorienté les politiques publiques vers les comportements
13:08 individuels et les pratiques sociales. Nous sommes donc légitimes à intervenir en matière
13:12 d'environnement parce que c'est un objectif de service public, ce qui a été cité notamment
13:18 avec également la dimension économique et la dimension sociale. Alors là on retrouve bien
13:23 les trois termes du développement durable, développement économique mais aussi social
13:27 et environnemental. En revanche, ce que ça nous dit c'est le fait qu'on ait un objectif environnement
13:34 et qu'on cite les autres, et bien c'est que l'environnement c'est pas le seul objectif,
13:38 c'est pas le seul bien commun. C'est une manière de dire que c'est bon pour tout le monde mais il
13:44 y a effectivement d'autres grandeurs, d'autres valeurs qu'on peut mettre en avant. Assez souvent,
13:49 et heureusement, l'environnement ça va avec le développement économique et ça va aussi avec
13:55 le côté social. Par exemple si vous faites de la rénovation thermique des bâtiments, pour votre
14:01 emploi local ce ne sont pas des emplois délocalisables donc c'est bien, ça fait de
14:04 l'activité. Et puis pour les gens qui habitent les passoires thermiques, qui sont en règle générale
14:09 les gens les moins favorisés, eux aussi ça leur permettra d'alléger leur facture d'énergie. Donc
14:18 les trois vont ensemble, parfois, assez souvent, mais pas toujours. Donc le problème c'est qu'est
14:23 ce qu'on fait quand on a des crispations entre ces différents objectifs, ces différents biens
14:29 communs ? Et donc la réponse serait oui, on est légitime car l'environnement c'est bel et bien
14:34 un objectif commun, mais ça n'est pas le seul. Et donc ça ne dispense en aucun cas de faire la
14:40 hiérarchisation entre objectifs de biens communs et ça s'appelle la politique.
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14:43 Merci à tous !
14:45 Merci à tous !

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