Les matchs de ma vie - Patrick Guillou

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Sports
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00:00 ♪ ♪ ♪
00:03 - Hello et bienvenue sur le podcast
00:04 "Les matchs de ma vie".
00:06 À travers cinq matchs de foot, notre invité parle de son amour
00:09 pour ce sport et nous ouvre aussi sur quelques chapitres
00:12 de sa vie. Cinq matchs à raconter, beaucoup de bonheur
00:15 à partager avec vous, où que vous soyez,
00:17 où que vous nous écoutiez.
00:19 Merci déjà de nous avoir choisis.
00:21 C'est parti pour ce nouveau numéro de "Les matchs de ma vie"
00:24 avec moi, Darren Tullett, et notre invité aujourd'hui
00:26 qui est... - Patrick Guillaume.
00:29 - C'est une bonne réponse. Ravie de t'avoir avec nous, Pat.
00:31 On ne va pas cacher qu'on se connaît, bien sûr,
00:33 que j'ai eu le plaisir de collaborer avec toi
00:35 très souvent sur "Beansport" grâce aux matchs de Bundesliga
00:38 que tu commandes très souvent
00:40 avec l'ami Jean-Charles Batier, bien sûr.
00:42 D'ailleurs, pour bien te présenter à ceux qui ne te connaissent
00:44 pas aussi bien que moi, Pat, tu es né en Allemagne,
00:47 ta carrière de footballeur commence là-bas
00:49 avec ton club de coeur, Fribourg,
00:51 puis à Bochum, avant de venir jouer en France
00:54 avec notamment le SADRENÉ, la Berrichonne de Châteauroux,
00:57 la Sainte-Étienne et Sochaux.
01:00 Et pour ceux qui n'ont pas eu la chance de te voir jouer, Pat,
01:02 comment tu te décris comme joueur déjà ?
01:06 - Un poète, fin techniquement,
01:09 un peu frêle sur le terrain.
01:11 - En mars, je suis avec Johan Cruyff, en fait.
01:13 - Voilà, exactement.
01:15 Belle vision du jeu et qualité dans la dernière passe.
01:19 Bien sûr, vu que je suis né en Allemagne,
01:22 vu que j'ai été élevé au football allemand,
01:26 grandi à la mamelle du foot allemand,
01:28 bien sûr que mes deux grands piliers
01:30 seront la rigueur et puis le physique.
01:34 Donc ça veut dire un défenseur rugueux,
01:36 un défenseur où, dans une autre époque,
01:38 on avait le droit de lever un peu plus haut le pied qu'actuellement.
01:43 Et j'ai essayé d'imposer des duels très physiques
01:46 dans l'entraînement pour essayer de me mettre l'attaquant dans la poche
01:49 et avec la volonté qu'il sente mon souffle dans sa nuque.
01:53 - Donc comme tu disais, un poète.
01:56 Pour les amateurs de coupe de cheveux des années 80,
01:59 faites-vous plaisir en allant chercher les photos de Patrick Guilhou
02:02 de cette époque assez merveilleuse, il faut dire un sacré style.
02:05 Allez, sans plus attendre, c'est parti pour les Matchs de la vie
02:08 de Patrick Guilhou.
02:09 Pat, match numéro un, quel est ton choix et pour quelles raisons ?
02:15 - Alors, quand tu es binational, ce match a extrêmement d'importance.
02:21 Il s'agit en 82 d'une demi-finale de Coupe du Monde à Séville
02:25 et un France-Allemagne qui vaut tout son peson d'or.
02:30 Comme je le disais, j'ai grandi, j'ai été élevé au football allemand
02:34 et donc spontanément, je suivais les clubs allemands
02:39 dans leur championnat, je suivais aussi la sélection allemande
02:42 jusqu'à ce match de 82.
02:44 Je replace, si tu me le permets Darren, un peu dans le contexte,
02:47 j'habite ou je reviens de Côte d'Ivoire
02:50 parce que j'ai aussi grandi en Côte d'Ivoire
02:52 et je reviens le jour même de cette demi-finale
02:55 d'un passage en Côte d'Ivoire depuis deux ans
02:57 et je viens pour cette demi-finale.
02:59 J'ai un cousin qui vient nous chercher à l'aéroport Charles de Gaulle
03:02 et qui nous dit "vite, vite, il y a une demi-finale de Coupe du Monde,
03:04 je ne veux pas la louper" et hop, on part de Roissy
03:07 et on va à Saint-Germain-en-Laye.
03:08 Vous vous doutez bien, pour ceux qui ne connaissent pas Paris,
03:10 qu'il s'agit d'un énorme bout de chemin et qu'il fallait assister au coup d'envoi.
03:14 - Là, tu as 12 ans. - Là, j'ai 12 ans.
03:17 Je viens, on est avec ma maman, on est tous les deux avec ma maman
03:21 et on est bien sûr pour le football allemand
03:24 et on va être contre une quinzaine, une vingtaine de personnes,
03:26 entre guillemets, de la famille qui seront tous pour les Français.
03:30 Et donc, ce match va changer littéralement ma vision du football.
03:35 Parce que comme je disais tout à l'heure, j'étais un défenseur rugueux
03:39 et on arrive avec tout ce qui se fait de mieux du football français
03:44 sur cette Coupe du Monde avec les Giresse, avec les Tiganas,
03:48 avec les Platini, avec les Batistons, avec les Christian Lopez,
03:52 avec toute cette génération-là et on n'avait jamais gagné de Coupe du Monde.
03:56 Aujourd'hui, ça paraît, avec Mbappé ou avec Zidane,
03:59 simple de dire "on est champions du monde".
04:01 Mais à l'époque, on n'était pas champions du monde
04:03 et on allait chercher cette première étoile
04:05 et cette génération Platini a amené tout le monde dans son sillage.
04:09 - Sauf que là, pardon, je te coupe, mais là, tu dis "on".
04:12 Mais au moment du match, est-ce que tu pensais "on"
04:16 ou est-ce que tu étais du côté d'Allemande ?
04:18 Parce que c'est ta maman qui est allemande.
04:20 - Oui, ma maman est allemande, moi je suis né en Allemagne,
04:22 c'est ma langue maternelle, donc forcément, au départ,
04:25 comme je ne suis toujours que le foot allemand, je ne disais pas "on".
04:28 Effectivement, et tu as raison de le relever.
04:30 Sauf que quand je disais tout à l'heure, ça a changé littéralement les choses pour moi.
04:34 C'est que je vois l'évolution du score, 1-0, 1-1,
04:37 et puis après les prolongations, 2-1, 3-1, Giresse,
04:41 qui marque un but formidable, Marius Trésor qui met ce but extraordinaire.
04:45 Et je sens quelque chose qui va arriver, qui est annonciateur,
04:51 c'est la rentrée de Karl-Heinz Rummenigge.
04:53 Et là, je sens tous les Français qui partagent ce match avec moi avoir peur.
04:59 Rummenigge rentre, c'était à l'époque le joueur star,
05:03 et seulement en Allemagne, mais aussi dans le monde entier.
05:05 Et on sent aussi cette peur qui arrive un tout petit peu aussi
05:09 dans les joueurs français, dans les têtes françaises.
05:11 Et bien sûr, il y a la réduction du score, bien sûr, il y a le 3-3,
05:14 bien sûr, il y a l'attentat de Tony Schumacher sur Battiston,
05:18 bien sûr, il y a cette séance interminable de tir au but,
05:20 il y a une frappe aussi sur la transversale en fin de match,
05:23 il y a Manu Amoros qui a des ailes, c'est lui qui a révolutionné le poste de latéral.
05:27 C'était un match de folie.
05:30 Et ça change ma vision, parce que je vois pas uniquement
05:36 parce que la France perd finalement contre les Allemands au tir au but,
05:39 Maxime Bossis qui rate le dernier penalty,
05:42 mais je vois plein de gens pleurer.
05:45 Et à la limite, en 78, je l'avais déjà vécu parce qu'en garnison,
05:49 mes parents avaient invité les jeunes soldats à venir,
05:52 et quand on perd contre l'Argentine, je vois des gens pleurer et tout ça.
05:54 C'est pas ça, mais ce sentiment d'injustice.
05:56 J'ai 12 ans et pour la première fois,
06:01 je me rends compte que tous les moyens ne sont pas bons pour gagner,
06:05 même si c'est une Coupe du monde, même si c'est le monde professionnel.
06:08 Je trouve ça d'une injustice énormissime
06:11 que Schumacher qui sort de sa surface, qui joue absolument pas le ballon,
06:14 qui décide vraiment de couper volontairement Patrick Batiston,
06:17 je le vois sur la civière, alors après on apprendra,
06:20 parce que j'étais encore trop gamin, les dents qui tombent.
06:22 Je me rappelle de cette image de Platini qui tient
06:26 Patrick Batiston dans la main sur la civière.
06:28 Je vois tous les joueurs français qui sont livides,
06:32 et derrière le contraste avec la qualification des Allemands,
06:36 et on a tout oublié, alors que moi,
06:38 avec mes yeux de gamin, je trouve ça hyper impactant
06:41 et je me dis à un moment donné,
06:42 non, ça doit pas être ça le football que je dois aimer.
06:44 Et donc c'est pour ça que depuis ce jour-là,
06:47 j'ai dit qu'à chaque fois qu'il y a un France-Allemagne,
06:49 je serai toujours pour la France.
06:51 A cause de Schumacher, à cause de cette,
06:54 entre guillemets, parce qu'il faut relativiser la puissance des mots,
06:56 mais attentat, parce que c'était comme ça que c'était qualifié à l'époque,
06:59 de Tony Schumacher sur Batiston.
07:03 Après, il y a des opérations de com' qui ont été faites.
07:05 Je tenais absolument, par exemple,
07:07 à assister à l'inauguration du stade de la Meno.
07:12 Et pour ce stade de la Meno, c'était un France-Allemagne,
07:16 avec la première fois que Tony Schumacher
07:18 revenait au stade de la Meno et revenait en France,
07:20 avec la bronca, bien sûr, qu'il y a eu.
07:22 Et je l'ai expliqué aussi à ma mère,
07:25 parce que ma mère est très importante pour moi.
07:28 Pourquoi, à un moment donné, quand il y a eu, par exemple,
07:31 à l'Euro, récemment à Marseille, un France-Allemagne,
07:35 j'étais pour la France, ou à chaque fois.
07:36 - En 2016, oui.
07:37 - Darren, il y a un avantage, comme toi aussi,
07:41 alors tu n'es pas binational, mais tu es devenu binational.
07:44 Quand il y a une compétition, au moins, on peut supporter deux équipes.
07:47 Si il y en a une qui se fait éliminer au premier tour,
07:49 on supporte la deuxième.
07:50 - Une fois que l'Angleterre n'est plus là, je suis pour la France.
07:53 - Et donc, cette chose-là, je l'ai gardée en moi,
07:57 mais je l'ai transférée aussi, pas uniquement au football,
08:01 j'ai transférée aussi à d'autres sports.
08:03 Quand il y a un France-Allemagne au volet, je vais supporter la France.
08:06 Quand il y a un sport, un France-Allemagne au basket,
08:09 je vais être pour la France, et systématiquement au hockey sur glace,
08:12 ou aux hand, surtout aux hand,
08:14 parce qu'il y avait ces confrontations-là aussi.
08:16 Voilà, et derrière...
08:18 Après, sur les sports individuels, à la limite,
08:21 je n'ai pas cet engouement de dire "c'est un Français qui va gagner",
08:24 ou que ce soit un Allemand, mais sur les sports co,
08:26 là, je ne serai plus jamais, si il y a un France-Allemagne, pour les Allemands.
08:29 - OK, revenons un petit peu sur cette soirée.
08:31 Donc, tu es avec la famille, tu es aussi avec ta maman.
08:34 Papa, il est où ?
08:35 - Mon père est encore en Côte d'Ivoire.
08:36 Nous, on rentre, parce que ma mère reçoit une mutation à Fribourg,
08:41 et elle accepte de revenir en Allemagne après notre premier passage en Forêt Noire,
08:45 et on se retrouve dans l'avion avec cette demi-finale qui nous pend au nez.
08:50 - Donc, tu es habité, tu es petit, tu es dans la Forêt Noire.
08:54 Ça ne doit pas être du gâteau, ça ?
08:56 - Non, oui, oui, c'est un goût assez cerise,
08:59 mais c'est vrai que le fait d'être né en Allemagne et d'être né en garnison,
09:06 d'être fils de militaire ou fils de diplomate,
09:08 ça importe quand on est à l'étranger, beaucoup de choses,
09:11 parce qu'on est éduqué, il ne faut jamais sortir des clous,
09:15 il faut toujours rester dans le rang, il ne faut pas se faire remarquer,
09:18 il faut toujours avoir le pantalon bien repassé, la chemise bien repassée.
09:23 - Ça veut dire qu'à la maison, c'est assez strict ?
09:26 - Ah oui, oui, oui, oui, oui,
09:28 et je ne cache rien, je n'ai pas besoin de dire à mon père
09:31 et je ne vais pas faire une révélation fracassante,
09:33 les relations, et puis ce que tu me chambrais tout à l'heure sur mes coupes de cheveux,
09:38 c'est qu'effectivement, je me cherchais capillairement,
09:42 mais c'est surtout à un moment donné, quand je suis parti de la maison,
09:45 je vivais, je vivais, je pouvais avoir la coupe de cheveux que je voulais,
09:49 c'était une forme de liberté de se faire pousser les cheveux,
09:51 alors que je l'avais toujours coupé au sabot
09:53 et que je n'avais pas envie d'avoir des cheveux longs
09:54 parce que ça n'existait pas dans l'armée,
09:56 moi je ne faisais pas mon service militaire,
09:58 je n'ai pas fait mon service militaire,
09:59 mais pendant 18 ans, je peux vous garantir que j'ai fait mon service militaire.
10:02 Mais voilà, de cette double culture, j'en ai gardé l'essentiel,
10:06 ce qui me caractériserait aujourd'hui, grâce à cette culture, grâce à cette éducation,
10:11 c'est peut-être la fantaisie dans la rigueur,
10:14 c'est une phrase qui me caractérise,
10:17 mais il ne fallait pas beaucoup moufter à la maison, même dans l'adolescence.
10:23 D'accord, donc papa français, maman allemande,
10:26 et toi à 12 ans, tu jouais déjà au foot j'imagine ?
10:30 Alors c'est aussi un parcours un peu singulier, un peu particulier,
10:34 ce qui explique peut-être pourquoi je n'ai pas percé au plus haut niveau,
10:38 c'est que j'ai grandi en Forêt Noire,
10:40 j'ai joué avec mon premier entraîneur, monsieur Neumann à Finingen,
10:46 mais je suis parti vivre en Côte d'Ivoire,
10:48 et pendant deux ans en Côte d'Ivoire, je n'ai pas joué au foot,
10:51 parce que c'était très compliqué, là on n'était pas en garnison, on était en camp,
10:54 c'est-à-dire qu'on arrivait, on représentait la France à l'étranger,
10:58 et on était véritablement comme un campante,
11:00 vraiment dans un camp où tous les militaires, officiers comme sous-officiers,
11:04 habitaient dans une superficie énormissime,
11:07 gardés par des chars, gardés par des brigades cynophiles,
11:12 c'était un truc de folie.
11:14 Mais derrière, j'ai joué au rugby là-bas,
11:17 parce qu'il y avait des possibilités de jouer,
11:21 pas forcément au foot, mais au rugby,
11:23 ce qui explique aussi, peut-être quelques fois, deux choses,
11:25 pourquoi j'ai eu un comportement assez rustre sur le terrain,
11:28 mais respectueux envers le corps arbitral,
11:30 mais ce qui explique aussi, parce que je n'ai pas fait de centre de formation,
11:33 des déficits au niveau technique, des déficits au niveau tactique,
11:36 que j'ai toujours compensés par ma force de travail et mon physique.
11:39 Donc le sport à la maison, quand tu es petit, ça a quelle place ?
11:44 Ma mère m'a rapidement expliqué
11:48 qu'elle me laissait le choix entre un sport individuel et un sport collectif,
11:53 mais que c'était hyper important pour le développement,
11:56 non seulement physique mais aussi intellectuel,
11:58 et aussi au développement des valeurs de faire du sport.
12:01 J'ai choisi après avoir fait du vélo, après avoir fait de la natation,
12:03 après avoir fait du ski, parce qu'on avait toutes ces opportunités-là,
12:06 c'était un eldorado pour nous quand on était fils de militaire ou fils de diplomate,
12:10 on pouvait toucher avec le monde associatif plein de sports,
12:13 j'ai choisi parce que je le voulais et parce que je me sentais plus à l'aise un sport collectif,
12:17 parce qu'il y avait l'intégration, parce qu'il y avait les échanges,
12:21 parce que dans un sport individuel si un jour tu es moins bien,
12:25 tu es sur la touche, tu es dehors, tu ne gagnes pas ton match.
12:28 Quand il y a un partenaire qui est moins bien sur un match,
12:31 tu peux malgré tout quand même remporter et avoir une satisfaction collective
12:35 alors que tu es un petit peu en dedans.
12:37 Donc moi j'aimais quand j'étais tout gamin,
12:39 et bien aussi quand je parlais de vainqueur d'intégration,
12:42 même si c'était ma langue maternelle,
12:43 mais j'ai su parfaire mon vocabulaire dans les vestiaires allemands,
12:47 en jouant au foot avec des Allemands, en jouant au foot avec des Yougoslaves,
12:51 en jouant au foot avec des Turcs,
12:53 et toute cette enfance dorée que j'ai eue avec des étrangers
12:58 m'a permis de ne pas avoir peur de l'étranger,
13:00 parce que c'était très difficile pour moi de façon identitaire de trouver qui j'étais vraiment.
13:05 Je suis parti après plusieurs semaines en Israël pour écrire un bouquin sur ça,
13:11 c'est comment se situer, tu es français, tu es allemand,
13:15 tu as une grand-mère italienne, tu as une grand-mère russe,
13:16 tu as une grand-mère juive, tu as un père catholique,
13:19 donc tout ça, ce melting pot là,
13:21 je l'avais aussi dans le vestiaire collectif chez les jeunes.
13:23 Et le fait d'avoir grandi à l'étranger fait que je n'ai jamais eu peur de l'autre,
13:27 je n'ai jamais eu peur de l'étranger.
13:28 Je pense toujours que l'étranger est un enrichissement
13:30 et qu'on a toujours quelque chose à apprendre d'une autre culture.
13:32 Quand on a vécu en Afrique et pour avoir vu la place qu'ont par exemple les seniors en Afrique,
13:37 je dirais même les vieux sages,
13:39 eh bien je pense que nous qui plaçons nos parents dans les Ehpad,
13:43 on a beaucoup à apprendre de la culture africaine,
13:45 rien que par rapport à, entre guillemets,
13:46 la gestion est un peu galvaudée, un peu faux,
13:49 mais comment on s'occupe et comment on se préoccupe de nos anciens.
13:52 Et il y a plein de choses comme ça que j'ai su
13:55 par mes différents déplacements ou par ma différente vie à l'étranger.
13:59 Revenons de cet internationalisme
14:03 que j'aime et que je partage,
14:05 mais là, je vais te rapporter et te ramener en Allemagne de nouveau.
14:09 Et là, on est vraiment entre Allemands,
14:11 Pat, parce que le match numéro 2 sur ta liste,
14:14 c'est le 2 mai 1984.
14:17 On est à Gelsenkirchen, une ville minière où joue le Schalke 04.
14:25 C'est un match de Coupe d'Allemagne,
14:26 demi-finale entre le Schalke et le Bayern.
14:30 Je vais te laisser raconter pourquoi tu as choisi ce match en particulier.
14:33 Qu'est-ce que ça t'a donné?
14:35 Qu'est-ce que ça te représente encore aujourd'hui?
14:37 Ce sont des matchs impactants.
14:39 Moi, le foot depuis cinq ans, ça a été ma passion.
14:42 Mais tu as des tuteurs et des points de repère dans ta vie.
14:46 Le changement radical de Séville 82,
14:49 si j'en parle, c'est que ce match-là de Gelsenkirchen a autant de valeur.
14:54 Je reviens d'Afrique, j'ai deux ans de plus.
14:57 J'habite à Fribourg, à 80 kilomètres de ma ville natale.
15:01 Et comme c'est une demi-finale de Coupe d'Allemagne,
15:03 je décide avec ma mère d'aller voir ce match chez mon premier entraîneur.
15:08 Donc, il faut le replacer dans le contexte.
15:10 Ma mère, oui, parce qu'elle est bavaroise, supporter du Bayern.
15:13 Mais moi, que ce soit l'un ou l'autre qui gagne, à la limite, je m'en moque.
15:17 Mais je suis avec mon premier entraîneur et on fête ça comme il se doit.
15:22 Une demi-finale de Coupe d'Allemagne,
15:25 il n'y avait pas encore la multiplication des chaînes.
15:28 Oui, 84, ça sert à encore les matchs en direct à la télé.
15:31 Mais c'est une demi-finale de Coupe d'Allemagne, c'est un événement.
15:33 C'est-à-dire qu'il faut y être.
15:35 Si tu n'as pas vu le match la veille, c'est que tu as raté quelque chose.
15:38 Et donc, on fait ça devant un échelard platé,
15:41 devant de la charcuterie, devant des plateaux de fromage à 18h30.
15:44 On se met, voilà.
15:45 Et le match est en fond, mais on le regarde quand même.
15:49 On est moins nombreux que la demi-finale de la Coupe du Monde,
15:52 mais on est un cercle quand même de gens, de personnes qui aiment le foot.
15:57 Et tu te dis, normalement, le Bayern,
15:59 le grand Bayern, va écraser cette équipe de Schalke.
16:03 Tu as 70 000 personnes au stade.
16:06 Tu as un stade qui est dans le Ruhrgebiet.
16:10 Bien sûr, la pluie, parce que sinon, c'est pas drôle.
16:12 Sinon, ça ne peut pas être le Ruhrgebiet.
16:14 Oui, je suis allé voir quelques images sur Internet.
16:16 Il y a des gens avec des parapluies dans les tribunes.
16:19 Mais c'est parce qu'aujourd'hui, c'est couvert.
16:21 Et aujourd'hui, tu verrais très peu de gens avec un impair
16:23 et se partager un parapluie à deux ou à trois.
16:26 Et puis, quand tu as un but, le parapluie qui vole.
16:28 Parce qu'on te dit, c'est un objet qu'on peut jeter sur le terrain
16:31 et qu'il faut le laisser à la consigne.
16:33 Voilà, je ne veux pas être réac encore une fois,
16:35 mais c'est un football d'un autre temps.
16:38 Mais c'est celui qui a bercé ma tendre enfance.
16:41 Et donc, il y a de la nostalgie, forcément.
16:43 Mais il y a aussi ce match référence.
16:45 C'est-à-dire que ce match est dingue.
16:48 Ce match est fou, et fou, et fou.
16:50 Très rapidement, le Bayern 1-0.
16:52 Très rapidement, le Bayern 2-0.
16:54 Mais il y a toujours ce supporterisme,
16:56 mais dans le bon sens du terme, du côté de Schalke.
16:59 C'est-à-dire qu'on va pousser son équipe,
17:00 qui est un underdog,
17:01 qui n'a aucune chance de se qualifier
17:03 vers éventuellement l'exploit,
17:04 alors que tu viens de te faire mener 2-0 au score.
17:07 Et puis, Schalke revient.
17:08 Et puis, Schalke revient une deuxième fois.
17:10 Et puis, le Bayern mène 3-2.
17:12 Et puis, Schalke revient à 3-3.
17:14 Et puis, Schalke mène pour la première fois au score 4-3.
17:17 Tu te dis, bon, ça y est, ils vont créer l'exploit.
17:19 Boum, le Bayern 4-4.
17:20 Et puis, le Bayern 5-4.
17:21 Tu te dis, là, le match est plié.
17:23 Et bing, 5-5.
17:24 Alors, tu te dis, ben là...
17:25 Et là, tu joues la 118e,
17:27 parce que c'est un match avec les prolongations.
17:29 Hones, je me sens, qui marque.
17:30 Et c'est 6-5.
17:32 Tu te dis, ben voilà, là, on est à la 118e.
17:34 On est à la 118e, le Bayern va...
17:36 Et puis là, t'as un coup franc
17:37 qui est botté aux abords de la surface de réparation.
17:41 Le ballon est contré.
17:42 Et puis, t'as l'éclosion d'un phénomène.
17:45 T'as la naissance d'un phénomène en direct à la télévision,
17:48 c'est Olav Thun.
17:49 Olav Thun, qui avait marqué au cours de la rencontre
17:51 un but de la tête, alors qu'il doit faire 1m65-68.
17:54 Tu te dis déjà, entre Hågan Tallert et la défense centrale,
17:56 comment il a fait pour marquer ce but ?
17:58 Bon, il l'a marqué quand même,
17:59 mais c'est surtout un reprise pied gauche, lucarne opposée.
18:01 Et puis, c'est juste un tout petit gardien
18:03 qui est dans les buts du Bayern.
18:05 C'est-à-dire que personne ne le connaît, c'est Jean-Marie Pfaff.
18:07 Ouais, tu vois, il y a un truc où c'est significatif.
18:10 À l'époque, l'international belge
18:12 est peut-être la référence au niveau des gardiens.
18:14 Et t'as un petit gamin qui vient te mettre
18:16 une lucarne pied gauche opposée
18:18 et tout le stade en fusion, tout le stade en furie
18:20 et des Bavarois qui sont à gare,
18:23 qui se disent "mais qu'est-ce qui va nous arriver"
18:25 ou "qu'est-ce qui vient de nous arriver"
18:26 et la limite, heureusement que l'arbitre siffle à la fin de la rencontre
18:29 parce que sinon, Schalck était tellement poussé
18:31 qu'ils auraient gagné 7-6.
18:34 Alors, on regarde ça avec ma mère,
18:36 on regarde ça avec mon premier entraîneur,
18:37 on dit que c'est impossible, c'est impensable,
18:40 c'est un truc de dingue auquel on vient assister en direct.
18:43 Tu sais très bien que tu vas en parler pendant des jours et des jours.
18:46 Sauf qu'à l'époque, sur ces matchs-là,
18:48 il n'y avait pas de séance de tir au but.
18:50 Le match était comme en Angleterre, d'arène,
18:52 rejoué sur la pelouse du Bayern.
18:54 Schalck 6, Bayern 6, il n'y a pas de tie-break,
18:57 comme dans le tennis, il y a match à rejouer.
18:59 Il y a match à rejouer une semaine plus tard et le Bayern l'emporte.
19:02 Alors, dans ma mémoire,
19:04 pour moi, ils avaient écrasé Schalck 3-0 ou 3-1
19:07 et en fin de compte, le score, en regardant à nouveau sur le match retour,
19:10 parce qu'ils ne m'avaient pas autant impacté,
19:12 parce qu'on s'est dit "là, ils ne vont pas faire deux fois la même erreur",
19:14 mais il y avait eu quand même 3-2 au match retour
19:16 et c'était une ambiance de fou.
19:21 Et après, les petits clins d'œil que je raconte au fur et à mesure
19:24 sur ces deux premiers matchs,
19:25 on verra que tout au long de ma carrière,
19:27 puisque tu parlais de Bochum,
19:28 j'ai eu la chance avec Bochum de jouer à Gelsenkirchen,
19:31 pas à la Weltinsarena,
19:32 dans ce stade-là, devant 70 000,
19:35 et on gagne avec Bochum, c'était un triplé de Holger Raden,
19:37 c'était un de mes rares matchs que j'ai joués en Bundesliga.
19:40 Mais le raccourci, je me l'accorde,
19:43 mais à l'initiative,
19:45 peut-être que je suis aussi rêveur,
19:47 peut-être que je suis aussi...
19:49 j'extrapole un tout petit peu,
19:51 mais ce match-là à Gelsenkirchen, il fallait que je le joue,
19:53 parce qu'en 84, quelques années auparavant,
19:56 j'avais vu ce match-là et je me suis pincé,
19:59 parce que je rêvais ce que j'avais voulu toujours faire quand j'étais gamin.
20:02 Ce qui me marque déjà, c'est que personne,
20:05 dans les matchs de ma vie, je pense,
20:07 né avant, né après, va choisir le Schalke 6,
20:10 Bayern 6 de 1984.
20:13 Donc merci déjà, c'est original.
20:15 Je constate aussi que tes deux premiers choix,
20:18 c'est des matchs que tu as regardés en compagnie de ta maman.
20:20 Toujours. Ma mère est un pilier, c'est une clé de voûte.
20:24 Et tout à l'heure, tu parlais...
20:27 Tout à l'heure, tu parlais de la proximité qu'on avait.
20:29 Tu as la chance aussi pour moi de la connaître,
20:31 d'avoir vécu aussi notre intimité.
20:35 Tu sais qu'elle est incontournable pour moi
20:37 et que c'est plus que...
20:40 C'est mon moteur.
20:43 Je l'ai compris un petit peu trop tardivement,
20:46 parce que quelquefois on est trop axé sur son nombril
20:51 et on ne fait pas forcément attention aux choses essentielles.
20:57 Et avec le temps qui passe,
20:59 je me suis rendu compte que ma mère était devenue,
21:01 est et sera une chose essentielle.
21:04 Et à chaque fois aussi qu'on a eu ou qu'on a pu avoir un coup dur,
21:07 ma mère était toujours à mes côtés.
21:09 Et donc, c'est pour ça que jusqu'au bout, du bout, du bout,
21:13 qu'on pourra partager le moment ensemble,
21:14 je saurais savourer chaque seconde qu'elle m'offre encore.
21:18 Tu as 14 ans, Pat, pour ce match en 84.
21:23 Tu es à Fribourg, tu disais.
21:24 Est-ce que maintenant, tu es en train d'envisager
21:27 une carrière de footballeur à 14 ans ou pas ?
21:29 Tu en es où ?
21:32 C'est quelque chose que j'avais en moi.
21:35 Aujourd'hui, quand on regarde dans les rétros
21:37 et qu'on se dit qu'on est devenu footballeur professionnel,
21:39 mais depuis tout petit,
21:41 je savais que je voulais devenir footballeur professionnel.
21:44 Je le savais.
21:45 Il y avait quelque chose en moi,
21:47 dans cette joie, dans ce partage, dans cette façon de voir les choses.
21:51 Je savais que je voulais devenir footballeur professionnel
21:53 pour rendre aussi ma mère heureuse et ma mère fière.
21:56 Parce que tout au long de ma carrière,
21:58 bien sûr que mes parents ont fait des sacrifices,
22:00 bien sûr qu'ils m'ont accompagné,
22:01 bien sûr que mon père a aussi pris le volant
22:03 et m'a emmené à tous les matchs.
22:05 Mais ma mère a toujours été d'un précieux soutien
22:07 dans tous les moments clés
22:10 qui m'ont permis de devenir footballeur professionnel.
22:14 J'aurais souhaité avant faire un centre de formation en France.
22:17 Elle m'a dit vas-y, essaye, on fait des essais,
22:19 puis on verra et puis voilà, je t'accompagnerai.
22:21 Mais en contrepartie, dans le balancier,
22:26 elle m'a dit d'abord, tu fais ton bac.
22:28 Tu feras d'abord ton bac
22:29 et puis après on verra si tu vas devenir footballeur professionnel
22:32 parce qu'il peut t'arriver quelque chose,
22:34 parce que tu peux arrêter ta carrière du jour au lendemain,
22:35 parce que tu peux faire ci.
22:37 Il y avait plein d'arguments
22:38 qu'on ne comprend pas quand on est gamin,
22:39 mais qu'on comprend mieux quand on devient soi-même parent.
22:42 Et donc, du coup, j'ai passé mon bac pour faire plaisir à ma mère.
22:45 Je l'ai eu brillamment,
22:47 grâce notamment à l'allemand où j'ai eu 20 sur 20
22:49 qui m'a permis de compenser l'impasse que j'avais faite sur l'histoire Géo.
22:53 Mais ça a des avantages d'être binational.
22:56 Mais derrière, j'étais semi-pro à Fribourg.
23:02 Elle m'a dit "Maman, je vais y aller"
23:03 parce que j'avais des sollicitations.
23:04 Elle m'a dit "Non, non, tu fais d'abord tes études et d'abord tu as une licence".
23:07 J'ai dit "Mais maman, le deal, c'était quand même que je passe mon bac".
23:10 Elle me dit "Tu as eu ton bac, oui, mais le deal maintenant, il continue.
23:12 On va pousser un peu plus loin.
23:13 Tu vas avoir au moins une licence et tu t'inscris à la fac".
23:16 Ils m'ont question que, parce que ma mère, ça a été une travailleuse acharnée,
23:21 que tu joues au foot et que tu gagnes 800 ou 1000 marques à l'époque
23:26 et que tu vives de ça pendant que moi, je vais travailler et que je ramène tout.
23:29 Je dis "Voilà, tu vis de ta passion, il n'y a pas de souci, mais tu vas bosser.
23:32 Et si tu ne bosses pas, tu vas à la fac".
23:36 Donc, je me suis inscrit à la fac.
23:37 Donc, j'ai pris l'allemand et j'ai pris sport.
23:41 Parce que quand tu fais la fac en Allemagne, il faut que tu aies deux disciplines.
23:45 Je me suis toujours assez...
23:47 Non, j'ai pris français et sport.
23:51 Donc, j'ai toujours facilité un petit peu les choses.
23:53 Mais voilà, j'ai eu ma licence TAPS quand même.
23:57 Après, c'était avant le Master, Doctorat et licence.
24:02 Avant, il fallait faire aussi des VAE pour que les diplômes que j'ai eu en Allemagne
24:06 puissent être reconnus en France.
24:07 Mais on a fait tout ça avec ma mère et elle a eu raison.
24:11 Elle a eu raison, surtout quand je suis pro à Bochum.
24:14 Elle m'a dit "Tu continues à faire la fac".
24:17 Donc, j'ai fait la fac à Bochum.
24:19 Et quand je signe à Rennes, je fais la fac aussi à Villejean.
24:24 Et je fais un doc d'allemand parce qu'elle voulait qu'un corps sain dans un esprit sain.
24:27 Ce n'était pas galvaudé.
24:28 Il fallait que tu t'en aies aussi un peu dans la tête pour espérer jouer au foot.
24:34 Je suis ravi de ça parce que même si j'ai dû changer beaucoup de clubs,
24:38 parce que je me suis pris la tête avec des présidents et des entraîneurs,
24:41 j'ai eu mon libre arbitre.
24:42 J'ai eu ma façon de penser.
24:44 Je n'étais pas formaté et avec tout ce que je connaissais d'avant,
24:50 j'avais un regard quand même assez percutant
24:54 sur la vision qu'on essayait éventuellement de m'imposer.
24:57 Et ça, j'en voulais pas.
24:59 Et ça, je voulais pas.
25:00 Et quand on regarde rétrospectivement ma carrière,
25:03 dès qu'il y a eu un entraîneur avec de l'autorité,
25:06 curieusement, ça se passait mal.
25:08 Histoire de ne pas sentir libre.
25:12 Je voulais pas retranscrire, refaire le modèle que j'avais pu vivre,
25:16 me sentir enfermé.
25:17 Et voilà, le sport, ça m'a permis de me libérer de beaucoup de choses.
25:22 Et si j'avais un entraîneur autoritaire qui me disait systématiquement
25:26 comment je devais faire, comment je devais vivre.
25:29 Voilà, aujourd'hui, c'est impensable.
25:33 J'ai réussi à canaliser un tout petit peu ça avec l'expérience,
25:37 avec les coups que tu prends,
25:38 avec les passages que tu es obligé d'effectuer.
25:43 Mais aujourd'hui, je suis fier de mon parcours
25:45 et je suis fier que les prévisions ou la vision idéaliste de ma mère,
25:51 elle m'ait ramené sur le chemin qui, systématiquement, me rapproche de la vérité.
25:55 Parcours atypique, mais tu as creusé ton propre chemin, effectivement.
25:59 Je te ramène sur la liste.
26:00 Match numéro 3, c'est la finale de la Coupe du monde de 1986
26:04 entre l'Argentine et l'Allemagne de l'Ouest.
26:07 Pourquoi tu choisis ce match-là?
26:10 Parce que
26:12 il y a deux joueurs
26:15 avec lesquels je me suis identifié et ce n'est pas parce qu'ils bossent avec nous,
26:21 mais Louise Fernandez en faisait partie et Sören Lerby,
26:24 qui était un milieu danois qui jouait au Bayern,
26:26 qui jouait aussi avec la grande équipe du Danemark.
26:29 C'était le genre de joueurs avec lesquels je m'identifiais,
26:31 moi, avec les chaussettes rabaissées, pas de protège tibia,
26:34 des morts de faim, des chiens galeux sur l'adversaire, sur le ballon,
26:39 de rien lâcher.
26:40 Et puis ensuite, grâce à l'impact,
26:45 de pouvoir donner et impacter sur son équipe.
26:47 Après, Sören Lerby et Louise avaient d'autres qualités
26:51 qui ont fait qu'ils ont connu le milieu international.
26:53 Ça serait trop réducteur de réduire ces deux joueurs à ça,
26:56 parce qu'ils ont apporté aussi leur intelligence tactique,
26:58 de sentir aussi les beaux moments, la prise de responsabilité dans les moments clés,
27:02 comme le pénalty de Louise contre le Brésil.
27:06 Voilà, ce sont des joueurs avec lesquels je me suis identifié.
27:09 Sauf que pour moi, pardon toi en tant qu'anglais,
27:12 mais pour moi, celui qui incarne le football,
27:16 à ce moment-là précis, de mon passage à 16 ans, c'était...
27:19 - C'est Gary Lenacar. - Exactement.
27:21 C'est exactement lui, et c'est pour ça que j'ai choisi le match Argentine-Allemagne,
27:25 avec pour moi, un Diego Maradona qui est au sommet de son art.
27:30 Qui est au sommet de son art,
27:32 et qui va éclabousser de son talent cette Coupe du Monde.
27:36 Et là, on va retrouver à la fois le gamin, le pibé des Laureaux,
27:40 avec son côté roublard, tricheur contre l'Angleterre,
27:45 avec cette main de Dieu...
27:48 - Du diable. - Oui, avec cette main du Dieu,
27:50 ou avec cette main du diable, forcément en fonction de là où on se place.
27:53 Les uns le porteront en Argentine au Panthéon,
27:57 en Angleterre, on le mettra dans la cave,
28:01 parce qu'on ne veut plus se rémémorer ça, Chilton, tout ça.
28:05 Mais on a aussi, pour moi, le plus beau but de la Coupe du Monde,
28:08 de toutes les Coupes du Monde,
28:09 avec quand il prend le ballon dans sa moitié de terrain,
28:12 quand il va dribber 5-6 anglais,
28:14 quand il fait fin de frappe, il revient sur son pied gauche et il la met au fond.
28:16 Mais la façon dont il éclaboussait de son talent,
28:20 la façon dont il réussissait à résister au duel,
28:23 parce qu'il n'était pas aussi protégé que le football d'aujourd'hui.
28:25 J'aimerais bien voir les stars mondiales, Platini, Maradona,
28:31 aujourd'hui, sur des terrains, c'est des moquettes,
28:33 parce qu'il y a des terrains où quand ils jouaient à Naples,
28:35 il n'y a pas de moquettes, il n'y a pas de pelouse sur le terrain.
28:39 Voilà. Et il y a ce match-là.
28:41 Et encore une fois, je ne le choisis pas au hasard, ce match,
28:45 parce qu'il y a l'Allemagne.
28:46 Parce qu'il y a l'Allemagne en 86 qui bat une nouvelle fois en demi-finale
28:51 la France, avec Joel Batts qui est malheureux sur un coup franc.
28:55 Et derrière, il y a ce changement de score.
28:58 Pareil, on se dit comme face à la France en 82,
29:01 les Allemands vont réussir parce qu'ils étaient menés, je crois, 2-0.
29:05 Il y a 2-1, il y a 2-2.
29:07 On se dit, tiens, encore les Allemands, ils vont encore...
29:10 Comme dirait Gary Lineker, le football se joue à 11
29:12 et c'est les Allemands qui gagnent à la fin.
29:14 Mais derrière, il y a Maradona avec Burruchaga qui font la différence.
29:18 Alors qu'ils viennent juste d'égaliser,
29:19 bam, boum, sur l'attaque suivante, Burruchaga met le 3-2
29:23 et le pied de nez dans cette chaleur mexicaine.
29:30 Et Maradona qui est au panthéon de ce qu'il était capable de faire.
29:35 Après, avec Nappes, il a encore fait des trucs derrière.
29:38 Mais ce gamin,
29:41 franchement, je me suis souvent inspiré de son histoire,
29:45 mais comme Becky.
29:49 Quand j'avais un coup de moins bien,
29:50 je regardais les actions de Maradona ou je regardais les documentaires.
29:53 Même, ça m'arrive encore aujourd'hui de voir
29:55 les différents documentaires sur Maradona.
29:59 Alors, bien sûr, il y en a qui diront,
30:01 Darren, et je suis obligé de le reconnaître, qu'il a été tricheur
30:05 face à l'Angleterre, qu'il a été aussi peut-être tricheur
30:10 sur certaines phases de sa période italienne où il était
30:15 dopé à la cocaïne.
30:17 Mais aujourd'hui, si on regarde s'il était capable de faire avec un ballon,
30:23 franchement, moi, j'aimais ce qui est.
30:25 C'est pour ça que j'ai choisi ce match pour toutes les circonstances aussi,
30:29 ou pour toutes les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure.
30:31 Vous écoutez, les amis, les matchs de ma vie,
30:34 le podcast de BN Sport, où notre invité raconte les cinq matchs de foot
30:37 qui ont le plus marqué sa vie.
30:39 On arrive au match numéro 4 de Patrick Guilloux,
30:41 ancien joueur modèle pour les coiffeurs dans le ventre,
30:44 entraîneur et aujourd'hui consultant sur BN Sport.
30:47 Pat, on est le 15 juin 1991 désormais.
30:51 Le Verde-Bremes contre Bochum, enfin un match que tu as joué.
30:57 Qu'est ce que ça nous dit déjà sur toi, le fait que les trois premiers matchs,
31:00 ce n'est pas des matchs où tu as joué toi alors que tu as quand même une carrière pro.
31:04 Oui, j'ai fait 300 matchs en pro, c'est sûr et certain,
31:07 mais il faut savoir toujours d'où on vient.
31:10 Et pour reconceptualiser ou pour avoir des points de repère,
31:14 parce que c'est hyper important pour moi,
31:16 ce match du Verde-Bremes ou du Bochum face à Verde-Bremes
31:21 arrive en quatrième parce que c'est la concrétisation de quelque chose.
31:25 Je suis en forêt noire, je suis un gamin,
31:27 je rêve d'être full de valeur professionnel
31:29 et des années plus tard, je le deviens enfin parce que je vais jouer mon premier match.
31:35 Quand je suis à Fribourg, je suis semi-pro,
31:38 tout se passe relativement bien.
31:39 À 16 ans, je fais tout de suite une centaine de matchs en troisième division.
31:45 Donc je suis dans mon cocon familial, je suis avec ma mère, je suis en garnison.
31:50 Tout se passe très bien.
31:51 Je n'ai pas de problème de racket, je n'ai pas de problème de drogue,
31:54 je n'ai pas de problème de ce qui peut se passer dans le quotidien aujourd'hui
31:56 avec nos gamins à l'école ou à la fac.
31:58 Et aujourd'hui, je vis, je concrétise,
32:02 et je concrétise pas ce que mes parents ont fait pour moi,
32:08 mais ce travail collectif, ce que moi, je m'étais idéalisé,
32:12 ce que mes parents ont fait comme sacrifice pour moi.
32:14 Par ce premier match en Bundesliga et ce premier match professionnel,
32:19 j'ai dû attendre ma deuxième année, ou je ne sais plus si c'était la première ou deuxième année,
32:25 avec Bochum, avec un contexte particulier.
32:29 Moi, j'avais du mal à Bochum à trouver ma place
32:32 parce que j'étais considéré comme un joueur français,
32:34 alors que je n'ai jamais vécu en France.
32:36 C'était ça le comble.
32:38 C'est ça le comble.
32:39 Chez nos investisseurs, on dit "da françose, da françose, da françose".
32:42 Et moi, je ne comprenais pas pourquoi on me disait français.
32:43 J'ai toujours grandi ou en Afrique ou en Allemagne.
32:45 Tu m'as dit, c'était quand la date ?
32:48 - 91. - 91.
32:49 J'ai 21 ans, j'ai vécu 19 ans en Allemagne,
32:53 deux ans en Côte d'Ivoire et on me dit "da françose",
32:55 alors que je n'ai jamais mis, mis à part deux mois par an sur la Côte d'Azur,
32:59 je ne mets pas les pieds en France.
33:01 Donc du coup, je ne comprends pas et j'ai du mal parce que
33:06 le cordon ombilical, je l'ai eu jusqu'à 20 ans avec ma mère.
33:10 Et donc, le fait de connaître cet éloignement,
33:13 le fait de vivre seul, je n'étais pas responsabilisé.
33:17 Et comme je n'étais pas formé non plus,
33:20 c'est à la limite un poussin que tu vas envoyer dans une fosse au lion.
33:25 C'est à dire que je n'avais pas les règles, je n'avais pas les codes,
33:27 je ne savais pas comment il fallait que je me comporte.
33:30 Donc du coup, je traînais mon spleen en moi.
33:32 Et malgré tout cet éloignement,
33:36 550 kilomètres entre Beauchamp et Fribourg à l'époque,
33:42 je m'accroche, j'ai des moments difficiles.
33:45 Il n'y a pas de téléphone portable encore d'Arène pour téléphoner à sa maman.
33:48 Il faut avoir le numéro ou son téléphone à la maison ou il faut aller à la cabine
33:51 téléphonique mettre des pièces. Donc, maman, ça va ?
33:54 Oui, tu ne veux pas dire que ça ne va pas,
33:56 mais ta mère, elle le sent tout de suite.
33:58 Et donc, ce match-là, je me dis ça y est, ça y est, c'est le début de quelque chose.
34:03 Et moi, je rentre à la 26e.
34:05 C'est mon premier match.
34:06 On est mi-juin.
34:09 Est-ce que je suis prêt ?
34:11 Est-ce que je suis prêt ? Parce que je pensais jouer cinq minutes.
34:13 Parce que le coach m'avait dit tu vas jouer.
34:14 Aujourd'hui, tu vas jouer, tu vas faire ton premier match.
34:16 Mais moi, quand on dit tu prends les matchs en pro, tu joues à la 83e.
34:21 Et là, sauf qu'on est mené, je crois,
34:24 rapidement, il y a des joueurs qui se blessent et je rentre à la 26e.
34:26 Donc du coup,
34:28 et puis,
34:30 Darren,
34:31 c'est un avantage.
34:33 C'est un avantage de revenir, de se replonger.
34:36 C'est que quand on voit qui était en face avec Oliver Heck, Thomas Schaaf,
34:39 Rune Bradseth, Hapken, Winton Ruffer, Neubarth,
34:43 ça ne parle pas au grand public français.
34:45 Mais quand tu es en Allemagne, ça parle au grand public allemand.
34:47 Et donc, du coup, c'est le petit gamin de la forêt noire
34:51 qui a grandi dans un petit club, le FC Nullhart-Finingen,
34:55 mon premier club qui est passé par Fribourg et qui se retrouve à jouer
34:59 avec ces joueurs que je viens de citer, avec Otto Reigel, qui est entraîneur.
35:03 Otto Reigel, ça parle un peu plus parce qu'il a été champion d'Europe avec la Grèce.
35:08 Mais moi, je suis dans la cour des grands.
35:09 Sauf que,
35:11 bien sûr que je suis ravi.
35:13 Mais comme c'est le dernier match de la saison,
35:16 il n'y a pas de suivi.
35:17 On m'enlève le paillasson et le tapis sous le pied et je pars en vacances.
35:21 Je dis, c'est pas possible.
35:22 J'y suis enfin et j'y suis plus.
35:25 Tu reviendras en six semaines.
35:26 Et bien sûr, les cartes sont redistribuées après six semaines.
35:28 Le Mercato va recommencer à zéro.
35:29 T'es un petit jeune et puis on verra quand est-ce qu'on te fera rentrer.
35:32 Vous avez quand même gagné ce match ou pas ?
35:33 Non, bien sûr.
35:35 On a bien sûr perdu.
35:36 Sinon, ça ne serait pas Borum.
35:38 Mais voilà, c'est une première expérience qui commence.
35:42 C'est une consécration en quelque sorte.
35:43 C'est une première match pro, bien sûr.
35:45 Je me pince parce que je vais passer à la Sportia, l'équivalent de téléfoot.
35:49 Je vais passer à l'actuel Sportia, le centre.
35:51 On ne fait pas un documentaire sur moi.
35:52 Mais ma mère, elle verra devant sa télévision le petit passage où elle se dit
35:56 "ah bah tiens sur un corner, t'étais pas là, t'es mal placé".
35:59 Parce que ma mère, c'était aussi ma plus grande...
36:01 La première critique.
36:02 Voilà, la plus grande et plus sincère critique.
36:04 Parce qu'elle veut, par définition, une maman ne veut que le bien.
36:08 Et comme elle ne veut que le bien,
36:09 elle dit aussi ce que t'as pas forcément envie d'entendre
36:11 pour te continuer à te remettre en question et te faire avancer.
36:14 Borum, donc pour le premier match pro.
36:16 Et c'était le quatrième match sur ta liste, Patrick Guillaume.
36:19 Le dernier de ces cinq matchs qui ont le plus marqué ta vie, c'est lequel et pourquoi ?
36:25 Bien sûr que j'étais obligé de prendre un match de la Sainte-Étienne.
36:28 Parce que autant il y a eu une mutation
36:35 de cette demi-finale du football français contre le football allemand.
36:41 Autant, comme j'étais bercé par le football allemand,
36:45 longtemps, je n'avais pas beaucoup d'annie croche avec le football français.
36:51 Sauf qu'à Fribourg, il y a une famille de Rouen qui vient.
36:55 C'est la famille Corteval.
36:56 Et bien sûr, Rouen, c'est à côté de Sainte-Étienne.
36:59 Et ce sont des fous furieux de la SS.
37:02 Mais des fous furieux de la SS.
37:04 Mais un truc, voilà, là on est dans un studio où il y a un mur vert.
37:10 Le mur vert, chez Stéphane Corteval, il était pareil.
37:13 Les écharpes, les machins.
37:14 Et dès qu'il y avait un match dans l'Est de la France,
37:17 Metz, Mulhouse, Sochaux, Strasbourg, c'était des places fortes aussi du football français à l'époque.
37:24 On allait voir Sainte-Étienne jouer avec ce public drainé à l'extérieur.
37:30 C'était à la limite la constitution d'un club au niveau de ses supporters,
37:35 comme en Angleterre ou comme en Allemagne.
37:37 C'est-à-dire qu'on se déplace par milliers pour voir son équipe jouer.
37:40 Peu importe la division, t'es supporter d'un club, t'es supporter ravi de ce club.
37:44 Et donc aujourd'hui, c'est ce club de Sainte-Étienne.
37:48 Et je me suis fixé toujours aussi des points de référence.
37:52 Il y en a certains que j'ai pu réaliser, d'autres que je n'ai pas pu réaliser.
37:55 Le fait de choisir Rennes n'est pas aussi du hasard.
37:58 C'est-à-dire que j'ai rêvé d'être pro, je joue mon premier match face à Brem.
38:02 Je rêvais de jouer en Bretagne, peu importe le club,
38:06 parce que mon grand-père était breton et pour le rendre aussi fier,
38:09 parce que j'avais aussi une relation très proche de mon grand-père paternel.
38:13 Donc le fait d'avoir joué à Rennes, lui venait de Pontcroix, d'Audierne,
38:15 le petit clin d'œil était sympa.
38:18 Et ensuite, je rêvais de jouer à Sainte-Étienne, parce que à partir de 10, 12 ans,
38:25 12 ans, je reviens à 82, donc à partir de 13 ans, je rencontre cette famille,
38:28 ou 14 ans, je rencontre cette famille et je suis drainé sur Sainte-Étienne.
38:31 Et il m'amène, et je ne comprends pas pourquoi,
38:34 tout de suite, ça match, tout de suite, ça flash.
38:37 Et je me prends au jeu.
38:40 Et après, on se retrouve à faire des demi-finales contre Montpellier,
38:42 à Geoffroy-Guichard, il y avait Valderrama, il y avait Cantona.
38:45 Après, il y a des matchs contre Toulon, des 0-0, des matchs de pipe à Geoffroy-Guichard,
38:49 où on n'était pas beaucoup, où on était beaucoup.
38:51 La pluie, le froid, le brouillard pour venir voir les matchs à Geoffroy-Guichard.
38:55 Ensuite, les matchs dans le Cop, ensuite...
38:58 Voilà, et moi, j'ai eu cette chance-là.
39:00 J'ai eu trois chances d'avoir été supporter de Sainte-Étienne,
39:04 d'avoir joué pour Sainte-Étienne, donc on pourrait dire une mi-temps dans chaque camp,
39:09 mais surtout à la fin, d'avoir aussi été capitaine de Sainte-Étienne
39:11 avec tout ce que ça représentait pour moi dans mon cheminement personnel.
39:14 Et donc, je ne pouvais pas, dans mes matchs de ma vie,
39:18 passer à côté d'un match de Sainte-Étienne.
39:19 Alors, bien sûr, j'ai fait des montées avec Rennes,
39:21 bien sûr, j'ai fait des montées avec Sochaux,
39:23 mais la saveur particulière, c'est aussi avec Sainte-Étienne.
39:26 J'aurais pu choisir le match du titre, j'aurais pu choisir le match de la montée,
39:29 j'aurais pu choisir plein de matchs où on déroulait notre football,
39:34 mais j'ai choisi le match du Red Star
39:36 parce que ce match du Red Star, il est vraiment particulier.
39:39 Le 10 mars 1999, effectivement,
39:43 Red Star, Sainte-Étienne, pas au Bauer, mais au Stade de France.
39:49 Il faut souligner le côté, encore une fois, visionnaire de Jean-Claude Bras,
39:54 le président du Red Star, parce qu'il se dit,
39:58 ce match-là, il faut faire plaisir à notre public,
40:01 il faut faire plaisir aux Parisiens qui aiment Sainte-Étienne.
40:05 Et donc, il a l'idée de génie de faire le match au Stade de France.
40:13 Le match, Darren, je me pince,
40:15 tu vois, j'ai 29 ans et je me dis, purée,
40:18 je vais jouer dans le stade où la France est devenue championne du monde.
40:21 Oui, moins d'un an auparavant.
40:23 Mais moins d'un an auparavant.
40:24 Et donc, c'est pour ça que Jean-Claude Bras a été visionnaire.
40:26 On se dit, alors bien sûr, ils n'ont ouvert que deux anneaux sur les trois.
40:29 On n'allait pas faire 80 000 non plus,
40:30 mais on a fait le record d'affluence en Ligue 2 qui tient encore toujours aujourd'hui.
40:35 À 48 000 à peu près.
40:37 Oui, c'est ça.
40:38 Et on joue en semaine et je ne sais pas,
40:42 il y a un chanteur qui m'accompagne tout mon parcours de vie, c'est Renaud.
40:49 Et encore un petit clin d'œil, c'est Renaud qui va donner le coup d'envoi avec son blouson en cuir.
40:52 Et tu te dis, franchement, toi, tu te concentres sur ton match,
40:56 tu lèves la tête, tu cherches tes parents ou je cherche ma mère.
41:00 Tu sais, quand tu es joueur de foot,
41:01 tu regardes quand même des points de repère où sont placés les membres
41:05 importants de ta famille ou tes amis.
41:07 Et donc, voilà.
41:08 Et ce match est gigantesque parce que c'est la septième victoire d'affilée
41:15 qu'on fait sur la phase retour et donc, on est quasiment sûr de monter.
41:20 Mais l'avant match, tout la veille, le départ est ubuesque.
41:28 Alors, il va falloir expliquer alors, qu'est ce qui se passe?
41:31 Vous êtes à Chantilly déjà pour préparer les matchs, c'est ça?
41:34 Mais on parlait de la France et de la Coupe du Monde en France en 98.
41:38 Gérard Solaire, avec le président Alain Bonpart,
41:42 décide de nous envoyer où l'Italie avait fait son camp de base pendant la Coupe du Monde 98.
41:49 Donc, on arrive, on va jouer au Stade de France.
41:51 On est à Chantilly dans un truc, mais tu te dis, il manque que la crème à Chantilly.
41:55 Mais c'est un truc de fou.
41:58 On prépare parce qu'on vient de gagner six matchs.
42:00 Le match, tranquille, peinard.
42:02 On sait qu'on est un rouleau compresseur.
42:04 On sait qu'il ne peut pas nous arriver grand chose.
42:05 Même si on fait une contre performance, on a tellement de points d'avance.
42:08 Mais ça nous permet, si on gagne vraiment, de dire même si tu perds tous les matchs
42:12 derrière, tu es quasiment sûr et certain de monter en Ligue 1.
42:18 Et puis, ça se passe bien.
42:20 Toujours la même mécanique, toujours le même train quotidien.
42:25 Et on part de Chantilly pour venir au Stade de France.
42:30 Et alors, il n'y avait pas encore les Mario Kart.
42:33 Il n'y avait pas encore les PlayStation.
42:34 Il n'y avait pas encore tout ça.
42:36 Je n'aimais pas s'il y avait quand même quelques téléphones.
42:39 Mais bref, tout ça pour dire qu'on est au fond.
42:43 On discute, on est une bande de potes.
42:46 On est dans le monde pro, mais il y avait une ambiance de monde amateur.
42:50 On va au Stade, on va jouer au Stade de France.
42:51 La France est une Ligue 4, quand même, il est limite.
42:53 Mais on est content d'y aller.
42:54 On part en colo, sauf qu'on est au fond du kart.
42:59 Il y en a un qui dit "ça sent le brûlé".
43:02 On ne s'inquiète pas plus, ça sent le brûlé.
43:04 L'embrayage ou un truc comme ça, une voiture qui a freiné.
43:08 Et il y en a un deuxième qui dit "ouais, mais c'est quand même bizarre.
43:10 30 secondes après, ça sent le brûlé".
43:13 Puis, une minute après, tu en as dit "mais c'est normal qu'il y ait des flammes".
43:16 Et on est en plein sur l'autoroute A1, pour ceux qui connaissent.
43:20 Et le bus est en flammes.
43:23 Le bus est en flammes et on va jouer au Stade de France.
43:28 Vous avez mis le feu ?
43:29 On a mis le feu avant le match.
43:32 Et là, on se dit "comment on va faire ?"
43:34 Et puis, encore une fois, Gérard Solaire a une idée géniale.
43:38 C'est que comme il y avait 48 000, il y avait forcément à voir des
43:41 comment s'appelle, des supporters de Saint-Étienne qui allaient au Stade.
43:45 Et la faculté ou le signe de reconnaissance, c'était quand même les écharpes.
43:50 Parce que c'est quand même typiquement allemand et typiquement anglais où on sort
43:53 les écharpes de la voiture pour montrer le sentiment d'identification,
43:57 le symbole d'identification, d'appartenance à une communauté.
44:00 Donc, le coach est parti en premier avec la première voiture de supporters.
44:03 Vous êtes tous sortis du bus ?
44:04 On est tous sortis du bus.
44:05 Vous êtes maintenant sur le bord de l'autoroute ?
44:07 On est sur le bord.
44:07 Et le staff, parce que c'était pas le staff comme aujourd'hui, où ils sont 25,
44:13 il y a plus de staff que de joueurs.
44:16 Ils arrêtent les voitures de Saint-Étienne et disent "vous allez au Stade ?"
44:18 "Oui, vous amenez nos joueurs."
44:19 Donc, les supporters disent "c'est quoi ce truc de dingue ?"
44:23 Et c'est un truc de fou.
44:25 Donc, tu avais une partie du staff qui arrêtait les supporters pour nous amener.
44:30 Et on se dit "bon, c'est sympa, c'est un petit clin d'œil sympa."
44:33 Sauf que quand on arrive au stade, tu arrives avec ton sac, avec la supporter,
44:37 et tu dis "vous allez où ?" "On va jouer au foot."
44:38 Mais vous êtes qui ? "On est des joueurs."
44:41 Vous êtes sûrs de rentrer ? "On ne sait pas, mais on va voir."
44:44 Donc, tout ça, dans l'avant-match, fait que c'est un souvenir de dingo.
44:52 Vous avez pu convaincre les mecs de la sécurité que vous étiez des joueurs ?
44:55 Je pense que c'était moins restrictif que ce que cela peut être aujourd'hui.
45:01 Et c'était vraiment un cas de force majeure.
45:05 Mais ça s'arrête par là.
45:06 Donc, Renaud qui donne le coup d'envoi.
45:08 Il y a un mec, alors malheureusement, c'est un de nos confrères,
45:12 qui fait une interview où le mec, il en survêt du Red Star,
45:15 il pleure qu'il ne jouera pas cette rencontre parce qu'il est blessé.
45:18 Alors que le mec, personne ne le connaît.
45:20 C'est un mec comme Rémi Gaillard qui est venu se mettre comme ça.
45:24 "Ah ouais, ça me fait vraiment... Je suis vraiment triste ce soir.
45:27 Je ne pouvais pas jouer contre Kader Ferrawi, on s'est connu à Montpellier.
45:30 Et voilà, je devais jouer, mais malheureusement, je me suis blessé."
45:33 Et personne ne le connaît.
45:34 C'est un fake.
45:35 Personne ne le connaît.
45:37 Et donc, derrière, Renaud qui donne le coup d'envoi.
45:40 Oui, sauf que ça a coûté pendant quelques semaines le post
45:43 au commentateur, au l'homme de terrain d'Eurosport.
45:47 Et derrière, il y a un but, mais monumental de Lucien Métomo.
45:53 Un but de folie.
45:55 Il prend le ballon, il contrôle, il met une frappe de 25 mètres,
45:58 pleine lucarne, 48 000.
46:00 Donc voilà, encore une fois, coup de chapeau aussi à Jean-Claude Bras,
46:03 qui nous avait permis de jouer en vert, parce que ça, ce n'est pas donné à tout le monde.
46:07 Le président qui recevait Jean-Claude Bras...
46:09 Oui, parce que normalement...
46:10 En fait, ça joue en vert aussi, vert et blanc.
46:12 Donc, ils avaient joué en rouge.
46:13 Nous, ils nous avaient accordé de jouer en vert parce qu'il y avait la demande qui avait été faite.
46:16 Derrière, parce qu'aujourd'hui, il n'y a pas cinq changements.
46:19 Il n'y a pas eu le Covid qui est passé entre temps.
46:21 Eh bien, on a trois changements.
46:22 Les trois changements sont faits, mais Jérôme Alonso se pète la cheville.
46:25 Talkiné qui vient, il dit "tu prends un Doliprane et tu continues."
46:28 Et sur l'action suivante, il faillit tomber dans les pommes.
46:30 Et Jérôme, fracture de la cheville.
46:32 Donc, on a Patrick Revelle qui rentre dans les buts.
46:35 Et donc, on réussit à gagner 2-1.
46:37 Et derrière, ce match, il est de fou.
46:41 Il est de folie.
46:42 Mais bien sûr, ce match, pour moi, pour tous ceux qui l'ont vécu, c'est ça la plus grande fierté.
46:48 La plus grande fierté, c'est qu'aujourd'hui, on a un groupe WhatsApp de ce groupe de Saint-Étienne des années 2000,
46:55 qui aujourd'hui, 30 ans après ou 20 ans après, est encore actif.
46:59 On se parle.
47:01 Alors bien sûr, il y a eu des événements qui ont fait que ce groupe, après aussi sa carrière, est bien regroupé.
47:09 Il y a la maladie, il y a des AVC, il y a des crises cardiaques.
47:11 Donc forcément, ce groupe, comme on a vécu quelque chose de fort et est encore présent sur ces groupes WhatsApp,
47:17 on prend plaisir aussi encore à se retrouver sans que c'est trop l'impression de faire vieux guerrier ou des soldats sur le retour.
47:29 Mais ça, tu peux le vivre que quand tu es un sportco.
47:33 Partagé avec d'autres, quand tu as été dans la galère, quand tu connais cette expérience là, c'était tout simplement génial.
47:41 Moi, je ne veux pas, je crois que c'est Zola qui disait ça, ou Camus, c'est Camus qui disait ça.
47:49 Tout ce que je dois ou tout ce que je sais de la vie, je le dois au football.
47:53 Mais voilà, je ne veux pas le plagier.
47:56 Mais aujourd'hui, en tout cas, dans mon cheminement, dans ma construction d'homme, le football m'a apporté plus qu'il ne m'a pris.
48:03 Formidable comme mot de la fin.
48:05 Patrick Guillaume, merci beaucoup d'avoir partagé ces matchs, ces souvenirs, ces moments de vie avec nous.
48:10 C'était un vrai plaisir.
48:12 Plaisir partagé et merci pour l'invitation.
48:14 Et j'espère pour ton podcast que tu auras plein, plein d'autres joueurs ou ex-joueurs très, très intéressants pour enrichir aussi
48:21 et pour connaître aussi parfois d'arène l'homme qui peut y avoir derrière le footballeur.
48:25 C'est ça l'idée.
48:26 Plein d'autres matchs mémorables à venir pour toi, Pat.
48:29 J'en suis sûr.
48:31 Merci encore à toi.
48:32 Merci à vous de nous avoir écoutés.
48:34 Si notre podcast vous plaît, n'hésitez pas à partager avec vos amis.
48:38 Et si vous n'avez pas aimé, eh bien, vous pouvez toujours envoyer un lien à vos ennemis.
48:42 En tous les cas, vos commentaires sont les bienvenus.
48:44 N'hésitez pas à nous donner cinq étoiles sur la plateforme où vous nous écoutez, bien sûr.
48:49 Et je vais vous dire à très vite pour un nouvel épisode de Les Matchs de ma vie.
48:54 Bye bye.
48:55 Tchuss !
48:55 [Musique]

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