• l’année dernière
- Grande invitée : Natacha Polony, directrice de la rédaction de « Marianne » et autrice de « Chroniques du `rien n'est perdu' » (L'Observatoire)

LE GRAND DÉBAT / L'école est-elle prête pour résister au fanatisme ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Les obsèques de Dominique Bernard, professeur de lettres au lycée Gambetta Carnot, avaient lieu le jeudi 19 octobre. Un hommage lui a été rendu à Arras, ville dans laquelle il a été sauvagement poignardé par un terroriste. Ce drame rappelle celui de Samuel Paty, le professeur d'histoire-géographie assassiné le 16 octobre 2020 pour avoir montré des caricatures de Mahomet en cours. De nombreuses questions réémergent : comment garantir la sécurité des professeurs et éviter qu'ils s'auto-censurent ? Comment sanctuariser l'École et enseigner l'histoire des religions ? Quel sens donner au mot « laïcité » ? Plusieurs professeurs témoignent et racontent leur vécu avec leurs élèves en classe, tout en prenant du recul sur les faits de terrorisme islamiste.

Invités :
- Céline Calvez, députée Renaissance des Hauts-de-Seine
- Christine Guimonnet, secrétaire générale de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie
- Sophie Vénétitay, professeure de SES et secrétaire générale du SNES-FSU
- Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences à la Sorbonne et Président du Collège de philosophie

LE GRAND ENTRETIEN / Natacha Polony : pourquoi faut-il rester optimiste ?
Natacha Polony a décidé de rassembler ses meilleurs éditoriaux, écrits dans Marianne, dans un même livre. Elle souhaite ainsi illustrer « la fin d'un cycle économique et géopolitique, et la fragilisation des démocraties occidentales, en général, et de la France, en particulier ». Elle aborde des sujets économiques, politiques et sociétaux. L'éditorialiste compile des papiers sur le début de la guerre en Ukraine, les prémices du Covid 19, le sort tragique de Samuel Paty, la crise des gilets jaunes... Pour éviter la mort de la démocratie, la journaliste aimerait que l'on donne un sens concret à ces mots : « Vive la République et vive la France ».

- Grande invitée : Natacha Polony, directrice de la rédaction de « Marianne » et autrice de « Chroniques du `rien n'est perdu' » (L'Observatoire)

BOURBON EXPRESS : Stéphanie Dépierre, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS
- Delphine Sabattier, journaliste à « B Smart »
- Yaël Goosz, chef du service politique et éditorialiste à France Inter

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 (Générique)
00:05 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde" ce soir.
00:09 Natasha Polony vient nous parler de son dernier livre "Bonsoir"
00:12 Bonsoir.
00:13 Et merci d'être notre grand témoin ce soir.
00:15 Rien n'est perdu aux éditions de l'Observatoire.
00:19 C'est le meilleur de vos chroniques dans Marianne depuis 2018.
00:23 Mais malgré ce titre optimiste, le tableau du pays qui s'y dégage est assez sombre.
00:29 Alors vous nous direz pourquoi dans la deuxième partie, il y a quand même des raisons d'espérer.
00:33 Notre grand débat ce soir, comment faire court après l'attentat d'Arras.
00:38 Les obsèques de Dominique Bernard se sont déroulés aujourd'hui dans une très grande dignité.
00:43 Mais l'onde de choc de la communauté éducative continue de se propager.
00:47 Alors qu'attendent les professeurs ?
00:50 Que peut le gouvernement pour l'école quand elle est attaquée ?
00:54 Notre grand débat dans un instant sur ce plateau avec nos invités.
00:58 Enfin, nos affranchis ce soir, le parti-pris politique de Yael Ghos.
01:02 Et puis l'œil sur le numérique de Delphine Sabatier.
01:05 Enfin, Bourbon Express raconté ce soir par Stéphanie Despierre.
01:08 Voilà pour le menu. On y va Natacha Polony ?
01:10 Je vous suis.
01:11 Ça vous regarde ? C'est parti !
01:12 [Musique]
01:23 Il aimait Julien Gracq, Flaubert, Stendhal et Balzac.
01:26 Il aimait Shakespeare, Racine et Beckett.
01:28 Il aimait les étangs, les rivières et les fleurs.
01:31 Il n'aimait pas les réseaux sociaux, le téléphone, il n'en avait même pas.
01:35 Les mots de l'épouse de Dominique Bernard ont bouleversé le pays
01:39 lors de son discours à la cathédrale d'Arras ce matin.
01:42 Alors comment la défendre, notre école ?
01:44 Comment continuer à y enseigner en toute sécurité et en toute liberté ?
01:48 Bonsoir Céline Calvez.
01:50 Merci d'être avec nous.
01:51 Vous êtes députée Renaissance des Hauts-de-Seine,
01:53 membre de la Commission des Affaires Culturelles et de l'Éducation
01:57 à l'Assemblée Nationale.
01:59 Bonsoir Christine Guimonais.
02:00 Bonsoir.
02:01 Bienvenue sur ce plateau.
02:02 Vous êtes professeure d'Histoire-Géographie dans un lycée à Pontoise,
02:05 secrétaire générale de l'Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie.
02:10 Bonsoir Sophie Bénétité.
02:11 Bonsoir.
02:12 Bienvenue à vous.
02:13 Vous êtes secrétaire générale du SNES, FSU
02:15 et professeure de Sciences Économiques et Sociales dans l'Essonne.
02:18 Enfin, bienvenue à vous Pierre-Henri Tavoyau,
02:20 visage familier dans cette émission et maître de conférences à la Sorbonne,
02:24 président du Collège de Philosophie.
02:26 Vous occupez aussi, je crois, des référents laïcité.
02:29 On y reviendra à la Sorbonne.
02:30 Natacha Polony, évidemment, ce sont vos sujets,
02:33 les questions d'éducation.
02:34 Dans "Une autre vie", vous avez enseigné les lettres,
02:37 en lycée, je crois, collège.
02:39 Et Marianne, d'ailleurs, a consacré un gros dossier
02:42 à l'assassinat de Dominique Bernard cette semaine.
02:44 Avant de vous donner la parole,
02:46 on va revenir d'abord sur cette cérémonie
02:48 et puis sur les premières annonces du gouvernement
02:50 dans le chrono de Blakow, tout de suite.
02:51 Bonsoir mon cher Stéphane Blakowski.
02:56 Bonsoir Myriam, bonsoir à toutes et tous.
02:59 Alors, cathédrale d'Arras aujourd'hui.
03:01 Voilà, aujourd'hui, le nom de Dominique Bernard
03:03 est malheureusement connu de la France entière
03:06 et il y a une cruelle ironie du destin pour cet homme
03:09 qui, fuyait les honneurs, ne cherchait pas à attirer la lumière
03:12 comme l'a rappelé tendrement sa femme ce matin, on l'écoute.
03:15 Sensible et discret,
03:18 il n'aimait pas le bruit et la fureur du monde.
03:22 Il aimait profondément ses filles,
03:27 sa mère et sa sœur.
03:31 Nous nous aimions.
03:35 Alors évidemment, c'était bouleversant d'entendre ces paroles ce matin,
03:40 encore maintenant, mais après la cérémonie,
03:42 moi, je n'ai pas pu m'empêcher de repenser au titre
03:44 d'un livre d'Hugo Michron, qui est professeur et chercheur à Sciences Po,
03:47 qui est un spécialiste du djihadisme.
03:49 Son livre s'intitule "La colère et l'oubli".
03:52 C'est censé résumer la position des pays occidentaux
03:54 et donc de la France par rapport à l'islamisme.
03:57 Vous voyez ce qu'il dit dans cette interview.
03:59 "Quand il y a un attentat, on est tous très en colère,
04:02 mais le temps passe et on finit par oublier
04:05 la menace que représente l'islamisme dans notre pays."
04:08 Alors, pour l'instant, nous sommes sous le coup de l'attentat d'Arras.
04:11 L'émotion est forte et on attend une réaction immédiate
04:13 du gouvernement. Ça, Gabriel Attal le sait bien.
04:16 Il a donc immédiatement pris des mesures pour rassurer,
04:19 un millier de personnels de sécurité supplémentaires
04:22 et puis on peut aussi compter sur les soldats
04:25 de la force sentinelle en renfort.
04:27 Il faut aussi faire preuve de fermeté après un attentat islamiste,
04:31 Gabriel Attal le sait bien.
04:33 Et donc, de ce point de vue, il a tapé du poing sur la table.
04:36 Ainsi, les élèves qui n'ont pas respecté la minute de silence
04:39 pour Dominique Bernard, regardez, ils sont plus de 350,
04:42 ils seront tous punis.
04:44 Et le ministre de l'Éducation a même dit que ceux qui avaient fait
04:47 l'apologie du terrorisme en classe seront poursuivis dans la justice.
04:50 C'est taillé un assez beau succès à l'Assemblée pour ces paroles.
04:53 On écoute.
04:54 "À un moment, la tolérance, ça va, la bienveillance, ça va,
04:58 et le pas de vague, c'est fini."
05:00 "Merci, monsieur le ministre."
05:04 Ça, c'était donc pour la réaction immédiate du gouvernement.
05:08 Mais on sait tous évidemment que le problème est
05:11 beaucoup plus profond.
05:12 Alors, regardez, quand on parle aujourd'hui des "territoires perdus de la République",
05:16 on a l'impression que c'est une expression journalistique
05:18 qui s'est répandue dans la presse.
05:19 Pas du tout, c'est le titre d'un livre qui a été publié en 2002
05:22 et qui dénonçait déjà la pression que mettaient les islamistes
05:25 dans les établissements scolaires.
05:27 Alors, 20 ans plus tard, puisque ça date de plus de 20 ans,
05:29 où en est-on ?
05:30 C'est un sondage IFOP qui date de l'an dernier,
05:33 qui nous dit que plus de 56% des professeurs de lycée
05:36 se sont déjà auto-censurés pour éviter des incidents
05:39 autour de la religion.
05:40 Et on notera en plus que cette proportion est en augmentation
05:44 assez rapide ces dernières années.
05:45 Alors, que faire ?
05:47 Eh bien, à défaut d'apporter immédiatement une solution,
05:50 Gabriel Attal a au moins clairement souligné la gravité du problème.
05:54 On l'écoute.
05:55 Un professeur sur deux déclare s'être déjà auto-censuré en cours
06:00 en raison de la peur qui était la sienne
06:04 des conséquences de ce qu'il souhaitait transmettre à ses élèves.
06:08 Cette auto-censure, c'est un poison mortel pour l'école.
06:13 Alors, on se dit que lutter contre l'islamisme qui s'infiltre à l'école,
06:17 ça pourrait être un mot d'ordre assez rassembleur.
06:19 En fait, c'est pas si simple.
06:21 Regardez, quand Gabriel Attal a annoncé l'interdiction de la Baïa
06:25 pour lutter contre l'islamisme à l'école,
06:28 eh bien, d'autres ont pensé que c'était pas pour lutter
06:31 contre l'islamisme, mais faire preuve d'islamophobie.
06:34 Comme quoi, il y a un débat sur ce sujet.
06:36 Et donc, quand il y a un débat, je m'écarte,
06:39 puisque je vous laisse en débattre.
06:41 Merci beaucoup. Merci Stéphane.
06:43 Je vais commencer par les enseignants sur ce plateau.
06:46 Christine Guimonais, on a tous été bouleversés par les mots d'Isabelle Bernard.
06:52 Est-ce qu'ils ont réussi à apaiser votre colère ?
06:56 J'ai trouvé que l'épouse de notre collègue assassiné
07:00 est d'une grande dignité.
07:02 Et très honnêtement, nos collègues aimeraient bien retrouver
07:06 la même dignité dans le débat public,
07:09 lorsque des hommes et des femmes qui occupent des positions éminentes
07:14 dans les médias, dans le monde politique,
07:17 parlent du travail que nous faisons chaque jour dans nos classes
07:20 avec un mépris certain et une indécence rare.
07:23 Vous baisez qui, en particulier ?
07:26 Je pense que c'est assez simple à...
07:30 À cause que des hommes et des femmes politiques
07:33 attaquent l'école en expliquant que nous ne travaillons pas assez.
07:37 Comment pensez-vous que nos collègues,
07:39 qui ne ménagent pas leurs peines, leurs heures de travail,
07:42 leur énergie pour faire avancer les élèves,
07:44 les faire progresser, peuvent réagir ?
07:47 Vous avez fait cours avec vos élèves sur Arras.
07:51 Est-ce qu'ils vous ont posé des questions ?
07:54 Que leur avez-vous dit et comment ont-ils réagi ?
07:57 On a d'abord pris soin d'eux,
08:00 en leur demandant comment ils allaient, comment ils se sentaient.
08:03 Parce qu'on ne les avait pas vus depuis le jeudi ou le vendredi.
08:06 Et lorsqu'un drame se passe en fin de semaine,
08:09 nous ne voyons pas nos élèves pendant le week-end.
08:11 Et il est naturel de s'interroger sur ce qu'ils ont pu savoir,
08:15 apprendre, voir et entendre.
08:18 Donc on commence par ça.
08:20 Revenir en classe après une situation dramatique,
08:23 il faudrait éviter qu'on soit dans la banalisation
08:26 de ce genre d'événements.
08:28 Parce que depuis 2015, c'est déjà trop souvent que ça se produit.
08:34 Il faut du tact, de la sensibilité,
08:37 une certaine retenue, une certaine décence,
08:40 pour pouvoir faire d'un moment dramatique de retour en cours,
08:44 un travail de pédagogie,
08:46 parce qu'il doit y avoir une pédagogie de la minute de silence.
08:49 Il faut expliquer en un mot pourquoi on est amené
08:52 à faire une minute de silence en hommage,
08:54 en souvenir d'une personne qu'on ne connaît pas.
08:57 Donc ça, ça s'explique.
08:58 Et il faut que dans ce temps de retour en classe,
09:00 où on va avoir de l'échange,
09:02 de la lecture de textes, de la réflexion,
09:05 qu'il sorte quelque chose d'intellectuellement construit
09:09 qui permette aux élèves de comprendre
09:13 qu'en réfléchissant, en analysant, on progresse.
09:16 On fait un pas, on progresse.
09:18 - Sophie Vénétité, est-ce que vous aussi vous avez retrouvé
09:21 vos élèves depuis vendredi dernier ?
09:24 Comment ça s'est passé avec eux ?
09:26 Comment vous, vous allez ?
09:27 - Oui, moi, j'ai retrouvé mes élèves dès le samedi matin,
09:30 puisque j'ai cours le samedi matin.
09:32 Donc quelques heures après,
09:33 j'étais face à mes classes de seconde dans mon lycée.
09:36 C'est vrai que c'était difficile.
09:38 Émotionnellement, c'était difficile de ne pas craquer,
09:41 alors que ça faisait quelques heures
09:43 qu'on avait appris qu'un de nos collègues
09:45 avait été assassiné parce qu'il était professeur.
09:48 Les élèves, dans l'immense majorité d'entre eux,
09:51 savaient ce qu'il s'était passé.
09:53 Et ils ont eu des questions,
09:55 mais des questions qui sont à la fois simples
09:58 et auxquelles il est parfois difficile de répondre.
10:00 - Lesquelles ?
10:01 - Quand ils nous disent...
10:02 Moi, ils m'ont posé la question,
10:03 "Mais pourquoi lui ? Pourquoi un professeur ?
10:05 "Pourquoi ce professeur ?"
10:07 Ils m'ont demandé si j'avais peur.
10:09 - Et vous avez peur ?
10:11 Est-ce que vous vous sentez en danger, aujourd'hui ?
10:13 - En danger, peut-être pas, mais je me questionne
10:16 ce que l'institution est capable de faire
10:18 pour les enseignants, aujourd'hui,
10:20 ce qu'elle n'a pas fait et ce qu'elle va pouvoir faire.
10:22 Et quand des élèves de 15, 16 ans vous demandent ça,
10:26 en même temps, on prend conscience
10:28 qu'ils ont compris, eux aussi,
10:30 qu'il se passait quelque chose de grave.
10:32 Et on se rend compte aussi qu'ils ont besoin de réponses,
10:35 comme nous.
10:36 Et lundi matin, après le temps d'échange
10:38 avec mes collègues dans mon lycée,
10:40 j'ai aussi eu cours avec d'autres classes,
10:43 à 10h30.
10:45 Et là aussi, je rejoins ce qui a été dit,
10:47 on a fait une pédagogie de la minute de silence
10:49 pour bien leur montrer
10:51 pourquoi c'était important que toute l'école
10:54 se retrouve en mémoire de Dominique Bernard...
10:57 - Et de Samuel Paty, puisque le lundi,
10:59 c'était la minute de silence, il faudra appeler
11:01 l'anniversaire trois ans après Pierre-Henri Tavoyau.
11:04 Deux fois en trois ans,
11:06 on meurt d'enseignés dans notre pays.
11:08 Pourquoi un professeur ? Parce que l'école,
11:11 parce que ça représente le savoir, l'émancipation.
11:14 C'est ça que les terroristes voulaient atteindre ?
11:16 - Oui, alors, juste un point aussi de contexte.
11:19 Moi, je suis responsable d'un DU référent laïcité,
11:22 d'un diplôme d'université référent laïcité à la Sorbonne
11:25 qu'on a créé justement après les attentats de 2015
11:27 pour apporter à tous les professionnels,
11:29 pas seulement les professeurs, mais tous les professionnels,
11:31 du privé, du public, de l'associatif,
11:33 les instruments pour justement à la fois repérer
11:35 les problèmes et pouvoir y réagir.
11:37 Et ce qui est terrible, c'est que les cérémonies
11:39 de remise des diplômes et d'accueil des nouvelles promotions
11:42 ont coïncidé à chaque fois avec un assassinat de professeurs,
11:47 c'est-à-dire il y a trois ans.
11:49 Et puis, ce vendredi, nous réunissions
11:51 Elisabeth Badinter, Caroline Forest,
11:53 qui est la marraine de la prochaine promotion,
11:55 Jean-Michel Blanquer, le ministre a fait une vidéo,
11:57 Dominique Schnapper, la présidente du Conseil des Sages de laïcité,
12:00 étaient présents pour justement faire cette cérémonie.
12:03 Et on apprend ça le matin alors que la journée a lieu.
12:06 - C'est un coup dur. - C'est un coup dur.
12:09 C'est un moment, en effet, où il faut qu'on revienne à l'essentiel.
12:13 Ce qui est clair sur cette affaire, c'est que ce n'est pas des loups solitaires,
12:17 ce n'est pas des réactions de légitime défense
12:21 à l'égard de l'Occident discriminatoire.
12:23 Il y a, et il faut le comprendre, une idéologie
12:26 qui est extrêmement cohérente et conquérante.
12:29 Un symbole le dit bien, en Afrique, cette idéologie a un nom,
12:33 c'est Boko Haram, c'est Boukh Haram, le livre impur.
12:38 Ça veut dire une chose très précise,
12:40 ça veut dire que toute l'éducation occidentale est un péché.
12:43 Donc ce n'est pas par hasard, c'est un projet qui est ancien,
12:46 parfaitement documenté par Hugo Michron, par Gilles Kepel,
12:49 par Florence Bergeau-Bleclerc.
12:51 Toutes les données sont sur la place, depuis longtemps.
12:55 Donc cette idéologie, les discours insouciants,
12:58 les discours du déni, les discours cyniques,
13:01 qui consistent à dire que c'est peut-être pratique,
13:04 que ça va nous permettre, si on la canalise bien,
13:07 de prendre le pouvoir, ce qu'on appelle l'islamo-gauchisme,
13:10 et qui, soi-disant, n'existe pas,
13:12 eh bien tout ça converge pour affaiblir une école qui est attaquée.
13:16 Et donc, de ce point de vue-là, il y a un sentiment de colère
13:19 par rapport à ça, parce que, voilà, on sait, on doit savoir,
13:23 on a le devoir de savoir.
13:25 On a le devoir, tout est disponible.
13:28 Et de ce point de vue-là, effectivement,
13:30 les grands successifs de prise de conscience
13:33 sont un peu désespérants.
13:35 -Céline Calves, on a l'impression que c'est le choc de trop
13:38 pour la communauté éducative.
13:40 Pour poursuivre ce que dit Pierre-Henri Tavoyau,
13:43 on a la vidéo qu'on a retrouvée, selon les enquêteurs,
13:46 dans le téléphone de ce terroriste.
13:48 "Vous m'avez appris ce qu'est la démocratie et les droits de l'homme,
13:52 "vous m'avez poussé dans l'enfer.
13:54 "Appelle-la ta Marianne", a-t-il lancé à un témoin.
13:57 Comment on empêche, après ça,
13:59 la peur de s'emparer de la communauté enseignante ?
14:03 -La peur, on a tous eu peur, et on peut avoir peur.
14:06 Par contre, on ne peut pas y céder.
14:08 Et cette peur, justement, et Gabriel Attal disait
14:11 que le pire, ce serait d'avoir peur d'enseigner.
14:14 Il faut pouvoir se dire que l'école est attaquée
14:17 parce qu'elle est vecteur d'émancipation,
14:19 parce qu'elle est un symbole fort de la République,
14:22 et c'est exactement ça qui est visé aussi,
14:24 c'est de se dire comment on peut mettre en place
14:27 tout ce qui est possible pour que l'école tienne debout.
14:30 Aujourd'hui, elle est attaquée, mais elle tient debout.
14:33 -Pour vous, ce qu'il faut faire, c'est quoi ?
14:36 C'est rassurer, agir sur les questions liées à la laïcité,
14:39 accompagner, former, sécuriser ? La priorité, c'est quoi ?
14:42 -C'est tout ça. Déjà, c'est d'accorder un temps
14:45 à l'hommage et à la réactivité,
14:47 ce que Gabriel Attal l'a montré dès le début.
14:50 En fait, aussi bien avec les organismes syndicaux
14:53 qu'avec les recteurs, qu'en prise de parole publique,
14:56 qu'avec les parlementaires, samedi soir,
14:58 tout parti confondu, de pouvoir recueillir la parole
15:01 et de voir quelles étaient les choses à mettre en place.
15:04 Vous avez parlé de formation.
15:06 Oui, il y a eu des formations sur la laïcité.
15:09 -On va en parler. -Il faut davantage aussi reconnaître
15:12 que, oui, le pas de vague, c'est terminé.
15:15 Oui, les crans de prise de conscience et d'action
15:18 ont mis sans doute trop longtemps,
15:20 sauf qu'aujourd'hui, c'est quand même bien précisé
15:23 que pas de vague.
15:25 Et donc, ce qui est fait, c'est scruté.
15:27 Et le ministre aura l'occasion d'annoncer ce soir
15:30 des éléments sur le sujet des élèves qui sont radicalisés.
15:33 Il faut aussi sécuriser les établissements.
15:36 Il y a plein de questions.
15:38 Aujourd'hui, nous ne savons pas, sur les 60 000 établissements,
15:42 dans quelle mesure tout est sécurisé.
15:45 Il y a eu, bien sûr, suite à la tentative de myopathie,
15:48 des efforts, mais tout n'est pas du tout fait.
15:51 Et donc, là, les collectivités locales,
15:54 les collectivités locales et l'Etat, pardon,
15:57 font un audit pour pouvoir mettre en place
16:00 non seulement des solutions matérielles,
16:02 mais aussi que ça fonctionne.
16:04 Et au-delà du matériel, la sécurisation.
16:06 Je ne voudrais pas qu'on tombe dans une école
16:08 qui, au-delà d'être sanctuarisée,
16:10 deviendrait "bunkerisée".
16:12 L'idée, ce n'est pas de dire que cette école
16:14 doit être protégée de tout le reste de la population,
16:17 c'est comment on arrive à faire une vigilance partagée.
16:20 On a bien vu, malheureusement, l'exemple d'Arras.
16:23 On n'est pas allés jusqu'au bout de la sécurisation,
16:26 mais on a vu quand même que les protocoles
16:28 avaient permis à ce que le drame ne soit pas pire.
16:31 Il est pire. -Il y a 48 ans,
16:33 qui ont été déjoués dans le pays.
16:35 -On a eu du personnel de soins et de sécurité qui sont venus.
16:38 Donc, oui, le risque zéro n'existe pas.
16:40 Mais je tiens à redire que ce n'est pas en bunkérisant
16:43 les écoles qu'on va pouvoir en faire des vecteurs d'émancipation.
16:46 -Les personnels proviseurs.
16:48 Natacha Polony, "La nation doit faire bloc",
16:51 c'est ce qu'a souhaité, c'est l'appel du président de la République.
16:55 Est-ce qu'on peut tenir ensemble face à cette menace-là,
16:58 face à des enseignants en colère
17:00 et qui demandent d'être aidés, accompagnés ?
17:03 -Les vœux pieux, ça ne suffit pas.
17:05 Il faut se demander pourquoi on en arrive là.
17:08 2002, les territoires perdus de la République.
17:11 Moi, j'ai commencé comme jeune journaliste à Marianne.
17:14 Un de mes premiers articles, c'était d'aller interviewer
17:17 Georges Bensoussan, qui avait collecté,
17:19 qui avait coordonné ce livre
17:21 et qui montrait la montée de l'intégrisme religieux,
17:24 la montée du sexisme, de l'homophobie,
17:26 de l'antisémitisme dans les collèges et lycées.
17:29 Je suis allée faire des reportages,
17:31 des enquêtes dans des collèges et lycées pour montrer ça.
17:34 Les auteurs des territoires perdus de la République
17:37 ont été accusés d'être racistes, à l'époque.
17:40 Tout le monde expliquait que c'était rien du tout,
17:43 qu'on tirait en épingle quelque chose d'infime.
17:46 Ensuite, il y a eu le rapport de Jean-Pierre Aubin,
17:49 inspecteur de l'Education nationale.
17:51 Le rapport montrait cela.
17:53 Il avait l'honnêteté de dire que c'est dans certains établissements.
17:56 On a mis le rapport sous le boisseau.
17:58 -Est-ce qu'on est sortis du déni ?
18:00 Le risque zéro n'existe pas. Ca a changé.
18:02 Le rapport Aubin, c'est 2004.
18:04 -On est enfin sortis du déni, pardon,
18:07 mais il a fallu deux professeurs assassinés
18:09 dans des circonstances atroces pour ça.
18:11 Et la question qu'il faut se poser,
18:13 c'est est-ce qu'on a donné les armes aux professeurs pour ça ?
18:17 Parce que toute la société autour,
18:20 évidemment, n'a fait que minimiser.
18:22 Les médias n'ont fait que minimiser.
18:24 Et à côté de ça, les professeurs,
18:26 qu'est-ce qu'on a fait de leur vocation ?
18:28 Est-ce que réellement, nous sommes dans une République
18:31 qui met en avant le rôle des professeurs ?
18:34 Dominique Bernard aimait Julien Gracq, aimait Flaubert.
18:37 A quel moment l'ensemble de la société nous rappelle
18:40 que c'est absolument essentiel de transmettre Flaubert et Julien Gracq ?
18:45 A quel moment ? Et dernier point,
18:47 quel est le message qu'on envoie à la société dans son ensemble
18:52 sur ce qu'est l'école,
18:54 quand on abandonne Samuel Paty,
18:57 parce que c'est ce qui s'est passé,
18:59 une part de l'institution ne l'a pas soutenue ?
19:01 -Ca serait très dur, on l'a entendu au Sénat, hier.
19:04 -Contrairement à ce que dit le ministre de l'Education nationale,
19:07 Jean-Michel Blanquer.
19:08 Quand on nomme d'abord Jean-Michel Blanquer,
19:10 puis ensuite Papendiaïe,
19:12 qui a une vision radicalement opposée de ces questions-là,
19:15 et qui va aux Etats-Unis expliquer que la France a un problème de racisme,
19:19 et ensuite, on renomme Gabriel Attal dans l'autre sens,
19:22 où est la cohérence, quel est le message
19:25 pour soutenir le fait que les professeurs sont là
19:27 pour transmettre les lumières,
19:29 ce qui permet de lutter contre l'obscurantisme ?
19:32 -Il y a eu de la godise, pour ces questions-là.
19:35 -Ce sont des savoirs transmis par les professeurs.
19:38 -Pierre-Henri Tavoyau, on passe aux solutions.
19:40 -Je suis d'accord avec Natacha Polony sur cette impression
19:43 d'un peu de flottement,
19:45 mais malgré tout, il faut reconnaître
19:47 que sur le plan de formation laïcité,
19:49 la continuité républicaine a été exemplaire.
19:52 -Qu'est-ce que c'est précisément ?
19:54 -Jean-Michel Blanquer a lancé un processus très lourd
19:56 de formation de 1,4 million de personnes de l'Education nationale.
19:59 Il y a différentes DU, diplômes d'université,
20:02 qui forment les formateurs des formateurs,
20:05 puis au CNAM, au Centre Arme et Métier,
20:08 une formation des 1 000, qui est très opérationnelle.
20:11 -Les référents laïcité qui, ensuite, vont dans les collèges et lycées ?
20:15 -Ce sont les personnes-ressources,
20:17 à tous les niveaux, ça peut être des enseignants, des professeurs,
20:20 des proviseurs, des gens du rectorat, enfin, voilà.
20:23 L'idée est de constituer une logique de référence.
20:26 Et je dois reconnaître, même si le ministre de Pape Diagne,
20:29 le ministère de Pâques, n'a pas été, pour moi,
20:32 une divine surprise, si je puis dire,
20:34 mais ce mouvement n'a jamais été brisé.
20:36 Aujourd'hui, ça a continué, et c'est vrai que je pense
20:39 qu'il faut aussi s'inscrire dans le temps long.
20:42 Il y a beaucoup de signes qui me désespèrent,
20:44 mais sur cette question-là, de formation à la laïcité,
20:47 il y a quelque chose qui est enclenché, qui est assez positif.
20:50 -Christine Guimona, sur ces référents laïcité,
20:53 est-ce que quelque chose a changé ?
20:55 Est-ce que vous êtes mieux accompagnée ?
20:57 On a parlé d'une charte de la laïcité,
20:59 d'un vadémécom sur certaines situations,
21:01 par exemple le refus d'écouter de la musique,
21:04 le refus de participer ou d'écouter certains cours,
21:07 certains menus confessionnels.
21:09 Est-ce que vous êtes moins seule ?
21:11 -Alors, je voudrais d'abord revenir sur ce que vous disiez tout à l'heure.
21:15 On est très heureux de sentir que la nation
21:19 fait bloc autour de son école le jour des obsèques de Dominique Bernard.
21:23 On aimerait aussi que la nation fasse bloc autour de son école
21:26 les 364 autres jours de l'année.
21:28 Et ça, c'est un problème majeur, on en est loin,
21:31 si nos collègues sont aussi en colère.
21:33 Et leur colère, c'est la colère de 2020,
21:36 qui n'est absolument pas retombée, la colère de 2020.
21:39 Et celle de 2023 se rajoute à la colère de 2020.
21:43 -La sœur de Michael Patti dit
21:45 "Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose,
21:48 "Dominique Bernard serait encore là."
21:50 Elle dit "Au nom de la préservation de l'ordre public,
21:53 "les territoires perdus de la République ont privilégié
21:56 "la préservation de la paix religieuse."
21:58 Vous avez l'impression de ne pas du tout avoir eu d'interlocuteur
22:01 pour vous accompagner face à ce que dénonçaient
22:03 les territoires perdus de la République,
22:05 c'est-à-dire une forme d'antrisme islamique
22:07 à l'intérieur de l'école ?
22:09 -Quand on est professeur d'histoire,
22:11 on a fait des études à l'université,
22:13 on a passé des concours assez sélectifs.
22:15 Donc, on sait enseigner la laïcité.
22:17 Une laïcité bien enseignée,
22:19 c'est d'abord une laïcité bien expliquée,
22:21 et surtout une laïcité qui est bien comprise.
22:24 Et je pense, et je ne suis pas la seule à le penser,
22:29 qu'il y a une grande confusion
22:31 entre la laïcité et l'espace public hors de l'école
22:34 et la laïcité et l'espace scolaire,
22:36 ce qui n'a rien à voir.
22:38 L'école n'est pas un lieu pour pratiquer sa religion.
22:41 On peut parler du religieux,
22:43 on peut parler du politique en histoire,
22:45 il y a beaucoup de choses à expliquer,
22:47 et il nous faut du temps pédagogique
22:49 pour décrypter l'actualité, traiter nos programmes.
22:52 - Un assez de temps ?
22:53 Par exemple, histoire, géographie,
22:55 le conflit israélo-palestinien est au programme,
22:57 je crois, de quoi ?
22:58 Des collégiens, fin de collège, début lycée ?
23:00 - En troisième. - En troisième.
23:01 - Combien d'heures ?
23:02 - C'est en terminal entre en commun,
23:04 et en spécialité à GGSP.
23:06 Donc, le temps, il faut le prendre.
23:09 Enseigner, c'est aussi faire des choix.
23:11 On ne va pas expliquer le conflit israélo-palestinien
23:13 en trois minutes.
23:15 - Vous estimez qu'il n'y a pas assez de temps,
23:17 d'heures de cours réservées à ces sujets compliqués ?
23:20 - Disons qu'on doit pouvoir exercer notre liberté pédagogique
23:23 pour expliquer ce qui est nécessaire
23:26 en fonction des classes, en fonction de la demande.
23:29 La semaine dernière, lorsque les élèves reviennent en cours
23:32 après l'attaque du Hamas sur le sud d'Israël,
23:36 il y a des classes dans lesquelles il n'y a pas de demande d'explication.
23:39 Elles peuvent venir plus tard, donc on attend.
23:41 Et il y a d'autres classes où les élèves fourmillent de questions.
23:45 Donc là, on s'engage et on explique.
23:47 - Je vous propose d'écouter les professeurs.
23:50 On est allés à leur rencontre sur le terrain.
23:53 Il y a eu une bonne duelle avec les équipes de France Télévisions.
23:55 On va essayer de comprendre si cette tentation de l'autocensure
23:58 était là après le choc ou pas.
24:00 Et je vous redonne la parole juste après le reportage.
24:02 - Je pense qu'il faut chasser cette peur
24:12 et reprendre avec confiance le chemin qui est le nôtre.
24:17 Je pense que la résistance se fait à l'intérieur.
24:22 La résistance se fait à l'intérieur de nous.
24:24 Elle ne se fait pas en transformant les lycées en citadels ou en prison.
24:28 La tâche qui est un combat chacun, c'est de continuer le combat.
24:31 Le combat qui, pour nous, consiste à faire grandir les élèves
24:35 et pour les élèves, à grandir, à s'élever dans leur humanité,
24:38 dans leur conscience, du monde qui les entoure.
24:41 À progresser dans la maîtrise des savoirs,
24:45 des compétences qu'ils doivent acquérir pour prendre place dans le monde.
24:48 - Il faut absolument qu'on se préserve de toute haine,
24:56 de toute division et que vraiment, vraiment,
24:59 que le vivre ensemble, que notre métier soit respecté là-dessus.
25:03 Le vivre ensemble et la liberté de penser et d'enseigner.
25:10 - Force est de constater que je suis entourée d'un certain nombre de collègues
25:13 et dans mon collectif, il y en a qui en témoignent aussi autour d'eux,
25:16 qui, c'est vrai, de plus en plus, choisissent d'édulcorer certains cours
25:20 ou de les éluder.
25:21 Ça peut être évidemment des contestations d'enseignement
25:25 concernant le cours sur la reproduction sexuée ou le darwinisme.
25:29 J'ai entendu cela aussi de la part de collègues de SVT qui me disaient
25:32 que le créationnisme faisait vraiment son nid dans un certain nombre de milieux
25:38 parmi nos élèves.
25:40 Ça peut être, évidemment, on n'en a beaucoup entendu parler,
25:45 mais c'est une réalité tangible sur le terrain,
25:48 les certificats de complaisance pour ne pas aller à la piscine pour les jeunes filles.
25:51 Ça, c'est des choses qui n'existaient pas lorsque moi j'ai commencé à enseigner
25:55 il y a maintenant un peu plus de 15 ans.
25:57 - Alors qu'est-ce que vous lui répondez à cette enseignante d'Alphine Girard ?
26:00 - Sur l'évolution ?
26:02 - Sur ceux qui mettent la pédale douce sur certains enseignements,
26:05 l'autocensure, SVT, théorie de l'évolution,
26:08 certificat de complaisance, piscine ?
26:11 - Il faut qu'on concilie la liberté pédagogique,
26:13 mais aussi la capacité à pouvoir se sentir justement libre,
26:17 mais suffisamment conforté par des programmes
26:19 et la clarté aussi des programmes,
26:21 puisque ces deux principes pourraient être parfois contradictoires.
26:25 Moi, je pense que ce que montrait, d'ailleurs, ce qui a été rappelé
26:30 par Stéphane Plagowski, c'est qu'on a une évolution d'autocensure.
26:33 J'aimerais qu'on puisse se dire aussi
26:35 qu'il y a une prise en conscience de ce qu'est l'autocensure.
26:38 Si je fais un comparatif avec l'autocensure des femmes
26:42 à exprimer leur volonté d'orientation,
26:45 il n'y avait pas forcément de prise de conscience de l'autocensure.
26:48 On se disait "Ah oui, effectivement, je ne me suis pas projetée là-dedans,
26:51 je n'en avais pas conscience".
26:53 Est-ce que derrière cette autocensure à 55 %,
26:55 il n'y a pas quelque chose là-dessus ?
26:57 Mais en fait, il faut conforter ça.
26:59 Et vraiment, je voulais revenir sur un autre point,
27:03 parce que la distinction entre l'espace public et l'espace scolaire
27:06 au niveau de la laïcité, je crois quand même qu'elle a été
27:09 assez claire par une ancienne loi et rappelée par Gabriel Attal
27:14 quand il a dit "La baïa, c'est fini".
27:16 Et en fait, on voit bien, et moi, quand je me rends devant les lycées,
27:18 je vois bien des jeunes filles qui respectent et enlèvent
27:21 ce qui est leur voile.
27:23 - On a entendu beaucoup d'enseignants qui attendaient, justement,
27:26 ce rappel à l'interdiction Sophie Vénétité.
27:29 Vous avez le sentiment qu'avec Gabriel Attal,
27:32 évidemment, le choc est là et personne n'estime que, voilà,
27:36 c'est aussi une forme de défaillance de l'Etat
27:40 de ne pas avoir su déjouer cet attentat.
27:43 Mais est-ce que cette interdiction était attendue ?
27:47 Est-ce que ça va dans le bon sens pour vous, sur la baïa ?
27:49 - Il y a deux choses.
27:50 Si on revient sur la rentrée et sur l'interdiction de la baïa,
27:53 oui, ça pouvait être un sujet dans un certain nombre d'établissements.
27:56 Il ne faut pas le surestimer, mais il ne faut pas le sous-estimer.
27:58 Ça pouvait, effectivement, être une pression, d'ailleurs, sur les équipes.
28:01 Donc, il y a eu une clarification du discours.
28:04 Après, nous, on sait aussi qu'on gérait ça
28:08 dans le dialogue avec les familles,
28:10 non pas pour discuter de la loi, mais pour expliquer
28:13 pourquoi les élèves ne peuvent pas entrer ainsi,
28:15 et par le dialogue, on arrive à résoudre une très grande partie des situations.
28:20 - Mais là, il y avait une attente.
28:21 Je voudrais quand même en dire un rappel à la loi.
28:23 - On est en train de parler, depuis tout à l'heure, d'un certain nombre d'éléments.
28:27 Je voudrais rappeler une première chose.
28:28 Dominique Bernard n'a pas été assassiné parce qu'il a mal enseigné la laïcité.
28:32 Parce que j'entends, depuis tout à l'heure, un certain nombre de choses.
28:35 Il a été assassiné parce qu'il représente...
28:38 - C'est l'école qui est ciblée.
28:39 - Je vais terminer.
28:40 Parce qu'il représente l'école publique, l'école laïque,
28:43 comme outil d'émancipation par les apprentissages.
28:47 - Samuel Paty n'a pas été assassiné non plus.
28:49 - Oui.
28:50 - Sur cette question de la laïcité.
28:51 - Non, mais que ce soit bien clair.
28:52 - Oui, oui.
28:53 Non, mais ce qu'il faut bien se rendre compte,
28:54 on parlait tout à l'heure de la colère des enseignants.
28:56 La colère des enseignants, c'est parce que cette idée de l'école publique laïque
29:01 qui permet l'émancipation par les savoirs,
29:04 quand est-ce que tout le monde autour de cette table
29:07 et tout le monde dans ce pays la défend avec nous ?
29:09 - Ça, c'est un peu quelque chose qu'on fait.
29:11 - C'est des valorisations de salaire, c'est des moyens, c'est quoi ?
29:13 - Je vais vous dire.
29:14 Vous savez la phrase qu'on a le plus entendue lundi dans les établissements scolaires ?
29:17 - Non, vous allez me dire.
29:18 - La phrase qu'on a le plus entendue, c'est des collègues qui nous ont dit
29:21 "à un moment, il y en a marre qu'on nous rende hommage
29:23 uniquement quand il y a quelqu'un qui est mort".
29:25 Elle est terrible, cette phrase.
29:26 - Donc il y a un manque considérable de reconnaissance.
29:28 - Il y a un manque de reconnaissance qui est lié au fait que
29:30 sur ces trois années-là, il y a eu plusieurs épisodes de profbashing.
29:38 On nous a dit "mais finalement, au lendemain du Covid",
29:40 je ne sais pas si vous vous souvenez de l'épisode de profbashing au lendemain du Covid.
29:42 - Sur le retour à l'école.
29:43 - Alors que c'est nous qui avons tenu l'école,
29:45 seuls pendant les errances de Jean-Michel Blanquer.
29:48 On a été au rendez-vous.
29:50 On nous fait porter la responsabilité de résoudre tous les maux de la société.
29:54 - Trop, c'est trop lourd.
29:56 - L'école peut faire beaucoup de choses, elle ne peut pas tout faire.
29:58 Et nous, on est prêts à assurer notre mission,
30:00 mais quand aujourd'hui, on nous dit "faites-en toujours plus,
30:03 sans nous donner les moyens, en supprimant des postes,
30:05 en nous donnant moins d'heures pour faire un certain nombre de choses",
30:08 à un moment, ça craque.
30:09 Et là, les enseignants sont en train de craquer.
30:12 - Alors, ça va vous parler, vous, la question de la reconnaissance
30:14 derrière, c'est les moyens,
30:16 il y a eu des annonces de revalorisation pour la rentrée,
30:19 c'est pas seulement les moyens ?
30:21 - La question, c'est de savoir si la transmission des savoirs
30:23 est au coeur de notre société.
30:25 Et en effet, ça nécessite de valoriser les professeurs par le salaire,
30:29 de montrer qu'ils sont les gens les plus importants dans cette République.
30:32 - Il y a du rattrapage à faire par rapport aux voisins européens.
30:35 - Ensuite, ça nécessite de bien comprendre que l'institution
30:39 et la société doivent soutenir un professeur
30:42 et il faut la légitimité à transmettre un savoir.
30:44 Et c'est vrai que pendant des années, ça n'existait pas.
30:47 C'est-à-dire, moi, quand je suis passée par l'Institut de formation des maîtres,
30:50 on nous expliquait "vous avez beaucoup plus à apprendre de vos élèves
30:52 que vos élèves de vous",
30:53 et ce genre de choses qui, petit à petit, a déstabilisé les professeurs.
30:56 Ils savaient de toute façon que s'il y avait une contestation,
30:59 eh bien, ils ne seraient pas soutenus par l'institution,
31:01 qu'ils auraient les parents contre eux.
31:03 Donc, c'est à toute la société de réaffirmer
31:06 que ce qui se passe dans une classe
31:08 quand un professeur transmet un savoir,
31:10 c'est quelque chose de fondamental pour nous tous
31:12 et qu'on n'est pas là pour tolérer tout et même l'obscurantisme,
31:17 on est là pour transmettre les lumières.
31:19 Et ça, je pense que c'est, hélas, quelque chose qui,
31:22 au nom de la tolérance, a été un peu oublié pendant trop longtemps.
31:25 -Christine Guimonais, vous vous retrouvez dans ce constat-là
31:28 et cette demande de reconnaissance qui traduit contrairement...
31:31 -Si on revient sur cette histoire de l'autocensure,
31:33 parce que quand on discute avec nos collègues à l'association,
31:36 ils ne nous parlent pas de l'autocensure,
31:39 ils nous parlent de leurs besoins de formation.
31:42 -Un enseignant sur deux, quand même.
31:44 -C'est vrai que la PAG prend sa part.
31:46 Un sur deux, mais c'est un sondage.
31:48 C'est un sondage.
31:50 Tous les collègues avec lesquels on échange
31:53 ne nous disent pas...
31:55 -C'est toute la difficulté, par choix, de le reconnaître,
31:58 de l'admettre, même dans un sondage, non ?
32:00 -Je ne vous dis pas ça, ça n'existe pas.
32:03 Pas du tout.
32:04 Par contre, on ne se pose jamais la question de savoir
32:07 pourquoi des professeurs vont être très prudents
32:11 dans leur manière de s'adresser à des classes,
32:14 parce qu'ils savent très bien qu'en cas d'incident,
32:17 ils peuvent ne pas être soutenus.
32:19 Donc le respect du professeur
32:21 dans sa légitimité d'enseignement,
32:23 ça n'est pas, par exemple,
32:25 lorsqu'il y a une insulte dans une salle de classe
32:28 et que le professeur met l'élève à la porte,
32:31 de lui ramener ensuite l'élève devant toute la classe
32:34 pour l'humilier devant ses élèves.
32:36 -Ca, c'est toute la hiérarchie de l'éducation nationale
32:40 qui est mise en cause.
32:41 On va terminer rapidement.
32:43 -Très rapidement, je voulais dire que le respect des professeurs,
32:46 oui, on l'a par des augmentations de budget,
32:48 mais c'est effectivement de ne pas trop vous mettre
32:51 sur les épaules.
32:52 On a une tentation à chaque fois qu'on fait une loi,
32:55 c'est-à-dire on va faire l'éducation à la sexualité,
32:58 à la laïcité, et on en rajoute.
33:00 Moi, je suis de ceux qui disent, attention,
33:02 ça ne peut pas reposer uniquement sur les enseignants.
33:05 C'est un message dans la société, parce que l'éducation nationale,
33:08 merci aux enseignants, mais c'est aussi l'affaire de toute la nation.
33:11 On ne peut pas rajouter toujours.
33:13 -D'où ces référents à la laïcité, qui ne sont pas que des enseignants.
33:16 -Oui, mais il y a un problème encore plus de fond.
33:19 C'est très difficile d'enseigner dans un pays
33:22 qui a honte de sa culture, qui a honte de ses savoirs.
33:26 Et ça, c'est vrai qu'il y a une atmosphère.
33:28 Un jeune qui arrive, on dit que la France est raciste,
33:31 colonialiste, impérialiste, homophobe, transphobe, etc.
33:34 Le discours est négatif.
33:35 Comment une école peut réussir quand une culture a honte d'elle-même ?
33:38 -On va s'arrêter sur cette question.
33:40 Elle est gigantesque, et le problème est beaucoup plus profond
33:43 que simplement sur les épaules des enseignants.
33:46 Merci beaucoup.
33:47 Merci d'être venu débattre en direct sur LCP.
33:50 Vous restez avec moi, Natacha Polanyi.
33:52 Dans une dizaine de minutes, les partis prient de nos affranchis.
33:55 Ce soir, Yael Ghos s'interroge.
33:57 Peut-on lutter contre le terrorisme sans remettre en cause l'Etat de droit ?
34:00 Le très haut débit, une nouvelle fracture française.
34:03 Ce sera avec Delphine Sabatier.
34:05 Quel est le menu de Bourbon Express ce soir, Stéphanie Lépière ?
34:08 L'histoire d'un député qui porte plainte
34:10 contre un autre député qui l'a insultée.
34:12 -On verra ça tout à l'heure. Merci, les amis.
34:14 Mais d'abord, rien n'est perdu aux éditions de l'Observatoire.
34:18 Vraiment, Natacha Polanyi,
34:20 dans ce recueil de vos meilleures chroniques 2018-2023,
34:23 vous refusez la fatalité d'un pays qui se perdrait dans le déclin.
34:28 On voit ça dans l'invitation de Marco Pommier.
34:30 On en parle toutes les deux juste après.
34:32 Si on vous invite, Natacha Polanyi,
34:35 c'est parce que dans ce monde brutal, anxiogène,
34:38 d'Arras à Bruxelles en passant par Israël ou Gaza,
34:41 sans oublier l'Ukraine ou l'urgence climatique,
34:44 vous faites entendre votre voix en affirmant que rien n'est perdu.
34:49 -Un peu de positivité, voilà.
34:51 Je pense que nous ne devons pas nous laisser aller collectivement
34:54 à la dépression. Les solutions, elles existent.
34:57 -Un parti pris étonnant pour une éditorialiste anticonformiste
35:02 aux constats alarmants sur l'immigration, l'écologie
35:05 ou encore l'école, votre sujet de privilegion.
35:09 On vous dit pessimiste et décliniste.
35:11 Que nenni ? Je crois en la France, répondez-vous.
35:14 Une conviction forgée peut-être auprès de la jeunesse
35:17 durant votre passage éclair au lycée d'Épinay-sur-Seine
35:21 en tant que professeur de lettres.
35:23 -Vous disiez que la langue française a trop de mots.
35:26 -On va dire "j'ai faim", c'est "j'ai la dalle".
35:29 -On va manger. Même si on dit "je suis affamé" ou "j'ai faim",
35:33 on va manger. Le résultat, il est le même.
35:35 -Si vous dites "je suis affamé", c'est beaucoup plus fort.
35:38 -Indéniablement, Natacha Polony, vous savez manier le verbe.
35:42 Essayiste, journaliste à la plume acérée, au service du Figaro,
35:47 Europ1, France 2, BFM TV ou encore C8,
35:50 aujourd'hui directrice du magazine Marianne,
35:53 antilibéral, favorable à la décroissance et souverainiste,
35:57 le temps vous a plutôt donné raison sur ce point,
36:00 alors que la France se réindustrialise doucement
36:03 après le fiasco du Covid.
36:05 Manque de blouse pour les médecins, manque de masque,
36:08 un électrochoc.
36:09 -La désindustrialisation de la France,
36:11 dont les chantres de la mondialisation
36:13 se moquaient comme d'une guigne,
36:15 est devenue le nouveau passage obligé de tout discours politique.
36:19 -Combattre le néolibéralisme, appeler à une révolution démocratique,
36:24 dénoncer l'écologie du symbole, un livre et des éditos
36:28 pour critiquer le système actuel,
36:30 mais puisque rien n'est perdu, Natacha Polony,
36:33 on a une question pour vous.
36:35 Quelles sont les raisons d'espérer ?
36:37 -Réponse.
36:38 -Quelles sont les raisons d'espérer ?
36:40 La France et les Français.
36:42 Parce que c'est un pays qui a des ressources,
36:45 une richesse, tout simplement une énergie.
36:49 J'y étais hier, par exemple,
36:51 à la remise des trophées des cantines rebelles,
36:54 c'est-à-dire des petites municipalités
36:57 qui font passer leur cantine en bio, en locale,
37:00 et qui se battent pour rendre ça gratuit pour les gamins.
37:04 Vous avez là des gens qui se battent pour leur pays.
37:07 Dans deux semaines, ça va être le salon du Made in France.
37:10 Allez-y, ça vous met une pêche extraordinaire.
37:13 Des gens qui sont fabuleux, qui se battent,
37:16 qui montent des entreprises, qui sont inventifs.
37:19 Elle est là, l'énergie. -C'est les Français, avant tout.
37:22 Je vous propose, parce que c'est des chroniques,
37:25 et donc ça brosse parfaitement les six ans de mandat
37:28 d'Emmanuel Macron, quelques photos.
37:30 On va commencer par le président de la République,
37:33 Emmanuel Macron. Est-ce qu'il a, en six ans,
37:36 puisque vous retracez à travers toutes ces chroniques,
37:39 changé de logiciel ?
37:41 -Le néolibéral du début s'est-il muté en protectionniste ?
37:45 En tout cas, le mot n'est plus tabou dans sa bouche.
37:48 -C'est extraordinaire.
37:50 Le mot "souveraineté", c'est fabuleux.
37:53 Il a radicalement changé,
37:55 parce qu'il s'est pris le réel en pleine figure.
37:58 Il a changé dans les termes.
38:00 La question est de savoir si, au pied du mur,
38:03 il y a vraiment des actes. Je suis ravie des gens
38:06 qui font leur chemin de Damas, qui se convertissent.
38:09 -Ils vont arrêter d'investir dans des usines ouvertes.
38:12 -Exactement. On va recréer de l'industrie ici.
38:15 On va essayer de protéger des filières, etc.
38:18 C'est formidable.
38:20 Le nucléaire, il a quand même flingué.
38:23 Il est pas tout seul. Il y avait eu François Hollande avant.
38:26 Il a flingué la filière nucléaire, il a continué.
38:29 Puis, il a arrêté le projet Astrid,
38:31 qui était un projet de recyclage des déchets.
38:34 -Il la relance aujourd'hui.
38:36 -Mais quel temps perdu !
38:38 Le problème, là-dedans, c'est l'absence de structure,
38:42 d'architecture, de logiciel.
38:44 Pour défendre des idées face à tous les intérêts
38:47 qui vont se coaliser, c'est-à-dire qu'on est dans un monde
38:50 où vous avez des grands intérêts, des multinationales,
38:53 qui ont intérêt à ce que le système reste tel qu'il est.
38:57 Pour résister à cela, il faut se battre,
39:00 il faut avoir des convictions.
39:02 -Il n'en a pas, selon vous ?
39:04 Il est trop plastique en fonction du contact ?
39:07 -Bien sûr.
39:08 -A-t-il tiré... -Il est sous le discours.
39:11 -A-t-il tiré les leçons de la crise des gilets jaunes ?
39:14 Marianne a énormément travaillé sur ce mouvement,
39:17 qui, à vos yeux, est un véritable tournant majeur dans le pays.
39:21 Les gilets jaunes, qui manifestaient pour le pouvoir d'achat,
39:25 mais aussi pour une véritable demande démocratique
39:28 d'être associés à la décision.
39:30 Est-ce que les choses ont changé depuis ou se sont aggravées ?
39:34 -Je pense que la crise démocratique, on l'a tous vue,
39:37 elle s'est aggravée, elle se perpétue.
39:40 J'ai l'impression, en effet,
39:42 vous me demandiez si Emmanuel Macron avait compris,
39:45 je ne crois pas et je crains qu'en fait,
39:47 les gens qui sont les bénéficiaires de ce système économique
39:50 n'arrivent pas à entendre ce que c'est que l'aspiration démocratique.
39:54 La démocratie, c'est le gouvernement du peuple
39:57 par le peuple, pour le peuple.
39:59 Ca ne signifie pas qu'une technocratie sait les choses mieux
40:03 que ces crétins qui ont le droit de vote,
40:05 donc on est obligés de faire semblant,
40:07 et qu'on va faire leur bonheur malgré eux.
40:10 -Quelle est la nature du divorce entre le peuple et ses représentants ?
40:14 On est à l'Assemblée nationale, sur la chaîne parlementaire.
40:17 Est-ce que ces représentants ont échoué dans leur mission
40:20 ou est-ce qu'ils rejettent tous les corps intermédiaires
40:23 jusqu'à leurs propres élus ?
40:25 -C'est une défiance qui s'est petit à petit étendue
40:28 et c'est pour ça qu'il y a une urgence.
40:30 Réellement, aujourd'hui, la démocratie est en danger
40:33 parce que vous avez un pan entier du pays
40:36 qui a fait sécession, c'est-à-dire qui cesse d'y croire,
40:39 qui ne vote plus. Pourquoi ?
40:41 Parce qu'ils ont l'impression que, quel que soit leur vote,
40:44 ça ne change rien, c'est-à-dire que le système se perpétue.
40:47 Et quand je dis "le système se perpétue",
40:49 c'est ce qu'on appelle le néolibéralisme,
40:51 c'est-à-dire ce phénomène qui, depuis 40 ans,
40:53 a justement contourné tous les outils démocratiques
40:57 par des instances supranationales, l'OMC,
41:01 évidemment, l'Union européenne...
41:03 -L'Europe, on y vient. -C'est-à-dire ?
41:05 -Vous l'avez beaucoup critiquée. -Pas n'importe quelle Europe.
41:08 -Vous l'avez beaucoup critiquée. -Celle de l'actualité européenne de 86.
41:11 -Et l'Europe d'aujourd'hui, l'Europe d'après Covid,
41:13 l'Europe d'après crise financière,
41:15 qui a réussi à faire la planche à billets,
41:17 sortir des traités, aujourd'hui,
41:19 qui relève les taux d'intérêt face à l'inflation,
41:22 qui achète des vaccins en commun.
41:24 -C'est une stupidité, entre nous,
41:26 mais une question sur cette Europe d'aujourd'hui,
41:28 qui s'apprête à harmoniser les règles de migration.
41:31 Est-ce qu'elle a changé, en mieux ou pas, pour vous ?
41:34 -Alors, là aussi, c'est comme avec Emmanuel Macron.
41:38 Il y a, face, évidemment, au mur du réel,
41:41 une prise de conscience.
41:43 Il y a certaines choses qui ont changé,
41:45 et en tout cas, les discours ont très clairement changé.
41:47 C'est-à-dire qu'on peut désormais dire
41:49 que l'Europe doit protéger,
41:51 on peut désormais se dire que l'Europe
41:53 doit être une puissance politique
41:55 et pas seulement un grand marché ouvert à tous les vents
41:57 et uniformisé.
41:59 C'est déjà pas mal, mais concrètement,
42:01 le problème de l'Union européenne,
42:03 c'est qu'elle a changé de nature.
42:05 Ce n'est pas celle de 1957,
42:07 qui était faite pour préparer la préférence communautaire,
42:10 c'est-à-dire on se protège autour
42:12 et on libéralise à l'intérieur.
42:14 A partir de l'acte unique,
42:16 l'ensemble des traités
42:18 sont, en fait, faits pour valider
42:21 un système de dérégulation.
42:23 Aujourd'hui, la difficulté, c'est ça.
42:25 Quand vous interrogez des entrepreneurs,
42:27 ils vous expliquent que c'est une mise en concurrence totale
42:30 et l'élargissement empêche,
42:33 au fur et à mesure,
42:35 les outils démocratiques de revenir là-dessus.
42:37 -On n'en est pas encore à un nouvel élargissement.
42:39 Vous avez énormément travaillé
42:41 sur les ravages de la mondialisation,
42:43 le creusement des inégalités,
42:45 l'Europe d'aujourd'hui, est-ce qu'elle a réalisé ça ?
42:48 Est-ce que c'est déjà le meilleur échelon pour vous
42:50 pour essayer de combattre ça ?
42:52 -Premièrement, je pense qu'on n'a pas trouvé
42:55 de meilleur échelon que celui
42:57 qui est l'échelon de la démocratie,
42:59 c'est-à-dire l'État-nation.
43:01 Pour l'instant, l'Europe sera sans doute un jour
43:03 un échelon véritablement démocratique.
43:05 Pour l'instant, c'est trop éloigné,
43:07 il y a trop de strates,
43:09 et c'est d'ailleurs pour ça que vous avez une guerre de pouvoir
43:11 entre Ursula von der Leyen, à la tête de la Commission,
43:13 et les États membres, tout simplement,
43:16 et leurs représentants au sein du Conseil de l'Europe.
43:18 Donc, on voit bien qu'il y a une tentative
43:21 pour essayer, petit à petit...
43:23 -Mais c'est trop tôt pour conclure.
43:25 La guerre en Ukraine, évidemment, très présente
43:27 dans le livre "Véritable déflagration"
43:29 pour la France, pour l'Europe,
43:31 on a dû se priver du gaz russe,
43:33 avec les conséquences qu'on connaît.
43:35 On vous reproche parfois votre anti-américanisme,
43:37 qui vous aurait conduit à une forme d'aveuglement
43:39 sur Vladimir Poutine.
43:41 Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
43:43 -Si vous regardez mes écrits,
43:45 j'ai toujours considéré Vladimir Poutine
43:47 comme un type dangereux, épouvantable,
43:49 un dictateur, et franchement,
43:51 je n'ai jamais eu la moindre tendresse.
43:53 Pourquoi ? Parce que, tout simplement,
43:55 depuis tout à l'heure, je vous parle de démocratie,
43:57 je vous parle de donner le pouvoir au peuple.
43:59 Il est le contraire de ça.
44:01 En revanche, ce n'est pas parce qu'on déteste
44:03 ce qu'il incarne et sa façon
44:07 de détruire, petit à petit,
44:09 l'ensemble des outils démocratiques
44:11 et la société russe,
44:13 c'est pas parce qu'on déteste ça
44:15 qu'il faut s'aveugler sur le fait
44:17 qu'il y a un retour des empires,
44:19 qu'il y a un jeu géopolitique,
44:21 qu'il y a une guerre de l'information.
44:23 Et je pense que la seule question
44:25 qu'on doit se poser face à un conflit
44:27 aussi atroce dont Vladimir Poutine
44:29 est coupable, on est bien d'accord,
44:31 c'est lui qui est envahi et c'est l'Ukraine
44:33 qui est victime. Ça, il n'y a pas de débat là-dessus.
44:35 En revanche, le débat, c'est de savoir
44:37 comment on combat ça et comment
44:39 on fait en sorte que les Européens
44:41 puissent préserver leur sécurité
44:43 face à, justement, des empires
44:45 qui leur passent par-dessus la tête.
44:47 Parce que le problème des Etats-Unis,
44:49 c'est qu'ils ont été,
44:51 depuis deux ou trois décennies,
44:53 fauteurs de guerre, absolument partout.
44:55 Et qu'ils ont fait des catastrophes.
44:57 Et que ce ne sont jamais eux
44:59 qui payent le prix de ces catastrophes.
45:01 Ce sont les peuples, quels qu'ils soient,
45:03 très souvent, d'ailleurs, en Afrique
45:05 ou au Moyen-Orient... -Mais qu'un Joe Biden,
45:07 hier, qui avertit Netanyahou à ne pas refaire
45:09 les erreurs américaines d'après le 11 septembre.
45:11 -Heureusement, c'est le minimum.
45:13 -Parce que nos affrochés nous attendent
45:15 et vous allez réagir à leur parti pris, Marine Le Pen,
45:17 pour revenir en France.
45:19 Son ascension est-elle arrêtable ?
45:21 -Oui. -Rien n'est perdu ?
45:23 -Bien sûr, là aussi, rien n'est perdu.
45:25 Pourquoi ? Parce qu'encore faut-il comprendre
45:27 ce qui fait monter Marine Le Pen.
45:29 Ce qui fait monter Marine Le Pen,
45:31 c'est l'impression, chez beaucoup de citoyens,
45:33 que ce système les écrase et qu'ils n'ont pas de prise.
45:35 Mais répondons au problème.
45:37 Est-ce que, depuis six ans qu'Emmanuel Macron
45:39 est au pouvoir, l'école va mieux ?
45:41 Est-ce que la santé va mieux ?
45:43 Est-ce que les services publics vont mieux ?
45:45 Est-ce que les transports, le train, va mieux ?
45:47 Est-ce qu'il y a eu un véritable aménagement du territoire ?
45:49 Est-ce qu'il y a eu une politique du logement ?
45:51 Quand on fera ça, je peux vous assurer
45:53 que les gens n'éprouveront pas le besoin
45:55 de voter pour le Rassemblement national
45:57 parce qu'au fond d'eux, ils n'en ont pas forcément envie.
45:59 -Vous restez avec moi, Natacha Polony.
46:01 Rien n'est perdu, vous l'avez compris.
46:03 C'est du Polony pur jus, c'est-à-dire
46:05 aux éditions de l'Observatoire.
46:07 Les affrochés, tout de suite, on les accueille
46:09 pour leur parti pris.
46:11 Allez, rapidement, vous l'avez compris,
46:13 j'ai pris de retard, je suis incorrigible.
46:15 Yael Ghos, de France Inter,
46:17 chef du service politique éditorialiste.
46:19 Et Delphine Sabatier, de Bissmarck.
46:21 On commence, comme chaque soir,
46:23 par l'histoire du jour à l'Assemblée.
46:25 C'est Bourbon Express. Vous nous la racontez ce soir.
46:27 Quelle histoire, Stéphanie Despierre ?
46:29 -L'histoire d'un député qui porte plainte
46:31 contre un autre député, Belkir Belhada,
46:33 des députés Renaissance de Moselle.
46:35 Il vient de confirmer en conférence de presse
46:37 qu'il dépose plainte contre Laurent Jacobelli,
46:39 député de Moselle lui aussi,
46:41 et porte-parole du Rassemblement national.
46:43 Une plainte pour diffamation et injure.
46:45 C'est la conséquence d'une altercation
46:47 qui a eu lieu vendredi à Ayange.
46:49 Je vous redonne un peu le contexte.
46:51 Depuis des mois, le ministre Olivier Véran
46:53 enchaîne les déplacements dans les villes
46:55 gérées par l'extrême droite,
46:57 ce qui exaspère l'état-major, le péniste.
46:59 Et ce matin-là, le porte-parole du gouvernement
47:01 est donc à Ayange,
47:03 dans la circonscription de Laurent Jacobelli,
47:05 avec d'autres députés du département.
47:07 Belkir Belhada et Laurent Jacobelli
47:09 se retrouvent donc côte à côte.
47:11 Petit à petit, la tension monte
47:13 jusqu'à l'insulte.
47:15 Regardez les images tournées par la presse locale.
47:17 Alors, madame Leduc,
47:29 c'est une députée de la France insoumise.
47:31 Ensuite, il y a un moment de silence,
47:33 mais les postures en disent long
47:35 et puis ça dérape.
47:37 J'vous bats la taracaille.
47:51 À la fin de la matinée, Laurent Jacobelli
47:53 s'excuse auprès de son collègue.
47:55 Le soir, il publie un message en demi-tente.
47:57 M. Belhada multiplie les attaques,
48:01 voire les insultes
48:03 contre les élus et les électeurs du RN.
48:05 Son comportement lors de la visite
48:07 du ministre Ayange a été tout à fait inadapté.
48:09 Je reconnais bien volontiers
48:11 que ma réaction était maladroite,
48:13 mais il n'y avait aucun sous-entendu
48:15 dans mes propos.
48:17 Mais le député Renaissance
48:19 ne veut pas laisser passer.
48:21 Me traiter de racaille
48:23 et faire allusion
48:25 de manière scandaleuse
48:27 au Hamas alors que mon combat
48:29 pendant 20-25 ans a été la lutte
48:31 contre le terrorisme
48:33 est purement scandaleux.
48:35 Sous leurs apparences
48:37 de personnalités
48:39 bien habillées
48:43 sur eux-mêmes et présentant bien,
48:45 mais derrière, le fond
48:47 est vraiment un fond raciste,
48:49 xénophobe.
48:51 Et chacun essaye d'exploiter cette polémique.
48:53 Immédiatement, la vidéo est diffusée,
48:55 relayée massivement par les députés
48:57 Renaissance, par les ministres.
48:59 Depuis des mois, le camp présidentiel
49:01 cherche un moyen de prendre en défaut
49:03 le Rassemblement National. A l'Assemblée,
49:05 le groupe Renaissance a même créé une petite équipe
49:07 de députés chargés de le contrer
49:09 politiquement, mais ils ont du mal à trouver
49:11 des points d'accroche. Alors là, évidemment,
49:13 l'occasion est trop belle.
49:15 Yael Brounepivet, présidente de l'Assemblée,
49:17 ne peut pas sanctionner un député
49:19 pour des propos tenus en dehors du Palais-Bourbon.
49:21 À la place, elle annonce qu'elle se porte
49:23 partie civile aux côtés de Belkir Belhadad,
49:25 ce qui provoquera une grosse colère
49:27 de Marine Le Pen lors de la réunion
49:29 des présidents de groupe mardi dernier.
49:31 Et le parti, le RN, alors, est-ce qu'il se
49:33 désolidarise de Jacques Obéli ?
49:35 Non, Jacques Obéli est soutenu, tout du moins
49:37 en public. Le président du
49:39 Rassemblement National a essayé
49:41 de minimiser ses propos
49:43 et au passage, il en profite pour viser
49:45 la France insoumise.
49:47 Y a eu une petite bisbille à ce sujet.
49:49 C'est racaille, quoi, joue pas ta racaille.
49:51 Oui, il y a eu une dispute, c'est un mot que je n'aurais
49:53 pas utilisé, qui est maladroit, Laurent Jacobéli le regrette.
49:55 Mais enfin, s'il a foudre
49:57 sa bas sur un député du RN, parce qu'il a
49:59 utilisé le mot "racaille"...
50:01 À l'endroit d'un aîné de la République, pas en général.
50:03 Oui, bon d'accord, ils étaient en train de se...
50:05 Non mais les deux se sont pris la tête.
50:07 En revanche, j'ai vu la France insoumise condamner
50:09 très durement ce mot "racaille"
50:11 et j'ai un peu le sentiment que la France insoumise est un peu
50:13 plus dure avec le mot "racaille" qu'avec les agissements
50:15 terroristes du Hamas.
50:17 La meilleure défense, c'est l'attaque. C'est vieux comme le monde,
50:19 mais Marine Le Pen et ses députés savent que cette vidéo
50:21 porte attente à l'image de respectabilité
50:23 qu'ils essayent de cultiver depuis 2022.
50:25 Ah, ils en ont changé, ce parti.
50:27 Merci beaucoup, Stéphanie.
50:29 On enchaîne avec vous, Yael.
50:31 Comment résister au terrorisme
50:33 sans renier nos libertés ?
50:35 Vous avez trois minutes.
50:37 Ça sera moins que ça. Je ne sais pas si vous avez vu cette conversation
50:39 impromptue en plein Paris cet après-midi,
50:41 des images captées par nos confrères de Brut.
50:43 Emmanuel Macron est interpellé
50:45 par des jeunes qui veulent comprendre
50:47 pourquoi les manifestations
50:49 pro-palestiniennes étaient interdites
50:51 jusqu'à ce soir.
50:53 "Il fallait respecter un délai de décence",
50:55 c'est la réponse que fait le président.
50:57 "Mieux vaut défendre la paix,
50:59 c'est beaucoup plus efficace que de se déchirer."
51:01 Fin de citation.
51:03 "Éviter la déchirure", voilà,
51:05 parfaitement résumé, le fil fragile
51:07 sur lequel nous sommes. Mais ce fil,
51:09 à la longue, peut-il se rompre ? On a vu
51:11 hier le Conseil d'Etat
51:13 remettre à sa place un ministre, Gérald Darmanin,
51:15 ministre de l'Intérieur. Non, une interdiction nationale
51:17 de manifester, ça n'existe pas.
51:19 C'est localement, à chaque préfet,
51:21 de décider, de motiver,
51:23 si oui ou non, une manif est autorisée.
51:25 - Donc vous trouvez que le gouvernement
51:27 a pêché par excès de précautions ?
51:29 - Alors, mettez-vous à sa place
51:31 de minute. Il est jugé, le ministre,
51:33 dans l'opinion, pour sa capacité à nous protéger.
51:35 Il est là pour ça. Mais méfions-nous
51:37 de l'hypercommunication et de la surcommunication.
51:39 Depuis quelques jours,
51:41 plusieurs propos de Gérald Darmanin
51:43 méritent qu'on les questionne.
51:45 D'ailleurs, même le maire de Cannes,
51:47 ce matin, le LR David Lissnard,
51:49 s'agace de la propension du ministre
51:51 à voir des attentats partout.
51:53 Il fait référence à l'arrestation,
51:55 hier, dans sa ville, d'un individu qui menaçait
51:57 un garagiste avec un couteau.
51:59 "Non, tout n'est pas un attentat",
52:01 écrit Lissnard. De la même manière,
52:03 est-ce que l'excès de signalements
52:05 ne dénature pas le signalement ?
52:07 Dire de ses adversaires politiques
52:09 qu'ils font l'apologie du terrorisme,
52:11 est-ce que c'est bien proportionné en droit ?
52:13 On pense à ce qui arrive à la députée LFI,
52:15 Daniel Obono. Mais les juges,
52:17 c'est pas la priorité de Darmanin.
52:19 Au contraire, à l'écouter,
52:21 il freine son action et,
52:23 passés outre les condamnations, par exemple,
52:25 de la Cour européenne des droits de l'homme,
52:27 c'est même vu comme un acte de bravoure.
52:29 La France souveraine perd à l'amende,
52:31 mais au moins, on aura expulsé
52:33 qui on veut, un discours anti-CEDH
52:35 qui était autrefois l'apanage
52:37 de l'extrême droite. - Y a-t-il d'autres exemples ?
52:39 - La polémique sur Karim Benzema,
52:41 on est en plein dedans. La star du foot
52:43 traîne sa mauvaise réputation, c'est vrai.
52:45 Son message pour Gaza, mais son silence
52:47 sur le pogrom du 7 octobre
52:49 le rendrait suspect.
52:51 Un mauvais Français de papier,
52:53 rancherie Nadine Morano,
52:55 mais c'est bien le ministre de l'Intérieur
52:57 qui a encore le montre du doigt sur la place publique.
52:59 Quel est le non-dit derrière tout ça ?
53:01 "Musulmans de France, montrez-nous
53:03 "que vous êtes vraiment des amoureux
53:05 "de la République." Enfin, on a plus le temps,
53:07 mais le projet de loi immigration qui arrive en novembre
53:09 au Sénat, est-il en train de changer de nature
53:11 et de se muer progressivement en loi
53:13 anti-terroriste ? Attention,
53:15 le terrain pourrait devenir très glissant.
53:17 - Une petite réaction, rapidement ?
53:19 - Je pense que c'était une stupidité
53:21 d'interdire les manifestations.
53:23 Quoi qu'on pense ensuite des slogans
53:25 qu'on peut trouver dans ces manifestations,
53:27 il ne faut pas donner l'impression qu'il y a des morts
53:29 qui ne comptent pas face aux autres.
53:31 Il y a des crimes de guerre, il faut le dire.
53:33 Mais à côté de ça, la CEDH
53:35 qui oblige un pays à garder
53:37 des gens qui sont des terroristes,
53:39 des délinquants, sous prétexte de préservation
53:41 des droits individuels, on aimerait bien
53:43 que le droit serve à protéger
53:45 les citoyens des pays européens
53:47 et pas des gens qui enfreignent les lois.
53:49 - C'est dit, on ne va pas refaire le débat,
53:51 mais c'est intéressant. On termine avec
53:53 la fracture numérique, encore une nouvelle fracture.
53:55 C'est le directeur général
53:57 d'Orange qui le dit, il a fait une déclaration
53:59 très claire. "100 % des Français
54:01 n'auront pas accès à la fibre optique."
54:03 Delphine. - Pour qu'on comprenne,
54:05 la fibre optique, c'est aujourd'hui la technologie
54:07 la plus au point si on veut être connecté
54:09 très rapidement à Internet
54:11 avec une excellente fiabilité.
54:13 Ce que dit Orange, c'est que tous les Français
54:15 n'auront pas le droit.
54:17 Ça a vraiment du mal à passer, même si
54:19 on précise quand même que le plan
54:21 France très haut débit devra
54:23 être respecté d'ici à 2025.
54:25 Tous les Français seront raccordés
54:27 normalement au très haut débit,
54:29 à cette connexion à grande vitesse
54:31 à Internet. Simplement, ce que dit
54:33 Orange, c'est que dans les endroits isolés,
54:35 très difficiles d'accès,
54:37 eh bien, là où on ne pourra pas
54:39 aller poser cette fibre optique,
54:41 on proposera des alternatives
54:43 type satellite 5G
54:45 et bon, tout le monde n'est pas
54:47 satisfait avec ça, ça génère même de grandes inquiétudes.
54:49 - Alors pourquoi précisément ?
54:51 - Parce que cette annonce, elle se télescope
54:53 avec une autre qui est plus ancienne,
54:55 qui est la fin du réseau téléphonique
54:57 analogique, donc ce réseau
54:59 cuivre qui nous a servi à téléphoner
55:01 pendant de nombreuses années, mais qui
55:03 aujourd'hui sert encore à des millions de personnes
55:05 à être connectées à Internet, notamment par
55:07 ADSL. Eh bien, ça, en 2030,
55:09 c'est terminé. Donc, autant vous dire
55:11 que l'association des
55:13 villes et des collectivités
55:15 qui s'intéressent et qui travaillent sur
55:17 l'aménagement numérique des territoires, quand on leur
55:19 dit qu'il y a l'ADSL qui s'arrête et
55:21 le réseau cuivre, pardon,
55:23 et la fibre optique qui ne va pas aller chez tout le monde,
55:25 là, ils disent "non, c'est pas possible,
55:27 on va avoir des Français qui vont être laissés sur le bord
55:29 de la route". - Donc, des Français qui
55:31 n'ont pas à voir accès à Internet s'ils n'ont pas
55:33 la fibre, c'est ça ? - Alors, quand même,
55:35 on peut être rassurant. Je rappelle ce plan France
55:37 très haut débit qui nous dit à 2025 qu'on aura
55:39 tous accès à Internet à très haut débit.
55:41 Il y a quand même 86% aussi
55:43 déjà des Français qui peuvent se connecter
55:45 à la fibre optique,
55:47 mais les derniers raccordements
55:49 sont les plus difficiles.
55:51 Toute la profession me l'a confirmé. C'est vraiment
55:53 compliqué. Sur le terrain, il y a des difficultés,
55:55 il y a des connexions qu'on n'arrive pas à faire.
55:57 Donc, qu'est-ce qui va se passer pour ces derniers
55:59 Français à être connectés ? Moi, je dis
56:01 que oui, les collectivités ont raison
56:03 de ne pas lâcher sur ce sujet,
56:05 parce que
56:07 demain, si on n'a pas la fibre optique,
56:09 on n'aura pas l'optimum
56:11 pour se connecter au monde numérique.
56:13 Donc, ça va faire une France à deux vitesses.
56:15 Donc, il ne faut pas lâcher. C'est une question politique.
56:17 - Encore de la fracture.
56:19 - On attend la réponse du gouvernement, d'ailleurs.
56:21 - Allez, 5 secondes, forcément.
56:23 Quand vous avez encore des endroits en France
56:25 où les gens ne captent pas le téléphone
56:27 chez eux et qu'on leur explique
56:29 que c'est pas grave, vous n'avez qu'à aller au bout de la rue,
56:31 je l'ai entendu de la part de politique, c'est hallucinant.
56:33 - Alors, quand la grande technologie arrive,
56:35 c'est pas pour tout le monde.
56:37 - D'équilibrer entre les citoyens pour qu'ils aient tous
56:39 les moyens d'exercer leur liberté.
56:41 - On s'arrête là. Merci sur ce mot
56:43 de liberté pour tous. Merci.
56:45 Les a franchis. Stéphanie Despierre,
56:47 à très vite et merci à vous, Natacha Polony,
56:49 d'avoir passé l'heure avec nous.
56:51 Rien n'est perdu, ce sont vos chroniques
56:53 2018-2023, les meilleures
56:55 de Natacha Polony dans Marianne,
56:57 c'est-à-dire aux éditions de L'Observatoire.
56:59 Très belle soirée documentaire
57:01 qui commence avec Jean-Pierre Gratien.
57:03 A demain.
57:05 ...

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