Il y a 20 ans, Anne-Laure Thomas, directrice diversités, équité et inclusion chez L’Oréal en France, apprenait que son fils avait un handicap. Elle nous raconte comment cette épreuve a transformé sa carrière. Vidéo.
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00:00 Bonjour, je m'appelle Anne-Laure Thomas,
00:01 je suis directrice diversité, équité, inclusion et engagement sociétal
00:04 du groupe L'Oréal en France.
00:05 Alors j'ai trois enfants, mon aîné c'est Marius,
00:18 après Siméon et ma petite dernière s'appelle Charlotte et elle a 10 ans.
00:21 À l'âge de trois semaines, on a appris que Marius avait une maladie génétique
00:24 qui s'appelle le syndrome de William Seberen
00:26 et là ça a été évidemment comme tout diagnostic un vrai choc.
00:30 La première chose qui m'a été dite en fait c'était
00:33 "Vous savez madame c'est grave, c'est vraiment très très grave,
00:36 il va falloir vous consacrer à votre fils, il va falloir arrêter votre travail."
00:39 Et là ça a été pour moi je crois pire que tout en fait.
00:43 Quand on m'a annoncé le syndrome de William, je crois que j'ai été anesthésiée,
00:46 j'ai compris que c'était grave mais j'ai pas compris à quel point c'était grave.
00:50 Et puis après quand on réalise tout s'effondre, c'est vraiment,
00:53 c'est même le black out pour être très honnête je m'en souviens pas très bien.
00:55 Ce que je me suis dit tout de suite, une fois la douleur,
00:59 elle était encore présente mais une fois le choc passé,
01:01 c'était que je voulais surtout pas changer,
01:03 que je voulais que mon fils ait une vie la plus heureuse possible
01:07 et que pour qu'il soit heureux il fallait que moi je tienne debout,
01:09 il fallait que je me relève et il fallait que je sois heureuse
01:12 pour lui transmettre tout l'amour que j'avais pour lui.
01:14 J'ai essayé de m'organiser au mieux, j'ai retiré je crois toute la partie loisirs,
01:17 il y avait plus de place pour les loisirs donc c'était Marius,
01:21 son organisation, sa rééducation, ses soins, mon travail,
01:24 tout a basculé pour ma famille.
01:27 La première chose il a fallu que je comprenne, que je réalise.
01:31 La difficulté de l'annoncer aussi, c'est pas facile.
01:34 Moi j'ai fait le choix de tout de suite dire que Marius avait un syndrome génétique.
01:39 Certaines personnes n'arrivent pas à le dire, on met du temps,
01:42 moi j'avais besoin de le dire parce que j'avais l'impression
01:44 qu'une fois que je l'aurais dit je m'en serais débarrassée
01:46 et que voilà, tout le monde saurait que si Marius il allait pas marcher à un an
01:51 mais plutôt à deux ou trois ans, on allait pas me dire
01:52 "ah il a un an il marche pas" j'avais besoin de le dire en fait.
01:55 J'ai eu un élan de solidarité par tous nos amis,
01:57 c'est-à-dire que tout le monde a fait bloc autour de nous,
02:00 a été autour de nous, ils ont séché mes larmes,
02:03 on a eu des fous rires aussi parce qu'il faut jamais oublier de rire
02:05 même dans la difficulté, il faut essayer de trouver toujours la lumière
02:08 et c'est ce qui m'a sauvée en fait, c'est d'être très bien entourée.
02:11 Donc au travail ils ont appris que Marius avait un syndrome,
02:15 moi j'étais en congé maternité, j'ai voulu reprendre tout de suite mon travail
02:19 et exactement comme en amitié j'ai eu un vrai élan de solidarité.
02:23 J'ai eu quelques réactions qui voulaient être bienveillantes mais qui me blessaient,
02:28 comme par exemple "on va pas lui donner telle mission" comme j'étais consultante
02:30 ou "non non il faut pas lui donner ça parce que je vous rappelle elle a Marius"
02:35 et en fait même si ça se voulait gentil en fait pour moi c'était blessant
02:39 parce que je voulais être traité de la même façon que les autres.
02:41 J'ai moi on a demandé au papa de Marius d'arrêter de travailler,
02:43 on l'a demandé qu'à moi et je me suis dit "mais pourquoi en fait, pourquoi ?"
02:47 En fait c'était un peu ma force, c'était d'en faire mon combat,
02:50 de me dire que chaque parent, homme, femme, doit pouvoir choisir ce qu'il va faire,
02:55 s'arrêter de travailler pour s'occuper de son enfant
02:57 ou poursuivre son activité professionnelle.
02:59 Et ça je pense que ça appartient à chacun d'entre nous,
03:02 donc j'ai vraiment voulu m'engager dans des associations également auprès des femmes
03:05 pour travailler sur la place des femmes en entreprise.
03:07 Comme j'avais des engagements associatifs
03:09 et qu'on connaissait vraiment l'importance pour moi de travailler sur la place des femmes
03:12 et sur le handicap, j'ai intégré et j'ai créé une direction diversité
03:16 au sein de la banque postale, puis pour le groupe La Poste,
03:19 et puis j'ai eu la chance qu'on me propose ce poste au sein du groupe L'Oréal
03:23 pour travailler sur la diversité en France.
03:26 C'est certain que l'arrivée de Marius a eu un impact sur ma carrière professionnelle.
03:32 Sans l'arrivée de Marius, je n'aurais pas côtoyé le milieu associatif,
03:35 je n'aurais pas vu toute cette solidarité, tous ces élans,
03:37 et donc j'ai rencontré des personnes que je n'aurais jamais rencontrées
03:41 et qui font ce que je suis aujourd'hui et l'envie de m'engager toujours plus
03:46 pour les femmes, pour le handicap et pour l'ensemble des sujets.
03:49 J'ai eu beaucoup de chance aussi parce que Marius va bien, 20 ans plus tard,
03:52 donc je peux le dire avec beaucoup plus de légèreté qu'il y a même 10 ans.
03:56 J'avais quelque chose à me dire 20 ans plus tard à la personne que j'étais il y a 20 ans,
03:59 c'était ne doute pas de toi, aie confiance en toi, aie confiance dans tes décisions,
04:03 vas-y, fonce, ça ne va pas toujours être facile, mais aie confiance en toi.
04:07 [Musique]