Ce n'est pas la politique qui change le monde : mais alors qui ? [Philippe Silberzahn]

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Philippe Silberzahn, professeur de stratégie et entrepreneuriat, emlyon Business School, pour parler du quotidien comme source de changement. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Transcript
00:00 Bonjour Philippe Silberzan, professeur de stratégie et entrepreneuriat EMU Business
00:13 School. PhilippeSilberzan.com, c'est votre blog, un billet hebdomadaire à lire absolument. Parmi
00:20 ces billets, la vraie source du changement est rarement politique. Donc c'est pas politique,
00:25 pourtant les politiques passent leur temps à nous promettre le changement. Le changement,
00:28 c'est maintenant, le changement, etc. Et pourtant, vous nous dites non, non, c'est rarement politique.
00:33 Oui, alors on a tous été à l'école avec les livres d'histoire et quand on ouvre un livre
00:37 d'histoire, on a les grandes dates, les grandes batailles, les grands hommes, plutôt hommes que
00:43 femmes souvent. Et on a cette espèce de vision assez exclusivement politique du changement. Et
00:51 toute une phase du changement humain est passée sous silence. Et on s'aperçoit en fait quand on
00:57 creuse un petit peu que beaucoup des changements les plus fondamentaux n'ont pas eu pour origine la
01:03 politique en fait. Alors un changement a pu être traduit à un moment donné en un acte politique,
01:09 mais très souvent ces actes politiques ne sont qu'une espèce de conclusion en fait,
01:15 de traduction dans la loi d'un changement qui vient beaucoup plus profondément. Et donc c'est vrai que
01:23 je défends ici l'idée que, attention, si on veut comprendre le changement, mais surtout si on veut
01:28 le développer, ce n'est pas forcément la politique qui est le meilleur endroit pour changer le monde.
01:33 Voilà, c'est là que vous allez chercher l'historien Franck Geivin.
01:36 Oui, alors Geivin, il est intéressant.
01:38 Oui, très intéressant. Et notamment l'idée, trois dates, qui prend un exemple, la naissance
01:45 d'Apple en 1976, la Napa-Vallée dont un des vins fut reconnu meilleur du monde au fameux
01:51 jugement de Paris également en 1976, et puis Star Wars, 77 Star Wars. Et ça pour vous,
01:59 c'est des changements, enfin pour lui, c'est des changements absolument...
02:01 Voilà, pour illustrer son propos, il repart un peu de l'idée que les années 70 aux Etats-Unis
02:10 sont une déprime totale. Alors on termine la guerre du Vietnam, qui évidemment se passe très
02:16 mal, c'est une humiliation, le pays est déprimé, c'est le début du déclin des grandes industries,
02:22 l'acidiérgie, l'automobile, les Japonais qui arrivent, qui massacrent les fabricants automobiles,
02:27 et c'est vraiment une période de grande déprime aux Etats-Unis. On a oublié à quel point les
02:32 années 70 étaient déprimants. Et il dit, ce qu'on ne voit pas, c'est qu'au fond, à la même époque,
02:41 et il prend ces trois exemples, il pourrait en prendre d'autres, naissent en fait les germes de
02:47 ce qui va donner 20 à 25 ans de croissance économique américaine, il aurait pu aussi
02:53 parler des biotech, et qui font qu'aujourd'hui, les Etats-Unis dominent tous ces secteurs de
03:00 façon très importante. Donc effectivement, les exemples qu'il donne sont amusants. Alors,
03:04 Apple qui se crée en 76, évidemment personne ne va parler d'Apple en 76, c'est deux personnes
03:10 dans un garage, et qui aura une influence évidemment considérable dans le domaine de la
03:16 technologie. L'Anna Pavley, alors effectivement, c'est un exemple que je trouve intéressant parce
03:20 que l'antienne de la médiocrité américaine, c'est une antienne, on nous le resserre sans arrêt,
03:29 et il s'inscrit en contre ça, il dit l'Anna Pavley, c'est aussi un exemple d'une excellence
03:35 américaine. Alors, c'est improbable comme réussite, en Californie, faire du vin qui va
03:41 aller gagner le fameux concours de Paris, qui est vraiment une stupéfaction pour tous les
03:46 experts du vin. Alors, Star Wars est intéressant parce que, là aussi, l'antienne de la médiocrité
03:54 culturelle, et Star Wars qui naît de façon un petit peu improbable, c'est intéressant parce
04:01 que c'est à la fois une réussite artistique, on oublie que George Lucas, quand il crée Star Wars,
04:06 il va s'intéresser à un ouvrage qui parle des grands mythes de l'humanité, donc c'est très
04:11 profond culturellement, c'est pas juste quelque chose qui est très superficiel, il y a un gros
04:16 travail sur les grands mythes de l'humanité, le héros aux mille visages, et c'est aussi une
04:21 réussite technologique, et c'est une réussite culturelle, l'intérêt de Star Wars, justement
04:27 parce que ça s'appuie sur ces mythes, c'est que ça parle à tout le monde en fait, c'est là que
04:30 vient le succès de Star Wars. Voilà, trois exemples qui auront des impacts évidemment
04:37 industriels, artistiques, technologiques et politiques, et aucun de ces trois exemples ne
04:45 doit rien aux politiques qui, à l'époque, disaient « ah mon dieu, le Vietnam, la Chine, etc., les
04:51 Japonais, etc. », non pas que ce soit pas important, mais c'est de montrer que les changements les
04:56 plus importants ne naissent pas forcément à l'initiative du politique. Au mieux, le politique
05:01 n'a fait qu'enterriner ses changements dans des lois quand il n'essayait pas de les bloquer.
05:05 Oui, alors c'est vrai que très souvent, c'est un peu moins vrai aux États-Unis, c'est un peu plus
05:10 vrai en France, la première réaction du politique, et on le voit partout, c'est d'abord de dire
05:16 « attention, innovation égale danger », on est quand même le pays qui a mis le principe de
05:19 précaution dans la Constitution. On le voit aujourd'hui autour de l'IA. Et donc, pareil pour l'IA,
05:24 le premier réflexe est un réflexe de crainte avant de se dire « mais quelles sont les opportunités ? ».
05:30 C'est passionnant. Merci Philippe Sibbensal.
05:32 Merci Jean-Philippe.
05:34 [Musique]

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