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00:00 -On va plus loin avec notre invité Thierry Domenici,
00:02 vous êtes politologue, enseignant, chercheur en sciences politiques
00:06 à l'université de Bordeaux, spécialiste des nationalismes.
00:10 Merci de répondre à France 24.
00:12 Emmanuel Macron a marqué des points en Corse.
00:14 -Oui, je pense.
00:16 Tout à fait. Déjà, pour deux raisons.
00:21 C'est la première fois qu'un président parle
00:25 d'insérer, d'introduire la Corse dans la Constitution.
00:29 Et donc, partant de là, ne serait-ce que sur le plan symbolique,
00:33 au regard même des, je dirais, des références
00:38 que qu'a faites M. Macron concernant l'historicité,
00:41 l'histoire de la Corse, je pense à la Constitution de 1755,
00:44 notamment, il rappelle donc que cette Corse a déjà connu
00:48 une autonomie, pour ne pas dire une indépendance.
00:51 Donc, oui, il a posé les bases d'une autonomie,
00:53 mais j'espère qu'on aura l'occasion d'en discuter plus,
00:57 mais pas au sens institutionnel et non pas au sens politique
01:00 que l'employé, un de vos intervenants,
01:03 interjoué à Jacques Sion.
01:04 -Donc, l'autonomie, justement, ça veut dire quoi, concrètement ?
01:11 Il y aura des compétences qui seront transférées
01:15 vers la Corse, c'est ça ?
01:16 -Oui, en fait, si vous voulez un statut d'autonomie
01:19 dans nos institutions, c'est simple,
01:21 le plus connu et le plus abouti, c'est le statut de la Nouvelle-Calédonie.
01:26 La Université de Bordeaux parle, pour la France,
01:28 que c'est un État devenu régional, mais asymétrique,
01:31 qu'il n'y a qu'une région qui est fortement autonomique.
01:34 Au niveau de la reconnaissance des singularités,
01:37 les seules qui étaient reconnues dans nos institutions
01:41 au-delà de la citoyenneté française,
01:43 c'était l'idée d'un peuplement ultramarin.
01:45 Là, le président propose, finalement, un titre,
01:48 un article et non un titre,
01:49 qui introduirait la Corse dans la Constitution,
01:52 donc ce serait quelque chose qui se retrouverait
01:55 entre les statuts de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie.
01:58 Mais je répète aussi, comme je l'ai fait
02:01 auprès de vos collaborateurs dans d'autres émissions,
02:05 le président n'a pas autorité de définir
02:08 véritablement le statut de la Corse.
02:10 Ici, il propose simplement, comme son rôle...
02:14 Enfin, ses pouvoirs lui donnent l'opportunité,
02:16 il montre les grandes lignes, et la première grande ligne,
02:20 c'est un statut à part de la Corse dans le statut républicain.
02:24 -Et là, également, Emmanuel Macron veut faire
02:28 de la langue corse le coeur de la vie de chaque insulaire.
02:32 Est-ce que c'est un élément clé, ça ?
02:35 -Je suis un peu gêné avec cette proposition.
02:37 Je vais vous expliquer pourquoi.
02:39 Il veut en faire le coeur de la vie insulaire,
02:41 donc introduire, même dans l'espace public,
02:44 la langue corse, mais en même temps,
02:46 il ne répond pas à la demande,
02:48 qui est un des fondamentaux des nationalistes,
02:51 de la co-officialisation de la langue.
02:53 Pourquoi ? Parce qu'au moment où je vous parle,
02:56 nos institutions, la Ve République,
02:58 ne permettent pas, donc, nos institutions,
03:01 d'introduire dans notre système linguistique
03:05 une autre langue que le français.
03:07 Mais il y a quand même une grosse ouverture,
03:09 parce qu'il y a une reconnaissance, je dirais, culturelle,
03:12 au niveau du patrimoine de la langue corse.
03:15 -C'est un changement constitutionnel
03:17 que propose Emmanuel Macron.
03:19 Il faut que ça passe l'obstacle du Congrès en France,
03:22 la fameuse majorité des 3/5e, ça, c'est pas gagné non plus.
03:26 -C'est ce que je pensais avant le discours.
03:28 Je pense d'ailleurs comme vous, d'ailleurs.
03:31 J'étais très étonné de ce discours.
03:33 C'est un discours acumenique.
03:35 Tout le monde était d'accord, tout le monde, finalement,
03:38 semblait être rassuré de ne pas rester dans le statu quo.
03:41 Je serais tenté de vous dire que le président lui-même
03:44 a dépassé la fameuse ligne rouge, avec la question de la langue,
03:48 avec la question de la reconnaissance culturelle
03:51 avec la question de la reconnaissance
03:53 de la singularité liée à l'insularité.
03:55 Vu que c'est lui qui a passé le Rubicon, si je puis dire,
03:59 on peut imaginer qu'il y a déjà eu des ententes,
04:02 des négociations avec les députés et avec les sénateurs.
04:05 Je pense que le gouvernement et le président
04:07 ont déjà pris le climat et ils savent déjà
04:10 que cette réforme va aboutir ou devrait aboutir.
04:13 D'autant plus que c'est une logique institutionnelle,
04:16 ce statut qu'on va donner à la Corse,
04:19 est équivalent au statut qui existe déjà depuis des années
04:22 en Espagne, avec la Catalogne, avec la Galice,
04:25 avec le Pibasque, ou même en Italie,
04:27 avec le statut de la Sardine et de la Sicile.
04:30 Il n'y a rien de nouveau dans nos institutions européennes,
04:33 sauf que pour une fois, peut-être qu'il y a
04:36 une dépolitisation au sens affrontement nationaliste
04:39 et l'Etat, et on se retrouve dans une logique
04:42 centre-périphérie où le centre, finalement,
04:44 essaie de réduire le caractère enclavé de la périphérie.
04:48 -Sur la France, ça peut donner des idées
04:50 aux indépendantistes d'autres régions ?
04:53 -Ca a déjà donné des idées aux autres
04:55 depuis le début du processus, en 2019,
04:57 avant qu'ils soient stoppés, malheureusement,
05:00 par l'affaire Benalla.
05:02 C'était parti sur des logiques de décentralisation
05:05 au niveau national.
05:06 C'est-à-dire que même les Bretons,
05:08 notamment pour ne citer qu'eux, étaient dans cette logique-là.
05:12 Notez aussi que M. Darmanin a d'autres projets
05:15 dans sa sacoche, si je puis dire.
05:17 Il doit aussi s'occuper du nouveau statut de la Polynésie,
05:20 en tant que ministre des Ultramarins,
05:23 et du nouveau statut définitif de la Nouvelle-Calédonie,
05:26 puisque les trois référendums ont donné un nom,
05:29 malheureusement ou fort heureusement,
05:32 pour l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie.
05:34 Il faudra remodifier les statuts.
05:37 Donc, on est dans une logique institutionnelle
05:39 que le président a attrapée au lasso,
05:42 et il rattrape au lasso son projet de pacte girondin
05:45 qui est déjà proposé en 2019.
05:47 -Merci beaucoup, Thierry Domini, pour toutes ces précisions.
05:50 Vous êtes politologue, enseignant-chercheur
05:53 en sciences politiques à Bordeaux.