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00:00 Nous sommes le jeudi 28 septembre et les 8h45, on passe 5 minutes ce matin avec la Toulousaine
00:07 Agathe Lemaître qui publie un livre très poignant sur le harcèlement et elle répond
00:10 à vos questions avec Clémence Follida.
00:12 Bonjour Agathe Lemaître.
00:13 Bonjour.
00:14 Merci d'être avec nous ce matin.
00:15 Votre livre paru en mars aux éditions HarperCollins s'intitule « Le livre de Liane ». C'est
00:20 un roman inspiré de l'histoire de votre sœur Diane qui s'est suicidée en 2016,
00:25 elle avait 21 ans après avoir été harcelée au collège, au lycée et vous dites en préambule
00:30 que vous l'avez écrit à quatre mains parce qu'il est un peu écrit avec votre sœur,
00:33 racontez-nous.
00:34 Tout à fait.
00:35 En fait ma sœur rêvait d'être écrivaine.
00:37 Elle a été harcelée de la 6e à la Terminale dans un lycée près de Toulouse.
00:42 Ensuite elle est partie à Toulouse rue de la Colombotte, elle y habitait pour être
00:45 étudiante jusqu'à ses 21 ans et en fait personne ne savait qu'elle avait été harcelée.
00:50 Personne dans ses amis, personne dans son entourage, sa famille.
00:53 Moi j'étais sa sœur, on était très proches, personne ne le savait.
00:56 Et après son décès, on ne savait pas pourquoi elle s'était suicidée, on est tombé de
01:01 haut et on a retrouvé dans son appartement dans rue de la Colombotte un journal intime
01:05 où elle raconte comment ça s'est mis en place, comment elle a essayé de s'en sortir
01:09 en utilisant tout ce qui existe contre le harcèlement scolaire et pourquoi ça n'a
01:13 pas marché.
01:14 Et vous mettez des vrais extraits d'ailleurs de ce journal intime dans votre roman.
01:16 Est-ce que vous y avez trouvé des réponses dans ce journal intime ?
01:20 Oui bien sûr, puisque moi je ne savais pas ce que c'était le harcèlement scolaire.
01:23 À cette époque, j'étais partie vivre à Singapour pour faire mes études.
01:25 Donc c'est la première fois que je partais vivre à l'étranger en dehors de Toulouse.
01:29 Donc c'est vraiment loin de ma famille.
01:31 Et donc en revenant, en retrouvant ce journal intime, ça m'a permis de comprendre en fait
01:36 pourquoi j'étais passée à côté.
01:37 Et donc c'est un journal intime qui a beau tout de coup circulé dans des familles à
01:41 Toulouse en fait pour les aider à comprendre ce que pouvaient lire leurs enfants.
01:45 Ça a fini par être autopublié.
01:46 Donc il y a une centaine de personnes qui ont donné des fonds pour que ça soit publié.
01:49 C'est un livre qui a beaucoup circulé et puis l'éditeur Harper Collins l'a repris
01:53 en début d'année et l'a publié parce que c'est un outil qui était très utilisé
01:57 en école.
01:58 Et donc on voulait avoir une version un peu plus institutionnelle.
02:00 Et Agathe Lemaitre, pardonnez-moi je vous coupe, mais pourquoi vous êtes passée à
02:03 côté ? Parce que j'imagine que beaucoup nous écoutent nos regards ce matin en se
02:07 disant "peut-être ça se trouve, moi je passe à côté de mon enfant qui est harcelé".
02:09 Qu'est-ce que vous y avez compris ?
02:10 1 sur 10.
02:11 1 sur 10, c'est énorme.
02:12 C'est une famille sur 10 qui nous écoute.
02:16 Et on est passée à côté parce qu'on pensait qu'il y avait des films.
02:18 On pensait que quand on allait harceler, on se rend ferme, on ne parle plus.
02:22 Ma sœur, elle avait des très bonnes notes.
02:23 Elle faisait du partage artistique à haut niveau.
02:25 Elle était brillante dans beaucoup de domaines.
02:28 Elle faisait du piano tous les jours.
02:30 C'était quelqu'un de très épanoui.
02:31 Elle mettait des jolies robes, elle se maquillait, elle sortait avec des amis.
02:34 Donc il n'y a pas eu de signe en fait.
02:36 Et c'est le problème du harcèlement scolaire, c'est que c'est invisible.
02:39 Et c'est pour ça qu'il faut vraiment sensibiliser tout le monde, c'est-à-dire être attentif
02:43 et poser la question aussi aux enfants qui ont l'air d'aller bien.
02:46 Alors justement, pour lutter contre le harcèlement scolaire, le gouvernement vient de dévoiler
02:50 un plan en promettant notamment des cours d'empathie à l'école dès janvier 2024.
02:55 Vous qui vivez, je crois, au Danemark, où justement de tels cours existent, est-ce que
02:59 vous pensez que ces cours sont une bonne idée ?
03:01 Exactement.
03:02 Donc aujourd'hui, j'ai des ménages au Danemark.
03:03 Mes enfants, ils ont 2 ou 5 ans.
03:04 Donc ils suivent déjà des cours d'empathie, puisque c'est à partir de 2 ans à Copenhague.
03:10 Et effectivement, je pense que c'est une idée écréante, puisque c'est vrai que quand
03:12 on est sensibilisé à l'empathie dès le plus jeune âge, lorsqu'un harcèlement
03:16 se met en place et qu'on est lycéen, on réagit.
03:19 Parce qu'on a appris à réagir depuis tout de suite.
03:21 Et ça ressemble à quoi un cours d'empathie ?
03:22 Alors c'est vraiment faire attention aux autres.
03:25 Par exemple, mon fils qui a 2 ans, il apprend pendant le cours comment faire attention aux
03:29 autres.
03:30 Mais en dehors du cours, quand quelqu'un a du mal à faire ses lacets, par exemple,
03:32 il y a quelque chose qui est en train de partir, ils ont tous le réflexe de dire "attendez,
03:35 il y a quelqu'un qui n'est pas prêt, on va l'aider, on va l'inclure au groupe".
03:38 Donc c'est vraiment faire en sorte que tout le monde se sente à l'aise, faire attention
03:41 aux autres pour que dans le groupe, il y ait une bonne ambiance et que les gens se puissent
03:46 sentir heureux et pas maudits.
03:47 Le gouvernement veut aussi permettre d'exclure les élèves harceleurs des réseaux sociaux.
03:50 Est-ce que ça c'est une bonne idée ?
03:52 C'est une bonne idée, ça peut se mettre en place, mais l'idée de confisquer un
03:55 téléphone, quand on voit dans l'époque dans laquelle on vit, je pense que les adolescents
04:00 auront des moyens d'aller sur les réseaux sociaux avec leur téléphone.
04:03 C'est difficile de se dire que juste leur enlever leur téléphone, ça peut être une
04:06 bonne idée.
04:07 On voit dans le noir tout blanc aussi que les réseaux sociaux peuvent être utiles.
04:09 Par exemple, vous, vous avez créé un compte Instagram "Agathan parle".
04:12 Vous avez reçu beaucoup de messages d'élèves harcelés, peut-être d'anciens harceleurs
04:18 aussi ?
04:19 Oui, effectivement, il y a beaucoup d'anciens harceleurs qui témoignent et ça aide à ouvrir
04:23 la parole puisque la plupart des anciens harceleurs n'osent pas en parler.
04:28 Et sur ce compte "Agathan parle", les gens peuvent témoigner de manière anonyme.
04:31 Donc en fait, c'est la première part pour parler, c'est pour les personnes qui, comme
04:34 ma soeur, n'osent pas parler à leur famille, n'osent pas parler à leurs amis, mais ont
04:37 besoin de mettre des mots sur ce qu'ils sont en train de vivre.
04:39 Parce qu'en général, quand ils ont posé les mots, ils ont pu s'exprimer publiquement,
04:42 même s'il n'y a pas leur nom.
04:43 Ça leur permet de voir qu'ils sont légitimes.
04:46 Et en général, juste après, ils entament une démarche avec un psychologue.
04:49 Et qu'est-ce que vous dites à ceux qui sont des anciens harceleurs ?
04:52 Alors, les anciens harceleurs, autant que les anciens harcelés, sont des victimes.
04:56 Il faut savoir que l'arsenal scolaire, c'est une spirale.
04:58 On ne peut pas l'arrêter aussi facilement.
05:00 C'est un peu comme la boulimie, la norexie.
05:02 Il ne suffit pas d'arrêter de manger ou de recommencer à manger.
05:04 C'est beaucoup plus complexe dans le cerveau.
05:05 Donc, les anciens harceleurs sont aussi des victimes.
05:07 Et je les invite à trouver de l'aide auprès d'un psychologue.
05:10 Merci beaucoup, Agathe Lemaitre.
05:12 Vous venez de publier un livre aux éditions Harper Collins, le livre de Liane, inspiré
05:18 de l'histoire de votre soeur.
05:20 Bonne journée.
05:21 Merci beaucoup pour votre courage et votre témoignage ce matin.
05:22 Merci.
05:23 Bonne journée à vous.
05:24 Ces témoignages se sont retrouvés à chaque matin à 8h.
05:28 Car c'est aussi sur l'appli « Ici » et « Sur France Bleu ».