• l’année dernière
En 1994, Alain et Dafroza Gauthier vivent une existence paisible à Reims. Lui est principal d'un collège, elle est ingénieure chimiste, ils ont deux filles et un fils. Au printemps débute le dernier génocide du XXème siècle. Plus d'un million de Tutsi sont exterminés par le pouvoir Hutu. Parmi eux, plusieurs dizaines de membres de la famille de Dafroza périssent. Quelques mois plus tard, les Gauthier commencent un combat qu'ils n'ont pas cessé depuis.
Ils décident d'enquêter sur les Rwandais accusés d'avoir participé au génocide et qui se sont réfugiés en France. Ils sont nombreux, plusieurs centaines sans doute, et ont refait leur vie sur notre sol. Ils sont professeurs, médecins, agents de sécurité ou prêtres. La France refusant de les extrader vers le Rwanda, c'est à notre justice de les juger au nom de la compétence universelle. Mais il faut des éléments pour déposer plainte, des preuves ou des témoignages.
Alain et Dafroza Gauthier partent donc sur les routes rwandaises, cherchent des survivants capables de témoigner ou interrogent des bourreaux derrière les barreaux de leur prison.
En plus de 20 ans, ils ont déposé une trentaine de plaintes. Grâce à eux, six hommes ont été conduits devant la justice et condamnés à de lourdes peines. Le dernier, Philippe Hategekimana a été jugé devant la Cour d'Assises de Paris entre mai et juin 2023. Pour ce documentaire, nous avons suivi les Gauthier sur ses traces au Rwanda jusqu'au verdict du tribunal qui l'a condamné à la réclusion à perpétuité.

Durée : 52' / Année : 2023 / documentaire réalisé par Thomas Zribi et Stéphane Jobert / Coproduction : Nova Production et LCP-Assemblée nationale

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Transcription
00:00 ...
00:19 -Ce qui nous anime, c'est véritablement
00:22 redonner une place aux victimes.
00:27 Le procès, c'est ce qui va rendre rescapée
00:30 la dignité qu'ils ont perdue pendant ce génocide.
00:33 ...
00:42 -Maisa Tiane ?
00:43 -Oui ?
00:44 -Oui, je veux.
00:45 -Combien ?
00:47 -La première fois.
00:49 -Moi, je suis toujours en fébrilité, aujourd'hui.
00:52 J'attends toujours les jurés avec impatience.
00:56 C'est toujours la même question qui m'en hante.
00:59 Est-ce qu'ils vont comprendre cette histoire ?
01:02 ...
01:04 -France Info.
01:05 -30 ans après la guerre civile au Rwanda,
01:08 le génocide des Tutsis, entre 800 000 et 1 million de morts,
01:11 un ancien gendarme rwandais est jugé par la cour d'assises de Paris.
01:16 L'ex-militaire, aujourd'hui âgé de 66 ans,
01:18 est accusé de crimes qu'il nie formellement.
01:21 ...
01:50 -Je m'appelle Dafroza Gauthier, mon carabinière.
01:53 Je suis née au Rwanda, il y a très longtemps, déjà.
01:56 J'habite à Reims, aussi, depuis une petite quarantaine d'années.
02:01 ...
02:04 J'ai trois enfants.
02:05 J'ai un mari, Alain Gauthier.
02:08 Et notre histoire est directement, malheureusement,
02:12 liée au génocide.
02:14 ...
02:20 -Nous, notre objectif, c'est de poursuivre en justice
02:23 les personnes qui sont soupçonnées d'avoir participé
02:26 au génocide perpétré contre les Tutsis du Rwanda
02:30 et qui se trouvent sur le territoire français.
02:33 ...
02:36 Quand on s'est embarqués dans ce combat pour la justice,
02:40 on ne pensait pas que ça allait nous engager comme ça,
02:43 à ce point-là.
02:44 ...
02:46 Depuis 94, nous n'avons pas passé une journée
02:50 sans parler du génocide, sans évoquer la vie des rescapés
02:56 ou la poursuite des génocidaires.
02:58 ...
03:05 ...
03:28 -Ce que nous faisons, c'est de prendre notre bâton de pelerin,
03:33 d'aller au Rwanda, interroger les vivants, les survivants,
03:37 quand il y en a, ou interroger les habitants des lieux.
03:40 ...
03:42 Si on veut que ces génocidaires présumés
03:45 comparaissent devant la justice,
03:48 on n'a pas d'autre choix, en fait.
03:50 ...
03:58 -Bigouma, c'était un adjuge en chef
04:02 d'Agnanza, dans le sud du Rwanda.
04:05 ...
04:11 Agnanza, on évoque la mort de 90 000 personnes.
04:15 ...
04:17 Et Bigouma est mêlée à la majorité de ces crimes.
04:21 ...
04:32 ...
04:37 ...
05:05 ...
05:09 -C'est une bonne nouvelle.
05:11 -C'est bon, on est en retard. -On a fini ?
05:14 -Oui, on a fini. -OK.
05:17 -On a fini. -On a fini.
05:18 -On a fini. -OK.
05:20 -On a fini. -OK.
05:23 -On a fini. -OK.
05:25 -On a fini. -OK.
05:27 ...
05:32 ...
05:42 ...
05:52 ...
06:02 ...
06:13 ...
06:23 ...
06:33 ...
06:43 ...
06:53 ...
07:03 ...
07:13 ...
07:23 ...
07:33 ...
07:43 ...
07:53 ...
08:07 -94 a changé tout.
08:10 94, c'est l'année zéro.
08:15 Tu as rasé tout, tu as rasé nos vies,
08:19 on n'est pas les seuls.
08:22 Le génocide, c'était un ouragan
08:25 qui dévaste tout, absolument tout.
08:28 ...
08:33 Et il n'en reste quasi rien.
08:35 ...
08:45 -Le génocide remonte très, très loin, en fait.
08:48 Des historiens veulent nous faire croire
08:51 que le génocide a commencé en 1994.
08:54 Ils le disent quand ils viennent témoigner dans les procès,
08:57 mais pour nous, il remonte beaucoup plus loin dans l'histoire.
09:00 ...
09:05 -Le génocide a été le produit d'une politique raciste
09:10 qui avait débuté au Rwanda avec la colonisation.
09:14 ...
09:20 ...
09:46 -On a affaire là, même peuple.
09:48 Donc à la fois, les Tutsis et les Hutus partagent
09:51 les mêmes valeurs, les mêmes croyances,
09:54 parlent la même langue.
09:56 -Quand on avait beaucoup de vaches, on était Tutsis.
10:00 Quand on était cultivateur, on était Hutus.
10:03 On avait très peu de vaches.
10:05 Ca n'a jamais été des races.
10:07 -Les Européens considéraient
10:10 que dans chaque groupe des gens,
10:12 il y a ceux qui sont supérieurs et inférieurs.
10:16 ...
10:19 Il va toujours se trouver des scientifiques
10:22 qui vont mesurer qui les crade, qui les nez,
10:25 qui les couleurs des yeux, qui les cheveux, etc.
10:28 ...
10:31 Ils transforment en quelque sorte
10:34 des catégories sociales en catégories raciales.
10:37 ...
10:42 Cette pensée scientifique des Européens
10:45 permet de justifier l'emprise des Tutsis
10:48 de cette minorité sur les Hutus.
10:50 C'est de par leur race différente
10:52 que les Tutsis ont le droit, en quelque sorte,
10:55 de dominer la masse Hutus.
10:57 -Les Batutsis, la race dominante.
11:01 Ce peuple de pasteurs s'adonne exclusivement à l'élevage
11:05 et professe pour tout autre travail un mépris absolu.
11:08 Les hommes se distinguent par leur haute stature,
11:11 la finesse des attaches et leur fière démarche.
11:14 Les Batutus, qui représentent 90 % de la population,
11:17 sont des paysans bantous, à l'âme lourde et passive,
11:20 ignorant tout souci du lendemain.
11:22 -Les Allemands, mais surtout les Belges,
11:28 avaient besoin d'un groupe sur lequel s'appuyer
11:31 pour diriger le pays.
11:33 Alors, ils se sont appuyés sur les Tutsis.
11:36 -Ils vont créer un ressentiment de la part des Hutus
11:39 qui, jusqu'alors, avait un certain rôle
11:42 et qui avait occupé un certain nombre de fonctions
11:45 relativement importantes.
11:47 -A partir des années 1950,
11:53 les Tutsis commencent à manifester
11:56 les vérités d'indépendance.
11:58 -Au moment de la décolonisation,
12:00 il y a au sein de l'élite Tutsi,
12:03 il y a des idées d'indépendance, d'indépendantistes.
12:06 Et, naturellement, ça fait peur aux colonisateurs belges.
12:09 Et donc, ce qu'ils vont faire,
12:11 c'est de renverser à 180 degrés leur politique
12:14 où, désormais, ce seront plutôt les Hutus
12:17 qui vont être favorisés.
12:19 Et donc, ils vont favoriser, cette fois-ci,
12:22 une prise de pouvoir, tout simplement,
12:25 par un parti extrémiste Hutu.
12:27 -C'est à ce moment qu'on a commencé à considérer les Tutsis
12:35 comme des citoyens de seconde zone.
12:38 A chaque fois qu'il y avait des problèmes,
12:41 ils étaient considérés comme des beaux commissaires et exterminés.
12:45 -On peut parler à peu près à la fois de milliers de morts
12:51 et puis d'une négligération extrêmement importante
12:54 d'une grande partie de la population Tutsi.
12:57 -On chassait les Tutsis de chez eux,
13:00 on pillait, on brûlait.
13:02 Voilà. Si tu pars pas, tu es tué, tout simplement.
13:06 ...
13:17 -En 1990, les enfants expulsés, les exilés de 1259, ont grandi
13:23 et donc, ils ont un désir de revenir dans leur pays d'origine.
13:27 -L'offre patriotique rwandaine a été créée
13:32 en grande partie par les descendants des réfugiés de 1259
13:37 et ils ont attaqué le pays
13:41 à partir du 1er octobre 1990.
13:45 ...
13:48 -Il y a une sorte de panique qui surgit au sein des gens
13:51 qui dirigent le Rwanda, c'est-à-dire les Hutus.
13:54 Il y a à la fois la peur du Tutsi d'extérieur
13:57 et une grande méfiance, une paranoïa
14:01 des Tutsis de l'intérieur.
14:03 Donc, lentement mais sûrement, on va développer
14:06 un certain nombre d'outils pour préparer la population Hutu
14:10 à l'irréparable.
14:12 ...
14:14 On va développer à la fois des milices.
14:17 ...
14:19 On va faire des achats massifs d'armes
14:21 pour pouvoir les distribuer à la population.
14:24 ...
14:26 Et puis, la fameuse création de radio-télévision "Mille Collines"
14:30 qui a été modifiée non sans raison de Radio Machette.
14:33 ...
14:35 -C'est chassé.
14:37 ...
14:39 -On a fait des efforts pour les enfants.
14:42 On a fait des efforts pour les enfants.
14:45 On a fait des efforts pour les enfants.
14:48 On a fait des efforts pour les enfants.
14:51 On a fait des efforts pour les enfants.
14:54 ...
14:57 ...
15:01 ...
15:04 ...
15:07 ...
15:10 ...
15:12 -Début de l'année 94,
15:15 je pense que ma mère commençait à...
15:18 avoir envie de nous voir, en fait.
15:21 Bon, je vais au Rwanda.
15:24 Tigali était à feu à 100.
15:27 Tigali, des grenades pétées partout.
15:31 ...
15:33 Il y avait des assassinats ciblés.
15:36 J'ai des toutsies.
15:38 Donc ma mère m'a dit "Il faut que tu repartes.
15:41 "Il faut que tu partes parce que là, ça va très, très mal."
15:45 J'ai courté mon séjour.
15:47 Je suis rentrée.
15:49 Mais je savais que j'allais pas les revoir.
15:52 Ça, c'est sûr.
15:55 C'est sûr.
15:57 D'ailleurs, tout ce que j'ai laissé ce jour-là,
16:01 ils sont plus.
16:04 ...
16:08 Ben, oui, j'ai sauvé ma peau.
16:12 ...
16:15 ...
16:18 ...
16:21 Et puis après, le mois d'après, c'était ce qu'on sait.
16:25 Ça se raconte pas. Ça se vit.
16:28 ...
16:30 ...
16:33 ...
16:36 -Les circonstances de la mort des présidents Rwanda et Burundi
16:40 ne sont pas claires.
16:42 Hier soir, l'avion qui les ramenait de Tanzanie s'est écrasé
16:46 quelques minutes avant son atterrissage à Tigali, Rwanda.
16:50 Certains ont décidé de ne pas enfuyer des tirs.
16:53 D'autres parlent d'explosion juste avant l'atterrissage.
16:57 ...
16:59 -Le 6 avril, donc, 94,
17:01 l'avion du président Abiy Rahman a été abattu.
17:04 Donc, le président meurt.
17:06 Et donc, il y a une vacance de pouvoir.
17:09 Et c'est un prétexte qui va permettre aux auto-extrémistes
17:13 de prendre le pouvoir et de gérer la mise en oeuvre du génocide.
17:17 ...
17:30 ...
17:33 ...
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17:42 ...
17:51 ...
17:56 ...
18:00 ...
18:03 ...
18:08 ...
18:18 ...
18:20 -Waouh !
18:22 ...
18:30 ...
18:39 ...
18:41 -Ah, il y a un match !
18:43 ...
18:54 -Rafael, c'était un cousin qui habitait ici, à Nyanza.
18:58 Il était enseignant.
19:00 Il a été joueur de foot, ici.
19:03 Il avait cinq enfants.
19:05 ...
19:07 ...
19:15 Il a été ramené avec sa famille.
19:18 Et lui, l'histoire dit
19:22 qu'on lui aurait coupé la tête
19:25 et on aurait joué au foot
19:28 avec sa tête ici, à l'intérieur même de ce stade.
19:32 Voilà.
19:34 ...
19:45 Ça demande déjà beaucoup d'énergie
19:48 pour poursuivre cette quête de justice.
19:51 ...
19:53 Alors, évidemment, quand les histoires familiales s'emmènent,
19:58 tomber sur sa famille, sur ses cousins, ses amis,
20:02 ça fait perdre pied.
20:04 ...
20:07 ...
20:17 ...
20:22 ...
20:25 -Rafael était grand et beau.
20:28 J'ai quelques photos, mais...
20:32 ...
20:34 ...
20:49 ...
20:52 ...
21:00 ...
21:07 ...
21:14 ...
21:24 ...
21:37 -Ils sont bien gardés.
21:39 -Oui, les cercueils.
21:42 ...
21:46 Ah oui.
21:48 ...
21:52 Ici, on peut trouver 38 000 tutsis.
21:56 50 pour le sachet sont têtés, morts,
21:59 tués par Bigouma et ses alliés.
22:02 Oui.
22:04 Ici.
22:06 Une fois au mois, du mois, j'arrive ici.
22:10 -Hm-hm.
22:12 -On a toute la famille.
22:21 Les cercueils, on les a eu, là-dedans.
22:32 Maman et papa.
22:35 Ce sont les cercueils.
22:38 -Allah.
22:40 -Allah l'a remis.
22:42 -Une pensée pour eux.
22:44 -Allah l'a remis.
22:46 ...
22:54 -Vous n'aviez pas de photos ?
22:56 -Non. On l'a tout oublié.
22:58 -C'est ça, le drame.
23:00 On nous a volé toutes nos photos.
23:03 -On nous a volé nos souvenirs.
23:05 C'est-à-dire qu'en brûlant les maisons,
23:08 on nous a tout pris.
23:10 -Nous aussi.
23:12 -Nous, c'est pareil.
23:14 -J'ai ma mère, elle avait toute sa petite caisse.
23:17 Je vois en bois.
23:19 Il y avait toutes les photos
23:21 que mon frère envoyait d'Europe avec les enfants.
23:24 Les photos quand on était petites.
23:26 Moi, j'ai pas de photos quand je suis petite.
23:29 Tout est parti dans la petite caisse.
23:32 ...
23:38 -C'est ce qui a permis d'identifier certaines victimes.
23:42 Si on a retrouvé la carte d'identité dans les poches,
23:46 les carnets.
23:48 -On lui a fait...
23:51 -Oui, les béquilles.
23:53 -Les béquilles.
23:55 ...
23:59 -Même les...
24:01 -Les bigoudis.
24:03 -Même les bigoudis.
24:05 ...
24:27 -Ca, c'est la carte d'identité.
24:30 Là, ici, je pense que c'est marqué "Outhousse Baré"
24:34 et "Toutsie" à côté.
24:36 -Oui, ça, c'est la signature
24:39 d'auteur condamnation à mort.
24:41 ...
24:43 ...
24:45 ...
24:49 -Je reviens.
24:51 ...
25:00 ...
25:13 -C'est pour ça qu'on peut pas laisser, quand même,
25:16 des gens qui ont fait ça,
25:18 laisser vivre non plus tranquille.
25:22 ...
25:25 -Cette période de trois mois du génocide,
25:28 on va vivre, je dirais, comme des fantômes.
25:31 Nous passons nos nuits au téléphone,
25:34 on envoie des fax,
25:36 on envoie des...
25:38 des appels au secours.
25:40 -Il y a pas beaucoup de mots
25:42 pour raconter ce qu'on pouvait ressentir.
25:46 -Cette culpabilité qui vous rongeait,
25:49 moi, qui m'a rangée,
25:51 je venais de les laisser,
25:53 je les vois encore,
25:55 cette image où tout le monde me fait...
25:58 -Le 8 avril,
26:04 je suis dans mon bureau,
26:06 au collège Jeanne d'Arc, à Reims.
26:10 Je téléphone, je téléphone à la paroisse,
26:14 où je sais que la maman de Daphrosa s'est réfugiée.
26:18 Et le père Blanchard m'annonce
26:22 que la maman de Daphrosa a été tuée le matin.
26:25 Des militaires sont venus chasser tous les réfugiés de l'église,
26:31 ils ont tiré dans le tas.
26:33 La maman de Daphrosa fait partie des victimes.
26:37 J'ai la lourde charge, en rentrant le soir à la maison,
26:44 de la mort de la maman,
26:47 de la grand-mère des enfants.
26:49 -Ma mère s'appelait Susanna Kamsoni.
26:57 Musique douce
27:00 ...
27:18 ...
27:23 Les oies chantent
27:25 ...
27:32 -Alain adore les oies.
27:34 -Moi, tu vois, depuis 94,
27:38 j'ai une... Enfin, une phobie, presque.
27:41 En 94, les rapaces se sont donnés à cœur joie.
27:46 Ils n'arrêtaient pas de manger les corps des nôtres.
27:50 Dans notre trauma, sûrement,
27:55 tu te penses tout de suite à ça.
27:58 Tu ne penses pas à la beauté de l'oiseau.
28:04 Je ne vois pas un rapace en termes de poésie.
28:08 C'est malheureux.
28:15 -Un génocide ne réussit jamais complètement,
28:18 puisqu'il y a toujours des rescapés.
28:21 Et ces rescapés sont là
28:24 pour pouvoir témoigner de ce qui s'est passé.
28:27 Tout repose sur des témoignages dans le cadre du génocide des Tutsis.
28:34 Beaucoup de documents écrits ont été détruits.
28:40 Depuis 30 ans, beaucoup de témoins ne sont plus.
28:43 Et si on ne récolte pas ces témoignages,
28:46 on ne pourra plus organiser des procès en France.
28:50 Donc il y a urgence.
28:52 ...
29:18 -Cette région habitait pas beaucoup de Tutsis.
29:21 Il y a des collines où il n'y avait que des Tutsis, d'ailleurs.
29:25 Et aujourd'hui, malheureusement, il reste personne.
29:28 ...
29:44 -Qu'est-ce que c'est beau !
29:46 -Merci.
29:48 ...
30:13 ...
30:24 ...
30:38 ...
30:49 ...
30:57 ...
31:11 ...
31:25 ...
31:34 -C'est très froid.
31:36 -Tout le monde écoute, mais bon, c'est leur histoire aussi.
31:40 ...
31:52 -C'est terrible.
31:54 -Comment on ne comprend pas toutes ces ondes-là ?
31:58 ...
32:13 -Oui, bonjour.
32:15 ...
32:18 ...
32:25 ...
32:31 -Ca, c'est le plus important,
32:33 de rendre hommage à la famille qui a résisté.
32:37 Ca, c'est ce qu'il faut.
32:39 ...
33:07 -A la fin du génocide, Bigouma s'est réfugié au Congo.
33:11 Il a dû avoir des magouilles pour qu'il puisse prendre l'avion
33:15 sans papier, mais il s'est retrouvé en France.
33:18 -En fin de juin 1994,
33:21 la France a mis en place
33:24 ce qu'on a appelé l'opération turquoise
33:28 pour créer des zones de sécurité.
33:32 ...
33:34 -La France a décidé de lancer
33:37 une opération humanitaire au Rwanda.
33:40 Je crois que le premier objectif est atteint
33:43 avec, encore une fois, tous ces sourires
33:46 qui fleurissent sur vos visages.
33:48 ...
33:50 -Mais la zone turquoise n'a été qu'une sorte de couloir
33:54 pour faire fuir une grande partie de la population
33:58 et exfiltrer les autorités
34:01 qui venaient de commettre le génocide.
34:04 ...
34:09 L'opération turquoise va permettre à des centaines
34:12 de responsables des génocides hérutaux
34:15 de quitter le territoire hollandais
34:18 et qui, par la suite, iront,
34:21 pour certains en France, pour d'autres en Belgique
34:24 ou encore au Canada.
34:26 -Ici, en France, ils se sont refaits une virginité.
34:29 Ce sont de bons parents, de bons voisins,
34:32 ce sont de bons citoyens qui s'impliquent
34:35 dans des associations humanitaires,
34:38 voire des bons chrétiens.
34:40 ...
34:46 -Vous imaginez, nous avons nos familles décimées
34:50 et vous voyez des ferlets dans nos pays, ici,
34:55 les assassins de nos familles.
34:57 Mais c'est un scandale ! C'est pas possible !
35:00 N'importe qui s'indignerait, je pense.
35:03 ...
35:09 -Depuis plus de 20 ans,
35:11 nous avons déposé plus d'une trentaine de plaintes
35:15 et, jusqu'à maintenant,
35:17 malheureusement, seules cinq personnes
35:20 ont été jugées et condamnées.
35:23 ...
35:31 La France, c'est pratiquement le seul pays, aujourd'hui,
35:35 qui refuse toujours d'extrader ces personnes-là vers le Rwanda
35:39 où ils auraient déjà été jugés.
35:42 D'où ce grand nombre de dossiers
35:44 qui s'amoncèlent sur le bureau des juges,
35:47 qui ne sont pas suffisamment nombreux.
35:49 Nous ne cessons depuis 25 ans
35:51 de lancer une lenteur insupportable pour les victimes.
35:55 ...
35:58 En 2015, nous avons reçu une lettre anonyme
36:02 dénonçant Bigouma.
36:04 Il travaillait à l'université de Rennes
36:07 comme responsable de la sécurité.
36:10 Donc, immédiatement, nous, nous avons...
36:13 Nous nous sommes emparés de ce dossier.
36:16 ...
36:31 -Les rescapés, c'est pas eux qui ont le plus de vues.
36:35 C'est-à-dire qu'un rescapé, soit il se cachait
36:40 dans un trou de souris, soit il était caché
36:43 dans un plafond d'un bienfaiteur.
36:46 ...
36:52 Mais par contre, les tueurs,
36:54 on a besoin de leurs paroles, de leurs témoignages.
36:57 Parce que c'est eux qui savent.
37:00 ...
37:13 ...
37:21 -Mais vous savez, entrer dans une prison,
37:24 c'est pas si facile que ça, quand on sait
37:27 qui c'est qui l'habite.
37:29 -Bigou.
37:31 Bigou. Dites quoi ? Alain, Gauthier, les frères Rassas.
37:35 OK. Et il accepte de parler ?
37:39 ...
37:40 -De parler du génocide, ici, à Nianza.
37:43 -Oui, il y a eu un génocide.
37:45 ...
37:50 -On est venus ici, à Nianza.
37:53 On a vu que les gens
37:56 ont été tués.
37:59 C'est un génocide qui a été fait en France.
38:03 -En France ?
38:06 -Oui, c'est un génocide qui a été fait en France.
38:09 On a vu que les gens ont été tués.
38:12 -Tués ?
38:14 -Oui.
38:16 -Aujourd'hui ?
38:18 -Aujourd'hui, on va voir.
38:20 -On va voir.
38:22 -OK.
38:24 -Je vais vous parler de la police.
38:27 On a vu que les gens ont été tués.
38:30 On est venus à Nianza.
38:32 On a vu que les gens ont été tués.
38:35 -On a vu que les gens ont été tués.
38:38 -On a vu que les gens ont été tués.
38:41 -On a vu que les gens ont été tués.
38:44 -On a vu que les gens ont été tués.
38:47 -On a vu que les gens ont été tués.
38:50 -On a vu que les gens ont été tués.
38:53 -On a vu que les gens ont été tués.
38:56 -On a vu que les gens ont été tués.
38:59 -On a vu que les gens ont été tués.
39:02 -On a vu que les gens ont été tués.
39:05 -On a vu que les gens ont été tués.
39:08 -On a vu que les gens ont été tués.
39:11 -On a vu que les gens ont été tués.
39:14 -On a vu que les gens ont été tués.
39:17 -OK.
39:19 -Qu'ils vous mentent ou qu'ils vous mentent pas,
39:23 il faut quand même les interroger.
39:26 Au détour d'une phrase,
39:29 vous allez déjà comprendre des choses.
39:32 ...
39:38 ...
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40:37 ...
40:43 ...
40:48 -Cromateur, négateur professionnel.
40:51 Il a eu la perpète, mais en fait,
40:54 il a seulement attiré sur ce truc.
40:57 -Il a tué un bœuf ?
40:59 -Il a tué le taureau des vaches de...
41:02 J'avais pas envie de traduire,
41:05 parce que j'en peux plus.
41:07 -J'étais dans un état.
41:12 -Il a dégagé que des ondes négatives.
41:15 Tu pouvais pas être bien.
41:17 -Si c'est ça, mais...
41:19 -J'avais envie de lui dire "tais-toi", mais il continue.
41:23 ...
41:25 ...
41:29 ...
41:34 ...
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41:44 ...
41:49 ...
41:55 ...
41:58 -A chaque fois, c'est des très jolis endroits.
42:02 C'est incroyable.
42:04 C'est le décalage entre le macabre et la beauté,
42:08 et toujours saisissant.
42:10 Et quel que soit l'endroit, même nous, on s'habitue pas.
42:14 On croit qu'on pourrait s'habituer, mais on s'habitue pas.
42:18 Malheureusement. Je sais pas s'il faut s'habituer, d'ailleurs.
42:22 ...
42:25 Allez.
42:27 ...
42:31 ...
42:36 ...
42:40 -Nyanza, ça a été aussi un grand lieu de résistance
42:44 de la part des Tutsis.
42:46 Quand les Tutsis se réfugiaient en haut des collines,
42:50 ils se défendaient à coups de pierre,
42:53 si bien qu'il a fallu parfois plusieurs attaques,
42:57 soit des militiains, soit des gendarmes,
43:00 pour faire des résistances.
43:02 ...
43:12 -Eh, animaux.
43:14 Ils sont très jolis.
43:16 -Ils sont jolis ?
43:18 Je vais te montrer un peu.
43:20 Je vais te montrer un peu.
43:22 -Hm ?
43:24 -On a des animaux qui sont très jolis.
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48:47 -Vous avez une grande famille, y compris ma femme et mon enfant.
48:51 Tout a été perdu.
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