A l'occasion de la sortie du film Bernadette, Pascal Praud et ses invités retracent la vie de l'ex première dame.
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00:00 -Les gens vous trouvent ringarde.
00:04 -Bonjour, Mme Chirac. -Bonjour, M. Lillier.
00:06 -Froide, austère,
00:08 acariâtre, à égalité avec revêche.
00:12 -Ca va, j'ai compris.
00:13 -Mais pas de panique.
00:14 Nous allons faire en sorte que les Français découvrent
00:18 votre vrai visage.
00:19 Il va falloir apprendre à désobéir.
00:21 -Pas de temps de maintenant, on s'en va filer droit à l'Elysée.
00:25 -Bonjour. Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?
00:28 -La bande-annonce de Bernadette, le film de Léa Doménaque.
00:32 Vous avez reconnu la voix de Denis Podalides,
00:34 qui est dans le rôle de celui qui va changer l'image de Bernadette,
00:39 Chirac. Et vous avez reconnu Catherine Deneuve.
00:42 C'est un film que vous avez vu.
00:44 Ce qui nous intéresse, évidemment, c'est Mme Chirac,
00:47 puisque cette femme est une histoire française également.
00:51 Vous l'avez connue, vous l'avez rencontrée de nombreuses fois.
00:55 Quelle part a-t-elle parmi toutes ces premières dames ?
00:59 Quel rôle a-t-elle joué et en quoi est-elle différente ?
01:03 -Elle est différente, d'abord,
01:05 parce que l'histoire de Chirac ne s'emboîte pas
01:08 avec celle de Bernadette.
01:10 Ils se sont connus à 18 ans, ils se sont mariés à 23 ans.
01:13 Ils se sont mariés à un moment où, lui, il envisageait...
01:17 Il ne savait pas trop ce qu'il ferait, peut-être même préfet.
01:20 En tous les cas, pas la politique.
01:22 Il a eu son entrée, par hasard, chez Georges Pompidou,
01:25 qui a fait qu'il lui a dit, pour les élections de 1967,
01:28 d'aller se présenter en Corrèze.
01:31 Mais à l'époque, le père de Bernadette,
01:33 M. Chaudron de Courcel, avait dit
01:35 que ce n'était pas dans le contrat de mariage,
01:38 qu'il n'y avait pas la politique.
01:40 Donc, ça avait un peu tangué dans le couple.
01:42 Mais M. Chirac, père de Jacques Chirac,
01:44 lui a dit qu'on suit son mari.
01:46 Donc, elle n'avait plus le choix.
01:48 Alors, dire qu'elle s'est prise au jeu...
01:52 C'est difficile, parce qu'il faisait campagne,
01:54 elle l'accompagnait de temps en temps.
01:56 Mais elle s'est habituée
01:59 à la vie d'une femme, d'un homme politique.
02:01 C'est-à-dire qu'elle n'était jamais là.
02:04 Donc, elle a quand même eu des années difficiles
02:06 où on ne parlait pas d'elle.
02:08 Au début, quand Jacques Chirac était ministre à l'agriculture,
02:13 où il était... Voilà, tous les postes qu'il a faits,
02:16 on la voyait très peu, sauf dans les...
02:18 - On voyait peu les femmes, à ce moment-là,
02:21 on la voyait un peu dans les "Garden Party",
02:24 on trouvait que ça allait être une femme
02:27 qui ne savait pas encore s'habiller,
02:29 qui était une aristocrate, mais très, très timide.
02:33 Moi, je dirais que l'éclosion de Bernadette Chirac,
02:36 elle s'est faite à la fois quand, en 79,
02:39 vous voyez, c'est assez tard,
02:40 où déjà il avait démissionné de son poste de Premier ministre,
02:44 où il était déjà en bagarre totale avec Valéry Giscard d'Estaing,
02:49 et elle, en 79, elle est élue conseillère générale de la Corrèze.
02:54 Et lui, il l'avait sûrement envoyée un peu en Corrèze
02:56 pour respirer un peu, pour être tranquille,
02:58 mais il ne l'imaginait pas.
03:00 D'ailleurs, elle dit que c'est le plus beau jour de sa vie,
03:02 parce que tout d'un coup, elle s'est aperçue que sur le terrain,
03:05 elle plaisait aux gens, alors qu'elle peut être snob comme un pot de chambre.
03:09 Bon, mais elle était dans les cours de ferme partout,
03:12 puis elle écoutait les gens,
03:13 elle allait avec sa petite Peugeot rouge,
03:16 mais elle connaissait tout, et tout le monde.
03:19 Et donc, elle disait "mais moi je connais mieux la France que mon mari".
03:22 Donc, elle voulait lui faire passer des messages de temps en temps,
03:26 et il ne l'écoutait pas.
03:27 Mais enfin bon, c'est plus tard.
03:29 Donc, je dirais que sa naissance et sa légitimité politique,
03:33 ça a commencé en 79, mais ça a monté en période.
03:36 - Et puis, il y a un instinct politique, parce qu'on rapporte toujours
03:38 qu'elle avait vu Jean-Marie Le Pen au deuxième jour de l'élection, en 2002.
03:42 - En 2002, oui, mais ça c'est plus tard.
03:44 Donc, elle connaissait le terrain.
03:46 Et puis, sa grande chance aussi, sa deuxième naissance,
03:51 c'est quand le professeur Grisselli et notre consoeur Anne Barère
03:54 est venu lui dire de s'occuper de l'opération Pièce Jaune,
03:57 parce qu'il voulait trouver de l'argent pour l'hôpital,
03:58 alors qu'il n'y en avait pas.
04:00 Et là, mais elle s'y est donnée à fond pour améliorer
04:03 l'accueil des parents des enfants malades,
04:05 pour améliorer la douleur pour les enfants,
04:10 enfin elle a pris des dons après l'anorexie, enfin elle a pris...
04:13 Et Anne Barère me disait, mais quand elle arrivait quelque part,
04:16 elle était la reine, on ne lui refusait rien.
04:19 Et elle a eu cette idée des Pièces Jaunes par le train,
04:23 mais quand elle arrivait dans les villes,
04:24 souvent il y avait une fête sur le parvis de la gare,
04:28 et elle était accueillie comme la reine de France.
04:29 Et elle me disait, mais vous savez,
04:31 les Français croient que mon mari est le mari de Mme Pièce Jaune,
04:38 pour montrer, mais ça, vous voyez, ça c'était pendant la cohabitation,
04:42 où Jacques Chirac était tenu à un devoir de réserve,
04:45 parce que 50 cohabitations avec Jospin quand même, vous voyez.
04:49 Eh bien elle, elle en a profité...
04:51 - Entre 1997 et 2002.
04:54 - Voilà, 1997 et 2002.
04:56 Alors elle, elle était sur le terrain,
04:57 elle passait à la télévision sur des jeux,
04:59 avec pour des jeux, enfin tout ça pour les Pièces Jaunes.
05:02 Et elle est devenue très, très, très populaire.
05:05 Je veux dire, au RPR, les maires sortant,
05:08 qui allaient demander d'être soutenus par qui ?
05:11 Pas par son mari, pas par Juppé, pas par tout ça,
05:14 par Mme Chirac.
05:15 Donc, et donc elle l'a fait, elle a pris sa route.
05:18 - Il y a la femme politique, bien sûr,
05:20 et puis il y a la femme, l'épouse de Jacques Chirac.
05:24 Et c'est toujours délicat dans ces cas-là,
05:26 de parler de la vie d'un couple.
05:28 D'abord parce que Mme Chirac est vivante,
05:30 ensuite parce que Claude Chirac nous écoute peut-être,
05:34 et j'imagine qu'elle n'aimerait pas qu'on parle de la vie de ses parents.
05:39 Mais il n'empêche que ses parents appartiennent à l'histoire de France.
05:42 Donc forcément, on se dit parfois, la vie de Mme Chirac,
05:47 je parle de l'épouse,
05:48 après tout ce qu'on a pu raconter sur son mari
05:52 dans les années 70, 80 et 90, qui était un homme magnifique,
05:56 c'est peut-être pas facile à vivre.
05:57 - Ah ben oui, parce qu'il a eu de vraies liaisons.
05:59 Ça a été écrit dans plusieurs livres et c'est...
06:02 Donc elle a été une femme humiliée.
06:05 Mais elle aurait pu divorcer, mais elle dit,
06:07 elle s'était mariée dans l'idée qu'on accompagne son mari
06:10 dans les bons et les mauvais mouvements,
06:11 et elle a mâché du fer.
06:13 Et elle s'en est sortie par...
06:15 D'abord en se créant une autre vie avec sa vie politique,
06:20 et puis en acceptant parce qu'aussi, elle l'aimait.
06:24 Alors elle faisait de l'humour.
06:25 Elle disait "je les connais toutes, mais j'en veux à trois,
06:28 et puis je vois aujourd'hui qu'elles sont aussi laides que moi".
06:31 Elle l'a dit dans le livre qu'elle a écrit,
06:36 dans les conversations avec Patrice de Carolis,
06:38 où elle récrivait un peu à l'eau de rose
06:40 en disant qu'elle s'entendait très bien avec sa fille.
06:42 Enfin, on y reviendra à tout ça.
06:43 Mais elle disait "les filles, ça galopait".
06:45 Qu'est-ce que vous voulez, il était magnifique.
06:47 Et moi j'ai vu dans les congrès, Jacques Chirac,
06:50 qui était à la tribune, mais les femmes se pâmaient.
06:53 Et quand il sortait de truc,
06:55 il avait du rouge à lèvres partout sur les joues.
06:57 Enfin, il était...
06:58 Ah oui, c'était un homme qui plaisait à Louis Vuitton.
07:01 - Il était particulièrement beau.
07:03 - Sa mère disait "mon fils, c'est Cary Grant".
07:06 - Oui, oui, oui.
07:07 Et Madame Chirac disait à Madame Chaudron-Troussel,
07:12 "mon fils aurait pu épouser n'importe qui,
07:14 c'est d'ailleurs mieux que votre fille".
07:15 Ça voulait dire ça quand même.
07:16 Voilà, ce qui n'était pas très...
07:18 - Il était surnommé l'hélicoptère à Sciences Po, Jacques Chirac,
07:20 parce qu'il bougeait sans arrêt les jambes.
07:22 Et elle était surnommée la tortue.
07:25 Mais Jacques Chirac rappelait que la tortue a gagné dans la fable.
07:29 - Oui, oui, mais non, parce que c'était un couple, finalement.
07:32 Je ne sais pas si Jacques Chirac a épousé Bernadette Paramour,
07:35 parce qu'il se marie, quatre jours après,
07:37 il fait son service militaire,
07:39 il aurait pu avoir une planque, il part en Algérie,
07:41 il reste un an, il voulait parvenir.
07:42 Il ne voulait même pas faire l'ENA, il voulait rester militaire.
07:44 Ça prouve qu'il n'était pas très pressé de rentrer.
07:47 - Mais c'est aussi une histoire française, Catherine.
07:49 - Oui, c'est une histoire française.
07:50 - Parce que c'est des couples à l'ancienne.
07:51 Le couple Chirac, c'était aussi parfois le couple de nos parents.
07:54 - Mais oui, mais vous savez, je veux vous dire.
07:55 - Et pas que ceux qui faisaient de la politique.
07:58 - Vous savez, quand Claude l'avait mise de côté,
08:01 qu'elle m'avait fait venir à l'Elysée,
08:03 et que j'avais rendez-vous avec elle,
08:05 je lui dis "je demande Madame Chirac",
08:07 à l'entrée, on me dit "on me conduit chez Claude Chirac".
08:09 Donc j'étais en retard, et c'est là où elle me dit
08:11 "mais vous ne saviez pas que mon mari était veuf".
08:13 Voilà, donc...
08:14 Mais pendant que notre entretien,
08:16 où on préparait l'interview que nous devions faire quelques jours après,
08:19 mais Jacques Chirac l'a appelé trois fois.
08:21 Il l'appelait tout le temps, elle était son point fixe,
08:23 il ne pouvait pas se passer d'elle.
08:25 Et quand elle devait rentrer un soir de Corrèze
08:28 et qu'elle prolongeait d'un jour,
08:29 il dit "mais Bernadette, vous n'êtes jamais là".
08:31 Donc il la demandait.
08:32 Donc c'était...
08:33 Les Chirac, c'est un clan...
08:35 On ne peut pas comprendre, ils étaient à part.
08:37 Bon, parce que Bernadette me disait beaucoup de mal de sa fille,
08:39 elle me disait "mais elle me pique mon mari",
08:41 elle me disait des choses qui étaient quand même bizarres.
08:44 Mais si, je me gardais bien de dire qu'elle avait raison,
08:48 parce que si j'avais dit la moindre chose sur Claude,
08:51 elle ne m'aurait plus parlé pendant six mois, vous voyez.
08:54 Donc c'était...
08:54 Donc on ne peut pas...
08:55 En tous les cas, ça a été un couple uni
08:59 pour la conquête du pouvoir.
09:01 Et elle était une guerrière,
09:02 elle est devenue une guerrière à côté du guerrier.
09:04 Voilà.
09:05 - Elle avait dit, je crois, je me demande
09:07 si les Français aiment vraiment mon mari
09:10 après la décès de 1988.
09:12 Parce qu'il perdait pour la deuxième fois
09:15 à l'élection présidentielle.
09:16 Et c'est vrai que le soir de 1988,
09:19 on mise peu sur lui.
09:21 D'ailleurs, il y a la fameuse question de Arlette Chabot
09:25 à l'automne 94,
09:27 qui lui dit "Est-ce que vous irez jusqu'au bout ?"
09:30 Qui est une question terrible.
09:31 Et où il dit "Mais vous plaisantez, c'est de l'humour, Mme Chabot."
09:34 Parce qu'à l'époque,
09:36 Édouard Balladur est plutôt tenu gagnant.
09:39 - Tout à fait, d'ailleurs.
09:40 - Donc c'est une histoire française qu'on raconte là.
09:42 On est avec Catherine Ney.
09:43 On va marquer une pause, 12h28,
09:44 on parlera de Michel Sardou.
09:46 C'est amusant d'ailleurs, notre programme aujourd'hui.
09:50 El-Kabache, Chirac, Sardou.
09:53 C'est une histoire française.
09:55 Les trois sont dans l'actualité.
09:57 Hélas, parce que Jean-Pierre est mort,
09:59 Michel Sardou, qui a 10 ans de moins pile,
10:02 il est de 1947,
10:04 il a chanté hier soir à Rouen.
10:07 Et on pourra écouter sans doute des spectateurs
10:10 qui étaient dans la salle.
10:12 Et puis, Bernard et Chirac,
10:13 parce que le film sort aujourd'hui.
10:15 Et j'ai vraiment envie de le voir.
10:17 D'abord parce que Catherine Deneuve doit être formidable.
10:20 Et puis, même si le film n'est peut-être pas...
10:22 - Et puis, c'est une comédie en fait.
10:24 - Voilà, on a envie de sourire.
10:25 - Alors, Pascal, j'ai une question justement.
10:27 - Ah, une question pour qui ?
10:28 - Avant ou après le déjeuner, Pascal ?
10:31 Avant ou après le déjeuner ?
10:32 - Là, vous me faites une Jean-Pierre El-Kabache.
10:34 Là, vous me faites une Jean-Pierre El-Kabache.
10:36 - Et là, vous me dites de quoi vous parlez, Olivier ?
10:37 - De quoi vous parlez, Olivier ?
10:38 - La séance de cinéma à laquelle on va tous aller ensemble
10:40 voir Bernadette, vu que vous nous invitez, non ?
10:42 - Mais je veux bien, mais je vous rappelle que l'après-midi,
10:45 je travaille aussi.
10:46 - Ah, vous travaillez l'après-midi ?
10:47 - On a terminé avec Bernadette ?
10:49 Est-ce qu'on peut libérer Catherine ?
10:51 - Alors, on peut libérer Catherine Ney ?
10:52 - Oui.
10:53 - Bon, Catherine, je voudrais vraiment vous remercier,
10:55 mais Catherine souffle d'abord parce que c'est un plaisir,
10:58 d'abord parce que vous appartenez à la légende
11:00 et à la mémoire de cette maison,
11:02 et on vous écouterait...
11:03 - Ah, mais moi, je vois les paroles de Catherine Ney
11:05 que j'écoutais lycéenne en prenant mon petit déjeuner à la radio.
11:09 - Et on vous écouterait des heures parce qu'effectivement...
11:12 Et vous ne dites pas tout, je suis sûr !
11:14 Que ce que vous dites, c'est la racine carrée
11:16 de ce que vous savez.
11:17 - C'est ce qui me vient à l'esprit aussi.
11:20 - Catherine Ney que vous retrouvez vendredi matin
11:23 chez Dimitri Pavlenko,
11:24 et puis les grandes voix aussi de 10h à 11h
11:26 aux côtés de Michel Cotta, Gérard Carrefour et Charles Villeneuve.
11:30 - Eh bien, merci beaucoup, Catherine Ney.
11:31 Les 12h29, la pause, à tout de suite.
11:33 - Vous écoutez Europe 1.