Israël: l'interview intégrale de Bernard-Henri Lévy, en direct de Tel-Aviv
Bernard-Henri Lévy était l'invité de BFMTV ce lundi soir, pour parler du conflit entre le Hamas et Israël.
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00:00 Que peut faire Israël ce soir ?
00:02 Écoutez, ce que fait Israël déjà ce soir, c'est de se ressaisir,
00:11 c'est de dépasser cet état de choc terrible
00:14 dans lequel tous les observateurs l'ont trouvé hier.
00:19 Moi je suis dans le sud d'Israël, je suis à Gérôte, à Aïsh Kélône,
00:23 depuis hier soir, je viens d'arriver à Tel Aviv,
00:26 et en effet, depuis hier soir, la situation a déjà changé.
00:31 Il y a un élan patriotique, démocratique,
00:36 un élan d'union sacrée dans Israël aujourd'hui,
00:40 qui a changé le paysage du pays,
00:43 avec la volonté de ramener les otages,
00:48 de sauver les otages, et de casser les reins du Hamas,
00:55 qui est une organisation terroriste, djihadiste,
01:00 et d'une sauvagerie absolue.
01:04 Et cette histoire d'enfants-otages, vous savez,
01:07 la manière dont on traite les enfants, c'est un indicateur des tyrannies.
01:13 Vous en avez un exemple en Ukraine, à Tchoutchine.
01:18 Aujourd'hui, l'histoire du petit Etal,
01:21 le petit Français de 12 ans, qui a été séparé de ses parents,
01:27 et qui se trouve dans un lieu inconnu à Gaza,
01:30 et que l'on menace d'exécuter, c'est d'une barbarie absolue.
01:36 – Bernard-Henri Lévy, vous dites qu'il faut,
01:39 effectivement, c'est votre expression, "casser les reins du Hamas".
01:42 Comment faire cela ?
01:43 Comment riposter pour Israël, sans précisément risquer la vie de ses otages,
01:47 et notamment de ses enfants qui sont encore otages ce soir ?
01:51 – Il y a un choix cornelien ou biblique.
01:57 En Israël, aujourd'hui, il y a deux impératifs.
02:01 Chaque vie est sacrée, et en particulier une vie d'enfant.
02:07 Et en même temps, on ne peut pas laisser une organisation comme le Hamas
02:14 menacer l'État d'Israël, comme il le fait régulièrement
02:19 depuis des années et des années.
02:22 Donc c'est vrai qu'il y a cette double injonction.
02:25 Et chaque Israélien aujourd'hui, qu'il soit de gauche ou qu'il soit de droite,
02:30 qu'il soit religieux ou qu'il soit laïque,
02:33 il est hanté par cette question que vous posez.
02:37 Comment, à la fois, être fidèle au commandement
02:42 qui fait que la vie d'un otage en particulier est sacrée,
02:47 et comment sauver le peuple d'Israël et le peuple juif
02:51 de ce parti pogromiste qui a lancé un véritable pogrom samedi matin,
02:59 qui continue d'ailleurs encore aujourd'hui,
03:02 quoique de manière plus atténuée bien sûr,
03:05 dans une partie d'Israël et notamment toute la partie sud.
03:11 Et moi, je ne sais, j'ai rencontré depuis hier soir des Israéliens
03:16 qui savent qu'il y a là un débat terrible,
03:20 mais qui sont bien décidés à l'arbitrer.
03:23 Et à l'arbitrer dans le respect de ce double impératif.
03:27 – L'arbitrer, Bernard-Henri Lévy, l'arbitrer,
03:29 ça veut dire que pour vous, par exemple,
03:31 une intervention au sol de l'armée israélienne qui rentrerait dans Gaza,
03:36 c'est inévitable aujourd'hui ?
03:39 – Ce qui est inévitable, c'est d'aller chercher les assassins.
03:44 C'est d'aller chercher les pogromistes.
03:47 Les Israéliens aujourd'hui, vous savez,
03:49 j'étais dans un centre de commandement de la zone sud tout à l'heure,
03:54 les Israéliens savent où se trouvent, à Gaza et hors de Gaza d'ailleurs,
04:01 tous les chefs politiques, tous les propagandistes,
04:04 tous les pogromistes dus à masse.
04:07 Et je crois qu'il y a un consensus national aujourd'hui
04:11 pour aller les chercher et faire qu'ils répondent de leur clé,
04:16 d'une manière ou d'une autre.
04:19 Peut-être une instance de justice internationale,
04:22 mais en tout cas que le pogrom cesse
04:27 et que le martyr des Palestiniens cesse aussi.
04:31 Parce que les Palestiniens de Gaza, vous savez, s'ils sont prisonniers,
04:36 c'est d'abord prisonnier du Hamas qui les tyrannise,
04:40 qui les soupçonne de dissension ou de "collaboration"
04:48 avec les partis palestiniens adverses ou avec Israël.
04:52 Donc aujourd'hui, il y a, je crois, cette décision,
04:54 cette résolution.
04:56 Israël pense, me semble-t-il, les Israéliens pensent
05:00 qu'ils ont trop longtemps joué la carte du compromis,
05:04 ils ont trop longtemps pensé qu'ils pouvaient s'accorder du Hamas,
05:09 lui, de la confiance.
05:10 Aujourd'hui, ils savent qu'une ligne rouge a été franchie.
05:13 Ce qui s'est passé depuis samedi matin, c'est les enfants enlevés,
05:19 ces femmes dénudées, ensanglantées, maltraitées,
05:25 mises dans des pick-up, emmenées dans des lieux inconnus,
05:28 ces officiers kidnappés.
05:30 Tout ça, c'est une ligne rouge.
05:33 Et je crois qu'il n'y a pas un Israélien,
05:36 et j'espère pas un démocrate non plus, en France,
05:40 pour ne pas penser que ça suffit.
05:43 – Bernard-Henri Lévy, vous parliez tout à l'heure du choc
05:47 vécu par les Israéliens depuis trois jours.
05:50 Dans les témoignages qui nous parviennent, il y a le choc,
05:52 il y a aussi de la colère et de l'incompréhension.
05:53 Beaucoup d'Israéliens se demandent comment est-ce que cette opération,
05:56 cette attaque terroriste du Hamas a pu ne serait-ce qu'avoir lieu.
05:59 1000 hommes coordonnés qui arrivent comme ça,
06:02 qui débarquent comme ça sur le territoire israélien.
06:06 Est-ce que vous avez aussi ressenti ça, de l'incompréhension
06:08 et peut-être même de la colère, face à ce que certains n'écrivent
06:12 comme de l'aveuglement de la part du pouvoir israélien
06:15 et des services de renseignement israéliens
06:16 qui n'ont pas vu venir cette attaque terroriste ?
06:19 – Écoutez, parfois, mais pas tant que cela.
06:24 Moi, les Israéliens que je vois depuis hier savent
06:27 qu'il n'y a pas d'État infaillible,
06:29 qu'il n'y a pas de service secret qui ne se trouve jamais.
06:34 Ils savent qu'ils ont eu, face à eux, pour préparer cette opération,
06:41 des forces extrêmement puissantes, bien plus puissantes que le Hamas.
06:45 Ils savent, il y a des preuves de cela, que derrière le Hamas, il y a l'Iran.
06:51 Il y a peut-être encore d'autres pays que l'Iran.
06:54 Et en effet, ils savent que cette faille d'intelligence a eu lieu.
06:59 Ça arrive dans tout pays démocratique.
07:02 Vous savez, il n'y a que pays totalitaire
07:04 dont les services secrets sont infaillibles.
07:06 Mais la vraie question que se posent aujourd'hui les Israéliens,
07:08 ce n'est pas celle-là.
07:09 Ce n'est pas comment ça a pu arriver.
07:12 C'est comment sauver les otages et comment faire que ça ne se reproduise plus.
07:16 Et, pardon, mais autre chose qui m'a tellement frappé
07:21 depuis 24 heures que je suis ici,
07:24 c'est les actes d'héroïsme des Israéliens.
07:30 J'ai vu et j'ai entendu tant d'histoires d'un père réservé,
07:39 qui constitue une petite unité pour aller chercher son fils prisonnier.
07:45 Toute l'histoire d'un père de famille âgé qui est dans un abri.
07:49 Il y a un terroriste derrière la porte qui essaie de la forcer.
07:53 Il bloque la porte, il s'arqueboute,
07:55 il fait une sorte de bras de fer à travers la porte qui ferme mal.
08:01 Et il tient en respect les réalistes.
08:03 Je n'ai cessé d'entendre des histoires belles de ce genre,
08:08 c'est-à-dire des histoires d'hommes et de femmes
08:11 dont le vrai souci aujourd'hui, c'est comment sauver les vies,
08:17 comment faire qu'il n'y ait pas plus de morts.
08:20 C'est ça la vraie conversation aujourd'hui en Israël.
08:24 Merci beaucoup. Merci Bernard-Henri Lévy d'avoir été en duplex ce soir en direct de Tel Aviv.