• l’année dernière
La question de la santé mentale des jeunes est plus que jamais présente ces dernières années dans le champs politique. Le sujet n'est pourtant pas toujours maitrisé par le plus grand nombre. Comment et pourquoi ces états arrivent chez les jeunes ? Comment reconnaitre les premiers signes ? Et que peut-on faire personnellement mais également politiquement pour lutter contre ce phénomène ?Pour en débattre, Melissa Tafati, étudiante en sciences politiques, bénévole de l'UNICEF, cofondatrice du Podcast « Tes mot nos maux » avec l'UNICEF, Flore Greze, étudiante sage-femme, Vice-Présidente en charge des affaires de santé à la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes), Amandine Buffière, pédopsychiatre, présidente FDCMPP (Fédérer les centres médico-psycho-pédagogiques).LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcription
00:00:00 Générique
00:00:01 ...
00:00:15 -Bienvenue à tous dans "Débat d'oct".
00:00:17 20 ans, l'âge de tous les possibles, dit-on souvent,
00:00:20 mais aujourd'hui, c'est aussi pour beaucoup
00:00:23 un âge de grande vulnérabilité.
00:00:25 La preuve avec le documentaire exclusif
00:00:27 est intitulé "20 ans, le plus bel âge de la vie".
00:00:31 Le fil rouge de ce film, vous allez le voir,
00:00:33 est une ligne d'écoute gratuite de nuit
00:00:36 animée par des étudiants pour des étudiants.
00:00:39 Le réceptacle, en réalité, d'une génération
00:00:41 dont la santé mentale, vous allez le voir,
00:00:44 apparaît passablement affectée sans que les dispositifs
00:00:47 d'accompagnement s'avèrent réellement adaptés.
00:00:51 Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai
00:00:53 juste après sur ce plateau,
00:00:55 en compagnie de la pédopsychiatre Amandine Boucher,
00:00:58 de l'étudiante et animatrice de podcast Mélissa Tafati
00:01:02 et de la vice-présidente
00:01:04 de la Fédération des associations générales étudiantes,
00:01:07 Flore Graise. Avec elle, nous nous interrogerons
00:01:10 sur la détresse psychologique qui gagne du terrain
00:01:13 chez celles et ceux qui vivent aujourd'hui leurs 20 ans.
00:01:16 Bon doc.
00:01:19 Musique douce
00:01:21 ...
00:01:28 -Pressures et problèmes qui affectent la santé mentale
00:01:31 des jeunes ont augmenté.
00:01:33 Changement climatique.
00:01:35 Accès à l'éducation.
00:01:38 Des opportunités d'acheter ou d'acheter un appartement affordable.
00:01:42 La dévastation causée par cette pandémie.
00:01:45 Accès au marché du travail.
00:01:48 ...
00:01:50 La santé mentale est notre prochaine pandémie.
00:01:53 Refuser d'accepter cela affectera le futur de notre union.
00:01:56 Nous devons briser le modèle actuel
00:01:58 où nous stigmatisons la santé mentale
00:02:00 et pourtant souhaitons la perte de vie à cause de cela.
00:02:03 Nous devons faire ça pour nos jeunes,
00:02:05 pour notre union européenne.
00:02:07 ...
00:02:11 Musique douce
00:02:13 ...
00:02:18 -Bonsoir, c'est Nightline, je t'écoute.
00:02:20 ...
00:02:28 ...
00:02:30 ...
00:02:37 Musique douce
00:02:39 ...
00:02:43 Est-ce qu'il y a quelque chose dont tu aimerais me parler ?
00:02:46 ...
00:02:50 -Hum, hum.
00:02:52 Mais sache que je suis vraiment là pour t'écouter,
00:02:54 qu'importe le sujet.
00:02:56 Donc, si tu souhaites m'en parler, tu peux y aller.
00:02:59 Sinon, c'est comme tu le sens.
00:03:01 ...
00:03:05 On a un service "Compos' étudiant" et "Dessiner l'étudiant".
00:03:08 Du coup, on n'est pas professionnels.
00:03:10 Mais on a été formés à l'écoute active pour vous écouter.
00:03:13 ...
00:03:17 -D'accord.
00:03:18 ...
00:03:20 Pourquoi tu voudrais pas leur parler de tes problèmes à tes copines ?
00:03:24 ...
00:03:28 Qu'est-ce qui donne envie de pleurer ?
00:03:30 ...
00:03:32 -Nightline, c'est une association étudiante
00:03:34 qui a pour mission d'améliorer la santé mentale des jeunes,
00:03:37 en particulier des étudiants.
00:03:39 Et on le fait en s'appuyant sur un outil qui est l'aide par les pères.
00:03:43 Nous, on informe, on déstigmatise, on soutient, on oriente.
00:03:47 Et on le fait avec tout un éventail de dispositifs.
00:03:50 Il y a la ligne d'écoute nocturne,
00:03:52 mais on fait aussi des formations auprès des étudiants dans les facs.
00:03:56 On mène des actions de terrain, des campagnes sur les réseaux sociaux,
00:03:59 et des actions de paie-doyer.
00:04:01 -OK, ça marche.
00:04:03 ...
00:04:08 À toi aussi.
00:04:10 Merci d'avoir appelé.
00:04:11 En tout cas, sache que tu peux nous rappeler
00:04:14 lorsque tu en ressens le besoin.
00:04:15 On est ouverts tous les soirs de 21h à 2h30.
00:04:18 Passe une bonne soirée. Au revoir.
00:04:22 ...
00:04:28 -Ça va ? -Ouais.
00:04:29 Ouais.
00:04:31 -Il y a un vrai besoin de mettre plus de moyens,
00:04:33 plus de psychologues dans les services de santé étudiants.
00:04:36 Il y a un psychologue pour 15 000 étudiants,
00:04:38 10 fois moins que la recommandation internationale.
00:04:41 Il faut mettre des moyens ici.
00:04:43 C'est aussi ça qui est derrière Nightline et le projet de l'île d'écoute,
00:04:47 de pouvoir offrir un service disponible pour tous les étudiants,
00:04:50 tous les soirs.
00:04:51 Si on veut améliorer la santé mentale des étudiants,
00:04:54 il faudrait avoir une Nightline
00:04:56 dans chacun des établissements d'enseignement supérieur.
00:04:59 ...
00:05:07 -C'est le travail sans relâche,
00:05:09 le travail quotidien, les trajets,
00:05:13 la précarité étudiante.
00:05:15 ...
00:05:20 -C'est des insomnies.
00:05:21 Quand on va en cours, on est épuisé.
00:05:24 Et c'est être stressé,
00:05:27 mais vraiment, l'idée de tout, en fait,
00:05:29 c'est qu'on peut plus rien faire sans trembler comme pas possible.
00:05:34 ...
00:05:36 -Dès la première année, dès le premier cours,
00:05:39 on me dit que j'avais choisi un cursus très difficile,
00:05:42 il va falloir s'accrocher,
00:05:43 votre voisin de table ne sera pas là dans un an.
00:05:47 ...
00:05:49 -Des burn-outs et des dépressions
00:05:51 suite à trop de travail
00:05:53 ou énormément de pression et d'élitisme
00:05:55 de la part du système de la fac, des profs.
00:05:59 ...
00:06:00 -Je commence à détester de plus en plus ce que je fais,
00:06:03 parce que je vois que ce domaine me plaît,
00:06:05 mais il consomme trop de temps.
00:06:07 J'ai arrêté le sport, j'ai arrêté de voir des gens.
00:06:09 Je me concentre sur mes études, ça prend beaucoup de temps.
00:06:12 ...
00:06:15 -Les études, c'est toute ma vie.
00:06:16 C'est toute ma vie, je le dis,
00:06:18 parce que j'ai des parents qui ont investi dans mes études.
00:06:22 Je suis l'aînée et j'ai trois sœurs derrière
00:06:24 qui me voient comme un exemple en fin de compte.
00:06:28 Donc je me dis que je n'ai pas le droit à l'échec.
00:06:30 ...
00:06:36 -75 % des pathologies psychiatriques
00:06:38 se déclarent entre 15 et 25 ans.
00:06:41 Donc cet âge, cet âge étudiant,
00:06:44 est un âge qui peut être particulièrement impacté
00:06:48 par des troubles psychologiques, voire des maladies psychiatriques
00:06:51 émergentes sur cette tranche d'âge.
00:06:53 -Par exemple, la schizophrénie,
00:06:56 le trouble bipolaire,
00:06:58 ce sont des pathologies qui, généralement,
00:07:00 émergent à cet âge-là.
00:07:02 Donc il y a déjà une vulnérabilité un peu caractéristique de l'âge.
00:07:06 -Donc la question de l'âge dans les troubles de santé mentale,
00:07:09 elle est fondamentale, en ce sens qu'on doit s'intéresser très tôt
00:07:13 à ces problématiques pour la prévention,
00:07:17 pour l'éventuelle détection et pour les éventuelles prises en charge,
00:07:21 afin d'éviter que ça se chronicise, en particulier,
00:07:25 parce que ça se chronicise très bien, malheureusement,
00:07:27 les troubles de santé mentale.
00:07:29 ...
00:07:33 -Jusque l'âge de 25 ans,
00:07:35 et parfois un peu au-delà,
00:07:37 le cerveau continue à maturer,
00:07:39 de différentes manières, mais il continue à maturer,
00:07:42 il continue à se transformer,
00:07:43 et comme il se transforme, il est particulièrement sensible
00:07:47 aux influences de l'environnement.
00:07:48 Et cette plasticité, elle se fait pour le meilleur
00:07:51 et pour le pire.
00:07:52 ...
00:07:56 -Ma santé mentale, en tant qu'étudiante,
00:07:58 c'est la pression, le stress,
00:08:01 l'angoisse de ne pas réussir,
00:08:02 de ne pas arriver au but qu'on s'est fixé.
00:08:06 ...
00:08:08 -Ca a été en deuxième année que ça a commencé à être la douche froide,
00:08:11 c'est-à-dire qu'il y a des profs
00:08:14 qui ont vraiment commencé à nous mettre la pression très, très fort.
00:08:18 -Je suis épuisé par toutes ces années d'études,
00:08:23 épuisé du manque de considération
00:08:25 qu'on peut recevoir parfois de certains professeurs,
00:08:29 et c'est extrêmement difficile à vivre.
00:08:31 -Le problème, c'est que même si souvent je fais de mon mieux
00:08:34 et je réussis mes études,
00:08:35 j'ai beaucoup de mal à faire évacuer la pression après les examens.
00:08:39 Après les examens, il y a toujours un moment où je suis malade.
00:08:42 -Quand ça va pas bien, je peux même ne pas sortir
00:08:45 pendant plusieurs jours.
00:08:46 On peut plus rien faire, c'est anxiogène.
00:08:48 ...
00:08:50 -J'en pouvais juste plus de tout, j'avais un ras-le-bol de tout,
00:08:53 de tout le monde, de la vie, jusqu'à un point où, malheureusement,
00:08:56 j'ai fait cette tentative de suicide l'année dernière.
00:08:59 ...
00:09:02 -La caractéristique des étudiants par rapport aux autres,
00:09:06 non étudiants, c'est le cumul des facteurs de stress
00:09:09 qui arrivent sur ce temps des études.
00:09:12 Et ces facteurs de stress, on les connaît.
00:09:14 Ce sont les facteurs académiques, et notamment la sélectivité,
00:09:18 ce sont les facteurs culturels,
00:09:20 notamment pour les étudiants sujetiers à la mobilité,
00:09:23 que ce soit une mobilité nationale ou internationale,
00:09:26 ce sont des facteurs économiques, la fameuse précarité étudiante,
00:09:31 et enfin, le moral des étudiants va être impacté
00:09:34 par l'effondrement, on l'a vu pendant le Covid,
00:09:36 de telle ou telle filière industrielle.
00:09:39 ...
00:09:44 La détresse psychologique n'est pas une maladie.
00:09:47 La détresse est un ensemble, un syndrome, un ensemble de signaux,
00:09:50 qui peut se traduire sur différents axes de la vie du sujet,
00:09:55 évidemment dans la sphère affective et émotionnelle,
00:09:59 avec des idées tristes, avec une morosité, une irritabilité,
00:10:04 mais aussi dans la sphère somatique, physique,
00:10:07 avec des troubles du sommeil, une fatigue intense,
00:10:11 une difficulté à travailler, dans la sphère cognitive,
00:10:14 et c'est là où ça va impacter le plus l'étudiant,
00:10:17 avec une baisse de la concentration, de la mémorisation,
00:10:22 et évidemment la motivation, qui est le nerf de la guerre.
00:10:25 C'est le nerf de l'étudiant, la motivation,
00:10:28 la projection dans l'avenir.
00:10:30 Et par définition, la dépression,
00:10:33 c'est une absence d'anticipation, une projection négative dans l'avenir.
00:10:37 Donc vous voyez, ça va venir directement impacter la vie étudiante.
00:10:42 ...
00:10:46 -Ce qui est plus fréquent, beaucoup plus fréquent chez les étudiants,
00:10:51 ce sont des troubles comme les troubles de l'humeur,
00:10:54 la dépression notamment, les troubles anxieux,
00:10:57 qu'on peut retrouver fréquemment chez les étudiants,
00:11:00 les troubles des conduites alimentaires, qui peuvent émerger à cet âge-là,
00:11:04 et puis un trouble dont on parle assez peu,
00:11:06 mais qui peut concerner pas mal d'étudiants,
00:11:09 surtout à l'heure où on parle beaucoup des violences sexistes et sexuelles,
00:11:14 c'est le trouble de stress post-traumatique.
00:11:16 ...
00:11:24 -Et qu'est-ce que ton infancèle de Scali t'a dit ?
00:11:27 ...
00:11:31 D'accord. Et pourquoi t'étais pas rassurée ?
00:11:34 ...
00:11:36 Et avec tes parents, ça se passait comment ?
00:11:38 ...
00:11:42 Et tu penses qu'ils auraient réagi comment
00:11:45 si tu avais décidé de leur en parler ?
00:11:48 ...
00:11:52 Et ces interdits dont tu me parlais, c'était...
00:11:55 Ils venaient de qui ?
00:11:56 ...
00:12:02 En tout cas, n'hésite pas à nous rappeler,
00:12:04 on est ouverts de 21h à 2h30 tous les soirs.
00:12:07 Je te souhaite une bonne soirée.
00:12:09 ...
00:12:11 Au revoir.
00:12:13 ...
00:12:20 -Mais du coup, vu que je suis partie un moment,
00:12:23 ça a duré combien de temps, ton appel ?
00:12:25 -Euh...
00:12:26 Ça a duré 45 minutes.
00:12:28 L'idée générale de l'appel, c'était de s'apporter
00:12:32 sur le thème de l'image corporelle
00:12:35 et, on va dire, de santé sexuelle, globalement.
00:12:38 C'était un peu compliqué parce que...
00:12:41 Il était...
00:12:43 Il parlait toujours de la même chose.
00:12:46 Et même quand j'essayais de lui parler de...
00:12:48 J'essayais de rebondir sur le moindre petit élément
00:12:51 de son passé, de ses parents, tout ça,
00:12:53 eh ben, il revenait toujours à la même chose.
00:12:56 En fait, j'avais rien pour me raccrocher à ce qu'il disait.
00:12:59 C'était...
00:13:01 Il me parlait d'interdits dans son enfance,
00:13:05 qui avaient des répercussions à l'heure actuelle.
00:13:08 Mais c'est tout. Il avait pas plus de choses que ça.
00:13:11 Voilà. Il y avait aussi beaucoup de silence.
00:13:14 Et j'avais l'impression qu'il était plus gêné par les silences que moi.
00:13:18 Mais voilà.
00:13:20 Le concept des Nightlines, il est né dans les années 70,
00:13:24 à Essex, dans le sud de la Grande-Bretagne.
00:13:27 Et depuis, ça a essaimé un peu partout en Europe et dans le monde.
00:13:30 On peut retrouver des Nightlines au Royaume-Uni,
00:13:33 en Irlande, en Allemagne, en Autriche, en Suisse et en France.
00:13:37 Et nous, on est aussi en lien avec des étudiants belges motivés
00:13:40 pour pouvoir monter une première Nightline en Belgique.
00:13:42 Le problème de la santé mentale des étudiants,
00:13:44 il n'est pas que franco-français.
00:13:46 Dans les pays où il y a des études comparables,
00:13:49 le constat qu'on fait, c'est celui d'avoir vu doubler
00:13:52 le nombre d'étudiants qui présentent des symptômes dépressifs
00:13:55 entre avant et après le Covid.
00:13:57 Donc, le constat qu'on fait en France,
00:13:59 on le retrouve un peu partout en Europe.
00:14:01 Je suis étudiant en droit, j'ai 24 ans.
00:14:10 Et j'habite à Brenne-le-Comte.
00:14:11 Ma santé mentale, à moi, c'est clairement pas l'idéal.
00:14:16 Je me rends compte en bachelier, après la première année.
00:14:19 J'avais jamais dû travailler en secondaire,
00:14:22 donc j'arrivais à l'UNIF tout content, je testais mes méthodes habituelles.
00:14:26 Et là, la première claque tombe, je ne passe pas la première.
00:14:29 Ça a commencé avec le sommeil.
00:14:35 Le peu d'heures que je dormais, ce n'était pas suffisant.
00:14:38 Mon corps ne voulait plus se lever.
00:14:39 Il voyait mon bureau, mon lit, mon lit, mon bureau.
00:14:42 Il n'y avait plus que ça en tête, je travaillais constamment.
00:14:45 Mon corps n'arrivait plus à faire des simples choses.
00:14:47 Même allumer mon PC, parfois, ça devenait une épreuve incommensurable.
00:14:52 Mon corps m'a lâché.
00:14:53 À part dormir, je n'ai rien su faire.
00:14:55 Je commence à détester de plus en plus ce que je fais.
00:15:04 Je n'ai plus le temps de rien faire, je n'ai plus de vie sociale.
00:15:07 Je n'en pouvais plus de tout.
00:15:08 J'avais un ras-le-bol de tout, de tout le monde, de la vie,
00:15:11 jusqu'à un point où, malheureusement,
00:15:13 j'ai fait cette tentative de suicide l'année dernière.
00:15:16 On ne prépare jamais la réalité.
00:15:21 On voit, en droit, c'est comme ça,
00:15:24 on voit le succès de l'avocat à côté.
00:15:27 Et le succès de l'avocat, c'est un parcours du combattant.
00:15:30 Parce qu'on pousse les gens en disant, c'est censé ouvrir plein de portes.
00:15:33 Et là, je vois toutes les portes se refermer petit à petit.
00:15:35 Et puis, ce qui m'angoisse aussi, c'est le fait que le monde ne va pas.
00:15:39 Le suicide, c'est un problème majeur de santé publique
00:15:45 pour lequel il est possible d'agir.
00:15:48 On peut éviter le suicide.
00:15:50 Le suicide, c'est 9 000 morts chaque année.
00:15:52 On peut penser au 31 14, bien sûr,
00:15:59 le numéro national de prévention du suicide.
00:16:01 Il peut y avoir des dispositifs comme les Sentinels,
00:16:05 c'est-à-dire des personnes, des étudiants, des pères aidants
00:16:08 qui sont vraiment repérés comme ressources dans leur milieu
00:16:11 pour aller discerner les crises suicidaires.
00:16:14 Il y a des dispositifs pour accompagner les personnes
00:16:17 qui ont fait une tentative de suicide, en particulier les jeunes.
00:16:20 Ce qu'il faut rappeler, c'est que la prévention du suicide,
00:16:22 c'est la responsabilité de chacun.
00:16:25 Le professionnel, le bénévole, le citoyen,
00:16:29 le politique, le décideur, on a tous notre rôle à jouer.
00:16:33 Musique douce
00:16:35 ...
00:16:50 -C'était un tchat suicide immédiat.
00:16:54 Sauf que quand j'ai proposé d'appeler les secours,
00:16:58 la personne n'a pas voulu.
00:17:00 Et après, elle répondait très peu.
00:17:02 Ensuite, du coup, je l'ai redirigée à sa demande
00:17:07 vers l'annuaire qu'on a sous un étudiant en faute.
00:17:10 Mais après, pareil, elle répondait très peu.
00:17:14 ...
00:17:17 Ensuite, elle m'a un petit peu parlé des raisons
00:17:20 qui la poussaient à vouloir mourir.
00:17:22 Et après, elle a plus répondu.
00:17:25 -Tu te sens comment par rapport au fait
00:17:27 qu'elle ait plus ou moins arrêté de te répondre ?
00:17:30 -Bah...
00:17:31 Ca m'a pas mal inquiétée pendant le tchat.
00:17:35 ...
00:17:37 Parce que forcément, mon esprit me disait,
00:17:40 mais genre, qu'est-ce qui se passe ?
00:17:42 Est-ce que ça y est, elle va plus répondre ?
00:17:45 ...
00:17:49 Ca peut arriver que les personnes nous parlent de suicide.
00:17:52 Et dans ce cas-là, effectivement, ça va attirer notre attention
00:17:56 et on va proposer, par exemple, d'appeler les secours.
00:17:59 Quand on appelle les secours, on est obligés de briser l'anonymat,
00:18:02 mais on va prévenir la plante ou la plante
00:18:05 qu'il va y avoir une rupture d'anonymat.
00:18:08 Parce que si on appelle les informations nécessaires,
00:18:11 les secours peuvent pas intervenir.
00:18:13 Donc c'est le seul cas où il y a sortie d'anonymat.
00:18:18 ...
00:18:38 Alors, je suis ici depuis presque une semaine.
00:18:42 ...
00:18:47 Première chose que je fais, c'est d'aller au poste des infirmiers
00:18:51 pour prendre mon traitement du jour.
00:18:53 Et très souvent, du coup, c'est aussi mon premier contact social.
00:18:57 ...
00:19:00 Bonjour.
00:19:01 -Il a l'air dormi.
00:19:03 -Ca a été, ouais.
00:19:04 ...
00:19:09 -Ca a été assez tôt ? -Ouais.
00:19:11 ...
00:19:13 -La clinique Fondra est un hôpital psychiatrique à Hucle,
00:19:16 dans le sud de Bruxelles.
00:19:18 Et l'unité 1 dans laquelle je travaille
00:19:21 est dédiée spécialement aux jeunes adultes
00:19:24 entre 18 et 30 ans.
00:19:25 Il y a plusieurs types de pathologies qu'on peut rencontrer ici.
00:19:28 Donc les premières décompensations psychiatriques,
00:19:31 qui peuvent être des bouffées délirantes,
00:19:34 des tableaux dépressifs, des crises suicidaires,
00:19:38 des addictions importantes
00:19:40 qui les mettent souvent en retrait de la société,
00:19:44 en repli chez eux.
00:19:46 Et puis, tout ce qui est crise existentielle,
00:19:48 crise de sens, crise familiale aussi,
00:19:50 qui fait qu'à un moment, ces jeunes,
00:19:53 qui n'ont pas de logement,
00:19:54 trouvent ici un "asile",
00:19:57 même si le mot est un peu galvaudé,
00:19:59 mais un asile où ils peuvent se poser,
00:20:02 se reposer, en tout cas,
00:20:03 dans un endroit un peu neutre
00:20:05 pour repenser un peu leurs projets de vie.
00:20:08 ...
00:20:17 Je fais des études de droit en bachelier
00:20:19 et je vais être diplômé en 2024.
00:20:21 ...
00:20:26 Je pense que mes études ont eu un impact
00:20:28 sur ma santé mentale, absolument.
00:20:30 Moi, personnellement, j'ai tout remis en question.
00:20:33 Même mes études, je les ai remises en question en me disant
00:20:36 que je sais même pas pourquoi je fais ces études.
00:20:38 À force de rester seul, on commence à se faire des idées,
00:20:41 on commence à se dire qu'on va pas forcément
00:20:44 savoir réussir ces études aussi.
00:20:45 Il y a vraiment eu plein de questionnements.
00:20:48 Et à un moment donné, je voyais juste
00:20:50 que seulement avoir une psychologue
00:20:52 et avoir des séances, des consultations,
00:20:54 prendre une pilule chaque matin,
00:20:56 n'était juste pas suffisant, en fait.
00:20:58 Je voyais vraiment que j'avais besoin d'être
00:21:02 dans une institution, en fait,
00:21:04 pour retrouver une hygiène de vie,
00:21:06 qu'on me mette vraiment une structure,
00:21:08 une routine,
00:21:10 et qu'on se focalise vraiment là-dessus.
00:21:13 Que ce soit un peu une pause dans la vie,
00:21:15 parce que c'est comme ça que je le vis,
00:21:17 que j'ai l'impression que ma vie est en pause
00:21:20 et qu'à ce moment-là, on est juste en hôpital,
00:21:23 hospitalisé, et on pense seulement
00:21:25 à comment je me sens aujourd'hui.
00:21:28 Et je voyais vraiment que c'était nécessaire
00:21:30 parce que si je ne rentrais pas,
00:21:32 j'allais vraiment faire quelque chose
00:21:34 de beaucoup plus grave.
00:21:36 Je ne sais pas si je me sens forcément mieux.
00:21:40 Je dirais que je me sens plus en paix.
00:21:43 Euh...
00:21:44 Ce que j'espère, c'est...
00:21:46 d'avoir pris le temps, justement,
00:21:49 d'aller creuser en moi,
00:21:53 d'aller voir, en fait,
00:21:54 d'où viennent tous ces traumatismes.
00:21:56 J'essaie de faire un équilibre entre ma santé
00:21:59 et mes études, et du coup,
00:22:01 je pense que c'est vraiment mon premier objectif,
00:22:04 de pouvoir franchir ce cap-là.
00:22:06 Je pense qu'en sortant d'ici,
00:22:08 je ne vais pas être 100 % guéri
00:22:11 ou à 100 % de nouveau
00:22:14 en forme ou quoi que ce soit.
00:22:16 Mais je pense que du moins,
00:22:17 il y aurait quand même quelques petits trucs
00:22:20 que j'aurais réglés,
00:22:22 des choses qui seraient plus claires pour moi.
00:22:31 Je m'appelle Margot, j'ai 26 ans,
00:22:33 et j'ai fait une licence de japonais.
00:22:37 J'ai passé plusieurs mois au Japon,
00:22:41 et ça a été un déclencheur pour moi,
00:22:43 pour commencer une fac de japonais
00:22:45 et reprendre les études après ça.
00:22:48 Et du coup, je suis rentrée,
00:22:50 et la première année, j'étais absolument passionnée
00:22:53 par tout ce que j'apprenais.
00:22:55 Je travaillais avec plaisir,
00:22:56 je restais jusqu'à 21h à la bibliothèque le soir,
00:22:59 je sortais avec un grand sourire.
00:23:01 Et ça a été en deuxième année
00:23:02 que ça a commencé à être la douche froide.
00:23:05 Il y a des profs qui ont vraiment commencé
00:23:10 à nous mettre la pression très, très fort.
00:23:13 Il y a eu ce côté extrêmement compétitif
00:23:16 qui a été mis en place,
00:23:18 et il y a des gens qui ne supportent pas ça du tout.
00:23:22 J'ai vraiment, littéralement, fait une dépression et un burn-out
00:23:26 parce que j'arrivais vraiment plus à suivre,
00:23:30 j'avais plus de vie et je vivais mal d'avoir plus de vie,
00:23:32 ce qui n'était pas le cas en première année.
00:23:35 Je suis allée en parler à un de mes profs référents
00:23:37 que j'appréciais beaucoup à ce moment-là.
00:23:39 Donc, je lui ai dit que ça allait pas,
00:23:42 et il m'a répondu assez sereinement.
00:23:45 "Ah, dans tous les cas, en L2,
00:23:48 "il y a 15 % des étudiants en japonais
00:23:50 "qui sont en dépression."
00:23:52 On le sait.
00:23:53 Tous les ans, il y a plusieurs suicides.
00:23:58 Ils s'en vendent pas, mais on le sait quand même.
00:24:01 Je me dis que je suis fière, justement,
00:24:04 d'avoir réussi à passer au-dessus de tout ça,
00:24:08 parce que tout le monde n'a pas cette chance.
00:24:10 Bonsoir, ici Nathlane, je t'écoute.
00:24:27 OK.
00:24:28 C'est quoi exactement ton problème de santé ?
00:24:32 D'accord.
00:24:35 Ouais.
00:24:41 Ouais, je comprends.
00:24:47 C'est le simple fait de sortir qui te met KO,
00:24:50 ou c'est ce que ça engendre,
00:24:52 c'est-à-dire les déplacements et tout ça ?
00:24:54 C'est-à-dire les déplacements et tout ça.
00:24:57 Comment tu te sens ?
00:25:04 Euh... Ça va, ça va.
00:25:06 Vraiment, il y avait un rapport très bienveillant,
00:25:08 donc... Bien.
00:25:10 C'était quelqu'un d'assez touchant, de très gentil.
00:25:12 L'appel a pas duré longtemps, il a duré une trentaine de minutes,
00:25:16 parce qu'en fait, elle avait juste besoin d'exprimer,
00:25:18 de parler un peu de sa situation,
00:25:20 et à la fin, elle me l'a dit que c'était assez cathartique
00:25:23 de pouvoir juste sortir les informations de sa tête,
00:25:27 juste de les transmettre et de pouvoir passer à autre chose,
00:25:30 parce qu'elle souffre d'une maladie qui lui pourrit la vie.
00:25:35 Hum.
00:25:36 Du coup, elle se retrouve très seule, elle avait vraiment besoin d'en parler.
00:25:40 Le mal-être étudiant est très ancien.
00:25:47 Les différentes enquêtes épidémiologiques
00:25:49 menées par les mutuelles étudiantes,
00:25:51 puis ultérieurement par l'Observatoire de la vie étudiante,
00:25:54 ont montré, déjà avant le Covid,
00:25:56 20 % de détresse psychologique,
00:25:59 puis 25 % de détresse psychologique,
00:26:02 du fait des cumuls de facteurs de stress.
00:26:05 Tous ces facteurs-là contribuent à la détresse universitaire,
00:26:08 qui n'a pas été prise en compte précisément par les pouvoirs publics.
00:26:13 Depuis le rapport Wauquiez, qui date de 2006,
00:26:15 finalement, rien n'a été vraiment mis en oeuvre
00:26:18 de manière importante pour la santé étudiante.
00:26:21 Il a fallu attendre notre gouvernement actuel
00:26:24 et le séisme du Covid
00:26:26 pour que des moyens substantiels soient délivrés
00:26:30 au regard d'une souffrance
00:26:32 qui est montée jusqu'à 43 % de détresse psychologique
00:26:36 en juin 2021, septembre 2021 encore,
00:26:40 donc largement au sortir du Covid.
00:26:42 Musique douce
00:26:44 ...
00:26:53 -La crise du Covid, on sait, a été particulièrement
00:26:57 vulnérabilisante au plan de la santé mentale,
00:27:01 pour la population générale,
00:27:03 pour les jeunes en particulier.
00:27:05 Elle a fait un peu un effet loupe.
00:27:07 ...
00:27:12 Il y a véritablement un avant et un après mars 2020,
00:27:18 dans la mesure où les étudiants en particulier,
00:27:23 les jeunes en général,
00:27:24 ont été très, très sévèrement impactés
00:27:28 par la crise Covid.
00:27:30 La privation de socialité chez les jeunes,
00:27:33 donc chez les étudiants,
00:27:35 c'est quelque chose de cataclysmique.
00:27:37 C'est un moment où on construit sa vie relationnelle,
00:27:40 où on en a vraiment besoin,
00:27:42 où on a généralement beaucoup de relations,
00:27:44 beaucoup de sorties,
00:27:45 où on va beaucoup dans des lieux présentiels
00:27:48 pour avoir des cours, des formations.
00:27:50 Avoir supprimé tout ça,
00:27:53 ça a eu un impact absolument énorme.
00:27:56 ...
00:28:03 Comme tout étudiant, je pense que mes études
00:28:06 ont beaucoup d'influence sur ma santé mentale.
00:28:09 Il y a beaucoup de stress qui est là,
00:28:10 il y a beaucoup de doutes.
00:28:12 Il y a beaucoup de doutes,
00:28:13 non seulement pour les études actuelles,
00:28:16 mais pour ce qu'elles me permettront de faire plus tard.
00:28:18 ...
00:28:21 Pendant la période de Covid, ce qui a été le plus dur pour moi,
00:28:24 je pense que ça a été vraiment l'isolation.
00:28:27 C'était vraiment le moment où on est seul avec soi-même.
00:28:30 Donc, mon premier confinement, je l'ai vécu...
00:28:33 Je l'ai vécu essentiellement dans ma chambre.
00:28:35 ...
00:28:38 Pendant cette période, je ne suis pas du tout sorti.
00:28:41 J'ai acheté beaucoup de Legos, je montais les Legos dans ma chambre,
00:28:44 mais je ne suis pas sorti du tout à l'extérieur.
00:28:47 J'ai vraiment ressenti une grande solitude.
00:28:49 ...
00:28:52 Cet isolement, oui, a pesé sur ma santé mentale,
00:28:55 parce que ne sortant plus et prenant un peu moins soin de moi,
00:28:59 j'avais les moments de doute, de se voir dans le miroir.
00:29:02 Quand on n'est pas bien, on se voit encore plus laid,
00:29:05 si je peux dire, que ce qu'on est réellement.
00:29:08 Donc, oui, cela a énormément joué sur la santé mentale,
00:29:11 de rester enfermé, de ne presque parler à personne,
00:29:13 parce que même si j'avais quelques amis
00:29:16 avec qui je pouvais envoyer des messages,
00:29:18 ne sortant pas, je n'avais pas grand-chose à dire,
00:29:21 on fait vite le tour d'une journée enfermée chez soi.
00:29:24 ...
00:29:31 En été 2021,
00:29:32 suite au deuxième confinement, j'avais une amie,
00:29:35 ma meilleure amie,
00:29:37 qui, elle, a vécu la crise de Covid
00:29:39 encore beaucoup plus fort que n'importe qui, je pense,
00:29:43 dans mon entourage,
00:29:45 et qui a préféré faire une bêtise
00:29:48 et quitter ce monde.
00:29:50 C'est une jolie façon de le dire,
00:29:53 mais...
00:29:54 Elle avait beaucoup de doutes en elle,
00:29:57 c'était une période difficile, où elle s'est sentie très seule,
00:30:00 où je pense qu'aucun message virtuel n'aurait suffi à l'aider.
00:30:05 Je pense qu'elle avait vraiment besoin
00:30:07 que la vie soit comme elle l'était avant,
00:30:09 de pouvoir sortir, changer ses idées,
00:30:11 mais elle est restée enfermée chez elle,
00:30:13 ce qui lui a fait broyer encore plus du noir.
00:30:16 C'est cette période-là qui l'a enfoncée.
00:30:18 ...
00:30:21 -Les étudiants, dont la socialité a été complètement supprimée,
00:30:24 de même que la possibilité de se projeter dans leurs études,
00:30:28 ont véritablement vécu ça comme un traumatisme.
00:30:32 Un traumatisme, c'est-à-dire quelque chose qui effracte le psychisme
00:30:36 et qui est susceptible d'attenter à la vie.
00:30:39 En tout cas, tellement gravement à la qualité de la vie
00:30:43 que ça devient difficile de se projeter dans une vie future.
00:30:46 Et donc, les étudiants, les jeunes,
00:30:49 ont davantage que d'autres catégories de la population
00:30:52 ces états de stress post-traumatique.
00:30:54 C'est une chose qui est inédite dans l'histoire de l'humanité,
00:30:57 l'état de stress post-traumatique.
00:30:59 C'est quelque chose qui survient quand on risque de mourir soi-même,
00:31:03 quand on voit quelqu'un mourir, qu'on est pris dans un attentat.
00:31:06 Là, on a des gens, toute une population,
00:31:09 qui s'est retrouvée dans cet état traumatisé
00:31:12 en raison des confinements qu'ils ont subis.
00:31:16 Et on le sait parce qu'ils le disent.
00:31:18 Quand on leur demande
00:31:19 "Qu'est-ce qui, dans ce qui s'est passé dans cette crise,
00:31:23 "a été le plus traumatogène pour vous ?"
00:31:25 Il y a la peur de mourir, la peur que mes proches meurent
00:31:28 et le risque d'un prochain confinement.
00:31:30 Musique sombre
00:31:32 ...
00:31:37 -Je m'appelle Amina, j'ai 24 ans,
00:31:39 je suis étudiante en sciences politiques cette année
00:31:42 et je suis à l'université de Versailles, 50 ans.
00:31:44 ...
00:31:46 Ma santé mentale, en tant qu'étudiante,
00:31:48 c'est la pression, le stress, l'angoisse de ne pas réussir
00:31:52 et de ne pas arriver au but qu'on s'est fixé.
00:31:56 Il y a eu beaucoup de stress, beaucoup de pression
00:31:59 les premières années, la première année.
00:32:02 La seconde, il y a eu le Covid,
00:32:03 et là, c'était vraiment très compliqué de suivre
00:32:07 parce que, du coup, on est isolé, on est seul,
00:32:10 on n'est plus dans l'élément qu'on est en train de construire.
00:32:14 Il y a eu le premier confinement,
00:32:15 parce qu'on était terrorisés par le Covid
00:32:18 et qu'on se rendait compte de ce qui se passait autour de nous
00:32:21 et que le Covid, c'était grave et qu'il fallait s'isoler.
00:32:24 Mais très rapidement, on était surchargés
00:32:27 par beaucoup de travail à la maison.
00:32:29 Donc, les profs nous mettaient la pression.
00:32:31 En étant à la maison, je pense qu'ils pensaient
00:32:34 qu'on ne faisait rien, alors qu'en réalité,
00:32:36 on avait une double charge de travail.
00:32:39 Donc, ça, c'était très compliqué sur ma santé mentale.
00:32:42 J'ai eu un début du ulcère à l'estomac.
00:32:45 J'ai passé parfois des semaines sans vouloir me lever,
00:32:48 sans vouloir faire quoi que ce soit,
00:32:51 et avoir aussi la pression qu'il faut que je me lève
00:32:53 et que je travaille pour réussir.
00:32:55 Et on se dit aussi qu'on n'a pas besoin d'aide,
00:32:57 que la seule solution, ce serait de réussir pour aller mieux.
00:33:01 Et on met de côté tout ce qui nous arrive en ce moment même.
00:33:05 Ils ont été beaucoup stigmatisés.
00:33:10 Ils ont été désignés comme un des éléments majeurs
00:33:14 de la circulation virale.
00:33:16 Donc, du coup, ça a eu un effet terrible
00:33:18 sur leur santé mentale,
00:33:19 qui s'est très rapidement vue dans les données.
00:33:22 On a vu exploser les troubles anxieux,
00:33:25 les troubles dépressifs, les troubles du sommeil.
00:33:28 Donc, tous les gens, tous les jeunes, tous les étudiants
00:33:30 qui se sont retrouvés avec des troubles mentaux de ce type
00:33:34 en raison de cette période
00:33:38 risquent d'en subir les conséquences pendant très longtemps,
00:33:41 du simple point de vue de la santé mentale.
00:33:44 Par ailleurs, pour beaucoup, leur cursus de formation
00:33:47 a été très gravement altéré.
00:33:49 Et ça, ça aura un impact sur toute leur vie.
00:33:51 Ça veut dire qu'on a engendré des conséquences
00:33:53 pour plusieurs décennies.
00:33:55 Donc, on ne peut pas du tout considérer que le problème est terminé.
00:33:58 Même, malheureusement, on pourrait avoir tendance à considérer
00:34:00 qu'il commence.
00:34:01 (musique douce)
00:34:03 Il y a forcément des appels qui restent
00:34:10 à des degrés différents.
00:34:13 Et nous, à Nightline, on a des moyens aussi différents
00:34:16 de pouvoir les extérioriser.
00:34:18 Le premier niveau, c'est ces débriefings qu'on fait à chaud,
00:34:23 tout de suite après avoir raccroché,
00:34:25 ou dans les quelques minutes qui suivent,
00:34:27 et qu'on partage avec les autres bénévoles
00:34:30 qui sont en permanence avec nous.
00:34:32 Ça, c'est un peu le premier degré d'extériorisation.
00:34:35 Ensuite, on a ce qu'on appelle les réunions de partage.
00:34:39 C'est des réunions qui ont lieu une fois par mois
00:34:41 et qui rassemblent entre 5 et 10 bénévoles
00:34:46 et qui sont encadrées par une psychologue.
00:34:49 Et pendant ces réunions de partage,
00:34:51 l'objectif, c'est justement de reparler de ces appels
00:34:55 qui restent avec nous,
00:34:57 parce que les thématiques sont lourdes et qu'elles nous ont marquées,
00:35:00 parce qu'on s'est senti particulièrement en difficulté
00:35:03 pendant l'appel pour x ou y raison.
00:35:05 Ces réunions sont obligatoires
00:35:07 pour tous les bénévoles qui prennent des appels,
00:35:10 et elles sont mensuelles.
00:35:11 Donc on n'a pas le droit de prendre d'appel pendant un mois
00:35:15 si on n'a pas fait sa réunion le mois précédent.
00:35:18 En parler à la famille et aux amis,
00:35:21 c'est justement pas possible dans le cadre de Nightline
00:35:25 parce que le rôle de bénévole est anonyme.
00:35:27 Cet anonymat, il est au premier plan pour les appelants.
00:35:31 Eux ne doivent pas dévoiler d'informations sur eux,
00:35:35 mais en fait, elle est valable aussi pour nous, les bénévoles.
00:35:38 On ne doit pas révéler à notre entourage qu'on est bénévole à Nightline.
00:35:43 C'est une partie de notre quotidien qui reste secrète
00:35:46 pour un tas de raisons.
00:35:48 L'une d'entre elles, c'est de ne pas projeter d'identité
00:35:51 sur ce bénévole qui peut nous répondre sur ce service d'écoute
00:35:55 pour ne pas peut-être décourager certains de nos proches
00:35:58 qui pourraient avoir envie d'appeler,
00:36:00 mais qui ne le font pas parce qu'ils auraient vent de notre engagement.
00:36:04 Donc pour ces raisons et pour encore plein d'autres,
00:36:08 on ne peut pas partager ce qui se passe en permanence
00:36:11 avec nos proches.
00:36:12 ♪ Piano ♪
00:36:16 ♪ Piano ♪
00:36:22 C'est un micro-cause, mais si c'est...
00:36:26 Dans la vraie vie, ça ne peut pas se passer comme ça.
00:36:27 En tout cas pour moi, de mon côté, ça ne se passe pas comme ça.
00:36:31 Ma journée, elle est faite, je fais les choses que j'ai à faire
00:36:33 et je n'ai pas le temps de m'occuper de ma santé mentale.
00:36:36 Et parfois, on ne va pas forcément trouver la personne à qui parler
00:36:39 ou sentir en confiance.
00:36:42 Et ça aussi, moi personnellement,
00:36:44 j'ai vraiment beaucoup de mal à parler de moi,
00:36:46 surtout quand ça ne va pas bien.
00:36:48 C'est vraiment difficile de faire parvenir le message
00:36:50 de "là, ça ne va pas, j'ai besoin d'aide".
00:36:53 C'est peut-être que la société a échoué
00:36:55 à fournir suffisamment de ressources, comme vous le nommiez.
00:36:57 Si il y avait justement plus de choses en ambulatoire,
00:37:00 ça permettrait de maintenir son rythme de vie, son emploi,
00:37:04 tout en ayant une place pour prendre soin de soi
00:37:06 et que finalement, ça ne soit pas de l'ordre du sacrifice
00:37:08 de prendre soin de soi.
00:37:10 C'est super dur de faire ça à l'extérieur.
00:37:12 Moi, j'ai tenté...
00:37:13 Ça fait trois ou quatre ans que je tente de faire ça qu'à l'extérieur
00:37:18 et je n'y arrive pas.
00:37:19 En tout cas, en psychiatrie, c'est bouché de chez bouché, complètement.
00:37:24 Donc il y a cette réalité-là aussi.
00:37:27 Ce n'est pas que le bon vouloir de la personne.
00:37:29 Déjà qu'on est fatigué émotionnellement en parlant
00:37:32 et qu'on n'a pas spécialement envie de s'en sortir
00:37:34 parce qu'on est dans une boucle.
00:37:35 Mais en plus de ça, s'y trouver bouché de tous les côtés,
00:37:38 ce n'est pas possible.
00:37:39 C'est un sentiment très particulier.
00:37:41 Ça fait vraiment très bizarre
00:37:43 parce que je pense que ce n'est pas tous les jours
00:37:44 qu'on va chez quelqu'un et qu'on dit
00:37:46 "Moi, en fait, j'ai envie de mourir"
00:37:50 ou "Je n'ai pas l'énergie pour aller faire mes courses,
00:37:53 de me lever du lit, etc."
00:37:55 Et que l'autre dit "Moi aussi, franchement..."
00:37:57 Ce sont vraiment des sujets qui sont hyper...
00:38:00 Pas hyper, mais je dirais qu'ils sont...
00:38:02 Ils sont très très très difficiles à comprendre.
00:38:04 C'est un sujet qui est très très difficile à comprendre.
00:38:07 Pas hyper, mais je dirais qu'on n'entend pas très souvent
00:38:10 dans la vie de tous les jours.
00:38:12 Et ici, justement, on arrive vraiment à en parler
00:38:15 entre patients et c'est complètement normal.
00:38:17 Moi et ma génération, on se pose aussi énormément la question
00:38:21 de "Qu'est-ce qui va être le futur ?"
00:38:23 Et du coup, on est pleinement dans nos études,
00:38:26 on se dit avec le réchauffement climatique,
00:38:28 on ne sait même pas comment le monde va être dans 30, 50 ans.
00:38:32 Et ça crée vraiment une grosse grosse anxiété.
00:38:35 Ça crée vraiment une crise existentielle, tout simplement,
00:38:38 de se dire "En fait, là, je suis en train de faire des études.
00:38:41 Est-ce que ça vaut vraiment le coup ?"
00:38:43 L'anxiété, elle est là, quoi.
00:38:44 Quand on dit "éco-anxiété", on a tout de suite tendance
00:38:51 à considérer ça comme un trouble anxieux.
00:38:54 Et ça risque d'avoir cette conséquence
00:38:55 qu'on va avoir tendance à considérer
00:38:57 que si les jeunes sont éco-anxieux,
00:38:58 c'est parce qu'ils ont des problématiques qui leur sont propres.
00:39:00 Non.
00:39:01 Les jeunes, et toute l'humanité,
00:39:04 développent des émotions par rapport à ce risque
00:39:08 qui sont légitimes, qui sont sains,
00:39:11 et qui, lorsqu'ils ne deviennent pas inhibants
00:39:15 parce qu'ils sont trop intenses,
00:39:16 génèrent de l'action, de la colère, de la révolte.
00:39:20 Du coup, ce n'est même plus de l'anxiété, c'est de la peur.
00:39:22 Parce que l'anxiété, c'est quelque chose qui est là
00:39:24 par rapport à un danger futur un peu incertain,
00:39:27 mais là, on est dans un danger concret qui est actuel.
00:39:29 C'est de la peur.
00:39:31 Quand on n'a pas peur face à un danger,
00:39:33 ce n'est pas qu'on est courageux, c'est qu'on est inconscient.
00:39:35 Je m'appelle Zinedine, j'ai 24 ans,
00:39:44 je fais actuellement un master 2 de droit
00:39:46 à l'Université Paris-Nanterre.
00:39:48 On va dire que je vais très mal,
00:39:51 parce que je suis épuisé par toutes ces années d'études,
00:39:55 et c'est extrêmement difficile à vivre.
00:39:57 C'est-à-dire que tous les jours,
00:39:59 je me rends à la fac la boule au ventre,
00:40:01 je vais à mon alternance en cabinet d'avocat la boule au ventre.
00:40:05 Alors, les études, ça apporte quand même personnellement,
00:40:10 mais il y a quand même une forme de déception au bout du tunnel,
00:40:12 parce qu'il n'y a pas de transition,
00:40:15 c'est-à-dire qu'on finit l'université,
00:40:17 ensuite, on est balancé dans le grand bain,
00:40:19 et on se rend compte que ce n'est pas vraiment
00:40:22 ce qu'on nous a présenté au début.
00:40:24 Et je pense personnellement que je ne suis pas fait
00:40:27 pour le monde dans lequel on me balance aujourd'hui.
00:40:32 Il y a un contexte qui est très particulier.
00:40:34 Il y a eu la crise Covid,
00:40:35 il y a eu même le mouvement des gilets jaunes,
00:40:38 on pourrait presque l'inclure,
00:40:40 l'inflation, la guerre,
00:40:42 toutes ces choses-là qui sont très difficiles à vivre.
00:40:44 Je pense que de manière plus générale,
00:40:45 ça pèse sur toute la société en réalité.
00:40:48 Mais les étudiants, ils ont une difficulté supplémentaire,
00:40:51 c'est qu'eux, ils sont déjà, pour certains,
00:40:54 dans une grande précarité,
00:40:56 et ils doivent, en plus de cela,
00:40:57 continuer à rester dans le même milieu,
00:40:59 en plus de cela, continuer à rester motivés
00:41:01 pendant leurs études,
00:41:02 et je pense que c'est ça aussi le plus difficile,
00:41:05 rester motivés alors que l'avenir
00:41:07 est totalement incertain en réalité.
00:41:09 C'est plus dur de se projeter aujourd'hui,
00:41:12 peut-être qu'il y a une dizaine d'années,
00:41:14 parce que les problématiques sont beaucoup plus mises en avant.
00:41:17 Le réchauffement climatique,
00:41:18 c'est devenu un sujet de tous les jours.
00:41:20 Les problématiques économiques,
00:41:22 c'est devenu un sujet de tous les jours.
00:41:24 Le chômage, les violences sexistes et sexuelles.
00:41:27 Il y a un climat ambiant
00:41:29 qui est probablement plus anxiogène aujourd'hui
00:41:32 pour les jeunes,
00:41:34 et qui est accentué par la pression des examens,
00:41:37 l'isolement de la famille.
00:41:38 Faire des études, c'est bien,
00:41:40 mais on va aussi avoir besoin d'aller plus loin
00:41:42 dans comment est-ce qu'on se sent bien,
00:41:43 où est-ce qu'on veut aller.
00:41:45 Beaucoup plus que gagner un gros salaire,
00:41:46 ça va vraiment être comment est-ce que je me sens bien
00:41:48 dans mes études pour aller bien dans ma vie professionnelle.
00:41:51 Et on s'est rendu compte que de plus en plus,
00:41:52 les étudiants et les étudiantes avaient envie
00:41:54 d'avoir un bon cadre de vie
00:41:56 avant d'avoir un cadre de vie luxueux.
00:41:58 Les sociétés sont éminemment régulières,
00:42:01 fiables, structurées, prévisibles pour leurs membres.
00:42:04 Donc, bien évidemment,
00:42:06 quand on s'engage par exemple dans des études,
00:42:08 on s'attend à ce que le métier auquel on se forme
00:42:11 existe encore dans 5 ans, dans 10 ans.
00:42:13 Quand on projette une famille,
00:42:15 on s'attend à ce qu'il y ait encore une planète
00:42:17 dans 15 ans pour les enfants qu'on va faire.
00:42:18 Et ce sont des régularités extrêmement puissantes,
00:42:21 extrêmement structurantes,
00:42:22 non seulement de la société,
00:42:24 mais aussi des psychismes individuels.
00:42:27 Et tout ceci a été disloqué.
00:42:29 Et donc, les jeunes sont pris dans ça aujourd'hui
00:42:33 à une époque de leur vie où leur psychisme,
00:42:36 leur fonctionnement relationnel
00:42:38 et leur implication dans la société sont encore en construction.
00:42:41 Donc, il y a cette dimension de ça va se construire
00:42:43 sur quelque chose de pas stable et de pas prévisible.
00:42:46 Et là, c'est la base des graves, graves, graves troubles mentaux.
00:42:50 ♪ ♪ ♪
00:42:57 J'ai 21 ans et je suis actuellement en deuxième année
00:43:00 de BUT carrière sociale, parcours animation sociale
00:43:03 et socio-culturelle à l'IUT de Tourcoing.
00:43:06 ♪ ♪ ♪
00:43:07 Alors, la santé mentale, c'est compliqué selon les jours.
00:43:13 Il y a déjà tout ce qui est vie quotidienne.
00:43:15 Donc, c'est-à-dire quand on est étudiant et précaire,
00:43:18 savoir comment se loger, payer le loyer,
00:43:22 payer tout ce qui est à côté, les frais quotidiens
00:43:24 comme tout ce qui est transport, la nourriture,
00:43:28 les courses, etc.
00:43:29 Plus, après, quand on n'a pas de soutien de sa famille proche
00:43:34 comme les parents, c'est vrai que c'est compliqué
00:43:37 à gérer au quotidien.
00:43:38 ♪ ♪ ♪
00:43:41 Avec mes parents, ce qui s'est passé,
00:43:42 c'est que je suis LGBT et eux...
00:43:47 ils n'ont pas bien pris la nouvelle.
00:43:52 Et du coup, ça fait trois ans qu'à cause de ça,
00:43:55 je ne les vois plus et que je n'ai pas le droit
00:43:57 de voir mon petit frère.
00:43:58 ♪ ♪ ♪
00:44:01 Je n'avais aucun revenu parce que je n'avais pas le droit
00:44:03 à la bourse.
00:44:04 Donc, j'ai dû demander une pension alimentaire,
00:44:07 même si ça a été long.
00:44:09 Parce que vivre quand on est étudiant,
00:44:12 c'est vrai que c'est compliqué sans ressources financières.
00:44:17 Et c'est vrai que quand on ne peut pas,
00:44:19 en étant étudiant, être suivi par un psychologue
00:44:22 parce que ça coûte cher,
00:44:24 et qu'on voit les délais pour les bureaux d'aide
00:44:28 ou pour des fois les psychiatres qui peuvent être remboursés
00:44:31 par la Sécurité sociale,
00:44:33 c'est compliqué.
00:44:34 Des fois, on a tendance à ne pas être suivi
00:44:38 et à laisser tomber parce que c'est épuisant,
00:44:43 en plus des études, de devoir chercher,
00:44:45 de devoir s'investir encore sur un autre plan.
00:44:48 C'est décourageant, c'est du bruit.
00:44:50 ♪ ♪ ♪
00:44:55 -En France, on a des vraies difficultés
00:44:58 autour de la santé mentale,
00:45:02 en ce sens que, par exemple,
00:45:04 dans les centres médicaux psychologiques,
00:45:06 il y a des listes d'attente qui sont importantes.
00:45:09 Et par ailleurs, les services de santé universitaires
00:45:11 probablement ne sont pas assez pourvus,
00:45:13 notamment en psychologue ou en professionnel de la psychiatrie.
00:45:18 -Les files d'attente aujourd'hui pour les jeunes,
00:45:22 que ce soit en ville, que ce soit à l'université,
00:45:24 dans les services universitaires, que ce soit à l'école,
00:45:27 les files d'attente pour accéder à des soins psychiques,
00:45:29 elles sont lunaires.
00:45:31 Lunaires, c'est six mois.
00:45:33 Dans certains endroits en France très défavorisés,
00:45:35 c'est 18 mois.
00:45:36 Autant dire que ça n'a aucun sens.
00:45:39 Quand on a un problème de santé mentale sérieux,
00:45:43 même pas forcément sévère, mais sérieux,
00:45:45 c'est tout de suite maintenant.
00:45:47 ...
00:45:57 Il toque à la porte.
00:45:58 ...
00:46:01 -Ca va, patron ? -Ca va bien, et vous ?
00:46:03 -Ca va, ça va.
00:46:04 On dit quoi ?
00:46:06 -On dit rien.
00:46:08 Rien.
00:46:09 -Rien ? -Rien.
00:46:10 -OK.
00:46:12 Allez.
00:46:13 T'as pas encore rangé ?
00:46:14 -Non.
00:46:16 -Lala...
00:46:17 Et quoi, t'as la flemme, c'est ça ?
00:46:19 -Non, je faisais une sieste. -Ah.
00:46:20 Allez, à tout à l'heure.
00:46:22 ...
00:46:32 Il toque à la porte.
00:46:33 ...
00:46:37 C'est Micha Bicaye pour le tour des 16h. Ca va ?
00:46:39 -Oui.
00:46:41 -Qu'est-ce qu'on a fait aujourd'hui ?
00:46:42 -Euh... Pas grand-chose.
00:46:45 -Comment ça, pas grand-chose ?
00:46:47 T'as pas fait d'activité aujourd'hui ?
00:46:49 T'as pas été en activité ?
00:46:51 -Fin de journée.
00:46:53 -Fin de journée ? -Oui.
00:46:54 -Ah !
00:46:55 Il est 16h, hein ?
00:46:56 -Oui, mais je vais voir mon père d'abord.
00:46:59 -Ah, d'accord.
00:47:00 Papa d'abord, et puis l'activité après.
00:47:03 -Oui.
00:47:04 -Hum...
00:47:05 Ca va.
00:47:08 C'est bon. Allez, à tout à l'heure.
00:47:10 ...
00:47:16 Il toque à la porte.
00:47:17 Il toque à la porte.
00:47:21 ...
00:47:24 Il toque à la porte.
00:47:25 -On va rentrer, quand même.
00:47:27 ...
00:47:31 Oh oh...
00:47:32 ...
00:47:40 Ca va, maman ?
00:47:41 ...
00:47:46 Donc, la Mademoiselle, elle dort.
00:48:08 Mais il faut quand même vérifier qu'elle respire.
00:48:11 ...
00:48:25 -Je m'appelle Oumy, j'ai 25 ans, je suis sénégalaise.
00:48:28 Je suis venue en France après mon bac en 2017.
00:48:31 Je suis partie à Tours, où j'ai fait des études de droit.
00:48:34 Et là, je suis revenue sur Paris pour continuer mes études.
00:48:38 ...
00:48:40 Ma première année à Tours a été un peu éprouvante,
00:48:42 parce que je connaissais pas la ville.
00:48:44 C'était la première fois que j'ai commencé à vivre seule,
00:48:47 à aller faire mes courses toute seule, à payer mon loyer.
00:48:50 Et entre l'université et ma vie sociale,
00:48:53 j'étais très vite fatiguée.
00:48:55 Et il a fallu que je me retrouve aux urgences,
00:48:57 que le médecin me demande ce que je faisais dans la vie,
00:49:00 que je lui dise que je suis étudiante en droit,
00:49:03 que je lui dise clairement que j'avais pas envie de me réveiller,
00:49:06 parce que je me rends compte de ce qui est en train de devenir ma vie.
00:49:10 ...
00:49:12 J'avais pas envie de me réveiller, parce que c'était un peu compliqué
00:49:15 entre la fac, entre ma vie sociale, entre...
00:49:19 J'avais l'impression d'être sur tous les fronts
00:49:21 et que j'avais pas de résultat.
00:49:23 J'ai pris des médicaments et j'ai pris 20 kilos.
00:49:26 Et ça ne m'a pas aidée.
00:49:27 Ça ne m'a pas aidée, parce que derrière,
00:49:30 on perd confiance en soi, on se trouve plus belle.
00:49:35 Enfin, mes habits ne m'allaient plus.
00:49:38 Tout le monde me disait que j'ai pris du poids,
00:49:40 comme si je ne me voyais pas devant la glace chaque matin.
00:49:43 ...
00:49:44 Si un Français doit être bien,
00:49:46 l'étudiant étranger doit être excellent pour s'en sortir.
00:49:50 Et on est constamment sous pression.
00:49:52 Donc, il va falloir réussir ses études,
00:49:54 parce que si on réussit pas, la préfecture ne va pas renouveler
00:49:57 son titre de séjour.
00:49:59 Et derrière, il faut avoir une vie sociale,
00:50:01 il faut s'en sortir, il faut trouver un logement décent,
00:50:04 il faut être à sa fin.
00:50:05 Il faut vivre, tout simplement, comme j'ai l'habitude de dire.
00:50:09 Alors que vivre a un coût en France.
00:50:10 Vivre, c'est pas évident.
00:50:12 Parce qu'il y a vivre et vivre.
00:50:14 Il suffit pas de respirer pour dire qu'on vit.
00:50:16 -Quand on est étudiant et qu'on va pas bien, on n'est pas seul.
00:50:19 Ça, c'est un point important.
00:50:21 On a certes dit qu'il y avait des difficultés,
00:50:23 qu'il y avait des listes d'attente,
00:50:25 et pour autant, on s'organise, les professionnels sont mobilisés,
00:50:29 et donc, les étudiants ne sont pas seuls.
00:50:31 -Il y a énormément d'initiatives mises en place en paire à paire.
00:50:34 Pour les étudiants et les étudiantes.
00:50:36 Et c'est vers ça que nous, on pense qu'il faut aussi, voilà,
00:50:41 encourager ces initiatives-là,
00:50:42 aider les structures à se monter, à se professionnaliser,
00:50:45 à aller dans la bonne direction,
00:50:47 puisque l'Etat et l'université ne peuvent pas combler tous les manques.
00:50:51 Ça coûte énormément d'argent, mais les étudiantes et les étudiants
00:50:54 ont envie de se mobiliser, d'aider et de faire au mieux,
00:50:57 au quotidien et parfois nuit et jour, pour certaines activités.
00:51:01 ...
00:51:07 -Tu t'imaginais que ça se passerait comment ?
00:51:09 C'est quelque chose qui te dérange ?
00:51:14 ...
00:51:19 Bah, je t'en prie,
00:51:20 n'hésite pas à rappeler si t'en as envie.
00:51:23 ...
00:51:25 Je t'en prie, passe une bonne soirée.
00:51:28 Merci. Au revoir.
00:51:30 ...
00:51:36 -Tu veux débriefer, du coup ? -Yes.
00:51:38 Euh...
00:51:40 Du coup, ça a duré deux heures, donc le temps maximal.
00:51:44 C'était...
00:51:45 Enfin, il y a eu plein de thématiques qui ont été abordées.
00:51:48 Il y a eu la dépression,
00:51:50 les relations familiales,
00:51:53 suite à un coming-out,
00:51:55 et le regard des gens par rapport à la dépression, du coup,
00:52:00 dans la thématique.
00:52:02 Et que, en fait, la personne ne pouvait pas...
00:52:06 Enfin, elle se sentait pas légitime de dire à ses proches
00:52:08 qu'elle avait une dépression.
00:52:10 Et du coup, j'ai appris qu'il y a des gens qui sont pas encore...
00:52:14 Enfin, qui ont toujours pas conscience des enjeux de santé mentale
00:52:18 et que oui, bah, ça existe et que non, c'est pas des fous.
00:52:23 Ça m'a fait vachement de peine,
00:52:25 parce que c'était une personne qui avait une histoire assez lourde
00:52:28 de par la réaction de sa famille face à son coming-out et tout.
00:52:32 Donc c'était pas...
00:52:34 Enfin, ouais, j'étais un peu triste pour cette personne.
00:52:38 Mais à la fin, la personne était contente d'avoir pu parler,
00:52:40 donc c'était chouette.
00:52:41 Et elle m'a dit à la fin qu'elle comptait recontacter Nightline,
00:52:45 parce que ça l'avait vraiment aidée, donc ça fait plaisir.
00:52:49 -Parfois, on a l'impression que les jeunes
00:52:51 ne veulent pas s'engager ou ne font rien pour la société.
00:52:54 On entend beaucoup ce discours.
00:52:56 Nous, on voit plutôt l'inverse, une vraie volonté de prendre acte,
00:53:00 que tout ne va pas bien,
00:53:02 mais on n'a pas envie d'être la génération d'après.
00:53:04 Il y a vraiment un besoin chez les étudiantes et étudiants
00:53:08 de se dire qu'on est acteur et actrice déjà, maintenant.
00:53:10 On se rend compte qu'il y a besoin d'agir et on agit.
00:53:13 -Les étudiants, de manière générale,
00:53:15 même s'ils sont réellement en difficulté pour eux-mêmes
00:53:17 dans leur vie actuelle,
00:53:19 ne sont pas dans une vision décliniste
00:53:21 ni catastrophique du monde.
00:53:22 Ce sont des jeunes qui restent très engagés
00:53:25 dans un avenir sur lequel ils ont le sentiment
00:53:28 d'avoir les moyens d'intervenir du fait de leur formation,
00:53:31 du fait de leur alliance avec la science,
00:53:33 du fait de leur niveau d'ambition, du fait de leur vitalité.
00:53:37 Et je pense que cette vision décliniste, c'est assez loin.
00:53:42 C'est plus une vision de leurs parents ou de leurs grands-parents,
00:53:45 mais c'est assez loin leur préoccupation du monde.
00:53:47 -Les jeunes, ils sont vraiment dans une envie d'agir
00:53:51 et ils agissent déjà.
00:53:52 On n'a plus l'idée de "on fera plus tard",
00:53:55 mais vraiment, on sait faire, on a fait des choses.
00:53:59 Maintenant, il faut aussi nous laisser la place.
00:54:01 Ce besoin d'avoir une place qui leur soit considérée
00:54:05 et qu'on ne leur dise pas "vous ferez plus tard",
00:54:07 mais ils peuvent faire maintenant et ils ont envie de faire maintenant.
00:54:11 ...
00:54:32 -20 ans, l'âge de tous les possibles, dit-on souvent,
00:54:35 mais aujourd'hui, c'est aussi pour beaucoup
00:54:37 un âge de grande vulnérabilité.
00:54:40 La preuve, à l'instant, avec ce documentaire exclusif
00:54:43 réalisé par Charlotte Igignoli, l'avocat.
00:54:46 Dès lors, comment mieux comprendre, mieux prendre en compte,
00:54:49 mieux accompagner cette détresse psychologique
00:54:52 qui gagne du terrain chez celles et ceux qui traversent pourtant
00:54:56 ce qui est censé être la période la plus insouciante de leur vie.
00:55:00 Nous allons en débattre, maintenant,
00:55:02 sur ce plateau de débats d'oc' avec vous.
00:55:05 Pour commencer, Amandine Bufière, bienvenue à vous.
00:55:08 Vous êtes pédopsychiatre et présidente
00:55:10 de la Fédération des centres médicaux psychopédagogiques.
00:55:14 Mélissa Tafati est également avec nous.
00:55:16 Bienvenue. Vous êtes étudiante en sciences politiques
00:55:20 et peut-être surtout, aussi, aujourd'hui, bénévole de l'UNICEF
00:55:24 et cofondatrice du podcast "Nos mots" avec l'UNICEF, justement,
00:55:28 et ce podcast est consacré, justement,
00:55:31 à la santé mentale des jeunes.
00:55:33 Vous êtes par ailleurs cofondatrice du média Colibri
00:55:36 et de son podcast "Time to talk",
00:55:39 dédié, cette fois, à l'engagement associatif.
00:55:43 Et puis, Flore Graise est avec nous.
00:55:45 Bienvenue. Vous êtes étudiante, sage-femme.
00:55:48 -Quelle année ? -4e année de sage-femme
00:55:50 sur 5 ans d'études. -4e année sur 5 ans d'études
00:55:52 pour être sage-femme. -Exactement.
00:55:54 -Vous êtes aussi vice-présidente en charge de la santé
00:55:58 au sein de la FAGE,
00:55:59 la Fédération des associations générales étudiantes.
00:56:03 C'est donc la santé, votre domaine,
00:56:06 en tant que vice-présidente de la FAGE.
00:56:09 On va revoir, si vous le voulez bien,
00:56:11 un petit extrait du documentaire pour commencer notre échange
00:56:14 à propos des facteurs de stress concernant, bien entendu,
00:56:18 les jeunes.
00:56:19 -La caractéristique des étudiants par rapport aux autres,
00:56:23 non étudiants, c'est le cumul des facteurs de stress
00:56:27 qui arrivent sur ce temps des études.
00:56:29 Et ces facteurs de stress, on les connaît.
00:56:32 Ce sont les facteurs académiques, notamment la sélectivité,
00:56:35 ce sont les facteurs culturels,
00:56:37 notamment pour les étudiants, sujet qui est la mobilité,
00:56:41 que ce soit de mobilité nationale ou internationale.
00:56:44 Ce sont les facteurs économiques, la fameuse précarité étudiante.
00:56:48 Et enfin, le moral des étudiants va être impacté
00:56:51 par l'effondrement, on l'a vu pendant le Covid,
00:56:54 de telle ou telle filière industrielle.
00:56:57 -C'est votre collègue, psychiatre, Dominique Monchablon,
00:57:02 qui s'exprimait ainsi pour déterminer
00:57:04 ce que peuvent être les facteurs de stress
00:57:08 et de fragilité pour les jeunes,
00:57:10 avec une conséquence indirecte,
00:57:12 selon la Santé publique France.
00:57:15 Un jeune sur cinq, aujourd'hui,
00:57:18 souffrirait de troubles dépressifs,
00:57:20 avec de plus en plus, par ailleurs, de pensées suicidaires.
00:57:24 On l'a vu dans ce documentaire.
00:57:26 Pensées suicidaires qui concerneraient surtout
00:57:29 les jeunes femmes plutôt que les jeunes hommes.
00:57:32 On l'a appris en travaillant ce dossier.
00:57:34 C'est ça, l'état des lieux. Il est bien défini
00:57:37 par à la fois ce documentaire que nous avons vu
00:57:40 et cette prise de parole de votre collègue.
00:57:42 -Oui, tout à fait. Il est bien décrit.
00:57:45 C'est très clair qu'il y a eu une accélération
00:57:48 au moment du Covid, mais que ces troubles, effectivement,
00:57:51 étaient présents avant, mais là, il y a eu
00:57:54 vraiment une grosse accélération.
00:57:56 Alors, sur les idées de...
00:57:58 -Ce qui m'a interpellé, très sincèrement,
00:58:00 c'est que, effectivement, cette crise sanitaire
00:58:03 a beaucoup pesé sur la santé mentale des jeunes.
00:58:06 C'est évident, mais on n'a pas envie de dire seulement.
00:58:09 On aurait pu penser qu'après avoir passé
00:58:11 ce malheureux épisode, les choses se seraient améliorées.
00:58:15 Or, tous les indicateurs montrent qu'au contraire,
00:58:18 la santé mentale des jeunes a continué, semble-t-il,
00:58:21 à se dégrader. J'aimerais comprendre pourquoi.
00:58:24 -C'est difficile de le dire de manière très scientifique,
00:58:27 mais il y a aussi d'autres éléments,
00:58:29 comme les craintes environnementales,
00:58:32 le climat, quand même, politique, inquiétant,
00:58:35 avec la guerre en Ukraine,
00:58:37 et puis, probablement, d'autres choses.
00:58:40 Mais c'est vrai que c'est un moment de fragilité,
00:58:43 pour toute la société, et qui pèse, en particulier,
00:58:46 sur les étudiants, qui sont au moment
00:58:48 où ils vont se projeter un peu dans la vie,
00:58:51 et quand la société et le monde dans lequel on se projette
00:58:54 est très incertain, je pense que c'est particulièrement difficile
00:58:58 pour les jeunes et les étudiants.
00:59:00 La situation est un peu la même pour les enfants.
00:59:02 Ils ont aussi vu une augmentation des troubles mentaux.
00:59:05 -La difficulté à se projeter dans l'avenir,
00:59:08 à se projeter dans la vie, c'est la conséquence de tout cela.
00:59:11 Les jeunes ont de plus en plus de mal à se projeter dans l'avenir,
00:59:15 quand on a 20 ans.
00:59:16 -Il faut qu'on leur demande,
00:59:18 mais je pense que c'est un des éléments du problème,
00:59:21 aujourd'hui.
00:59:22 -On va leur demander, on va commencer par vous.
00:59:25 On a bien défini les symptômes.
00:59:27 D'après les retours que vous pouvez avoir,
00:59:30 pourquoi est-ce que la situation continue d'empirer,
00:59:33 même si nous avons passé cette violente épidémie
00:59:38 avec toutes les conséquences qu'on a connues ?
00:59:41 -Je pense que, naturellement, déjà, notre âge
00:59:43 et la période de vie étudiante, c'est une période
00:59:46 de très grande instabilité,
00:59:48 parce qu'on se remet beaucoup en question.
00:59:50 D'un côté, on doit construire notre projet professionnel,
00:59:54 on doit exceller dans nos études, en fait,
00:59:56 et de l'autre côté, on nous dit qu'on doit profiter de la vie,
01:00:00 profiter de ce si bel âge,
01:00:01 que c'est les plus belles années de notre vie,
01:00:04 donc on est pris dans cet entre-deux.
01:00:06 Parallèlement, il y a ces facteurs de risque
01:00:08 qui nous empêchent un peu de nous projeter,
01:00:11 parce que c'est un moment où on a besoin de nous projeter
01:00:14 dans l'avenir, en fait, et c'est vrai que ça pèse beaucoup,
01:00:18 parce que ça crée beaucoup d'anxiété,
01:00:20 qui est liée toujours au futur ou au passé,
01:00:23 et donc on se pose beaucoup de questions sur le futur
01:00:27 et on a du mal à se projeter.
01:00:30 -Parmi les facteurs identifiés dans l'extrait que nous avons vu,
01:00:34 il y a l'accès au logement, la mobilité,
01:00:36 le facteur économique, la précarité étudiante,
01:00:40 la hausse des prix, qui touche et qui impacte forcément
01:00:43 les budgets des étudiants.
01:00:45 Il y a une hiérarchie, selon vous, parmi tous ces facteurs,
01:00:49 qu'est-ce qui arrive en priorité
01:00:51 et qui provoque l'angoisse des jeunes dont nous parlons aujourd'hui ?
01:00:55 -Je pense que c'est la pression par rapport aux études,
01:00:58 qui est très importante.
01:01:00 Après, ça dépend aussi de la situation de chacun.
01:01:02 Il y en a qui ont plus de moyens que d'autres,
01:01:05 mais la pression par rapport aux études,
01:01:07 je pense que c'est très important, parce qu'en fait...
01:01:10 -Il y a bien d'où, cette pression.
01:01:12 C'est une pression parentale, c'est parcours sub,
01:01:16 c'est cette sélectivité, justement,
01:01:19 dès la fin du secondaire, réellement,
01:01:22 qui provoque, selon vous, qu'ils seraient au-dessus de la pile ?
01:01:26 -J'ai l'impression que c'est un tout,
01:01:28 mais en même temps, on a l'impression
01:01:30 que c'est une question normalisée par la société,
01:01:33 par notre entourage, par les professeurs.
01:01:35 Avant même de commencer l'année, on nous dit que c'est très compliqué,
01:01:39 il va falloir vous accrocher, mais c'est compliqué d'avancer
01:01:42 en partant du principe que déjà, on va avoir du mal à réussir.
01:01:47 -Il y a un changement dans l'université,
01:01:49 qui est en train de s'opérer, les étudiants vivent en premier,
01:01:52 vous parliez d'hiérarchie, de cause,
01:01:55 et je pense que par réussir à savoir comment on va finir le mois,
01:01:58 comment on va se nourrir, c'est une source de stress
01:02:01 qui est très présente, et la crise sanitaire a eu le fait
01:02:04 de ne pas pouvoir se projeter, et le fait de ne pas se projeter
01:02:08 sur la fin du mois, ça entache cet âge clivant,
01:02:10 où on se projette dans notre vie, et on ne doit pas la source financière,
01:02:15 et on se rend compte qu'on a une santé mentale dégradée,
01:02:18 et on se retrouve avec des étudiants étudiants
01:02:20 en détresse psychologique, et le reportage le montre très bien.
01:02:24 -En France, il y a un tiers d'étudiants boursiers,
01:02:27 environ, il y a toujours les parents qui sont là
01:02:30 pour aider le cas échéant à certains étudiants,
01:02:32 et malgré tout, la précarité gagne du terrain,
01:02:35 la précarité étudiante.
01:02:37 -On le voit concrètement à la FAGE,
01:02:39 parce qu'on a des agoraés, c'est des épiceries sociales et solidaires,
01:02:43 on vend des produits qui sont à 10 ou à 20 % du prix du marché,
01:02:47 et on se rend compte qu'il y a des étudiants étudiants
01:02:50 qui vont dans ces épiceries-là et qui ne mangent pas.
01:02:53 Vous parliez de foyer familial, nous, la vision qu'on a à la FAGE,
01:02:56 c'est un étudiant qui est émancipé, sa condition de vie.
01:03:00 Dans la réforme des bourses, un étudiant étudiant
01:03:02 ne devrait pas être dépendant de ses conditions de vie
01:03:05 et de ses conditions familiales,
01:03:07 et pour ça, on porte une bourse pour tous les étudiants étudiants
01:03:11 et la vision qu'on a, c'est cette émancipation,
01:03:13 elle est aussi nécessaire par le moyen financier
01:03:16 qu'ont les étudiants étudiants.
01:03:18 Oui, les bourses sont présentes,
01:03:20 mais on se rend compte que ce n'est pas suffisant
01:03:23 et on se rend compte qu'avec la détresse
01:03:25 dans laquelle vivent ces étudiants,
01:03:27 il y a encore bien trop d'étudiants étudiants
01:03:30 qui renoncent à des repas, à des conditions de vie décentes,
01:03:33 mais aussi à des soins.
01:03:34 Ça, je pense que ça le met bien en perspective.
01:03:37 Il y a presque un tiers des étudiants étudiants
01:03:40 qui sont dégradés, et c'est quelque chose de concret.
01:03:43 On se rend compte que c'est plus un public prioritaire
01:03:46 par la santé mentale dégradée de ces étudiants étudiants.
01:03:49 -Sur la question des familles qui peuvent soutenir les étudiants,
01:03:52 la plupart des familles des étudiants boursiers
01:03:55 traversent des difficultés et, même si elles le veulent,
01:03:58 ne peuvent pas soutenir les étudiants.
01:04:00 Après, c'est vrai que sur l'accès aux soins,
01:04:03 je pense que les étudiants sont une population
01:04:06 qui ne peut pas payer les soins,
01:04:08 ils peuvent être gratuits, accessibles.
01:04:11 C'est vrai que dans des zones urbaines,
01:04:13 comme Paris, consulter des psychologues
01:04:16 ou des psychiatres en privé, en fait, ça coûte très cher
01:04:19 et donc c'est pas accessible de fait aux étudiants.
01:04:22 -On va y revenir.
01:04:23 C'est le problème de l'accompagnement,
01:04:26 qui est central dans notre sujet.
01:04:28 En revanche, lorsqu'on dit que la sélectivité,
01:04:30 c'est ce que vous avez dit, joue également un rôle très important
01:04:34 dans la charge mentale, le stress ressenti par les jeunes,
01:04:37 vous le ressentez aussi à travers vos consultations ?
01:04:40 -Oui, tout à fait. Je pense qu'aujourd'hui,
01:04:43 on est dans une société où il y a un impératif
01:04:45 de réussite scolaire, universitaire.
01:04:47 C'est-à-dire qu'on n'imagine pas
01:04:49 qu'on va pouvoir réussir sa vie si on n'a pas fait d'études.
01:04:53 C'est à mon avis assez nouveau par rapport à il y a quelques années.
01:04:56 Maintenant, il y a 80 % ou 90 % d'une classe d'âge
01:05:00 qui accède aux études supérieures,
01:05:02 alors qu'avant, je pense qu'il y avait davantage l'idée
01:05:05 qu'on pouvait réussir sa vie si on n'avait pas un master.
01:05:08 En plus, il y a probablement une inflation.
01:05:11 Avant, avec une licence,
01:05:13 les étudiants ont tout de suite en tête
01:05:16 qu'il faut des diplômes solides, et même avec des diplômes solides,
01:05:20 le monde est tel que parfois,
01:05:22 même avec un diplôme, on est inquiet.
01:05:24 J'ai une étudiante qui fait des films d'animation.
01:05:27 Elle est en alternance.
01:05:28 Elle s'est rendue compte,
01:05:30 entre le début de son alternance et maintenant,
01:05:33 qu'une étudiante en intelligence artificielle
01:05:36 va faire 80 % du travail qu'elle faisait
01:05:38 au début de son alternance.
01:05:40 Il y a des changements tellement rapides
01:05:42 qui peuvent être un peu inquiétants,
01:05:44 et ça demande beaucoup de capacités d'adaptation aux étudiants.
01:05:48 -Il y a un facteur qu'on n'a pas encore évoqué,
01:05:51 celui des réseaux sociaux.
01:05:52 J'ai lu, ici ou là,
01:05:54 que l'émergence et la montée en puissance,
01:05:56 et peu de le dire, de la fréquentation
01:05:59 des réseaux sociaux par la génération dont on parle aujourd'hui,
01:06:03 pourrait avoir des conséquences psychologiques très négatives.
01:06:06 Est-ce que c'est votre avis ?
01:06:08 -C'est pas que pour les étudiants.
01:06:10 Il y a des études qui montrent
01:06:12 que la fréquentation des réseaux sociaux
01:06:14 est associée à une plus grande incidence de la dépression
01:06:17 ou de l'anxiété.
01:06:18 Chez tout le monde, et particulièrement chez les étudiants,
01:06:22 parce qu'ils fréquentent plus les réseaux sociaux.
01:06:25 -C'est surtout l'image que renvoient les réseaux sociaux
01:06:28 pour leurs utilisateurs, qui semblent poser problème.
01:06:32 Après, il y a cette idée, dans les réseaux sociaux,
01:06:35 le monde est idéal, c'est-à-dire qu'on est très beau,
01:06:38 on réussit bien, et on ne montre que ça.
01:06:40 C'est un gros souci, de ne montrer que le monde
01:06:43 sous un oeil qui n'est pas la réalité.
01:06:46 Et oui, je pense que c'est une pression,
01:06:49 que vous dites que 20 ans, c'est le plus bel âge de la vie.
01:06:52 Je pense que c'est pas forcément le plus bel âge de la vie.
01:06:55 C'est important qu'on puisse dire ça aux étudiants.
01:06:58 C'est pas le plus bel âge de la vie, forcément,
01:07:02 mais c'est d'autres moments.
01:07:03 C'est vrai que les impératifs de réussite sociale,
01:07:06 je pense, peuvent peser très lourd,
01:07:08 notamment à travers les réseaux sociaux.
01:07:11 -Je vous voyais avoir envie de réagir sur ça.
01:07:13 C'est peut-être des remontées que vous avez aussi ?
01:07:16 -Sur les réseaux sociaux, on a tendance à montrer
01:07:19 ce qu'on a envie de montrer,
01:07:21 et on n'a pas forcément envie de montrer
01:07:23 les moments où on n'est pas bien, les moments de détresse.
01:07:26 On a tendance à beaucoup comparer nos situations à celles des autres.
01:07:31 Et ça crée aussi parfois un sentiment d'illégitimité
01:07:35 face à nos problèmes de santé mentale, tout ça.
01:07:39 On voit les autres, on voit aussi des situations
01:07:42 qui sont parfois pires que les nôtres,
01:07:44 et on se dit "je suis pas légitime d'aller mal
01:07:47 "quand je vois que, par rapport à ma situation,
01:07:50 "alors que c'est pas du tout le cas,
01:07:52 "tout le monde est légitime d'aller mal."
01:07:54 -Oui.
01:07:56 C'est très important,
01:07:58 parce qu'il y a des gens qui n'osent pas aller vers les soins
01:08:01 en disant "j'ai pas de raison de me sentir mal."
01:08:04 En fait, psychiquement, on n'a pas besoin d'avoir une raison
01:08:07 de se sentir mal pour aller consulter ça.
01:08:10 C'est un message très important,
01:08:12 parce que les gens disent "tout se passe bien dans ma famille,
01:08:15 "les études, ça va, et pourtant je me sens mal."
01:08:18 -Aller consulter, vous venez de le dire.
01:08:20 C'est évidemment... Et aller consulter le plus tôt possible.
01:08:23 Parce qu'évidemment, la santé psychologique,
01:08:26 plus tôt elle se dégrade,
01:08:28 et s'il n'y a pas d'accompagnement,
01:08:30 ça a des conséquences tragiques.
01:08:32 Ca peut aller jusqu'à des pensées suicidaires.
01:08:34 On l'a très bien vu, d'ailleurs, dans ce documentaire,
01:08:37 et c'est tout le problème.
01:08:39 Il y a un membre de psychologue dans les services de santé étudiants,
01:08:43 un psychologue pour 15 000 étudiants.
01:08:45 Ce chiffre fait peur.
01:08:46 C'est dix fois moins que la recommandation internationale.
01:08:50 Membre de psychiatre en France,
01:08:52 les effectifs ont diminué de pédopsychiatre,
01:08:54 votre profession, dont les effectifs ont diminué d'un tiers en 12 ans,
01:08:59 pour passer de 3 000 à 2 000 pédopsychiatres.
01:09:03 Ca, c'est le problème numéro un,
01:09:05 c'est l'accès à la consultation
01:09:08 et à l'accompagnement psychologique.
01:09:10 J'ai vu que la face se battait beaucoup sur ce terrain.
01:09:13 -C'est quelque chose qu'on a beaucoup demandé
01:09:16 et qu'on continue à demander.
01:09:17 Le chèque-psy donne accès à 8 séances gratuites
01:09:20 pour les étudiants et étudiantes,
01:09:22 ça fait deux ans que le dispositif est mis en place,
01:09:25 et que 2 % des étudiants et étudiantes en ont bénéficié.
01:09:28 C'est difficile d'accès,
01:09:29 peu d'étudiants et étudiantes connaissent l'existence de ce chèque.
01:09:33 Le fait de commencer une prise en charge
01:09:35 en disant que dans 8 séances,
01:09:37 l'étudiant devra débourser de sa poche,
01:09:39 on a vu que la précarité étudiante était un problème majeur,
01:09:42 mais ça coupe la projection qu'un étudiant peut faire
01:09:45 dans cette prise en charge.
01:09:47 La vision qu'on a du chèque-psy,
01:09:49 c'est d'augmenter la communication
01:09:51 et la connaissance,
01:09:52 enlever cette limite des 8 chèques-psy
01:09:54 et que ça soit une discussion faite avec le thérapeute
01:09:57 pour savoir combien de séances sont nécessaires
01:10:00 et que cette prise en charge soit...
01:10:02 qui dure la durée dont l'étudiant en a besoin
01:10:04 et qu'il n'y ait pas une finalité inscrite
01:10:07 avant de commencer ce parcours.
01:10:08 -Pardonnez-moi, mais ce fameux chèque-psy
01:10:11 qui a eu peu de succès jusqu'à maintenant,
01:10:13 on va essayer de comprendre pourquoi,
01:10:16 mais il a le mérite d'exister
01:10:17 car il était censé répondre à une urgence.
01:10:20 Un psychiatre ou un pédopsychiatre,
01:10:22 peut-être... Ca prend 10 ans, tout de même.
01:10:24 Le chef de l'Etat, d'ailleurs,
01:10:26 rappelait qu'il est bien conscient du problème,
01:10:29 mais qu'il ne va pas se faire en claquant des doigts.
01:10:32 Autrement dit, ça ne répond pas à l'urgence.
01:10:34 Quant aux psychologues, sont-ils nombreux ?
01:10:37 Visiblement pas pour la prise en charge.
01:10:39 -J'ai un petit bémol là-dessus.
01:10:41 Informer des psychiatres et des pédopsychiatres,
01:10:44 c'est très long, mais des psychologues,
01:10:46 il y en a pas mal. -Il y en a de plus en plus.
01:10:49 -On pourrait en engager. -Pourquoi il y en a si peu
01:10:51 pour s'occuper du cas des étudiants ?
01:10:53 -Il y a des moyens qui n'ont pas été investis
01:10:56 dans les structures de soins publics.
01:10:58 Je travaille aussi dans un BAPU,
01:11:00 un bureau d'aide psychologique universitaire,
01:11:03 qui sont des équipes pluridisciplinaires
01:11:05 qui peuvent accueillir les étudiants gratuitement.
01:11:08 Il n'y a pas de BAPU qui a été créé.
01:11:10 Il y a une quinzaine de BAPU,
01:11:12 c'est-à-dire qu'il n'y a même pas un BAPU par ville universitaire.
01:11:16 Il n'y a pas eu d'investissement dans les BAPU.
01:11:19 Et le chèque psy, je pense que ça ne marche pas très bien
01:11:22 pour la raison que vous avez évoquée,
01:11:24 c'est-à-dire que la fin de la thérapie,
01:11:26 ça doit se décider entre le thérapeute et le patient,
01:11:29 et pas par l'Etat qui dit que ça doit être réglé.
01:11:32 Et puis, en plus, c'est assez mal rémunéré,
01:11:34 donc les psychologues ne s'y retrouvent pas.
01:11:37 -Sans doute pas. Vous déchiffrez.
01:11:39 Il y a peut-être un problème sur ce sujet,
01:11:41 parce que le site Santé psy étudiant
01:11:44 recense 1 187 psychologues
01:11:47 qui auraient participé, qui seraient d'accord
01:11:50 à ce fameux chèque psy,
01:11:52 et sur plus de 84 000 psychologues existants aujourd'hui en France.
01:11:57 Je me suis demandé si les psychologues
01:12:00 jouaient vraiment le jeu de ce chèque psy.
01:12:02 Parce que c'est pas assez rémunéré, où est le problème ?
01:12:06 Allez-y, Mélissa.
01:12:07 -Je pense que c'est une très bonne initiative,
01:12:10 ce chèque psy, d'avoir des séances de psychologues remboursées,
01:12:13 mais tout autour de cette initiative est compliqué.
01:12:17 Avant d'avoir accès à une prescription
01:12:19 de 8 ou 10 séances, il faut aller voir un médecin généraliste.
01:12:22 -Un médecin traitant ou un médecin généraliste ?
01:12:25 -C'est quelque chose qui peut repousser,
01:12:27 parce qu'on n'a pas envie de justifier
01:12:29 pourquoi on veut aller consulter un psychologue.
01:12:32 On n'a pas besoin d'avoir un trouble particulier
01:12:35 pour vouloir aller consulter un psychologue.
01:12:37 Ensuite, c'est ça, le côté des 8 ou 10 séances.
01:12:41 -C'est le chemin qui est valable pour n'importe quel adulte.
01:12:44 -C'est la théorie. Vous donnez d'abord voix
01:12:46 à votre médecin traitant qui, lui-même,
01:12:48 va vous prescrire, peut-être, et vous conseiller
01:12:51 d'aller consulter un psychologue. -Pas dans tous les cas.
01:12:54 Moi, j'ai pris la décision d'aller consulter un psychologue,
01:12:58 mais je ne suis pas passée par mon médecin traitant avant.
01:13:01 J'ai pris cette décision alors que je n'avais pas de problème
01:13:04 particulièrement diagnostiqué. -Est-ce que vous conseillez,
01:13:08 par exemple, dans ce que vous faites
01:13:10 avec ce fameux podcast avec l'UNICEF,
01:13:12 d'aller consulter ? -Ah oui, totalement.
01:13:15 En fait, nous, on a envie vraiment de lever les tabous
01:13:18 qui existent autour de la santé mentale
01:13:20 et aller consulter. C'est vraiment un pas en avant
01:13:23 vers l'ouverture de ce tabou, en fait,
01:13:25 parce que ça permet d'encourager les jeunes
01:13:30 à prendre conscience de leurs problèmes,
01:13:33 à prendre conscience qu'il faut en parler,
01:13:35 de ces problèmes, et c'est ça aussi,
01:13:38 il faut ouvrir la parole sur le sujet
01:13:40 et d'avoir accès à plus d'informations
01:13:42 sur le sujet et de réellement déstigmatiser ce sujet.
01:13:46 -Je pense que concrètement, on avait dit que oui,
01:13:49 la population générale doit les consulter
01:13:52 un médecin généraliste aussi pour avoir accès à un thérapeute
01:13:55 dans le cadre du dispositif.
01:13:57 On a vu que la précarité étudiante était un frein d'accès
01:14:00 aux soins de manière générale, et on se rend compte
01:14:03 que demander à un étudiant d'avancer une séance
01:14:06 chez un médecin généraliste, c'est pas quelque chose
01:14:09 qui est facile à faire. Donc, quand on a mangé ou allé consulter,
01:14:12 l'étudiant fait vite son choix.
01:14:14 -Même si on lui dit qu'il pourrait,
01:14:16 avec ce dispositif, avoir au moins, vous l'avez dit,
01:14:19 8 ou 10 séances gratuites.
01:14:22 -Il aura 8 séances, il saura...
01:14:24 Déjà, il faut aller voir un tierce, lui parler de ses problèmes.
01:14:27 -C'est déjà une démarche compliquée.
01:14:29 -Après, il faudra l'avancer, cette séance,
01:14:32 parce qu'il faut l'avancer.
01:14:34 C'est pour ça qu'Alafage nous demande un tiers payant généralisé
01:14:37 pour comprendre ce que ça veut dire.
01:14:39 Quand on va consulter, on n'a pas besoin d'avancer les frais,
01:14:43 on n'a pas les moyens financiers pour avancer ces frais-là.
01:14:46 On est à l'effet de ces 2 démarches-là.
01:14:49 Après, il faut aller trouver un thérapeute,
01:14:51 et avec ce thérapeute, il faut commencer un lien,
01:14:54 une prise en charge, et voir que dans 8 séances,
01:14:57 ça sera fini, voir cette fin qui va arriver,
01:14:59 et qui va approcher.
01:15:01 On devrait faire conscience, autant professionnelle
01:15:04 qu'aux étudiants, pour comprendre
01:15:06 comment on peut faire une bonne réunion,
01:15:08 et adapter la durée de cette prise en charge-là.
01:15:11 -Je crois que l'Alafage propose une consultation gratuite
01:15:14 auprès des psychologues.
01:15:16 Ca marche ? Ca fonctionne ?
01:15:18 Y a-t-il beaucoup de candidats ?
01:15:19 Y a-t-il beaucoup de psychologues qui répondent à l'initiative ?
01:15:23 -C'était un projet qu'on a porté au niveau des universités,
01:15:27 car historiquement, on a porté le chèque-psy
01:15:29 avant sa mise en place.
01:15:31 C'était quelque chose qu'on demandait.
01:15:33 La réduction des projets qu'on a,
01:15:35 c'est que face à l'inaction du gouvernement,
01:15:38 on décide de mettre en place ce qu'on demande au gouvernement.
01:15:41 On voit avec les agoras et les épiceries sociales et solidaires.
01:15:45 On crée des épiceries sociales et solidaires.
01:15:47 On demandait un accès aux psychologues,
01:15:50 y en avait pas, donc on créait ce dispositif-là.
01:15:53 Là, il y a aussi la réforme des services de santé universitaires,
01:15:56 où on a beaucoup d'attentes là-dessus.
01:15:59 Encore une fois, oui, on a cette démarche-là,
01:16:02 d'avoir un accès à un thérapeute à tous les étudiants de la France,
01:16:05 car on ne pourra pas le faire.
01:16:07 On est juste des étudiants qui s'engagent.
01:16:10 C'est pour ça qu'on demande aux services publics
01:16:13 de prendre ces responsabilités-là,
01:16:15 car c'est celle de leurs futurs citoyens et citoyennes
01:16:18 et des futures personnes actives dans la société.
01:16:21 -Il y avait une initiative intéressante
01:16:23 à l'université de Bordeaux qui s'est mise en place.
01:16:26 C'est une formation au premier soin, au secours, en santé mentale,
01:16:30 qui a été mise en place sur le campus de Bordeaux.
01:16:34 970 étudiants, en 2022, auraient été formés
01:16:39 à ces premiers soins pour pallier
01:16:43 à la détérioration de la santé mentale des étudiants.
01:16:46 Ce genre d'initiative, on ne peut que les encourager ?
01:16:49 Ou alors, ce sont encore des béquilles ?
01:16:51 -Je pense que c'est très important,
01:16:53 comme la pérédence, les premiers soins en santé mentale,
01:16:57 mais ça ne doit pas venir à la place
01:17:00 de renforcer les soins psychiques
01:17:03 et les soins potentiellement au long cours
01:17:06 pour les étudiants.
01:17:07 La tendance actuelle, c'est plutôt de soutenir
01:17:10 toutes ces actions qui sont très intéressantes,
01:17:13 très importantes, mais c'est du court terme.
01:17:16 En fait, les services de santé mentale
01:17:19 qui existent sont peu soutenus,
01:17:22 voire pas soutenus.
01:17:23 -On va donc venir aux solutions.
01:17:25 Vous avez été motivé un tout petit peu,
01:17:28 parce que c'est vrai qu'après ce documentaire,
01:17:30 on se dit que c'est difficile,
01:17:32 c'est très compliqué pour cette génération.
01:17:35 Quelles solutions vous mettriez en avant ?
01:17:38 Quelles solutions proposez-vous à ceux et celles
01:17:41 qui arrivent, justement, à faire cette démarche,
01:17:44 à aller vous voir et à demander conseil
01:17:46 et à être suivi sur un plan psychologique ?
01:17:49 Quelles sont les premières choses
01:17:51 que vous pouvez essayer de mettre en place
01:17:53 pour ceux et celles qui sont en détresse ?
01:17:56 -Votre question, c'est sur les étudiants
01:17:58 qui s'adressent aux services de...
01:18:00 -Oui, ou qui s'adressent à des psychologues.
01:18:03 Qu'est-ce qui est...
01:18:04 Il y a une analyse, il y a un diagnostic,
01:18:06 mais il y a aussi, sans doute,
01:18:08 des chemins à prendre pour que les choses aillent mieux.
01:18:12 Quels sont-ils ?
01:18:13 -Peut-être sur le parcours, effectivement.
01:18:15 Il y a tous les services d'écoute,
01:18:18 les premiers secours en santé mentale
01:18:20 qui sont importants.
01:18:21 Après, il y a le service de soins de santé universitaire,
01:18:24 où il y a des psychologues,
01:18:26 mais souvent, c'est des prises en charge
01:18:29 limitées dans le temps, quelques mois.
01:18:31 -Avec des files d'attente,
01:18:33 on l'a dit juste avant, qui sont considérables.
01:18:35 -Et après, quand c'est des choses
01:18:37 qui ont besoin de soins plus longs,
01:18:39 il y a les bureaux d'aide psychologique universitaire,
01:18:43 qui, malheureusement, ne sont pas assez développés et répandus.
01:18:46 Là, c'est des équipes avec des psychiatres,
01:18:49 des psychologues, des groupes, de la relaxation.
01:18:52 On peut proposer plusieurs choses.
01:18:54 Ca dépend du besoin de l'étudiant.
01:18:56 Entre la détresse psychologique et l'entrée dans une maladie,
01:19:00 les réponses sont différentes en fonction des besoins
01:19:03 des étudiants.
01:19:04 -Il faut que la parole se libère, c'était ce que vous disiez.
01:19:08 Elle se libère auprès de qui ?
01:19:09 Est-ce qu'elle doit pas se libérer auprès des parents,
01:19:13 des frères, des sœurs,
01:19:14 de ceux qui connaissent bien votre situation ?
01:19:17 Vous pouvez peut-être en parler, des amis très proches.
01:19:20 Qu'en pensez-vous ?
01:19:21 -Je pense que tout ça, c'est fondé sur un manque d'informations.
01:19:25 Donc, il faut réellement aider,
01:19:27 les personnes qui nous entourent, les parents, les proches,
01:19:31 les personnes qui ne sont pas touchées par la santé mentale,
01:19:34 mais qui sont touchées indirectement à travers nous,
01:19:37 à travers leurs enfants, leurs proches.
01:19:39 Il faut les aider à avoir plus d'outils
01:19:42 pour épauler ces personnes face à leurs problèmes
01:19:45 et pouvoir essayer de, justement, voilà, de lever la parole
01:19:48 et de parler ouvertement de ces problèmes,
01:19:51 encourager les jeunes à parler ouvertement de leurs problèmes.
01:19:54 -Vous disiez que la santé mentale des jeunes,
01:19:57 c'est un sujet tabou, il faut que la parole s'exprime.
01:20:00 C'est un sujet tabou pour qui ?
01:20:02 Pour les parents, par exemple,
01:20:04 qui sont les premiers concernés,
01:20:05 qui s'intéressent à l'avenir de leur progéniture.
01:20:08 Ils sont pas sensibilisés à ce problème.
01:20:11 Pour eux, c'est quelque chose
01:20:13 qu'ils ont peut-être du mal à percevoir
01:20:15 et de fait, leurs enfants ont du mal à leur en parler.
01:20:18 Vous ressentez les choses comme ça ?
01:20:20 -Je pense qu'aujourd'hui, notre génération, à nous,
01:20:23 elle est assez ouverte sur le sujet.
01:20:25 Ce tabou est principalement fondé autour des générations précédentes,
01:20:29 nos parents et tout ça.
01:20:31 C'est vrai qu'ils ont du mal à comprendre
01:20:33 parce qu'ils se disent que c'est quelque chose,
01:20:36 comme je disais avant, qui est assez normalisé à notre âge.
01:20:40 Donc, ils ont beaucoup de mal à comprendre
01:20:42 que ça peut être des souffrances plus profondes
01:20:45 qu'un simple stress face à un examen
01:20:48 ou quelque chose comme ça.
01:20:50 Et donc, nous, on veut montrer
01:20:52 que ces problèmes de santé mentale,
01:20:54 ils arrivent à tout le monde
01:20:56 et que c'est quelque chose...
01:20:57 C'est pas quelque chose de dramatique, en soi,
01:21:00 mais c'est pas non plus quelque chose de normal.
01:21:03 Donc, il faut essayer de trouver cet entre-deux
01:21:06 pour pouvoir bien accompagner
01:21:07 les personnes souffrantes de santé mentale.
01:21:10 Le premier secours en santé mentale, c'est une formation.
01:21:13 C'est cette idée de libérer la parole.
01:21:15 A la fin, ce qu'on souhaiterait,
01:21:17 c'est que l'ensemble du corps enseignant
01:21:20 et les personnes en contact...
01:21:21 -Il faut parler des enseignants ?
01:21:23 -Il faut. -Bien entendu.
01:21:25 -Il faut que l'enseignement soit sensibilisé à ces thématiques.
01:21:28 On en parle beaucoup dans notre génération,
01:21:31 mais c'est pas forcément ce qu'il se faisait avant.
01:21:34 L'idée de former au maximum à cette formation
01:21:37 n'est pas de remplacer un thérapeute.
01:21:39 Il faut avoir un trouble de santé mentale.
01:21:41 Quelqu'un qui a un trouble de santé mentale
01:21:44 peut être dans une situation de détresse
01:21:46 aussi grande que quelqu'un qui a un problème de santé urgent.
01:21:50 Sensibiliser à ça et au fait qu'il y a des acteurs et actrices
01:21:53 vers qui on peut se tourner en cas de santé mentale dégradée.
01:21:57 C'est l'idée derrière le premier secours en santé mentale.
01:22:00 On parlait de solutions.
01:22:02 On veut investir au maximum le dispositif santé psy-étudiant,
01:22:05 le faire durer dans le temps,
01:22:07 et on a pu le dire.
01:22:08 Quand on parle d'accès à la santé des étudiants et étudiantes,
01:22:12 le meilleur moyen de le lever,
01:22:14 c'est de permettre un tiers payant,
01:22:16 donc les étudiants et étudiantes ne paient pas.
01:22:19 Si on a une santé mentale dégradée, c'est un contexte qui le fait.
01:22:22 On a parlé du curatif, du thérapeutique.
01:22:25 Qu'est-ce qu'on fait dans l'urgence ?
01:22:27 Pour empêcher que d'autres étudiants et étudiantes
01:22:30 se retrouvent dans cette détresse,
01:22:32 on doit agir sur la précarité étudiante et financière.
01:22:35 -Il y a un jeune dans ce documentaire qui dit
01:22:39 "J'étais pas préparé à être lancé dans le grand main".
01:22:42 Le grand main, c'est l'accès à la vie professionnelle.
01:22:45 Il en reste peu. C'est l'angoisse majeure ?
01:22:48 -L'entrée dans la vie professionnelle, oui,
01:22:50 mais aussi, je pense, la vie affective.
01:22:52 Je pense, effectivement, à la vie professionnelle,
01:22:56 mais tous les axes de la vie, en fait.
01:22:58 -Il y a des formules, tout de même, dans l'enseignement secondaire.
01:23:02 On pense à l'alternance,
01:23:04 à un avancage qui peut s'adresser aux jeunes,
01:23:06 directement, d'ailleurs, après les études secondaires,
01:23:10 qui permettent de graduer avec une avancée progressive
01:23:13 dans ce fameux milieu du travail,
01:23:15 dans cette jungle du travail qui peut faire peur.
01:23:18 Effectivement...
01:23:19 Euh...
01:23:20 Qu'est-ce que vous en pensez ?
01:23:22 Faut-il passer par ces trajets-là, ces trajectoires-là,
01:23:25 ces cursus-là de formation,
01:23:27 pour un temps soit peu, aussi alléger
01:23:30 la santé mentale de quelques jeunes ?
01:23:32 -C'est quelque chose qu'on dénonce, justement,
01:23:34 de pousser les gens vers le projet professionnel.
01:23:37 L'enseignement secondaire, c'est un moment où on s'émancipe
01:23:41 de la condition de vie dans laquelle on est,
01:23:43 et on a cette volonté de se nourrir avec nos études,
01:23:46 parce qu'on façonne les citoyens de demain.
01:23:49 Avoir cette idée de réfléchir à l'université
01:23:51 sur les besoins des entreprises, les besoins professionnels,
01:23:55 et donc on va former des étudiants.
01:23:57 Les places de licence sont masters,
01:23:59 et on rentre dans une question de privatisation
01:24:01 de l'enseignement supérieur,
01:24:03 d'économie, aussi, d'argent qu'on investit.
01:24:06 Là, je pense qu'on a fait le constat
01:24:08 qu'on a du mal à se projeter dans la société,
01:24:10 mais aussi dans l'université et dans la pression qu'on nous impose.
01:24:14 La course à l'alternance, la course au stage,
01:24:17 la course à un projet professionnel défini tout de suite,
01:24:20 ça va engendre une période de stress.
01:24:22 La période de 20 ans, c'est l'âge de tous les possibles,
01:24:25 on peut se projeter là où on veut,
01:24:27 et actuellement, ça ne l'est pas,
01:24:29 et donc pousser l'université vers cette alternance-là,
01:24:32 vers une vision professionnelle,
01:24:34 ça va juste aggraver encore plus ces détresses psychologiques
01:24:38 et cette pression qui existe au sein de l'université.
01:24:41 À la FAGE, c'est plus un danger qu'une solution, au contraire.
01:24:44 -Je pense qu'il faut se détacher de ce côté des études
01:24:48 qui est aussi très élitiste dans un sens,
01:24:50 parce qu'aujourd'hui, on ne nous demande plus de réussir,
01:24:54 mais on nous demande d'exceller, en fait,
01:24:56 face au manque de place dans l'enseignement supérieur.
01:25:00 Je pense que...
01:25:01 Je ne suis pas experte en santé mentale,
01:25:03 mais je sais que la santé mentale est basée sur des facteurs de risque
01:25:07 et des facteurs de protection,
01:25:09 et pour trouver des solutions individuellement,
01:25:12 face à nos problèmes de santé mentale,
01:25:14 il faut essayer de développer des facteurs de protection.
01:25:17 Chacun développe des petites choses.
01:25:19 Mon engagement à UNICEF m'a beaucoup aidée,
01:25:22 parce qu'on a beaucoup parlé, entre jeunes, de la santé mentale.
01:25:26 Juste faire des petites activités au quotidien
01:25:28 qui nous donnent du plaisir,
01:25:30 c'est des facteurs de protection qui nous aident
01:25:33 à aller de l'avant et à se détacher un petit peu
01:25:36 de ce côté très élitiste des études
01:25:39 et de toute cette pression.
01:25:41 -Ce sera le mot de la fin.
01:25:42 Merci à toutes les trois d'avoir participé à ce "Débat d'oct"
01:25:46 qu'on a consacré à la santé mentale,
01:25:48 fragilisée aujourd'hui, du côté de ceux qui ont 20 ans.
01:25:52 Vos réactions, ce sera sur #DébatDoc.
01:25:54 C'est Célma Salé qui m'a aidée, comme à l'accoutumée,
01:25:57 à présenter cette émission.
01:25:59 Je vous donne rendez-vous pour un prochain "Débat d'oct",
01:26:02 avec son documentaire et son débat. A très bientôt.
01:26:06 ...
01:26:17 [SILENCE]

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