• l’année dernière

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Avec l'invité ce matin et avec vous aussi, nous parlons de mal logement.
00:04 Nous recevons Manuel Domergue qui est directeur des études à la fondation AB Pierre.
00:09 Bonjour M. Domergue.
00:10 Bonjour.
00:11 Merci de vous être arrêté ce matin dans les studios de France Blues Air.
00:14 Vous intervenez ce soir à 20h à Mainz dans le Triève dans le cadre de Quelle Foire ?
00:19 C'est une manifestation qui est dédiée aux transitions et elle veut aborder les questions d'inégalité
00:24 notamment en matière de logement et que faire face à la crise du logement.
00:28 Manuel Domergue, d'abord ce que je voulais voir avec vous c'est où commence le mal logement ?
00:32 C'est-à-dire où commence l'appartement ou la maison qui n'est pas terrible et où est-ce qu'on tombe dans le mal logement ?
00:37 Oui merci, c'est une bonne question.
00:39 Effectivement, ce n'est pas quelque chose de scientifique ou d'objectif.
00:42 Le mal logement ça se définit et la fondation AB Pierre l'a défini il y a une vingtaine d'années
00:45 avec une appréhension également statistique, ça se définit par rapport au bon logement.
00:49 Donc c'est par rapport à une norme de logement normal, correct qu'on a en France en 2023.
00:54 Et dans les 4 millions de mal logés, il y a les personnes évidemment qui n'ont pas de logement
00:58 donc à la rue, en centre d'hébergement, qui sont dans le logement de quelqu'un d'autre.
01:02 Donc hébergés chez des tiers, des oncles, des amis de manière contrainte.
01:06 Et puis ce sont les personnes qui vivent soit en surpeuplement accentué,
01:09 ils leur manquent deux pièces pour vivre normalement, c'est-à-dire que les enfants sont à trois dans une chambre
01:13 et les parents dorment sur le canapé.
01:15 Le logement trop petit.
01:16 Voilà, le logement trop petit.
01:17 Ou alors le logement insalubre avec des graves défauts et avec des conséquences sur la sécurité,
01:22 avec des risques d'effondrement, etc. ou d'accidents électriques.
01:26 Ou des humidités très fortes, des fissures, des dangers pour la santé des personnes.
01:32 Notamment la précarité énergétique la plus grave.
01:35 Et puis le fait d'avoir des nuisibles, des souris, des cafards, etc.
01:40 Tout ça, c'est le mal logement. C'est assez vaste.
01:42 Vous avez cité la précarité énergétique. Cette définition du mal logement, elle a évolué.
01:46 Parce qu'au départ, il s'agissait de logements qui n'étaient pas raccordés à l'électricité
01:49 ou qui avaient encore les toilettes à l'extérieur.
01:51 On parlait de mal logement.
01:52 La précarité énergétique est venue là-dessus, rajouter une couche au mal logement.
01:56 Oui, tout à fait.
01:57 Autour de ces 4 millions de mal logés, on estime qu'il y a à peu près 12 millions de personnes
02:01 qui sont touchées de manière un peu moins grave par la crise du logement.
02:04 Vous savez que le confort moyen des logements en France continue de s'améliorer.
02:08 Il y a de moins en moins de logements dont vous parlez avec des défauts,
02:11 type les toilettes sur le palier.
02:12 Mais il y a d'autres problèmes qui se sont ajoutés ou qu'on a mieux compris.
02:17 Vous parlez de la précarité énergétique, c'est le cas.
02:19 Le fait d'avoir froid chez soi, c'est un vrai problème.
02:22 Ce n'est pas juste une question de luxe, de confort, c'est vraiment une question de santé publique.
02:26 Il y a des milliers de personnes qui meurent à cause du froid chez eux chaque année.
02:29 On ajoute aussi la question des pics de chaleur.
02:32 Il y a des logements qui sont des véritables bouilloires énergétiques
02:35 qui ne sont pas adaptés aux canicules et on sait qu'elles vont arriver de plus en plus.
02:39 C'est ce halo de fragilité par rapport au logement.
02:43 Il y a aussi la question du prix.
02:44 On peut être logé dans un logement correct, mais y mettre 50% de ses revenus.
02:48 Et là, on est aussi touché par la crise du logement.
02:51 En précarité.
02:52 Il y a tout un réseau, tout un tas de systèmes pour tenter de lutter contre ça
02:56 qui ont été mis en place par l'État, par les collectivités, par les associations.
02:59 On va y revenir un peu plus tard.
03:01 Mais d'ores et déjà, si vous faites l'expérience du mal-logement, vous êtes mal logé,
03:04 ou alors vous avez fait l'expérience du mal-logement, venez nous le dire au standard de France Bleu Isère.
03:08 0476464545, complétez effectivement avec vos histoires.
03:13 Cette radio, c'est la vôtre, exprimez-vous ce matin.
03:15 Et vous êtes donc ce soir à Mins pour parler du mal-logement.
03:18 On est typiquement en zone rurale, très petite ville, gros village, Mins, au milieu du Trièvre.
03:25 Le mal-logement, on en parle souvent en ville, on voit souvent ces immeubles pas adaptés
03:30 ou on dénonce des situations inacceptables.
03:32 Ça existe aussi en milieu rural ?
03:34 Oui, tout à fait.
03:35 Alors c'est vrai que le mal-logement, il est plus fréquent en ville, parce que c'est plus cher,
03:38 parce qu'il y a des grandes copropriétés dégradées, parce que les logements sont plus petits.
03:42 Mais il y a aussi des formes de mal-logement dans les zones rurales qui sont plus invisibles,
03:46 parce que les caméras sont moins braquées, parce que c'est de l'habitat dispersé, individuel,
03:50 et donc moins spectaculaire.
03:52 Et c'est quoi alors le mal-logement ?
03:54 Il y a des problèmes, c'est par exemple le fait d'avoir des logements anciens
03:57 qui n'ont pas été rénovés depuis longtemps.
03:58 Et donc ça crée des problèmes de précarité énergétique,
04:01 notamment quand vous êtes dans des grandes maisons,
04:03 qui étaient souvent prévues pour des grandes familles,
04:05 et quand il n'y a plus que 2-3 personnes, malgré tout il faut quand même les entretenir,
04:08 les chauffer, et ça peut coûter très cher,
04:10 notamment avec la hausse du prix de l'énergie.
04:12 C'est aussi des problèmes de précarité, plus généralement,
04:15 avec un accès aux services publics qui est plus difficile.
04:17 C'est plus difficile d'avoir accès à des associations qui vont vous aider,
04:22 à des services publics, quand vous êtes au fin fond du Vercors.
04:26 Et donc il y a des formes qui sont assez invisibles,
04:29 à la fois parce qu'il y a du non-recours au droit,
04:31 et parce qu'il y a des zones blanches dans les dispositifs d'aide aux personnes.
04:35 Vous savez bien que quand vous êtes dans une petite commune,
04:37 vous n'aurez pas un service de l'habitat, un service d'hygiène,
04:39 aussi performant par exemple que dans une ville comme Grenoble.
04:41 - Pas de recours non plus aussi facile à Dallau,
04:44 par exemple au dispositif droit opposable au logement,
04:46 qui marche beaucoup pour les locataires, mais pas forcément pour les propriétaires ?
04:49 - Oui tout à fait, alors les propriétaires souvent ne sont pas éligibles au Dallau,
04:53 sauf à avoir vraiment un logement très dégradé,
04:55 et puis encore une fois, c'est assez compliqué.
04:57 Il faut connaître des associations qui vont vous accompagner,
05:00 être éligible au Dallau, faire valoir votre cause devant une commission de médiation.
05:04 Quand vous êtes dans une zone très reculée, il n'y a pas, ou rarement, ou moins, ce type d'accompagnement.
05:09 Donc c'est pour ça qu'il ne faut pas se bercer d'illusions sur le fait que
05:12 les zones rurales seraient épargnées par la crise du logement,
05:15 d'autant plus que certaines zones sont maintenant rurales, mais tendues.
05:18 Pas aussi tendues que Paris, Grenoble ou Lyon, mais davantage tendues.
05:22 - C'est-à-dire que les citadins viennent y habiter ?
05:24 - Oui, et puis il y a aussi des touristes.
05:25 Et donc il y a une concurrence parfois dans les zones touristiques,
05:28 entre l'habitat pour les touristes, alors ça peut être les hôtels,
05:31 c'est de plus en plus les vraies maisons, les vrais logements qui sont loués,
05:34 par exemple sur Airbnb, et qui contribuent à une forme de tension,
05:38 de pénurie de logements pour les habitants permanents.
05:40 Donc il y a des réseaux d'habitants permanents qui se créent pour dire
05:43 "écoutez, les touristes c'est très bien, il en faut, mais il faut quand même donner la priorité
05:47 aux gens qui habitent et travaillent, et je pense notamment aux saisonniers,
05:50 qui sont souvent assez invisibles dans les zones rurales, indispensables,
05:53 mais souvent très mal logés."
05:54 - Alors, vous l'avez dit, difficulté d'accès aux services publics renforcés dans le milieu rural,
06:00 c'est aussi une sorte de maquille, un peu celui des aides pour lutter contre le mal logement,
06:05 il y a différentes agences, il y a l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat,
06:09 il y a des acteurs locaux, associatifs, les collectivités,
06:12 ce qu'il faudrait c'est un guichet unique ?
06:14 - Oui, tout à fait, on parle de ça souvent, ou plusieurs guichets uniques,
06:18 en tout cas, quelle que soit la porte à laquelle vous allez frapper,
06:21 quelqu'un va vous accompagner, vous comprendre, vous écouter,
06:23 et vous renvoyer vers le bon interlocuteur, et vous aider à monter le dossier
06:27 et à faire une visite à domicile.
06:28 C'est vraiment très important d'avoir de l'humain, parce que de plus en plus,
06:32 même si on a un guichet unique, il est dématérialisé,
06:34 et donc des personnes qui sont en difficulté face à un écran auront du mal à remplir tous les formulaires,
06:40 et puis il faut un accompagnement à domicile,
06:43 parce que quand on parle de logement, ce n'est pas quelque chose d'abstrait, théorique,
06:46 il faut que quelqu'un vienne chez vous pour voir quels sont les problèmes réels.
06:49 Les gens, la plupart des gens, ne sont pas des experts de l'immobilier, c'est normal,
06:52 et donc pour les accompagner, il faut des visites à domicile,
06:55 et donc ça veut dire qu'il faut parfois embarquer aussi d'autres services publics
06:58 qui ne sont pas forcément des spécialistes de l'habitat, mais qui rentrent chez les gens.
07:01 Les facteurs, les médecins, les instituteurs,
07:04 qui peuvent à un moment repérer qu'il y a une situation d'habitat insalubre, par exemple,
07:08 et dire à la personne peut-être que vous devriez vous adresser à tel ou tel interlocuteur.
07:12 Et après, il faut des aides publiques pour financer les travaux,
07:15 pour les personnes qui n'en ont pas les moyens.
07:17 - Sans dossier colossal à remplir ?
07:19 - Et oui, sans arnaques, et vraiment avec des aides publiques.
07:22 Je pense à la rénovation énergétique, on dit à tout le monde,
07:24 tous ceux qui vivent dans des passeurs énergétiques, qu'il faut se lancer là-dedans.
07:27 Mais quand vous avez un reste à charge de 20 000, 30 000 euros,
07:30 et que vous êtes au SMIC, évidemment, c'est très rédhibitoire.
07:33 Donc il faut améliorer ces aides.
07:35 - Vous pouvez nous appeler au 0476 46 45 45,
07:38 nous raconter votre situation ce matin, vous avez la parole.
07:41 - Alors concernant justement cette histoire de guichet unique,
07:43 le gouvernement, l'État, a lancé une plateforme en ligne qui s'appelle Histologe,
07:48 je pense que vous connaissez, qui est expérimentée.
07:51 Alors elle a eu 457 signalements en ISER, selon ce que vous avez trouvé, Arthur, ce matin.
07:56 Ça peut être quelque chose qui fonctionne, ou alors on a encore le problème de la fraction numérique ?
08:00 - Alors ça peut être utile si c'est un premier signal qui vous aide, vous,
08:04 à détecter que votre logement a un problème,
08:06 mais à un moment, il faudra que quelqu'un vienne vous aider concrètement.
08:09 C'est pas juste une plateforme numérique qui va vous aider à passer le premier pas de la rénovation,
08:13 de l'amélioration de l'habitat.
08:14 Et donc c'est pour ça que le gouvernement, depuis quelques années,
08:17 a créé un guichet unique avec des gens, des vrais gens,
08:19 qui peuvent vous répondre et qui peuvent venir chez vous.
08:22 C'est les espaces France Rénov'.
08:24 Il faut aussi que les collectivités participent,
08:26 parce qu'évidemment c'est les collectivités Région, Mairie, Interco,
08:29 qui sont les mieux placées pour vous accompagner.
08:31 - Vous l'avez dit tout à l'heure, tous les acteurs...
08:33 - Et on sait que leur invoquer le président de la région a coupé les aides à l'espace France Rénov',
08:36 c'est quand même un petit problème.
08:38 - Vous intervenez ce soir dans une foire qui s'intéresse aux transitions,
08:43 justement, il y a une sorte de dilemme, on pourrait se dire,
08:46 le mal logement en campagne, il faudrait peut-être construire un peu plus de collectifs,
08:49 un peu plus de locatifs, sauf qu'en campagne,
08:52 on est loin souvent du travail, donc il faut prendre plus de transports,
08:55 donc finalement la précarité elle reste là.
08:57 Comment on fait ? On rapproche les gens des villes ou on construit à la campagne ?
09:00 - Oui, tout à fait, il y a un dilemme, c'est-à-dire que la précarité énergétique,
09:03 c'est par rapport pour se chauffer, l'énergie pour se chauffer,
09:05 et pour se déplacer.
09:07 Et quand les prix montent, on peut être piégé dans ces conditions.
09:09 Après, on peut tout à fait bien vivre dans des espaces
09:12 qui ne sont pas tout près d'une gare, etc.
09:15 Par contre, il faut qu'il y ait des services publics.
09:17 Par exemple, à Mainz, il y a une gare.
09:19 Donc on peut déjà travailler à Mainz, on peut aussi télétravailler,
09:22 on peut se déplacer sans forcément dépendre de sa voiture.
09:25 Donc il faut aussi construire du logement locatif,
09:28 privé et surtout social, pas forcément autant qu'à Grenoble,
09:32 mais que dans toutes les petites villes, il y ait quand même
09:34 quelques pourcentages de logements sociaux,
09:36 parce que dans les petites villes, dans les zones rurales,
09:38 il y a des personnes, notamment des jeunes,
09:40 qui à un moment de leur vie ont besoin d'avoir un support en termes de logement,
09:44 parce qu'il y a très peu de marchés locatifs.
09:46 Et dans les petites villes, en zone rurale,
09:48 on a aussi des accidents de la vie, du chômage, des séparations, etc.
09:52 - Manuel Demers, directeur des études à la Fondation ABPierre,
09:54 vous intervenez, je le rappelle, ce soir à Mainz.
09:57 Si les gens veulent continuer à suivre votre réflexion
09:59 autour du mal-logement et vos conclusions,
10:02 et votre connaissance, vos connaissances du dossier,
10:04 c'est à 20h ce soir à Mainz.
10:06 - Et vous retrouvez ce temps d'échange sur francebleu.fr.

Recommandations