• l’année dernière
Transcription
00:00 ils ont une telle haine des femmes.
00:01 Je pouvais aller nulle part sur aucun des réseaux que j'avais.
00:03 Je pouvais rien faire, sans qu'il y ait des descentes.
00:06 J'ai trouvé vraiment des guidelines pour me harceler.
00:09 Je suis sur les réseaux depuis 2012.
00:14 Du coup, je me suis mise à faire de la pédagogie sur le féminisme.
00:17 Donc j'avais fait une première vidéo où j'avais demandé à des gens sur Twitter
00:20 d'utiliser le hashtag #tféministesmais
00:22 et d'écrire les réflexions les plus absurdes.
00:24 Justement, j'avais fait exprès de ne pas dire les plus débiles.
00:27 "Bah, t'es féministe mais t'aimes la sexualité.
00:30 T'es féministe et tu te maquilles.
00:32 T'es féministe et t'existes."
00:34 J'essayais de répondre en disant que c'était des choses qui n'étaient pas corrélées
00:37 et que l'égalité, ça n'avait rien à voir avec l'apparence.
00:40 Et là, si j'avais pu prédire ça...
00:44 En deux mois, j'ai eu 40 000 insultes, menaces de mort, menaces de viol.
00:51 Il n'y en avait pas un qui n'était pas quelque chose d'illégal.
00:55 Et déjà, il y avait des commentaires extrêmement gratuits.
00:58 Des "je te baise", des trucs où t'es là...
01:00 Ah ouais !
01:01 Et en fait, l'impact d'un seul commentaire,
01:03 je pense que tout le monde le sait,
01:04 le fait de se dire qu'il y a un individu
01:06 qui a pris du temps pour écrire quelque chose comme ça
01:09 et qui te l'a envoyé, c'est extrêmement violent.
01:11 Donc je te laisse imaginer deux, trois, et puis plus.
01:14 Puis en fait, on m'a dit "mais c'est normal".
01:15 Ouais, c'est exactement le même truc qu'on te dit
01:17 quand t'as Corentin qui t'emmerde à l'école primaire.
01:19 Oui, bon, enfin...
01:22 Voilà, on se tait, c'est normal.
01:24 Et puis ensuite, quand j'ai commencé à parler de féminisme en 2016,
01:26 ça a été extrêmement violent.
01:28 C'est-à-dire que j'avais vraiment l'impression
01:30 que de mon endroit, il y avait un truc qui était menacé.
01:33 Le genre de message que j'ai reçu à partir de là,
01:34 c'était principalement, exclusivement...
01:37 Exclusivement...
01:38 Des hommes qui m'envoyaient des menaces de mort,
01:40 des menaces de viol, des insultes, des incitations au suicide.
01:43 Et je me suis dit "qu'est-ce que j'ai fait ?"
01:45 Et puis je vais continuer parce que j'avais l'impression quand même
01:47 que ça faisait écho sur toute une partie de la population,
01:50 et c'était la partie de la population à laquelle je voulais m'adresser.
01:53 Là, ça a été la débandade.
01:56 Ça a été genre le festival.
01:58 On met les hommes en face de leurs contradictions,
02:00 on met les hommes en face de la nécessité qu'ils se remettent en question.
02:03 Et c'est chiant.
02:05 Mais vraiment, c'est chiant.
02:06 Je le sais, moi-même, me remettre en question, ça me coûte.
02:09 Et je ne peux que comprendre.
02:10 Sauf que là, le problème, c'est que c'est la survie de la moitié de l'humanité.
02:13 Et du coup, je me dis "mais qu'est-ce que j'ai menacé ?"
02:17 La réponse est rien.
02:19 Et aujourd'hui, on en a la preuve.
02:22 Ça continue.
02:23 Je ne pouvais aller nulle part sur aucun des réseaux que j'avais.
02:26 Je ne pouvais rien faire.
02:27 Sans qu'il y ait des descentes,
02:28 j'ai trouvé sur des forums,
02:31 vraiment des guidelines pour me harceler.
02:33 Pour être un maximum, à mettre des pouces rouges et des insultes.
02:37 Et il y avait une tentative systématique de me pourrir la vie.
02:41 Ils sont trop nombreux, ils sont trop organisés,
02:42 et ils ont une telle haine des femmes.
02:44 Moi, quand j'ai des contenus de mecs que je n'aime pas,
02:47 je ne m'organise pas avec mes potes pour aller leur parler.
02:49 En fait, je m'éloigne d'eux.
02:50 Eux, quand ils ont un contenu de femmes qu'ils n'aiment pas,
02:52 ils se mettent en bande et ils viennent essayer de nous faire taire.
02:55 Je faisais comme si, en fait, j'avais tellement d'abonnés.
02:58 Je ne les voyais pas.
02:59 Sauf que c'était faux.
03:00 Je les voyais.
03:02 Je les voyais tous.
03:03 J'ai essayé de dire à YouTube "Eh,
03:05 c'est chaud ce qui m'arrive."
03:06 Et ils faisaient "Ouais, mais en fait, nous, nos règles, c'est que...
03:10 ben, c'est pas grave."
03:12 Et du coup, vous garantissez quoi quand on a peur pour nos vies, après ?
03:16 Rien.
03:16 Depuis 8 ans, je n'ai pas vu de réelle évolution dans les commentaires.
03:20 Surtout que maintenant, j'ai l'impression que les algorithmes vont justement
03:22 mettre en avant quelque chose qui fonctionne via la haine.
03:25 C'est-à-dire que les derniers TikTok qui ont fonctionné,
03:27 ce n'est pas parce que les gens qui me suivaient ont bien aimé,
03:30 c'est parce que les gens qui me haïssaient ont détesté.
03:33 Il y a toujours autant de commentaires,
03:35 sauf qu'il y a effectivement plus de confiance, on va dire,
03:38 et de femmes qui me soutiennent et qui commentent.
03:41 Sauf que le problème, c'est que moi, je n'ai pas du tout envie d'envoyer
03:44 à l'abattoir quelqu'un d'autre.
03:46 Les politiques, déjà, il faudrait qu'ils se renseignent plus sur le sujet.
03:50 Pour eux, c'est encore un truc de loin, c'est pour les jeunes.
03:52 Et alors, pour protéger les jeunes, on n'a qu'à les empêcher d'eux.
03:55 Puis c'est de la faute des jeux vidéo, ils ont leur manuel.
03:56 Ils sont là, "qu'est-ce que ça peut bien être ?"
03:58 "Ah, les jeux vidéo, les réseaux sociaux."
04:01 D'accord, j'avais été à l'Assemblée nationale il n'y a pas longtemps
04:03 et on m'a vraiment dit, ce serait cool qu'on trouve une solution,
04:07 que tu trouves une solution, moi en l'occurrence,
04:09 mais que ce ne soit pas l'éducation.
04:11 Parce que c'est très simple, ça peut être en éducation civique.
04:15 Le civisme, le fait de débattre, le fait d'avoir une opinion.
04:19 Il y a énormément de choses à faire, il n'y a rien qui est fait.
04:22 Quand j'avais 16 ans, je me suis fait violer par mon copain de l'époque
04:26 et des amis à lui.
04:29 Le pire pour moi, entre mon agression sexuelle et mon cyberharcèlement,
04:33 ça a été le cyberharcèlement.
04:35 Le cyberharcèlement, c'était extérieur et puis c'était sur la durée.
04:40 J'ai l'impression que c'est pour ça que mon cyberharcèlement a été pire.
04:43 C'est qu'il dépendait de trop de personnes
04:46 et que je ne savais pas quand est-ce qu'il se finirait.
04:49 Je n'arrive pas à savoir jusqu'où l'impact psychologique de ce cyberharcèlement peut aller
04:52 parce que déjà pendant très longtemps, ça n'a pas réellement existé aux yeux de personne.
04:58 Quand ça a commencé à être quelque chose d'un petit peu plus courant,
05:01 que les femmes se faisaient toutes un peu cyberharcelées
05:03 ou qu'enfin elles parlaient,
05:04 des médias ont dit "on se souvient bien du cas de Marion Séclin"
05:07 et moi j'étais là "vous vous en souvenez ?
05:10 Vous étiez où du coup parce que vous me laissiez seule ?"
05:12 Je me demande si finalement le pire dans tout ça,
05:16 ce n'était pas que je sois obligée de revendiquer et de dire "oui fort, j'ai vécu un truc traumatisant".
05:23 En fait c'est ça finalement qui a été presque le plus violent.
05:25 Alors non, c'est vrai que les menaces aussi, mais tu as une sorte de double peine
05:29 et je pense que c'est le cas d'ailleurs de toutes les violences qu'on subit en tant que femme.
05:32 Le problème ce n'est pas juste de devoir s'en remettre,
05:35 c'est de devoir dire "j'ai vécu une violence"
05:38 et qu'en face on la reconnaisse.
05:40 Et qu'on est obligé de dire "40 000" parce que sinon les gens ne comprennent pas.
05:43 Alors qu'en vrai au bout d'une seule menace de mort, ça ne devrait pas exister.
05:47 *BIP*

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