• l’année dernière
Découvrez la vie de millions d’adolescents des années 90 - 2000 en milieu rural à travers une analyse subjective des phénomènes sociaux et culturels qui ont marqués cette époque. Une vison authentique et personnelle, une odyssée, mais surtout une ode à cet période singulière « qui n’a pu exister qu’ici et à cet instant ».

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Amusant
Transcription
00:00 Enfin bon, j'ai l'impression que je m'en suis pas trop mal sorti.
00:03 Ok mais mollo, parce que ta deuxième vidéo va définir si ton concept vaut le coup ou si c'était juste un coup de bluff.
00:08 Alors un conseil, garde la tête froide.
00:10 Ouais je sais, mais je crois que j'ai un truc pas mal là.
00:14 Un peu plus que du pas mal ? Balance.
00:16 Ben, j'ai envie de raconter ce que c'était d'être ado vers l'an 2000,
00:19 mais dans les banlieues rurales, les petites villes, avant la démocratisation de l'internet,
00:22 on pourrait évoquer les codes sociaux, les codes esthétiques, culturels, tout ça.
00:26 L'adolescence en milieu rural dans les années 2000, et tu penses que ça peut intéresser les gens ?
00:31 Ben j'en sais rien. Je crois qu'il y a qu'une seule façon de le savoir.
00:35 Salut, aujourd'hui on va parler de la fin des années 90, début 2000,
00:46 et de tout un tas de références qui ont marqué cette période à l'aube de la démocratisation d'internet.
00:50 Cinéma, jeux vidéo, musique, mode de vie, on est reparti pour un petit voyage dans le temps,
00:54 à travers un contexte social et culturel que de nombreux jeunes adolescents de cette époque ont bien connu,
00:58 la vie en banlieue rurale.
01:00 Evidemment, n'y voyez aucune généralité, je m'apprête à vous exprimer une vision subjective de ce milieu,
01:04 issue de mes expériences et celle de mes proches.
01:07 Mais avant cela, définissons un peu, qu'est-ce que c'était donc, l'adolescence en milieu rural ?
01:11 Nous sommes des millions et nous sommes partout, nous sommes peut-être votre voisin, votre collègue,
01:15 ou même votre professeur, vous nous pensez banal et sans histoire, et pourtant nous partageons un secret commun,
01:19 le souvenir d'une vie que nous seuls avons connue, d'une vie où résonnent encore dans nos têtes
01:22 le son des infrabasses, des fêtes foraines, des popes poligny ou ninjas,
01:25 et les cris des TER brisant les silences assourdissants de nos campagnes.
01:29 A cette époque, la banlieue rurale était un endroit hors du temps, hors de tout.
01:35 Des quartiers pas millionnaires en passant par les petites villes excentrées,
01:37 et jusqu'aux patelins les plus paumés, tant de lieux où sont nés des millions d'anciens ados,
01:40 qui ont écrit leur propre histoire, leur propre culture, leur propre code.
01:43 Alors oui, on avait des fringues à la mode avec 10 ans de retard,
01:45 et c'était des contrefaçons qu'on achetait sur les marchés.
01:47 Oui, on kiffait le tuning, la techno et les films de bourrin.
01:50 Certes, on passait des après-midi à jouer dans des casse-auto et on faisait du bruit avec nos mobilettes.
01:53 Mais pour nous, c'était juste le quotidien, la routine, rien de plus banal.
01:56 J'ai donc grandi à cheval entre les années 90 et 2000.
01:58 T'as grandi à cheval ?
02:00 Et oui, à cheval, oui. Avec des nœuds et un carburant de 17.
02:04 Et ben voilà.
02:05 Attends, mais t'es qui toi ?
02:07 Ah, moi je suis une autre version de toi, mais joué un peu différemment dans une réalité alternative.
02:12 Ah bon ?
02:13 Tous les youtubeurs font ça quand ils ont besoin de quelqu'un pour leur donner la réplique.
02:16 Oui, d'accord. Euh, ils sont où les deux autres là ?
02:19 J'ai vu personne.
02:20 Mais si, les deux gugus là, qui me parlent tout le temps là.
02:23 Qu'est-ce qu'ils ont là ?
02:24 Ils parlent à qui ?
02:25 Je crois qu'il fait un AVC.
02:31 Faut dire que dans les années 90-2000, la vie à l'écart des grandes villes, c'était assez particulier.
02:35 Des après-midi azonés sous le seul abribus du coin,
02:37 des virées interminables sur des routes de campagne en 50 cm3,
02:40 ou bien des heures aglandées dans le seul skatepark ou terrain de foot de la commune.
02:43 À le plein air, on en a bouffé.
02:44 Je suis né dans un milieu qu'on tombe souvent en dérision,
02:46 et dans lequel les clichés, bien que souvent réalistes, sont principalement l'objet de railleries.
02:50 Pourtant, aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours senti à l'aise et épanoui durant les années où j'y ai grandi,
02:54 et je me sens pas plus ridicule aujourd'hui qu'un mec de mon âge qui serait né en métropole.
02:57 Alors oh, toi, le citadin qui pense qu'il n'y a rien à apprendre de cet univers de plouc et de cette époque des duets,
03:02 oh, toi, le provincial qui croit qu'il n'y a rien à souligner de ton passé obscur,
03:05 oh, toi, spectateur circonspect au silence sceptique spéculant sur l'aspect sagace de cette introspection,
03:10 bienvenue dans Under.
03:12 DJ, allez !
03:13 [♫ Musique ♫]
03:28 Bon alors, je suis né dans une petite banlieue pavillonnaire bordant une commune de moins de 8000 habitants,
03:31 elle-même située à plus de 100 km de la 23ème plus grande ville de France.
03:34 J'ai donc grandi au milieu des montagnes et des plaines,
03:36 et le moins qu'on puisse dire, c'est que les animaux de la ferme, la verdure et les villages pittoresques,
03:39 ben, ça m'a touché l'une sans me faire bouger l'autre.
03:41 Mais c'était normal, parce que pour moi, comme pour beaucoup de jeunes de ma génération,
03:44 ces paysages bucoliques faisaient simplement partie du décor,
03:46 et on en avait fait le tour en long et en large.
03:48 Et oui, pour des adolescents curieux de découvrir les dernières technologies et les modes du moment,
03:51 cet enclavement était même un frein, car il nous imposait un mode de vie plus austère que celui de nos camarades de la ville.
03:55 Et comme on n'avait pas accès à tout ce qu'on voulait, on créait nos propres tendances sans même s'en apercevoir.
03:59 Pour beaucoup, la grande passion, c'était la motocross, l'enduro, le sport local par excellence qui pouvait faire de vous le prince du village.
04:04 Moi, je traînais avec une bande de potes plutôt geeks, à une époque où ce mot n'existait même pas.
04:08 Et nous aussi, quand un orage ne défonçait pas les lignes électriques,
04:10 on pouvait rester planté chez un pote à signer GoldenEye ou Gran Turismo.
04:13 Et on arrivait même parfois à improviser une lan sur Quake ou Doom avec nos petites peintures Menogeforce 2.
04:17 Parce que même si notre vie était radicalement différente de celle de nos homologues citadins,
04:20 on avait vibronné les mêmes pubs à la télé, les mêmes Player One.
04:23 La démocratisation d'Internet facilitera considérablement l'accès aux divertissements,
04:26 mais cette ouverture sur le monde nous était encore lointaine.
04:28 Et le moins qu'on puisse dire, c'est que notre vie était loin de ressembler à celle des millenials d'aujourd'hui,
04:31 et ce, où qu'ils soient.
04:32 Tiens d'ailleurs, vous savez ce que c'est un millenial ?
04:34 - Bah oui, un millenial. - Bah oui, un millenial.
04:35 Non parce que selon Wikipédia, "millenial" ou "génération Y"
04:39 regroupe l'ensemble des personnes nées entre le début des années 80 et la fin des années 90.
04:43 Bah ce qui veut dire que théoriquement, vous êtes des millenials.
04:46 - Comment ? - Bah oui.
04:50 - Non. - Bah si, j'ai même mis le lien en description.
04:52 Mais nique sa mère !
04:54 Il est pas content.
04:56 - Cool. - Ah non non, mais pas toi.
04:59 - Bah pourquoi ? - Bah non, surtout...
05:01 - Pff, c'est pas possible toi, c'est beau.
05:03 Avec le recul, j'ai fini par comprendre et assituer à quel niveau se sont creusés les écarts.
05:06 Parce qu'il faut bien l'admettre, cette banlieue rurale entre 90 et 2000 nous a conditionnés à répondre à des codes précis.
05:11 Dès le collège, si t'étais un bonhomme, t'avais des Nike Requin et un sweat comate, Royal Wear ou DIA.
05:15 C'était aussi valable avec les Agendas Diddle, les Buffalo ou les débardeurs des BP pour les petites zousses du BAU.
05:19 Sauf qu'ici, pas de rue commerçante, ni de galerie marchande, juste un hangar là-haut aux vêtements et un cordonnier.
05:24 Dans la cour de récré, les jugements se portaient bien entendu sur notre aptitude d'apparaître les plus cools, comme partout.
05:28 Mais aussi sur nos possessions matérielles.
05:30 Parce que dans un patelin enclavé ou une zone pavillonnaire excentrée,
05:32 la moindre fringue ou objet symbole de modernité devient très vite un trophée.
05:35 En revanche, nous on avait des concessions de tracteurs tendeuses et de motoculteurs.
05:38 Et vous savez ce qui est cool avec les concessions de tracteurs tendeuses et de motoculteurs ?
05:40 - Mais y a que toi qui pensait qu'il y avait des trucs cools avec les motoculteurs, mes couilles.
05:44 - Y a aussi carrément de marchands.
05:46 - Ils vendaient aussi des scooters et des mobilettes.
05:49 Et alors là, c'était le festival.
05:51 Méca nitro, booster spirit, magnum racing, méca boite, l'odeur de l'huile pour moteur de temps.
05:55 En dehors de l'aspect indispensable de ce seul moyen de transport qui nous était donné dès 14 ans,
05:59 on était surtout traversé par des nouveaux éléments d'immunité, d'émancipation, de créativité.
06:03 Modification esthétique, tuning, amélioration mécanique.
06:06 Nos 49.9 n'étaient pas seulement des deux roues, ils étaient des marqueurs sociaux.
06:09 Ces petits bolides à la limite de la légalité étaient nos plus belles possessions.
06:12 Ils reflétaient notre identité et nous permettaient de nous retrouver autour d'une passion commune.
06:15 Et on sentait glisser sur nos joues ces premiers vents de liberté.
06:18 Y'avait ce je-ne-sais-quoi de magique, ce parfum dans l'air, ce parfum de...
06:21 - Biactol.
06:22 - Sûr de ma peau, sûr de moi.
06:24 - Parfum de Biactol.
06:26 - Oui !
06:27 C'est vrai qu'on avait pas forcément l'air très mature à faire n'importe quoi avec nos charrettes.
06:30 Mais on devenait soudainement les gosses les plus astucieux du monde
06:32 quand il s'agissait d'inventer des conneries pour tuer le temps.
06:34 Déclencher des barrières de voies ferrées en roulant sur les chemins de fer,
06:36 transformer une pelouse en piste de motocross,
06:38 et un milliard d'hôtes pitrerées en tout genre.
06:40 En fait c'était un peu comme si dans nos têtes, chaque journée sans école ressemblait à un épisode de Malcolm.
06:44 D'ailleurs si une telle série avait existé, elle aurait certainement ressemblé à un truc comme ça.
06:48 - Oui, non, peut-être. Je ne sais pas.
06:53 Pouvez-vous répéter la question ?
06:56 Vous n'êtes pas le boss de moi maintenant.
06:58 Vous n'êtes pas le boss de moi maintenant.
07:00 Vous n'êtes pas le boss de moi maintenant.
07:02 Et vous n'êtes pas si gros.
07:05 Vous n'êtes pas le boss de moi maintenant.
07:07 Vous n'êtes pas le boss de moi maintenant.
07:09 Vous n'êtes pas le boss de moi maintenant.
07:11 Et vous n'êtes pas si gros.
07:15 Life is unfair.
07:19 Pourquoi je fais ça, moi ?
07:22 Côté divertissement, la fête foraine était certainement l'un des événements les plus attendus de l'année.
07:28 Les attractions dépassaient souvent les nacelles des manèges,
07:30 et pendant deux semaines on avait ce lieu béni de lumières multicolores et de musique,
07:33 dans lequel tous les jeunes des environs pouvaient se réunir, s'amuser, se draguer, ou même se battre.
07:36 Oui mais voilà, c'était deux semaines par an,
07:38 et le reste du temps on n'aurait pas craché sur quelques boutiques de fringues,
07:40 une salle de concert, un McDo... - Ou même une snack !
07:42 Et oui, parce que l'accès à la culture n'était pas forcément évident.
07:45 Lorsqu'il n'y avait qu'un seul cinéma à 60 km à la ronde avec une toute petite programmation,
07:48 aller voir un film c'était déjà un petit événement, alors on en voulait pour notre argent.
07:51 Et vu que notre quotidien ressemblait déjà à un film d'auteur désaturé,
07:53 ben on voulait de l'action, on voulait des bagnoles, on voulait des explosions !
07:56 Mais regardez pas seulement ça parce qu'on était jeunes et cons,
07:58 non, mais parce que ça faisait partie de notre parcours culturel,
08:01 lui-même issu de notre contexte géographique et social.
08:03 Ces films étaient les nôtres, et on les kiffait à 100%.
08:06 En réalité, la plupart du temps, on découvrait les films 3 ou 4 ans plus tard à la télévision.
08:09 Et c'est d'ailleurs grâce au magnétoscope de nos parents
08:11 qu'on pouvait se constituer notre propre vidéothèque et notre propre réseau de prêt de VHS.
08:14 Quoi ? Ils ont fait un film sur GoldenEye ?
08:16 D'ailleurs, côté jeux vidéo, la première et seule boutique est arrivée très tard,
08:20 et je vous parle même pas du premier cybercafé.
08:22 Donc ça se passait bien souvent dans le supermarché de la zone industrielle la plus proche.
08:25 On avait les jeux du moment, deux modèles de PC pas carbel,
08:27 et on n'allait pas chercher plus loin.
08:28 Enfin, on n'allait même pas chercher du tout,
08:30 et surtout dans un bled où Internet était encore farouchement timide, voire inexistant.
08:33 Les malins pouvaient cependant directement passer commande
08:35 dans les incontournables catalogues des Trois Suisses ou de l'Ardoute.
08:37 Mais les jeux proposés s'arrêtaient de toute façon à une liste des grands hits de l'année.
08:40 Ah, oui, le catalogue des Trois Suisses.
08:42 Tu vas faire la blague sur les pages lingerie ?
08:45 Non.
08:46 Ben si.
08:47 Tu vois, même ton copain il me le dit.
08:49 Heureusement, la presse de l'époque arrivait quand même à nous éclairer un peu
08:53 sur ce qui se passait dans le paysage vidéoludique.
08:55 Même s'il faut bien avouer que quand on fréquentait une maison de la presse/PMU/bureau de tabac,
08:58 on était plus appliqués à copier les codes de triche en douce sur nos feuilles de cours
09:01 qu'à lire les petits papiers des journalistes.
09:03 Non !
09:04 Qu'est-ce qu'il fait ?
09:05 Mais j'en sais rien.
09:06 Qu'est-ce qu'il fait ?
09:07 Mais je sais pas.
09:08 Musicalement, on avait le droit à un demi-rayon de CD
09:10 entre le jambon et les biscottes du supermarché.
09:12 On y retrouvait les compilations de l'été ou du "Head Parade",
09:14 les tubes dance et R&B qu'on voyait dans les clips sur M6 ou qu'on entendait à la radio.
09:18 Et vu que c'était la seule chose qui nous était servie,
09:20 ben on se disait que de toute façon, y'avait pas mieux.
09:22 Je me rappellerai toute ma vie du jour où mon cousin m'a emmené pêcher dans sa vieille Volkswagen.
09:25 Pas parce que j'aimais pas spécialement la pêche et que j'avais dû me lever à 5h du mat', non.
09:28 Parce que ce jour-là, la cassette d'un autoradio balançait un son tellement renversant pour le gosse que j'étais
09:32 qu'il m'a rendu complètement dingue.
09:34 "Suprême" de NTM.
09:36 Je l'ai alors supplié de me faire une copie de la cassette,
09:38 et c'est avec des sons comme ça que mes potes et moi entrions dans une nouvelle ère.
09:41 Le rap nous fascinait, parce que dans un sens, ça représentait tout ce qu'on n'avait pas.
09:47 Les quartiers bétonnés, l'histoire de flics, la banlieue sale et même les fringues.
09:50 Et d'un autre côté, on arrivait à s'identifier à plein d'autres thématiques fortes,
09:53 comme une forme de misère sociale, la pauvreté, même la violence.
09:56 Alors certes, les 9mm étaient remplacés par des carabines et des fusils de chasse par chez nous.
09:59 Et on était très loin de la détresse qui nous était racontée dans les recouplets.
10:01 Mais cette musique nous soulageait de quelque chose.
10:03 Elle influençait nos goûts, notre langage et même nos tenues vestimentaires.
10:06 Le hip-hop français des années 90-2000, au même titre que la dance ou que le R'n'B,
10:10 avait clairement trouvé une résidence secondaire dans nos campagnes.
10:12 Et c'est pas à Mandine du 38 qu'aurait dit le contraire.
10:17 Simplement on rappelle que la techno et l'électro étaient des styles particulièrement en vogue par chez nous.
10:20 Et notamment lors des soirées.
10:21 Et à 18 ans, l'autotension n'a permis de conduire et d'une première voiture nous ouvrait désormais de nouvelles portes.
10:25 Celles des balles et des boîtes de nuit.
10:27 C'était terminé les booms entre potes dans les garages.
10:29 Mais ces établissements étaient cependant situés à plusieurs dizaines de kilomètres.
10:32 Et je me rappelle encore ces envolées nocturnes.
10:34 On était 5 jeunes chiens fous entassés dans un habitacle de 205 GTI
10:37 qui empestait le DOA que c'est le parfum bon marché.
10:40 [Musique]
10:43 [Musique]
10:46 [Musique]
10:48 [Musique]
10:57 [Musique]
11:14 [Musique]
11:16 Aaaaaah, nostalgie.
11:18 Mais lorsque la musique savait se taire et que la fumée de nos pots d'échappement se dissipait,
11:24 elle laissait souvent place à beaucoup de douceur, de poésie.
11:26 Un simple banc traversant les décennies qui a connu le premier baiser de jeunes tourtereaux
11:30 et peut-être celui de leurs parents et de leurs grands-parents.
11:32 Des nuits d'été profonde allongées dans l'herbe à contempler les étoiles.
11:35 Des après-midi au lac où le temps n'existait plus.
11:37 Le silence des plaines enneigées.
11:39 Les cabanes dans les bois.
11:40 Les feux de camp.
11:41 Les animaux.
11:42 Et puis, ce qu'on a aimé.
11:44 Aaaaaah.
11:45 T'as envie de reparler de bagnole ?
11:47 Oui.
11:48 Parce que qui disait voiture vroom vroom disait aussi...
11:50 voiture vroom vroom disait aussi...
11:54 Pouet pouet ?
11:57 Disait aussi course.
11:59 Des départs arrêtés au feu rouge, des zéro à cent sur des nationales.
12:02 Alors c'est sûr, c'était pas Tokyo Drift.
12:03 Mais prenez des routes de campagne et des paysages vallonnés
12:05 et vous obtenez une discipline unique et chère aux yeux des locaux.
12:08 Les courses de côte.
12:09 Et c'était assez dingue, parce que le temps d'un week-end,
12:11 tous les petits garages du coin devenaient des écuries automobiles.
12:14 Les petits commerces devenaient des sponsors.
12:16 Chaque véhicule, aussi pourave qu'il soit,
12:17 arborait fièrement ses couleurs et avait sa propre identité.
12:20 Des milliers de personnes de tous âges venaient acclamer ces pilotes éphémères,
12:22 car ces spectacles gratuits avaient ce pouvoir extraordinaire.
12:25 Ce pouvoir de rassembler.
12:26 Faut dire qu'après les deux roues,
12:27 les bagnoles c'était le marqueur social par excellence.
12:29 Ça nous permettait d'être vus, de nous distinguer, de nous confronter,
12:31 mais surtout de ramener un peu de technologie et de sportivité sur nos départementales.
12:34 Et ça, Luc Besson l'avait déjà bien compris.
12:36 Le tuning, aussi loin que je me souvienne, a toujours été une pratique répandue.
12:39 Et même quand on n'avait pas les moyens de se procurer une voiture de sport,
12:42 on en était pas moins créatifs pour transformer les nôtres.
12:44 Et vous, vous voyez peut-être ça, mais nous, on voyait ça.
12:47 Et puis un jour, il est arrivé.
12:49 Il est venu à nous, pour nous.
12:51 Et il a bouleversé nos vies.
12:52 On l'avait attendu toute notre vie.
12:57 Et ça y est, il était là.
12:58 Un film américain avait réussi à réunir tous nos fantasmes en 110 minutes
13:01 et à les faire découvrir au monde entier.
13:03 Et ce qui est dingue, c'est que ça a cartonné.
13:04 C'est même grâce à ce film et à ses suites qu'on a pu avoir des jeux
13:06 comme Need for Speed Underground ou d'autres blockbusters
13:08 comme Triple X, Stark, Le Transporteur et plein d'autres.
13:10 Et nous, on s'identifiait vachement à ces films, à ces scénarios.
13:13 On calquait notre quotidien dessus.
13:14 On pensait qu'on vivait les mêmes choses.
13:16 Enfin, je sais pas comment je pourrais expliquer ça, mais...
13:18 Ah si, je sais.
13:19 Yo Bobby, ça biche ?
13:25 T'as eu le permis, c'est de la balle !
13:27 C'était un po-bidalo, putain.
13:28 Mike ?
13:29 Y a deux ans, ce mec a fumé ma 103 avec sa Magnum.
13:31 Pareil que tu veux sortir avec la soeur de mon cousin ?
13:33 Te mêle pas de ça.
13:34 Je suis sur MSN.
13:35 Il sera là au prochain rassemblement et il te laissera aucune chance.
13:38 Mike et son frère en ont contre toi depuis le collège.
13:40 Ils te laisseront pas gagner.
13:41 On va régler tout ça à la prochaine course.
13:45 Ford Escort, 106 rallye, 205, bienvenue dans la cour de ventre.
13:48 Mila est jalouse et elle veut défoncer Jess.
13:50 Un sweat Bull Rock, des requins et une Playstation au premier qui nique sa caisse.
13:54 Ils m'ont pas suivi dans tout le quartier.
13:55 Elle me prend trop la tête.
13:56 Alors, t'as les glandes ?
13:57 On est pas dans GTA 3A ! C'est le mec déconne pas !
14:00 Dégage !
14:01 On organise une soirée mousse au Club 3000.
14:03 Il me saura ce qu'il trouve.
14:04 Les carabines de mon père, 22 longs, Rift, calibre 12.
14:07 Les F-Péton, c'est des champions d'enduro.
14:08 Et merde ! Sortons 33-10, il nous faut du renfort.
14:11 Ce bus ne dessert pas la commune !
14:13 Toute la balle !
14:15 Et pourquoi pas 100 balles et un Ars ?
14:16 Ok, ça va chauffer dans les Bermuda.
14:18 Bon, après c'était juste pour illustrer, c'est pas...
14:27 Ben, c'est... c'est notre culture.
14:30 Et puis un jour, on s'en va.
14:32 On s'en va avec une sorte de revanche à prendre sur la vie.
14:35 Une voix quelque part nous chuchote qu'on a encore des choses à découvrir, à rattraper.
14:39 On découvre la ville, la grande, et là c'est le choc, le déséquilibre.
14:43 On se met à penser qu'ici, tout peut arriver,
14:45 que le monde est en fait bien plus vaste et ouvert que le microcosme qu'on a connu.
14:48 Et on se plie à cette nouvelle idée que l'on a finalement tout à apprendre.
14:51 On découvre une autre définition des grands espaces.
14:53 On déploie alors une énergie folle pour répondre à de nouveaux codes, de nouvelles normes,
14:56 comme si cette réalité était la bonne.
14:58 Et avec le temps, on se rend compte que ce déni du passé est tout simplement...
15:01 ...ridicule.
15:02 Ben oui, t'as vraiment cru que j'allais roigner mon passé comme ça, là ?
15:07 Non, non, non, j'ai cru que t'allais te mettre à chanter.
15:09 Sur du diam...
15:10 Donc ouais, c'est ridicule.
15:15 Déjà parce que cela jouer minorité opprimée qui aurait trouvé le nirvana en terre d'asile,
15:19 c'est franchement disproportionné quand tu viens d'un petit bled de campagne française.
15:22 Faut pas déconner.
15:23 Personnellement, j'ai trouvé ça super cool,
15:24 et j'ai aimé chaque seconde et chaque minute de chaque journée que j'y ai passé.
15:27 Parce que finalement, les virées en mob, les beignets de lac,
15:30 les soirées entre amis d'enfance,
15:31 ça ressemblait peut-être bien plus à la réalité que celle qu'on connaît aujourd'hui.
15:34 Et puis, il y a ceux qui sont restés, ceux qui ne t'ont pas oublié.
15:37 Et on a parfois trop vite jugé certains comme étant déboulés,
15:39 alors qu'ils sont peut-être les dernières pierres qui nous laissent,
15:41 et qui nous permettent de garder terre.
15:42 Certains sont nés là-bas, et ils mourront, comme leurs parents et leurs grands-parents.
15:45 Nous ne parlerons peut-être plus jamais des mêmes films,
15:47 et nous ne rirons peut-être plus jamais des mêmes blagues.
15:49 Mais nous aurons toujours en commun ces souvenirs d'une période singulière,
15:51 qui n'a pu exister qu'ici, et à cette époque, quelques secondes avant le Big Bang,
15:55 d'un nouveau monde uniformisé par Internet.
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