Après un été particulièrement étouffant, la France connaît maintenant son mois de septembre le plus chaud depuis les premières mesures de températures, en 1949. La température moyenne est déjà de 21,5 degrés 5. Pour en parler, l'agro-climatologue Serge Zaka, qui s'intéresse aux effets du changement climatique sur nos cultures et notre alimentation.
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00:00 Tout de suite, place à notre second invité, l'invité pour tout comprendre.
00:03 Tout comprendre aux conséquences de ces fortes chaleurs qu'on continue d'enregistrer en ce début d'automne.
00:08 Météo France l'a confirmé aujourd'hui.
00:10 La France connaît son mois de septembre le plus chaud depuis les premières mesures de température depuis 1949.
00:16 Oui, on en parlait avec Valéry Quintin, un instant.
00:18 Température moyenne de 21,5°C, c'est au moins 3,5°C au-dessus des normales des trois précédentes décennies.
00:26 Alors pour en parler avec nous, le climatologue Serge Zaka, bonsoir.
00:30 Bonsoir à tous.
00:31 Vous êtes plus précisément agro-climatologue et on va s'intéresser avec vous aux effets du changement climatique sur nos cultures,
00:37 justement sur notre alimentation aussi.
00:39 D'abord le constat, vous dites-vous que ces fortes chaleurs, ces températures, elles vont se poursuivre en octobre ?
00:46 C'est ça, on a au moins sur les prévisions à moyen terme, on va dire sur les dix prochains jours,
00:52 on n'a pas d'accalmie, on a même des températures qui dépasseront ou seront égales autour des 30°C dans le sud-ouest de la France.
00:59 Par exemple à Toulouse, on pourrait atteindre les 34°C, voire 35°C pendant au moins 7 à 10 jours,
01:05 ce qui est incroyable, je tiens à le préciser, au cours du mois d'octobre, c'est plutôt des températures qu'on observe au cœur de l'été.
01:11 L'été, cet été-là, l'été 2023, a déjà été très très chaud, c'est le quatrième été le plus chaud mesuré en France.
01:17 En fait la sécheresse, elle dure quasiment depuis l'été précédent, depuis l'été 2022.
01:22 Tout ça, ça a eu quelles conséquences sur nos cultures, sur les récoltes par exemple ?
01:27 Alors on va distinguer la sécheresse des nappes phréatiques et la sécheresse agricole.
01:31 Donc la sécheresse des nappes phréatiques, c'est ce qu'il y a en profondeur,
01:33 effectivement là, ça fait déjà plus d'un an, presque même deux ans maintenant,
01:37 que nous avons un déficit en eau dans les nappes phréatiques, donc en profondeur, donc pour l'irrigation, pour l'agriculture.
01:43 Par contre en surface, on a une situation qui est largement meilleure en 2023 qu'en 2022.
01:48 Donc on aura des pertes de rendement qui seront soit inexistantes, soit beaucoup plus faibles en 2023.
01:54 Donc si on vous suit bien, ça veut dire que la France finalement, malgré la situation,
01:59 ne s'en sort pas si mal en matière de culture et d'agriculture.
02:03 En revanche, chez nos voisins, il y a déjà des relevés et des constats assez inquiétants,
02:10 notamment chez les Espagnols qui sont parmi les plus gros producteurs d'huile d'olive.
02:14 Eux, ils se retrouvent aujourd'hui en difficulté à cause des très fortes températures
02:19 et de la sécheresse de ces derniers mois, c'est ça ?
02:22 Tout à fait. Alors ce sont les plus gros producteurs du monde.
02:25 Et les Espagnols n'ont pas eu de chance, puisqu'ils ont souffert à la fois de la sécheresse et des canicules de 2022,
02:30 comme en France, donc une récolte de l'an dernier qui était déjà assez basse.
02:34 Cette année, ils ont eu des températures exceptionnelles jusqu'à 37-38 degrés en avril.
02:40 En avril, donc bientôt dans la saison.
02:43 Et cette période a coïncidé justement avec la floraison des oliviers.
02:48 Cette floraison est très sensible aux températures entre 30 et 35 degrés.
02:51 Donc là, on était largement au-dessus.
02:53 Donc on a déjà eu des pertes de rendement avant même d'avoir les sécheresses et les canicules d'été.
02:57 Il y avait déjà moins de fleurs sur les arbres.
02:59 En fait, c'est vraiment l'agriculture qui est en train de changer au niveau mondial.
03:03 On voit par exemple que maintenant, on cultive des mangues et des bananes en Sicile.
03:07 Alors on pourrait se dire que c'est bien, parce que ça vient de moins loin,
03:09 mais évidemment, c'est pas si simple que ça.
03:11 Alors effectivement, l'agriculture en fait n'est pas amenée à disparaître sur Terre.
03:16 Il faut vraiment le comprendre.
03:17 On ne va pas forcément mourir de faim en France dans les années à venir.
03:22 Il faut qu'on comprenne qu'il y a une évolution de ce qu'on appelle la bio-géographie.
03:26 C'est l'ère de répartition des espèces.
03:28 Et cette ère de répartition des espèces évolue.
03:30 Donc pour que l'agriculture s'adapte aux changements climatiques en France,
03:33 il faut importer de nouvelles espèces.
03:36 Comme par exemple, on a de plus en plus de pistaches du côté d'Avignon.
03:39 On pourrait avoir la grenade, on pourrait avoir la nef, la figue, l'olive,
03:42 qui pourraient remonter jusqu'à Lyon, peut-être même jusqu'à Bordeaux à partir de 2050.
03:46 Donc voilà, c'est vraiment une mutation beaucoup plus profonde
03:49 que juste avoir une nouvelle variété de maïs ou avoir une nouvelle variété de blé.
03:52 Il faut aller plus loin dans la réflexion.
03:54 - Et elle n'ose pas vous la poser la question, Isabelle,
03:56 mais l'achetie qu'elle est se demander si on pourrait un jour voir des vignes
04:00 pousser dans sa région des Hauts-de-France.
04:02 - C'est déjà le cas.
04:03 La première cuvée du retour de la vigne dans les Hauts-de-France,
04:07 la première cuvée a été inaugurée cette année.
04:09 Et d'ailleurs d'ici 2050, la vigne pourrait être cultivée sur tout le territoire national,
04:14 hors bien sûr les zones en très forte altitude.
04:17 Mais on pourrait voir des vignes en Bretagne, en Normandie et dans les Hauts-de-France.
04:21 Mais on pourrait aussi les voir jusqu'en Belgique, jusqu'au sud de l'Angleterre.
04:25 Donc voilà, il va falloir s'adapter à ce que nos paysages
04:28 deviennent un petit peu plus méditerranéens dans le nord de la France.
04:31 On dit que les paysages méditerranéens deviennent un petit peu plus andalous,
04:34 avec des steppes, au sud de la France.
04:36 On n'est pas dans un processus de désertification dans le sud de la France,
04:40 d'après le rapport du GIEC.
04:42 C'est plus l'Espagne.
04:43 Nous, peut-être qu'on aura un climat semi-désertique,
04:46 mais on aura toujours des précipitations, il y aura toujours de la végétation.
04:50 Certes, il faudra mieux maîtriser l'eau.
04:51 Certes, il faudra mieux maîtriser l'agriculture.
04:54 Mais on continuera à produire quand même de nouvelles espèces agricoles.
04:57 On n'est pas sur une désertification.
04:59 Le paysage ne va pas jaunir dans les Pyrénées-Orientales d'ici 2050.
05:02 - Merci pour vos lumières Serge Zaka, agro-climatologue.
05:06 Merci de nous avoir accompagnés ce soir dans RTL.