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A l'occasion de la 10ème édition des Rencontres Montagnes et Sciences, on va plonger sous les glaciers, planer comme les vautours et revivre la naissance de l'alpinisme avec la 1ère ascension du Mont Aiguille en 1492 reconstituée grandeur nature par des scientifiques grenoblois.

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00:00 Avec Giltrinia Résidence, vous êtes confortablement installé pour regarder si on parlait.
00:29 Bonjour à tous, bienvenue dans "Si on parlait",
00:31 l'émission qui vous donne la parole chaque jour pour savoir ce qui se passe près de chez nous.
00:35 Et aujourd'hui, avec nos invités, on va marier deux univers,
00:39 la montagne et les sciences, en descendant au cœur des glaciers,
00:42 en volant avec des vautours ou en revivant la naissance de l'alpinisme
00:46 avec la première ascension du Mont Aiguille, reconstituée grandeur nature
00:51 cinq siècles plus tard par des scientifiques isérois.
00:55 Avec moi sur ce plateau, Alexis Lamotte.
00:58 Bonjour Alexis. Bonjour.
01:00 Doctorant en glaciologie à Grenoble, qui étudie notamment
01:03 les phénomènes de réchauffement climatique à travers les carottes de glace.
01:06 En face de vous, Éric Larose. Bonjour.
01:08 Bonjour, bonsoir.
01:09 Organisateur des rencontres montagne et sciences, qui va être le fil rouge de cette émission.
01:14 Elles auront lieu les 10 et 11 novembre prochains au Palais des sports de Grenoble,
01:18 un événement qui réunit scientifiques et réalisateurs de films.
01:22 Et ça tombe bien, on a un réalisateur de films sur ce plateau avec nous aujourd'hui,
01:26 Ludovic Kebels. Bonjour.
01:27 Vous êtes le réalisateur du film qui s'appelle "Retour au Mont Aiguille",
01:32 qui sera diffusé en avant-première pendant ces rencontres montagne et sciences.
01:36 Un film qui retrace l'ascension, la première ascension du Mont Aiguille,
01:40 comme elle a pu être réalisée il y a plus de 500 ans.
01:43 Alors le Mont Aiguille, pour ceux qui ne le situent pas forcément bien,
01:46 c'est chez nous, en Isère.
01:48 Éric Larose, c'est une curiosité géologique, cette montagne qui paraît inaccessible.
01:52 Oui, ça fait partie du massif du Vercors, effectivement.
01:55 Et c'est aussi un point de repère pour tous les alpinistes,
01:59 puisque ce Mont Aiguille, il se voit de quasiment toutes les Alpes,
02:01 en tout cas toutes les Alpes françaises.
02:03 Et on est dans un massif calcaire, une particularité de jeu de failles.
02:07 Il y a trois failles autour du Mont Aiguille qui fait que cette montagne
02:11 s'est séparée du massif du Vercors tout doucement.
02:13 Avec une mine à 2087 mètres, ce n'est pas très haut,
02:16 mais effectivement, quand on voit ces images aériennes,
02:18 on ne se demande pas où on peut monter pour atteindre cette pelouse sommitale.
02:23 La première ascension de cette montagne a eu lieu le 26 juin 1492,
02:28 par une équipe emmenée par Antoine de Ville, qui était militaire du roi Henri VIII.
02:33 On considère que cette ascension a marqué les débuts officiels de l'alpinisme ?
02:38 Oui, c'est ça. C'est-à-dire que l'idée, c'est qu'on a fait la conquête de ce mont
02:46 sans vraiment avoir d'autre raison que juste le plaisir ou en tout cas l'envie,
02:49 l'honneur d'être au sommet.
02:51 Et donc, c'est ce qui marque un petit peu la naissance de l'alpinisme
02:54 par rapport aux autres ascensions qui se faisaient dans un but soit de la chasse,
02:57 soit des minéraux qu'on pouvait récupérer en altitude.
03:02 Il y a quelques années est venue l'idée de reconstituer cette ascension du Mont Aiguille
03:06 avec les moyens de l'époque de 1492.
03:11 Ludovic Vels, c'est vous qui avez participé à ce projet à travers votre oeil de réalisateur.
03:16 Elle est née comment cette idée ?
03:19 En fait, assez simple. Nous, on regardait des lieux pour différents tournages.
03:23 On est tombé par hasard sur le Mont Aiguille. On se demande.
03:25 On le remarque. On le remarque. On se dit ah tiens, on a ça en France.
03:29 Et en fait, assez vite, en faisant des recherches,
03:31 on se rend compte que c'est considéré comme le berceau de l'alpinisme.
03:34 Et voilà, il n'y a pas plus d'info que ça.
03:36 On ne sait pas comment ils ont pu grimper à part avec des échelles ou de subtils engins.
03:41 Et il n'y a pas d'iconographie. Donc, on ne sait pas à quoi ça ressemble.
03:44 On ne sait pas à quoi ça ressemblerait.
03:45 Et à partir de là, j'ai commencé à me passionner pour le sujet.
03:49 J'ai rencontré différents scientifiques, historiens.
03:52 Et avec Stéphane Gall, qui est à l'Université de Grenoble,
03:55 on a commencé à approfondir le sujet.
03:58 Lui, il avait déjà fait une expérimentation scientifique de traverser des Alpes
04:02 comme François 1er en 1515 avec son armure de 40 kilos.
04:07 Et là, l'idée, c'était je lui ai demandé est-ce que tu serais capable
04:10 de refaire une telle expérimentation sur le Mont Aiguille ?
04:13 Et lui, très enthousiaste, il a dit OK, c'est parti.
04:16 Et à partir de là, le projet s'est lancé.
04:17 J'ai commencé à le suivre depuis 2019 jusqu'à fin 2022.
04:22 Et on a réussi à travers ce projet, grâce aux recherches,
04:27 grâce à un recordman d'ascension qui est Bernard Angelin,
04:29 qui connaît la montagne comme sa poche,
04:32 à refaire une iconographie moderne de l'ascension de 1492 grâce à la 3D,
04:39 grâce à des différents outils technologiques qu'on voit dans le documentaire.
04:43 Vous savez aujourd'hui où ils sont passés ?
04:45 Je crois que vous avez fait des recherches pour essayer de comprendre
04:47 dans les archives l'itinéraire qu'avaient emprunté ces précurseurs.
04:50 Alors en gros, on va dire c'est là tout l'intérêt du documentaire.
04:53 C'est un documentaire immersive,
04:55 donc c'est-à-dire qu'on suit vraiment dans l'action au fur et à mesure
04:59 différentes personnes qui avancent dans les recherches.
05:02 Et le documentaire arrive à un point où on a une voie probable d'ascension
05:10 et les différents éléments d'ascension qu'ils auraient pu utiliser,
05:13 donc des échelles et autres éléments que vous pouvez voir dans le documentaire.
05:17 Vous évoquez la modélisation, puisque ce sont des scientifiques ou historiens
05:20 qui ont travaillé avec vous sur ce projet.
05:23 Donc ils ont apporté leurs outils du 21e siècle.
05:28 Il a fallu d'abord mettre cette montagne du Montaiguit
05:31 qu'on voit en image sous forme numérique.
05:34 En fait, pour préciser, disons que Stéphane a fait l'expérimentation scientifique,
05:39 à même la montagne avec des échelles.
05:42 Et on va dire que l'expérimentation aurait pu s'arrêter là.
05:44 Mais c'est en plus grâce à notre expertise,
05:47 et c'est aussi pourquoi c'était important que nous, on reste dans le projet,
05:50 sachant que c'est un documentaire autoproduit,
05:52 donc intégralement financé par ma société.
05:55 Et en fait, on va dire que l'intérêt que nous, on reste dans le projet jusqu'au bout,
06:00 le projet aurait pu se faire sans le documentaire,
06:02 mais l'intérêt, c'est que nous, on est experts dans le drone et la photogrammétrie.
06:06 Photogrammétrie, c'est pouvoir modéliser n'importe quoi à partir d'un ensemble de photos.
06:10 Et donc l'idée, c'était de pouvoir aller plus loin que l'expérimentation physique,
06:14 d'arriver avec notre expertise de drone.
06:16 On a fait 20 000 photos de la montagne,
06:19 ce qui a permis de modéliser la montagne en 3D.
06:21 Et ensuite, cette 3D, face à Stéphane, historien et Bernard Angelin,
06:25 recordman et surtout, qui connaît très bien la montagne,
06:29 tous les deux devant un ordinateur,
06:31 ils ont pu dire, voilà, on peut passer par là, par là, par là, avec telle échelle,
06:35 une échelle de 2 mètres, une échelle de 5 mètres, une échelle de voilà.
06:37 Et ils ont réussi à redéfinir le parcours grâce à leur connaissance commune.
06:41 Et c'est comme ça qu'on a réussi à retracer un chemin probable.
06:44 Alors ces échelles, une fois que les modèles ont permis de voir
06:47 à peu près où elles pouvaient se positionner dans la montagne,
06:49 il a fallu les construire, puisque c'était une expérimentation grandeur nature.
06:54 Ça a été construit localement aussi ?
06:56 Oui, alors disons que la 3D s'est faite après,
07:00 l'expérimentation physique s'est faite avant pour savoir où est-ce qu'ils auraient démarré l'ascension.
07:04 Mais après, toute la création d'éléments s'est faite en local,
07:08 parce que le but de l'expérimentation scientifique, c'est de faire comme avant, comme à l'époque.
07:12 Et donc l'idée, c'était d'aller chercher, Stéphane, c'est ce qu'il a fait,
07:14 il a trouvé des charpentiers, des artisans locaux pour faire ces éléments.
07:19 Et donc, ils ont recréé les échelles sur la base des documents d'archives historiques.
07:25 Donc, ils avaient deux documents d'archives du 15e siècle avec des cotes.
07:29 Ils se sont rendus compte que les cotes n'étaient pas bonnes,
07:31 donc les charpentiers ont réadapté ces cotes du 15e siècle pour faire des échelles comme à l'époque.
07:38 - En quel bois sont faites ces échelles ?
07:40 - En... Pain.
07:42 - Du pain ? C'est lourd, j'imagine. On les voit là dans l'atelier.
07:45 Après, il faut les manipuler sur une montagne.
07:49 Ça pèse quel poids, ce type d'échelle ?
07:52 - En fait, ça paraît lourd, mais c'est ce qu'ils expliquent dans le documentaire, justement.
07:54 C'est que ça ne fait que 8 kg. Un tronçon d'échelle ne fait que 8 kg.
07:59 Et en fait, sur le dos, ça paraît rien du tout.
08:02 Quand on fait de la randonnée, le sac peut grimper à 10, 20 kg.
08:06 Donc en fait, 8 kg, c'est rien du tout.
08:07 C'est juste que ce n'est pas forcément pratique dans certaines situations de forêt.
08:11 Quand on marche, on peut rester bloqué. Il faut se pencher.
08:14 Bon, bref. Mais disons que ce n'est pas très lourd à porter.
08:16 - Il en faut plusieurs, par contre.
08:18 - Il en faut plusieurs. Et donc, il faut beaucoup de gens.
08:20 Et c'est aussi ça, la difficulté de l'expérimentation scientifique,
08:23 c'est que si on refait comme à l'époque, dans les mêmes conditions,
08:26 donc avec des chevaux à pied, un tronçon d'échelle, c'est une personne.
08:29 Donc on imagine à l'époque, avec les dizaines et les dizaines de tronçons d'échelle,
08:33 il fallait des dizaines et des dizaines de personnes.
08:35 - Ils ont été très nombreux à mobiliser sur cette...
08:37 - A priori. Beaucoup plus que ce qui est dit dans les documents d'archives.
08:40 Et c'est aussi à ça que l'expérimentation scientifique sert.
08:43 C'est que dans le document d'archives, il parle d'une quinzaine de personnes,
08:47 alors que là, on est clairement sur beaucoup plus.
08:49 - Vous vous êtes rendu compte que ce n'était pas forcément possible
08:51 et qu'il y en avait peut-être plus qui avaient été mobilisés.
08:53 Vous n'avez laissé aucun détail au hasard.
08:55 Même les tenues ont été reconstituées.
08:58 A l'époque, on n'avait pas de chaussons d'escalade, on n'avait pas de tenue adaptée.
09:03 Antoine de Ville, c'était un chevalier.
09:05 Donc un chevalier, ça se déplace en armure.
09:07 Et au XXIe siècle, on n'est pas forcément trop habitué à se balader en armure.
09:12 Donc il a fallu faire des petits tests en laboratoire pour manier cet équipement.
09:16 - En gros, là, ils font des tests en laboratoire pour savoir...
09:22 Enfin, pour recomprendre...
09:25 Comment dire ? Antoine de Ville, c'était en effet un chevalier.
09:28 Il a l'habitude de grimper les échelles en armure.
09:29 Mais après, face à la montagne, évidemment, c'est quelqu'un d'intelligent qui réfléchit.
09:33 Il ne va pas mettre une armure de 40 kilos pour grimper la montagne.
09:36 Donc l'idée, c'était plutôt de se fier au chasseur de chamois
09:41 qui avait une tenue spécifique, beaucoup plus légère,
09:45 qui avait un chapeau spécifique.
09:47 Et après, pour les chaussures, on peut supposer aussi que c'était de la peau de chamois
09:51 ou c'était qui s'accroche beaucoup plus à la paroi.
09:56 Ou de bouctin, pareil.
09:57 Parce que justement, sous les pattes, c'est de la membrane, pareil,
10:01 qui s'accroche bien à la montagne.
10:04 Donc voilà, c'est des suppositions et ils ont tenté de créer des costumes dans ce sens-là.
10:09 - Cette ascension grandeur nature a eu lieu au cours de l'été 2022.
10:13 Ça faisait les 530 ans, je crois, de la première du Montaiguis.
10:18 Avec, pour aller jusqu'au bout dans le concept des chevaliers,
10:21 une approche de la montagne à cheval.
10:23 - Oui, pareil, le cheval, ça fait partie de l'expérimentation.
10:27 Et le but, c'était de savoir est-ce qu'ils ont grimpé les échelles à cheval ou pas ?
10:31 Vous avez la réponse dans le documentaire.
10:33 - C'est une petite idée.
10:35 - Mais du coup, voilà, on pensait au début que les chevaux allaient être utiles
10:41 pour déplacer un maximum d'échelles, des pièces lourdes.
10:45 Et finalement, l'expérimentation a démontré que ce n'était pas si évident.
10:49 Donc ça, bon, il l'explique.
10:50 - Il a fallu combien de temps pour refaire cette ascension le jour J ?
10:55 - Disons qu'ils ont fait seulement un tronçon de la montagne en expérimentation.
11:04 Et le temps de tout mettre en place, de créer les échelles,
11:07 nous, c'est, comment dire, bon, il y a toujours des questions de financement, etc.
11:11 Mais ça a quand même pris pas loin de deux ans.
11:13 - Et le jour de l'ascension ?
11:15 - Le jour de l'ascension, ils ont mis 2h30 pour mettre 15 m d'échelle, à peu près.
11:21 - D'accord. Avec une petite entorse, si je peux me permettre, à ce qui s'est passé en 1492.
11:25 On l'a vu sur ces images rapidement, il y avait quand même des cordes,
11:28 il y avait une sécurisation des acteurs de ce projet, j'imagine, par des guides de haute montagne.
11:32 - Donc là, il y avait une sécurisation, mais idem, à l'époque,
11:35 ils n'avaient pas forcément cette sécurité.
11:37 Ce n'étaient pas les mêmes types de cordes.
11:38 C'est des cordes en chambre, ça casse plus facilement.
11:40 Ce n'est pas sûr qu'ils soient sécurisés avec des cordes en chambre à l'époque.
11:43 Et donc, on peut supposer aussi qu'ils n'ont pas parlé de mort,
11:48 pas parlé d'accident dans les documents, mais on peut supposer que...
11:51 - Il y a eu un peu de dégâts.
11:52 - Voilà, il y a peut-être eu des dégâts, il y a peut-être eu des chutes.
11:53 En tout cas, c'est... Vu que c'est quand même une montagne qui n'est pas si évidente,
11:57 surtout du côté où nous, on pense qu'ils ont grimpé.
12:01 Le fait qu'il y ait zéro blessé, sans parler de mort, c'est...
12:04 - C'est improbable. - Improbable, oui.
12:07 - Ça restera une partie de mystère, puisque, comme vous le dites,
12:10 il n'y a pas d'archives qui attestent clairement de ce qui s'est passé en 1492.
12:15 - Excusez-moi, mais je veux juste rajouter un élément qui est quand même important,
12:18 c'est que dans le documentaire, c'est la première fois que vous verrez
12:20 des images du Mont Aiguille en drone, telles que vous allez les voir,
12:24 parce que c'est la première fois que le parc naturel du Vercors
12:27 autorise des images en drone.
12:29 Et donc, c'est la première fois qu'on voit le Mont Aiguille en drone d'aussi près.
12:32 Voilà. Donc, voilà, je peux juste faire cette petite...
12:34 - Aujourd'hui, on redescend du Mont Aiguille en tirant des rappels,
12:38 pour ceux qui... les alpinistes qui montent au sommet.
12:40 Vous êtes redescendus comment ? Par les échelles aussi, toute l'équipe ?
12:45 - Disons qu'il n'y en a pas beaucoup qui sont montés sur les échelles.
12:48 Donc, il n'y en a pas beaucoup qui sont descendus.
12:49 Et ceux qui sont montés étaient sécurisés.
12:51 - Bon, le film fait en tout cas une quarantaine de minutes.
12:54 Il sera à découvrir en avant-première le samedi 11 novembre au Palais des Sports,
12:59 dans le cadre des rencontres Montagne et Sciences.
13:02 Éric Larroze, c'est la dixième édition.
13:04 C'est un événement qui s'imbrique depuis sa création
13:07 avec les rencontres Ciné-Montagne,
13:09 qui ont lieu tous les soirs de la même semaine au même endroit, au Palais des Sports.
13:13 C'est quoi la différence entre les deux événements ?
13:16 - D'abord, quels sont les points communs ?
13:17 On est toujours sur du film grand public, du film spectacle, du film d'aventure.
13:21 L'aventure, là, elle est humaine, mais aussi scientifique.
13:24 On essaye de rajouter une dimension un petit peu, on va dire, culturelle,
13:27 de culture générale, un petit peu scientifique.
13:29 Ce n'est pas un festival à destination des spécialistes.
13:32 Vous allez le voir sur le documentaire du Mont Aiguille,
13:34 mais sur tous les autres documentaires qu'on va passer.
13:36 Ce n'est pas à destination des spécialistes,
13:39 c'est vraiment plutôt pour les familles et le grand public.
13:41 Et puis, oui, c'est la dixième édition.
13:42 Ça fait dix ans qu'on est partenaire avec Ciné-Montagne.
13:45 Il y a des évolutions quand même,
13:46 puisque lorsqu'on a démarré le festival il y a dix ans,
13:50 c'était pour deux dates, le vendredi après-midi et le samedi après-midi
13:53 de la semaine du Ciné-Montagne.
13:55 Et puis, on a progressivement développé une tournée.
13:57 On est dans une dizaine de villes maintenant, en Auvergne-Rhône-Alpes
14:00 et même au-delà, dans les Alpes du Sud et en Suisse.
14:02 Et Grenoble, ça reste nos deux journées phares,
14:07 puisque c'est là qu'on lance le festival,
14:09 c'est là qu'on aura le plus grand plateau d'invités.
14:12 Et puis, c'est là qu'on aura les premiers films en première diffusion.
14:14 Donc, on a trois films en première diffusion ce samedi 11 novembre.
14:18 Et ça, c'est toujours sympa de pouvoir avoir cette primeur pour notre public.
14:23 On voit quelques images de la bande-annonce.
14:25 Il y a une dizaine de films qui sont programmés pendant les deux jours.
14:28 Et on le voit avec ce florilège d'images.
14:31 On touche aussi un peu à toutes les disciplines de la montagne,
14:34 au-delà des sciences.
14:35 Oui, alors on a des sciences, on va dire un petit peu, des sciences dures.
14:39 On va parler de la glaciologie dans quelques instants.
14:42 On parle de botanique, de faune, de flore, de climat.
14:45 Mais on parle aussi d'histoire.
14:47 C'est vraiment bien qu'on ait ce film sur le Mont-Aiguille cette année,
14:50 puisque c'est vraiment dans notre philosophie d'ouvrir le festival
14:54 à toutes les disciplines, sciences humaines et sociales comprises.
14:58 Et donc, c'est très bien.
15:00 Et puis, c'est accessible à tous.
15:01 C'est des sujets qui nous touchent tous.
15:03 Vous parlez de la faune.
15:04 Il y aura notamment un documentaire sur les vautours,
15:07 qui sont très présents aussi dans le massif du Bercor.
15:09 Oui, alors le film s'appelle "Spy to fly" en anglais.
15:12 On aurait envie de dire les observations du vol.
15:18 C'est un film sur la compréhension de la façon dont les vautours vont voler,
15:23 comment ils interagissent entre eux,
15:24 comment est-ce que les vautours, entre eux, s'aident à voler mutuellement.
15:27 Et pour faire ça, on a équipé des parapentistes
15:32 avec tout un tas d'instrumentations scientifiques
15:34 pour voir comment les parapentistes, eux, apprenaient à voler ensemble.
15:39 Donc, c'est une double implication entre les humains qui apprennent,
15:43 on va en reparler après, aux vautours à voler,
15:45 les vautours qui apprennent aux humains à voler.
15:48 C'est vraiment passionnant parce qu'effectivement,
15:51 il y a des grosses interactions.
15:52 Et là, on découvre que pour voler,
15:55 il faut utiliser le vol des autres, des oiseaux, des parapentistes.
15:59 Et ce sera aussi un film en première diffusion.
16:02 - Les parapentistes sont moins doués que les vautours quand même pour voler ?
16:05 - Alors oui, il n'y a pas de comparaison possible.
16:07 Pour l'instant, il n'y a aucun humain qui arrive à voler
16:13 avec une efficacité de celle des grands planeurs comme les vautours, les aigles.
16:19 - Alors puisqu'on parle de rapaces,
16:20 il y aura un invité qui est un grand spécialiste français, même européen,
16:26 de ces oiseaux, c'est Jacques-Olivier Travers.
16:28 - Oui, qui sera là avec nous au Palais des Sports.
16:30 Donc lui, il ne sera pas sur le film,
16:31 mais il sera juste après le film dans l'espèce de débrief qu'on organise,
16:34 le plateau où on va parler de ce film.
16:37 Et Jacques-Olivier, il fait partie de ces gens assez exceptionnels
16:40 qui ont réussi à élever des rapaces pour les aider à être réintroduits
16:47 et pour leur réapprendre à voler.
16:49 Un rapace qui naît en captivité,
16:51 on pense qu'il n'est pas capable de voler, d'aller chasser tout seul.
16:54 Et Jacques-Olivier Travers a fait cette démarche d'apprendre à ces rapaces,
16:58 dès qu'ils sont en poussins, progressivement, à les aider à reprendre leur autonomie.
17:02 Et on l'avait reçu à Montagny et Sciences il y a quelques années.
17:05 Il était encore dans cette phase où il voulait aider les pigargues,
17:08 donc les aigles à queue blanche, à revenir dans les Alpes.
17:11 Ce n'était pas le cas à l'époque.
17:13 Et puis, depuis deux ans, ça y est, les premiers pigargues sont en train de revenir,
17:18 de recoloniser les Alpes.
17:20 Pour l'instant, c'est autour du lac Léman,
17:23 parce que ce sont des oiseaux pêcheurs.
17:26 On pense toujours aux aigles à la très haute montagne.
17:28 En fait, la plupart des aigles, comme les pigargues,
17:30 sont d'abord des pêcheurs, donc ils vont autour des lacs.
17:33 Et ça y est, on a les premiers rapaces qui sont enfin libérés
17:38 et qui commencent à revenir repeupler les Alpes.
17:40 Et il sera au Palais des Sports avec un pigargue qui, lui,
17:42 est un pigargue qu'il a élevé, dressé.
17:46 Et donc, vous allez avoir un aigle au-dessus de votre tête
17:49 qui va voler au Palais des Sports.
17:51 - Ah oui, parce qu'il ne se déplace jamais sans ses rapaces, Jacques-Olivier Travers.
17:55 La preuve, c'est que j'ai retrouvé les images de sa dernière venue sur notre plateau,
17:59 à votre place, il y a quelques années.
18:01 C'était un grand duc qui nous avait fait l'honneur de l'accompagner
18:05 tout au long de cette émission.
18:07 À côté, c'est Jean-Baptiste Chandelier, un parapentiste
18:09 qui était, comme moi, un petit peu tendu, en tout cas,
18:14 devant cet oiseau qui a évolué dans notre studio.
18:17 Donc, je pense qu'au Palais des Sports, là,
18:18 ils seront beaucoup plus à l'aise pour voler.
18:20 Il n'y a pas plus de volume.
18:21 - Oui, mais un pigargue, c'est comme un aigle.
18:23 Ça fait plus de 2 m d'envergure.
18:24 C'est assez impressionnant.
18:26 Alors, ce n'est pas des très gros oiseaux quand ils ont les ailes repliées.
18:29 Quand ils déploient leurs ailes, c'est très impressionnant.
18:31 Donc, on va le voir passer 2 m au-dessus de notre tête.
18:33 C'est toujours un moment incroyable.
18:36 On avait vécu ça avec le public jeune, il y a quelques années.
18:39 Et là, on va vivre ça avec le grand public du samedi.
18:41 - Bon, il y aura sûrement un gros succès pour la séquence avec Jacques-Olivier Travers.
18:45 Est-ce qu'il sera aussi bon à l'applaudimètre que votre invité de l'année dernière,
18:50 un certain Jamy Gourmaud, qui avait déchaîné les foules au Palais des Sports ?
18:54 - Oui, ça, c'était un peu notre tête d'affiche l'année dernière.
18:59 C'était pour la programmation scolaire.
19:00 On avait 3 000 scolaires dans la salle.
19:02 Et c'est vraiment une ambiance de folie qui nous a mis.
19:06 Jamy Gourmaud, il faut imaginer que ce n'est pas sorcier.
19:09 C'est arrêté depuis plus de 10 ans.
19:12 Et dans la salle, il y avait des enfants qui n'avaient jamais vu "Ce n'est pas sorcier" à la télé
19:16 et qui pourtant hurlaient de joie parce qu'ils connaissent tous Jamy Gourmaud.
19:22 - Cet animateur d'une émission qui a été créée en 93, donc il y a une trentaine d'années.
19:27 - Indémodable.
19:29 - Alors, vous l'avez dit, Eric, la glace sera aussi l'une des thématiques abordées
19:33 pendant ces rencontres Montagne et Sciences avec des glaciologues de toutes les générations.
19:38 Il y a Alexis Lamotte sur ce plateau qui fait partie de la nouvelle génération,
19:41 les moins de 30 ans quand "Ce n'est pas sorcier" s'est créé.
19:44 Vous n'étiez pas encore né.
19:46 - Si j'ai connu, "Ce n'est pas sorcier".
19:47 - Vous avez connu, mais peut-être les dernières années, pas les années des années 80, 90.
19:53 Il y aura aussi sur place un des pionniers de l'exploration glaciaire,
19:57 Jeannot Lamberton, qui est un Nizérois qui a fait des grandes heures de l'aventure
20:03 dans les années 80 et 90.
20:05 - Un Nizérois de Romois, attention.
20:06 - Romois, oui, du Viercors.
20:07 - Romois du Viercors Sud.
20:08 Alors, oui, oui, Jeannot Lamberton, il est né en 45.
20:11 Il a grandi dans les pas de la Résistance puisqu'il a découvert les grottes
20:16 quand il était tout petit, qui étaient à l'époque encore des caches d'armes,
20:20 en tout cas des caches d'armes abandonnées après la Deuxième Guerre mondiale.
20:23 Il a grandi avec la Spéléo.
20:25 Il a découvert un nombre incroyable.
20:27 Il a exploré un nombre incroyable de cavités dans le Viercors.
20:31 Et puis, en 1986, sur un encouragement d'Aroun Tazieff, le volcanologue,
20:38 il décide d'aller inventer une nouvelle forme de Spéléo,
20:42 qui est la spéléologie glaciaire et sous-glaciaire.
20:45 Il commence en 1986 sur les moulins de la Mer de Glace.
20:48 Et en 1989, c'est le premier à aller au Groenland pour explorer les grands,
20:53 les immenses moulins du Groenland, où il va battre progressivement
20:58 tous les records de profondeur, 100 mètres, 150 mètres
21:01 et même un peu plus.
21:03 Et donc, c'est quelqu'un qui a un parcours de vie extraordinaire.
21:06 C'est vraiment une légende de la montagne qu'on n'a, je crois,
21:09 pas beaucoup invité à Cinémontagne et à Montagnes et Sciences.
21:14 Donc voilà, c'est l'occasion d'avoir son témoignage sur la Spéléo
21:19 et la Spéléo glaciaire.
21:20 - Fallait avoir envie de se jeter dans ces trous glaciaires.
21:23 On ne savait pas trop ce qu'il y avait dessous.
21:25 Et puis un glacier, ça bouge, ça peut être dangereux.
21:27 - Oui, alors ça bouge, ça bouge lentement quand même.
21:29 Par contre, dans les moulins, il y a de l'eau.
21:32 Et c'est des parties des premières explorations de Jeannot Lamberton
21:36 au Groenland, ils se sont rendus compte qu'autres aires
21:39 de la plupart des glaciers des Alpes, qui sont autour de zéro degré,
21:42 c'est juste de la glace, mais de la glace qui a zéro degré.
21:45 Au Groenland, la glace est plutôt entre -5 et -10.
21:47 Et quand il y a de l'eau qui coule dans le glacier,
21:49 elle finit par rejeler.
21:50 Et donc, ils avaient tous leurs records de première exploration gelés.
21:53 Et ils ont eu de belles frayeurs parce qu'ils ont eu du mal à remonter.
21:56 Ils auraient pu y rester les premières fois.
21:58 - Ça se forme comment, un moulin de glace ?
22:01 - Un moulin, c'est...
22:03 Alors, le Groenland, c'est comme dans les Alpes l'été,
22:06 sauf que dans l'Arctique, le soleil brille toute la journée.
22:11 Donc, à partir du mois de mai, juin, juillet,
22:14 le soleil va chauffer la glace en permanence.
22:16 Et donc, ça va fondre énormément, très, très vite.
22:18 Ça crée des rivières qui s'appellent des bédières.
22:20 Et puis, les rivières vont se jeter dans des fissures,
22:24 dans des crevasses qui vont s'agrandir au fur et à mesure.
22:27 Donc, tant que l'eau va couler, la crevasse va rester très, très large.
22:32 Et donc, le moulin va être actif.
22:34 Le puits va se creuser.
22:36 Et puis, dès qu'on arrive à l'automne, la neige...
22:40 Enfin, l'eau arrête de couler et la glace va se déformer,
22:44 et reboucher, refermer ce moulin.
22:46 Donc, il y a une période d'activité.
22:47 Évidemment, quand il y a de l'eau, c'est difficile d'aller dans le moulin
22:49 parce qu'on est vite trempé.
22:51 C'est très, très difficile de rester à zéro degré,
22:54 de rester trempé comme ça dans la verticalité.
22:58 Et donc, on a une toute petite période entre septembre et octobre
23:01 où on peut aller explorer les moulins,
23:02 que ce soit dans les Alpes ou au Groenland.
23:04 - La saison des moulins, elle est courte,
23:06 mais j'imagine que quand on descend comme ça dans un glacier,
23:10 on doit ressentir une certaine émotion.
23:12 C'est une activité que vous pratiquez aussi, Éric ?
23:15 - Oui, occasionnellement, pour le plaisir,
23:17 mais aussi pour la recherche scientifique sur les glaciers alpins
23:21 où on a un certain nombre de problématiques,
23:22 où ça peut être intéressant de descendre au fond du glacier,
23:25 voire même dessous.
23:27 Mais ce qui nous a fascinés dans le film qu'on va proposer,
23:30 c'est "Into the Ice" en anglais, "Cœur de glace" en français.
23:34 Le film du samedi après-midi, du samedi 11 novembre sur les moulins,
23:38 ce qui nous a vraiment passionnés, c'est la qualité du travail photo du réalisateur
23:43 qui a réussi à capturer le bleu de cette glace du Groenland
23:46 qu'on ne retrouve pas aussi bien dans les glaciers alpins, il faut le dire.
23:50 Le Groenland, cette glace d'une pureté absolue.
23:54 Et la mise en scène et la qualité du tournage de ce film est vraiment exceptionnelle.
23:59 Je pense que les moyens qu'ils ont mis aussi le sont.
24:01 Et on est vraiment dans le bleu de la calotte du Groenland,
24:05 de la calotte de glace. C'est un voyage absolument extraordinaire.
24:09 - Alexis Lamotte, glaciologue, est-ce que vous êtes déjà descendu dans un moulin, Alexis ?
24:12 - Non, jamais. - Non ?
24:13 Ça vous tente ou ça vous fait un petit peu peur ?
24:16 - Non, mais c'est toujours avec... Il faut être accompagné, quoi.
24:18 Moi, je suis pas le meilleur des montagnards.
24:20 Donc, il faut y aller. Et souvent, c'est ce qui se passe en tant que scientifique.
24:24 On a souvent des gens qui connaissent le terrain et qui nous encadrent.
24:28 - Oui, parce que là, ça paraît facile sur les images de descendre, mais il faut remonter aussi.
24:31 Il n'y a pas de sortie en bas, en général.
24:33 - Il faut remonter, oui. Et puis, pas trop tard.
24:35 - Oui, pour pas que ça gèle.
24:37 Bon, alors doctorant en glaciologie, Alexis, vous êtes un spécialiste,
24:41 vous, pas des moulins, mais des carottes de glace.
24:45 Pourquoi l'étude de ces carottes de glace permet d'en savoir un peu plus sur notre climat aujourd'hui ?
24:50 - Ce qu'il faut se dire, donc, c'est que quand il neige,
24:53 en fait, dans la neige, il va y avoir ces petites particules dans l'air qui sont là, les aérosols, comme on dit.
24:58 Et donc, quand il va neiger, il va y avoir cette couche de neige qui va avoir piégé ces aérosols-là
25:04 et qui, l'année d'après, il va y avoir d'autres neiges, d'autres neiges.
25:06 Et en fait, ça va enfouir l'atmosphère du passé, tout ce qui s'est passé dans le temps.
25:11 Et en plus, il y a un autre aspect, c'est qu'au bout d'un moment, ça se tasse de neige.
25:15 Et au milieu, il va y avoir ces petites bulles d'air dont on reparlera avec Claude Lourius, notamment.
25:21 Et ces bulles d'air, en fait, c'est de l'air totalement du passé.
25:25 Et donc, on peut avoir comme ça, savoir quel était le climat il y a 10 000 ans.
25:30 - Pour monter en arrière sur des siècles et des siècles.
25:32 - Jusqu'à il y a 800 000 ans, il y a plus, il y a quelques millions d'années, oui.
25:35 - Alors, c'est un Grenoblois, Alexis Lassiter, Claude Lourius, qui fut le premier scientifique
25:43 à étudier ces bulles d'air et à mettre en évidence aussi le lien entre la concentration de gaz à effet de serre dans ces bulles d'air
25:51 et puis l'action humaine, l'évolution sur le climat.
25:55 - Oui, il a montré le rôle du CO2 dans l'évolution de la température de la Terre.
26:00 Et puis le lien qu'il y a entre la température et le CO2.
26:03 Et là, on sait depuis les années 80 que la quantité de CO2 dans l'atmosphère a complètement explosé.
26:08 Et donc, il faut s'attendre.
26:09 Et ça, c'est irrémédiable.
26:10 Il faut s'attendre à ce que le climat se réchauffe.
26:15 Là où on peut agir, c'est la quantité de degrés qu'on va être obligé de subir.
26:20 Et là, on peut quand même encore agir un petit peu.
26:22 Et c'est Claude Lourius, qui est disparu récemment, qui avait découvert ça.
26:26 Et on a souhaité lui rendre hommage cette année en rediffusant un documentaire, un dessin animé.
26:31 Ce sera programmé le vendredi après-midi sur ses explorations.
26:35 Et voilà, Claude Lourius a vraiment une vie qui est totalement dans la ligne éditoriale du festival.
26:39 C'est de l'aventure, l'aventurier de l'Antarctique.
26:43 - On le voit là sur le plateau de Télégrama il y a quelques années,
26:46 puisqu'il a fait sa carrière ici au laboratoire de glaciologie,
26:49 même s'il a voyagé un petit peu partout sur la planète et notamment sur les pôles.
26:53 On voit des images d'archives de ces années de scientifiques.
26:58 Il est mort à 91 ans après une vie effectivement très bien remplie.
27:02 - Oui, il a une vie de voyage, d'aventure et puis d'énergie, à communiquer les sciences
27:11 et puis à aller contre l'avis de tous les experts à une époque dans les années 80,
27:16 dire que le CO2 et que l'activité humaine est responsable du réchauffement climatique,
27:20 c'était faire face à un déferlement de critiques.
27:24 Il a tenu bon et aujourd'hui il faut lui rendre hommage. Il a vu juste.
27:29 - Visionnaire et précurseur Claude Llorius, décédé en mars 2023.
27:33 22 expéditions polaires à son actif. Vous en avez combien vous Alexi ?
27:38 - Polaires, aucune. - Encore aucune ?
27:40 Bon, peut-être que ça verra. J'imagine que ça fait partie aussi du métier de glaciologue,
27:44 d'aller dans les pays froids ?
27:45 - Ah totalement. Je pense que c'est une des étapes.
27:48 En fait on a besoin de ce matériau-là, que Claude Llorius nous a montré la valeur que ça avait,
27:53 ce trésor qui est enfoui dans ces glaces-là, en Antarctique, en Arctique
27:57 ou dans les glaciers qu'on a autour de nous.
27:59 Et donc c'est cette première étape et après nous on va l'analyser en laboratoire.
28:03 Si je peux juste rajouter sur Claude Llorius, c'était un grand scientifique
28:07 mais c'était aussi quelqu'un qui savait faire une équipe
28:10 et on a tout cet historique où on est au milieu de la guerre froide
28:15 et il va réussir à monter une équipe avec des Russes, des Américains, des Français
28:19 qui vont travailler ensemble pour récupérer ce trésor enfoui à Vostok,
28:24 l'endroit le plus froid de la planète.
28:26 Donc c'est plus qu'un scientifique, c'est une grande personne.
28:30 - Oui parce que monter des expéditions dans ces terrains très hostiles,
28:33 notamment à cette époque, on a peut-être moins de moyens technologiques qu'aujourd'hui,
28:37 j'imagine que ça devait être un sacré défi.
28:41 Alors bon, on a compris que les moulins ou les expépolaires,
28:43 ce n'est pas encore dans vos premières années de carrière
28:47 mais vous étudiez ces fameuses carottes de glace, vous étudiez leur chimie.
28:51 En quoi ça consiste votre travail ?
28:54 - Alors mon travail en particulier, je regarde ces aérosols-là.
28:58 Moi je travaille sur une glace qui a été forée juste à côté du Mont-Blanc à 4250 m.
29:03 Donc ce qu'il faut dire, je ne vais pas préciser,
29:05 mais une carotte de glace ça fait 10 cm de diamètre et c'est des tubes de 1 m
29:09 et au Mont-Blanc on a 120 m de glace, ça commence à faire.
29:13 Et on remonte sur 100 ans, 200 ans. En Antarctique, on a plusieurs kilomètres.
29:18 - Vous travaillez en chambre froide alors j'imagine pour pas que la glace se détériore.
29:21 - Il vaut mieux. Donc ça c'est aussi très subtil en fait.
29:24 On est en Antarctique, à l'autre bout de la planète,
29:27 on va faire revenir des échantillons, donc des kilomètres de glace.
29:30 Il faut maintenir la chaîne du froid et ensuite nous on va la découper,
29:34 comme on peut le voir là, pour ensuite la faire fondre et regarder
29:39 soit la forme des cristaux, soit les bulles d'air qui ont été piégées,
29:43 soit ces aérosols là, ces petites particules,
29:46 pour regarder donc les variations du climat sur les derniers 800 000 ans.
29:51 On voit cette courbe là qui est la grande courbe après le forage Épica.
29:55 Et après on peut regarder aussi la période récente,
29:59 qu'est-ce qui se passe sur les derniers 500 ans, 200 ans, 100 ans,
30:02 où tout commence à s'accélérer.
30:04 Et donc moi en particulier, je regarde des aérosols
30:07 et on essaie de savoir quelles sont leurs sources
30:10 et en regardant le poids des molécules, on arrive à savoir
30:14 si ça vient plus de l'agriculture ou plus du moteur de voiture.
30:18 Tous les deux ont émis la même molécule, mais ils l'ont émis avec un certain poids
30:22 et nous on essaie de retrouver ça dans le passé.
30:24 - Une forme d'enquêteur, d'historien du climat finalement,
30:27 quand on est chimiste en glaciologie.
30:30 On a vu les images du laboratoire de Grenoble,
30:33 qui est un des grands laboratoires européens spécialisés sur cette technologie,
30:39 sur cette science.
30:40 Vous évoquiez les carottes sur lesquelles vous travaillez,
30:44 qui viennent des Alpes, du Mont Blanc.
30:47 C'est un projet qui a démarré il y a quelques années,
30:50 qui s'appelle Ice Memory, qui a une vocation assez particulière.
30:54 - Oui, comme on l'a dit, cette glace c'est une valeur extraordinaire.
30:59 Je ne sais pas si on s'imagine le trésor, l'immensité de la mémoire de l'atmosphère
31:05 qui est enfouie dans ces glaces-là.
31:07 Et comme on le sait, avec ce réchauffement climatique,
31:10 surtout dans ces glaciers alpins, nous à côté, en Bolivie,
31:14 le Kilimanjaro, ils sont en train de fondre à une vitesse ahurissante
31:18 et on perd l'information.
31:20 On perd aussi parce qu'il y a cette fonte de surface.
31:23 Alors c'est joli les moulins, mais scientifiquement, nous c'est un calvaire,
31:26 parce que si ça fond et ça emporte les molécules,
31:29 ces couches-là, d'année en année, elles sont mélangées.
31:33 Et ça, on ne sait plus l'interpréter.
31:34 Donc Ice Memory est arrivé, partant de ce constat-là, en disant
31:37 on va forer le plus vite possible, c'est une course contre la montre.
31:41 Pour le Mont-Blanc, ils ont fait trois forages,
31:44 une carotte de glace qu'on analyse aujourd'hui.
31:46 On essaie de mesurer un peu tout ce qu'on peut mesurer
31:49 et on laisse les mesures en libre accès,
31:51 même si on ne sait pas forcément ce que ça veut dire.
31:53 Et ensuite, il y a deux carottes qui sont envoyées en Antarctique,
31:56 léguées aux générations futures.
31:58 - Et qu'on étudiera plus tard, j'imagine, quand la technologie aura évolué.
32:01 Là, on voit les images d'il y a quelques années,
32:03 donc de ce forage à 4000 mètres d'altitude à peu près,
32:07 je crois même un peu plus, au Dôme du Gouter,
32:09 sur la voie normale du Mont-Blanc.
32:12 C'est aussi une extraction qui est complexe, technologiquement parlant,
32:16 à ces altitudes.
32:18 - Et encore, celle-ci, elle est très facile,
32:19 parce qu'on peut monter en hélicoptère.
32:21 - Il y a des forages où c'est à dos d'hommes,
32:24 et donc c'est une armée de porteurs.
32:25 - Il faut enlever tout matériel.
32:27 - L'année d'après, ça c'est 2016 au Mont-Blanc,
32:30 2017 c'est en Bolivie, et là c'est avec des porteurs locaux
32:33 et toutes ces communautés qui en plus connaissent la montagne,
32:36 qui nous aident à porter ces appareils-là,
32:40 tous nos instruments, le carottier,
32:42 et ensuite redescendre la glace en respectant la chaîne d'urfrin.
32:46 Donc il y a quelques subtilités.
32:48 - Il y a encore des forages à faire dans ce projet Ice Memory
32:50 pour sauvegarder ce patrimoine naturel avant qu'il disparaisse ?
32:53 - Il y a un forage cette semaine-là qui se fait au Col du Lys,
32:56 et sinon il y avait un forage en début d'année au Svalbard.
32:59 Donc voilà, et en ce moment, il y a vraiment toute la communauté internationale
33:03 qui est en train de se lancer là-dedans,
33:06 tant qu'on a encore le temps.
33:08 Et quand on voit dans quelques semaines,
33:10 il y aura ce One Planet Polar Summit en France,
33:14 qui montre que la communauté internationale a compris
33:17 la valeur de la cryosphère, de la glace.
33:21 Et donc on commence à avoir ces nouveaux forages un peu partout.
33:26 Même si on ne les mesurera pas de suite,
33:28 - On aura la matière en stock.
33:30 - C'est aussi pour les générations futures,
33:32 et ce n'est pas que scientifiquement, c'est aussi des glaciers
33:34 qui, pour les populations locales, ont une valeur très importante
33:38 et qu'on sauvegarde là. C'est un patrimoine.
33:41 - Vos collègues glaciologues sont alarmistes sur la disparition de ces glaciers,
33:44 notamment chez nous dans les Alpes.
33:46 Vous partagez leurs inquiétudes ?
33:48 - Totalement.
33:50 Moi, je suis arrivé à Grenoble il y a trois ans,
33:54 et rien qu'en trois ans, on le voit que chaque année,
33:57 on perd quelques centimètres, quelques mètres.
34:00 Et j'ai les chiffres, les derniers chiffres d'une étude récente.
34:04 Pour les Alpes, on estime qu'on va perdre entre 78 et 99 % de la masse de glace.
34:09 Donc voilà, en tout cas, d'ici 2100.
34:14 D'ici 2100 et dans les décennies qui viennent.
34:16 Il y a d'ailleurs eu un acte symbolique à la fin de l'été.
34:20 C'était le décès officiel du glacier de Sarène.
34:23 On voit là deux images prises à une centaine d'années d'intervalle.
34:27 En haut, c'est le glacier de Sarène au début du siècle.
34:30 Là, c'est le glacier il y a quelques années.
34:32 Maintenant, il y a encore moins de glace,
34:33 puisque les scientifiques considèrent qu'il a complètement disparu.
34:35 À une époque, Éric Larose, on faisait du ski,
34:37 encore quelques dizaines d'années, sur ces montagnes en plein été.
34:39 - Il y a même des installations.
34:40 Il y a un hôtel qui avait été construit par le GUC.
34:43 Ça a été vivant pendant très longtemps.
34:47 Donc l'abandon du ski était un drame, en tout cas pour les pratiquants.
34:52 Et puis là, c'est la fin du glacier qui disparaît.
34:55 C'est vraiment représentatif de l'ensemble des glaciers des Alpes.
34:58 Et puis pensons aussi à nos amis pyrénéens qui voient les choses,
35:03 non pas à l'échelle de quelques dizaines d'années, mais de quelques années.
35:06 Ils sont en train de voir les derniers glaciers disparaître maintenant.
35:09 - 99% de la glace retient le chiffre d'Alexis qui fait peur.
35:12 Ça veut dire que vous allez changer de métier dans quelques années.
35:15 Il va falloir penser à une reconversion.
35:16 Glaciologue, ce n'est plus un métier d'avenir.
35:18 - Alors on aura stocké.
35:20 Mais par contre, c'est vraiment fort comme signal.
35:22 Comme tu le disais tout à l'heure, il y a 30 ans, 40 ans, même les scientifiques,
35:29 ils n'étaient pas totalement sûrs sur ce réchauffement climatique
35:33 anthropique lié à l'homme.
35:35 Et en fait, ils sont passés dans les années 80 à toujours faire leur forage,
35:39 leurs mesures.
35:40 Et aujourd'hui, le glacier Saren qui est perdu en l'espace d'une vie.
35:44 Son outil de travail a disparu.
35:46 Je ne sais pas si on imagine, mais on a une vie de travail,
35:50 les locaux qui disparaissent.
35:51 - C'était en plus, je crois, le glacier le plus étudié de France en termes de mesures.
35:57 J'ai travaillé quand j'étais jeune étudiant moi-même,
36:00 avant de bifurquer dans d'autres sphères plus médiatiques.
36:04 On croise les doigts pour les glaciers des Alpes.
36:07 Mais bon, ça ne sent pas bon quand même.
36:10 - Je peux juste rajouter quelque chose.
36:11 Ce n'est pas juste on perd des glaciers pour nous scientifiques.
36:14 Moi, si on perd les glaciers, il y a beaucoup de conséquences.
36:17 Ou pour les skieurs.
36:18 En fait, il y a des écosystèmes entiers qui vivent avec ces glaciers-là.
36:23 Et il y a aussi l'approvisionnement en eau qui pose question et la fragilisation.
36:28 Donc, c'est lourde conséquence, mais c'est juste symbolique, je crois.
36:33 - Je pense qu'on ne mesure peut-être pas encore toutes les conséquences
36:36 qui seront induites par cette fonte des glaciers qui, malheureusement, s'accélère.
36:42 Bon, heureusement, elles ne sont pas prêtes de disparaître.
36:45 Les rencontres Cinémontagne et les rencontres Montagne et Science,
36:48 on leur souhaite une longue vie.
36:50 Donc, c'est du 7 au 11 novembre pour les rencontres Cinémontagne.
36:54 Et puis, il y a deux jours particuliers.
36:56 Le vendredi 10 et le samedi 11 après-midi pour ces films dont on a parlé.
37:02 Il y a tout le programme disponible sur le site Montagne et Science.
37:07 Merci d'être venus tous les trois.
37:10 Vous aurez fait rêver avec l'histoire du Montaigu.
37:12 Un peu inquiétés avec les glaces, mais bon.
37:14 On donne rendez-vous à tous nos téléspectateurs sur cette semaine un peu particulière
37:18 au Palais des Sports de Grenoble.
37:20 - Merci Thibault. - Merci.
37:22 ...
37:32 - Vous avez profité de "Si on parlait" avec Gilles Trignan Résidence.
37:36 [Musique]

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