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Après le succès du documentaire "Nous paysans", France 2 diffuse ce mardi soir le documentaire "Nous, les ouvriers" qui, s'il n'est pas entièrement consacré aux Hauts-de-France, accorde une large place à l'histoire industrielle de la région avec de nombreux témoignages recueillis à Tourcoing, Wallers-Arenberg, Roubaix, Haubourdin ou Maubeuge.

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Transcription
00:00 - Bonjour Hugues Nancy, votre documentaire commence littéralement dans le Nord puisque la naissance du monde ouvrier tel qu'on le définit aujourd'hui,
00:06 ce sont les usines textiles. Le textile, il y avait Lyon et puis il y avait nous, il y avait le Nord.
00:10 - Voilà, il y a deux berceaux industriels dans notre pays qui sont la région Rhône-Alpes, la vallée du Rhône et les Hauts-de-France,
00:20 enfin le Nord-Pas-de-Calais à l'époque, à la fois pour le textile et pour le charbon.
00:25 Dans les deux régions, ce sont les deux industries qui ont structuré le tissu économique,
00:31 mais ici c'est vrai qu'il y a une emprise, il y a une organisation sociale qui est encore plus impressionnante
00:37 et ça a marqué encore plus les territoires et structuré les territoires.
00:40 - Vous avez cité le textile, le charbon, il y a aussi eu bien sûr la sidérurgie, les usines automobiles.
00:45 Si on regarde entre Tourcoing, Arambert, Roubaix, Aubourg, Dunmobeuge, vous avez sillonné le Nord-Pas-de-Calais.
00:50 Vous vous attendiez en préparant ce documentaire à passer autant de temps dans la région ?
00:55 - Oui, parce que justement il y a beaucoup de traces ici, il y a aussi beaucoup de souvenirs, il y a aussi beaucoup de témoins.
01:03 C'est un tissu très particulier, le monde des mines, les industries textiles, il y a des friches qui restent ici très importantes,
01:13 par exemple à Roubaix. C'est vrai qu'il y a une trentaine d'intervenants dans le film et il y en a un tiers qui sont de cette région
01:21 et qui racontent cette histoire. Et puis il y a aussi ArcelorMittal à Dunkerque, il y a Renault et les futures usines de construction de batteries.
01:32 C'est vrai que vous vous concentrez beaucoup de notre patrimoine industriel et de notre histoire industrielle.
01:38 - Le patrimoine, mais aussi vous l'avez souligné avec les gigafactories, les usines de batteries pour véhicules électriques,
01:43 c'est une histoire qui n'est pas terminée. L'industrie garde une emprise, tout de même toujours dans le Nord-Pas-de-Calais.
01:49 C'est pour ça aussi que vous avez tenu à ce que vous soulignez, effectivement, que vous avez les mines, ça parait loin,
01:54 c'est François Mitterrand encore une fois, la fermeture des mines, les années 80, mais aussi on a entendu d'ailleurs un peu plus tôt dans la matinale,
02:00 des ouvriers qui travaillent toujours aujourd'hui dans les usines automobiles.
02:03 C'était important aussi pour vous de dire que voilà, c'est pas terminé, c'est pas que du patrimoine ?
02:06 - C'était essentiel. Il y a un paradoxe ouvrier dans notre pays, c'est que les ouvriers ont eu un rôle crucial dans notre histoire économique et politique,
02:15 et on a tendance à oublier cette histoire, et en plus, on pense inconsciemment, alors peut-être un peu moins dans cette région,
02:21 mais le grand public pense que ça a disparu. On a tellement parlé de destruction, de délocalisation, de fermeture, de suppression d'emplois,
02:29 qu'on a le sentiment qu'il n'y a plus d'ouvriers en France. Et évidemment, il y a encore beaucoup d'ouvriers, plus de 5 millions,
02:35 un Français au travail sur 5, un homme sur 3 au travail dans notre pays, et donc dans le film, les ouvriers disent aussi qu'ils ont ce sentiment de ne pas être entendus,
02:46 ou en tout cas qu'on ne s'adresse plus à eux, comme s'ils étaient devenus invisibles, et ça pose une vraie question démocratique.
02:53 - Effectivement, quand on regarde les chiffres, les chiffres de l'INSEE en 2020, il y a toujours dans les Hauts-de-France plus de 500 000, plus d'un demi-million d'ouvriers encore.
03:00 - C'est à 7h48, vous êtes sur France Bonheur, et nous sommes en direct avec Hugues Nancy, l'un des deux réalisateurs du documentaire "Nous, les ouvriers".
03:07 - Hugues Nancy, quand on voit les cheminées, les terries, les corons, tout ce patrimoine, il y a une sorte de romantisme aujourd'hui du monde ouvrier,
03:15 avec également les musées, le tourisme qui s'organise autour, mais il faut aussi rappeler que ça a été dur, que c'était des conditions de travail qui étaient quand même largement dures.
03:26 On peut voir d'ailleurs dans votre documentaire des grandes grèves, aussi la répression qui a été très violente, il y a eu beaucoup de morts dans les mines également, on voit tout ça dans votre documentaire.
03:34 - Oui, parce qu'il y a une phrase au début du film qui dit que les ouvriers ont sacrifié leur santé et parfois leur vie,
03:42 et on me l'a un peu reproché en disant qu'il y avait quelque chose d'un peu d'une héroïsation des ouvriers, sauf que c'est la vérité,
03:48 c'est-à-dire que beaucoup d'ouvriers sont morts et beaucoup d'ouvriers sont tombés malades dans les mines, on connaît le drame de la silicose,
03:54 mais beaucoup d'ouvriers sont morts au travail et aujourd'hui en France, deux ouvriers meurent chaque jour actuellement d'un accident du travail.
04:04 Donc c'est ça la réalité, et en même temps le film il alterne en permanence, c'est comme ça qu'on a ressenti les témoins, entre la peur, la douleur, le combat, les difficultés, et une fierté.
04:18 Pour revenir à votre idée du romantisme, moi je dirais plutôt qu'il y a une fierté d'une appartenance, une fierté d'un savoir-faire, la fierté d'une histoire,
04:28 et qu'on est entre les deux, et ce qui m'a frappé avec les ouvriers que nous avons rencontrés, c'est que si c'était à refaire, ils le referaient.
04:35 On a entendu des extraits tout à l'heure au journal de 7h, ces deux anciennes ouvrières qui ont commencé adolescente à travailler dans le textile,
04:42 et qui en parlent aujourd'hui avec énormément de fierté, comment vous l'expliquez ?
04:47 Je pense qu'il y a ce sentiment d'appartenance, et c'est très important, c'est pour ça que le "nous" était très important dans le film,
04:54 ça faisait référence à des collectifs, au fait d'être ensemble, et de se battre ensemble, et puis il y a cette fierté du travail aussi accomplie.

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