35 % de lait bio déclassé en 2022 et 2023

  • l’année dernière
Les produits laitiers issus de l’agriculture biologique connaissent une crise importante depuis 2021. La baisse de la demande entraîne une chute des prix que le Cniel qualifie de « décrochage ». Parallèlement, les cessations d’activité se multiplient. Rencontre avec Corentin Puvilliand, économiste au Cniel.

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00:09 - Bonjour à tous. On va parler de filière laitière bio.
00:13 Pour cela, je suis avec Corentin Puvilan.
00:14 Corentin, bonjour. - Bonjour.
00:17 - Où en est-on aujourd'hui, niveau collecte et production de lait bio ?
00:21 - La collecte bio ralentit,
00:25 pour la 1re fois depuis plusieurs années,
00:28 puisqu'on était sur... Ca fait plusieurs années
00:30 que la production de lait bio augmentait fortement et rapidement,
00:35 puisque la collecte a doublé entre 2017 et 2022.
00:40 Et là, depuis 3 mois,
00:43 on voit maintenant un véritable décrochage de la production,
00:47 notamment parce qu'il y a une forte accélération
00:50 des cessations d'activité lait bio,
00:52 qu'on estime à plus de 5 % sur un an,
00:57 ce qui est nouveau. En bio, il y avait auparavant très peu
00:59 de cessations d'activité,
01:02 donc en lien avec une situation de marché très difficile.
01:05 - Justement, oui, la demande, on en est où ?
01:07 Elle a vachement baissé, en fait. - Oui, c'est ça.
01:10 Donc depuis 2021, on a un décrochage continu,
01:13 une baisse continue de la demande pour les produits laitiers bio,
01:17 alors qu'on avait eu une hausse très forte les années précédentes,
01:22 ce qui avait mené, justement, à cette vague de conversion bio.
01:27 Et donc, voilà, dans tous les circuits de commercialisation,
01:31 la demande pour les produits laitiers bio diminue,
01:34 et c'est très fortement corrélé
01:36 avec l'inflation générale dans l'économie,
01:38 qui se traduit par une descente en gamme
01:42 dans les achats des consommateurs.
01:45 - Du coup, ça s'est ressenti au niveau du prix.
01:46 On en est où, à peu près, en termes de prix du lait bio ?
01:50 - Alors, du coup, effectivement, il y a eu un déséquilibre
01:53 mathématique entre l'offre et la demande,
01:56 où on a estimé au CNIEL
01:59 les déclassements aux alentours de 35 % du lait bio,
02:02 donc qui a été déclassé en filière conventionnelle, à peu près.
02:06 En 2023, on devrait être à peu près dans ces eaux-là.
02:10 En 2022, du fait de ce déséquilibre de marché,
02:12 les prix du lait bio n'ont pas pu être revalorisés,
02:15 alors qu'on était dans un contexte de très forte hausse des charges
02:19 à la production et à la transformation également.
02:22 Néanmoins, depuis l'automne 2022,
02:25 et donc sur 2023, on a maintenant une progression
02:28 du prix du lait bio payé aux éleveurs
02:31 de l'ordre de 7 % sur un an, voilà,
02:34 qui ne compense pas encore la hausse des charges,
02:36 mais ça relève d'une mobilisation de la filière,
02:40 puisque les fondamentaux de marché sont plutôt à la baisse
02:44 et qu'on a actuellement une hausse du prix.
02:46 - Alors là, ça augmente, même si ça augmente pas assez
02:49 pour couvrir les charges.
02:50 Est-ce que les signaux restent positifs quand même
02:53 pour l'avenir de la filière bio ?
02:55 Ou est-ce qu'il faut s'inquiéter, continuer,
02:57 inciter les éleveurs à arrêter
03:01 ou à repartir en conventionnel ?
03:03 - Alors, évidemment, la situation est actuellement très difficile
03:08 et la consommation continue de diminuer au même rythme
03:12 pour le moment.
03:13 Néanmoins, on pense que cette déconsommation
03:16 est très fortement corrélée, ce que je disais tout à l'heure,
03:20 au niveau d'inflation dans l'économie.
03:23 Et que du fait, lorsque l'inflation ralentira,
03:28 ce que prévoient encore une fois un certain nombre d'économistes,
03:32 on peut espérer une reprise au moins partielle
03:37 de la consommation de produits bio.
03:40 - Est-ce qu'il y a des leviers actionnables, justement,
03:43 pour que l'offre corresponde peut-être un peu mieux
03:47 à la demande ou pour relancer cette demande, justement ?
03:51 - Alors, le CNIEL s'engage dans des campagnes de communication
03:58 sur la bio avec d'autres partenaires.
04:01 Donc, c'est effectivement le levier principal,
04:05 puisqu'on ne peut pas attendre que l'inflation ralentisse
04:08 pour essayer de faire quelque chose.
04:12 Donc, voilà, c'est pour l'instant le principal levier.
04:14 Après, le CNIEL a également...
04:16 Là, on ne parle plus du côté demande,
04:18 mais c'est mobilisé pour l'obtention d'une aide d'urgence bio
04:24 à destination des producteurs,
04:26 donc avec d'autres organisations professionnelles engagées
04:29 dans la bio.
04:31 Donc, voilà, ça s'est traduit par l'obtention d'une aide
04:35 de 60 millions d'euros à destination des producteurs
04:40 qu'on juge évidemment fortement insuffisante,
04:43 mais qui est néanmoins une petite avancée.
04:46 - Pour finir sur du positif,
04:47 il y a quand même des signaux positifs chez certains voisins.
04:50 Pour le coup, ça nous donne un peu d'espoir quand même.
04:54 - Alors, des prémisses de mieux,
04:59 de rebond, peuvent être observées en Allemagne
05:03 où ça ralentit un peu moins vite
05:05 en lien avec le redressement des salaires réels en Allemagne.
05:10 Laisse espérer effectivement
05:14 que la situation pourrait également s'améliorer
05:18 dans les prochains mois en France.
05:20 Mais il faut néanmoins rester prudent,
05:23 mais sans faire fi effectivement
05:24 de ces facteurs d'espoir qui sont là.
05:27 - D'autant plus qu'on a une vision assez courte, en fait,
05:30 sur, c'est quoi, à un, deux ans,
05:32 la vision, les projections que vous faites,
05:35 vous, en tant qu'économiste.
05:36 - Même à un, deux ans, c'est impossible de prévoir la demande.
05:39 C'est plus facile de prévoir l'offre, malheureusement,
05:42 qui s'oriente à la baisse sur la bio,
05:45 puisqu'on observe, comme je vous disais tout à l'heure,
05:47 une accélération des cessations.
05:49 Et au CNIEL, on mène une enquête de conversion
05:52 qui nous indique que, effectivement,
05:55 les cessations d'activités, les bio,
05:57 devraient se poursuivre dans les prochains mois.
05:59 Donc, on pourrait avoir une réduction de l'offre
06:03 de 7 à 8 % sur les deux prochaines années, à ce rythme.
06:07 - D'accord. On va continuer à suivre ça de près.
06:10 Même si c'est un tout petit éclat de lumière,
06:12 il y a quand même un peu de lumière au bout du tunnel.
06:14 Et puis, on va continuer à suivre vos notes de conjoncture
06:17 pour pouvoir éclairer les éleveurs.
06:18 Merci beaucoup, Corentin. - Merci à vous.
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