Daniel Delahaye vient de quitter la direction générale de la coopérative Isigny Sainte mère après 49 ans dans l’entreprise. Il revient sur le développement à l’export du producteur de produits laitiers, aujourd’hui présent dans 150 pays
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00:00 - Et le 6/9 continue avec vous sur France 3 Normandie, sur France Bleu Normandie, bienvenue les 8h16.
00:04 Didier Charpin, notre invité ce matin, Daniel Delahaye, désormais ex-directeur général de la coopérative Izini Sainte-Mère.
00:10 - Daniel Delahaye, bonjour.
00:12 - Bonjour M. Charpin.
00:14 - Vous venez de céder votre fauteuil à Gérald Andriot, qui était votre bras droit.
00:19 C'est difficile de quitter une entreprise où on a passé 49 ans.
00:24 - Oui c'est bien sûr un moment difficile mais on l'appréhende déjà, depuis quelques temps, c'est pas soudain.
00:31 - On s'y prépare bien sûr.
00:32 - Voilà donc il faut préparer la séparation de son addiction progressivement.
00:37 - Addiction dites-vous, ça serme fort.
00:39 - Oui c'est ce que j'essayais de faire effectivement, donc le faire en sifflet c'est mieux quoi,
00:44 c'est mieux pour celui qui quitte et c'est bien aussi pour celui qui arrive.
00:47 - Transition préparée, combien de kilomètres en avion ?
00:51 - Oui préparé, parce que préparé ça veut dire...
00:53 - Vous avez fait plusieurs tours de vol cette année, c'est ça ?
00:55 - Voilà, préparé en interne et préparé bien sûr en externe, notamment je pense aux clients.
01:00 Et donc depuis le 1er janvier 2023, avec mon successeur, nous avons fait trois tours du monde,
01:07 c'est-à-dire 120 000 kilomètres avion.
01:09 Alors j'imagine que pour le bilan carbone c'est pas génial,
01:12 mais par contre pour l'exercice de style de passation de pouvoir, c'est pas mal.
01:16 - Parce que vous étiez le visage de la coopérative,
01:20 donc il fallait prendre le soin de présenter à tous les clients dans tous les pays où vous exportez,
01:24 ce nouveau visage ?
01:25 - Oui, donc effectivement c'était le visage de la coopérative,
01:28 et en même temps il y a beaucoup de clients que j'ai fait moi-même, personnellement.
01:32 Donc j'étais parfois, je dirais, commandant et soldat,
01:35 puisque j'allais visiter des clients, certains que j'ai fait moi-même,
01:40 et donc après tant d'années de fidélité, de service, de confiance, proximité, séparation,
01:47 il se passe toujours quelque chose, c'est toujours un moment émouvant pour eux et pour moi,
01:51 et aussi qu'ils vérifient qu'ils sont heureux, que mon successeur aussi,
01:55 que tout va bien se passer, que les relais seront bons.
01:58 - Vous parliez d'addiction, je vais me permettre de donner une anecdote,
02:00 on a voyagé une fois dans le même avion en 2010, direction les Etats-Unis,
02:03 vous êtes un passager un peu remuant, puisque vous allez voir tous les autres passagers,
02:07 vous leur donnez des petits morceaux de camembert.
02:08 - Oui, c'est-à-dire tous les autres passagers qui faisaient partie de notre groupe quand même.
02:12 Mais effectivement, généralement on ne peut pas passer la douane.
02:14 - Vous faites connaître l'entreprise, donc vous êtes VRP en permanence.
02:17 - C'est par toute occasion est bonne, y compris celle-là.
02:21 - Y compris passer les camemberts en douce au contrôle j'imagine.
02:24 - Il faut le faire sous le manteau, c'est plus difficile aujourd'hui,
02:27 ou alors il faut les acheter la douane passée, encore faut-il pouvoir...
02:31 - Faut-il trouver son produit.
02:33 - C'est ça.
02:34 - On va revenir sur votre passé, vous avez lancé l'export,
02:36 réinitié l'export en 1981, difficile à l'époque de faire connaître la petite coopérative normande ?
02:42 - C'était un peu fou comme idée, comme projet,
02:46 parce que l'export c'était quand même tabou encore,
02:50 pour des entreprises comme nous, d'une taille,
02:53 d'autres très grandes entreprises y avaient déjà parfaitement réussi.
02:56 Donc il fallait se jeter à l'eau, je dirais, en particulier dans le Channel,
03:01 parce qu'on commençait par...
03:02 - Ça a été la première destination, traverser la Manche.
03:04 - Voilà c'est le pays qu'en face nous, Grande-Bretagne,
03:07 et puis il s'est quand même passé pas mal de choses dans les millénaires précédents.
03:12 Donc les Anglais...
03:14 - Les produits laitiers, vos produits laitiers, les Anglais à l'époque, ils y sont sensibles ?
03:18 - Oui, au début il faut faire la piqûre, et la piqûre de rappel,
03:22 mais globalement ça s'est bien passé.
03:26 Ils aiment les belles choses et les bonnes choses, dans les vins et aussi dans les fromages.
03:30 - Vous exportez dans 150 pays désormais,
03:33 quels ont été les marchés les plus difficiles à conquérir ?
03:36 - Peut-être, disons, après la Grande-Bretagne, l'Allemagne,
03:40 c'est-à-dire l'Europe, ça s'est fait relativement facilement,
03:44 j'irais l'Europe du Nord surtout, parce que l'Europe du Sud c'est toujours plus difficile.
03:48 Et puis ensuite, sur tout ce qui est l'Asie,
03:52 l'Asie c'est plus les beurres et les crèmes, c'est moins fromage,
03:56 donc ça reste comme un pays plus difficile.
03:59 Les USA, USA, Canada, tout ça, ça passe bien.
04:03 Donc ça se passe relativement bien.
04:06 - Donc grosso modo vous avez pu vendre vos produits un petit peu partout,
04:11 dans ces 150 pays.
04:13 Il y a le lait infantile qui a été un déclic également considérable.
04:17 - Le lait infantile, c'est...
04:19 parce qu'on fabrique du lait infantile depuis très longtemps,
04:22 - Mais pour le vendre dans d'autres pays ?
04:24 - Mais au niveau de l'export, c'était plus dans les années 90,
04:27 parce qu'on a été libéré complètement des engagements que nous avions précédemment,
04:32 et donc on a pu aller travailler sur le monde de façon libre.
04:37 - La Chine a été un gigantesque marché à conquérir ?
04:40 - Oui la Chine c'est plus récent, c'est autour des années 2010,
04:43 donc c'est un pays, disons la vente en Chine est quand même très difficile,
04:47 parce que c'est un pays qui est très réglementé,
04:49 donc le système oblige des agréments particuliers pour les entreprises,
04:55 et des agréments particuliers pour chacune des formules.
04:58 Donc si on a un bon partenaire là-bas sur le terrain,
05:03 il faut que ce soit ainsi pour que ce soit gagnant-gagnant.
05:06 - Je vais donner un chiffre, vous nourrissez tous les jours 2,5 millions de bébés dans le monde ?
05:09 - Oui, ça fait beaucoup, ça fait 3 fois...
05:11 - Ça donne le vertige ?
05:12 - J'avais du monde à la maison, parce que...
05:15 il y a 720 000 naissances en France,
05:18 donc ça fait 3 fois les bébés de la France.
05:20 - Votre philosophie, il faut évoluer sans changer de valeur.
05:24 Quelles ont été les valeurs qui vous ont guidé ?
05:26 - Oui c'est vrai, les valeurs...
05:29 L'entreprise a 91 ans,
05:32 donc je suis le 3ème directeur général,
05:34 enfin j'étais le 3ème directeur général,
05:36 donc d'abord c'est un symbole de fidélité.
05:41 Bon pour construire, moi je crois qu'il faut du temps,
05:44 on ne construit pas quelque chose dans une entreprise très rapidement,
05:48 donc c'était plus facile de faire perdurer ces valeurs,
05:51 puisque je dirais qu'on a poursuivi un peu,
05:54 les uns ont poursuivi le chemin des autres, disons.
05:58 Donc en quelque sorte, nous on est resté sur des valeurs de tradition,
06:01 sur des valeurs de qualité, de respect,
06:04 d'ailleurs de respect à tous les sens du terme,
06:06 autant par rapport à nos producteurs, nos salariés, nos produits,
06:11 donc essayer d'avoir un système qui soit,
06:14 qui soit, comment dirais-je, homogène,
06:17 dans tous les sens du terme.
06:18 - Pas forcément chercher à grandir à l'absolu ?
06:21 - Si quand même, parce que si on ne grandit pas,
06:25 en valeur relative, ce n'est pas trop bon,
06:28 donc il faut quand même...
06:29 - En posant des limites ?
06:30 - Voilà, il faut, et par contre, il faut bien choisir le créneau dans lequel on est,
06:33 c'est ça, c'est surtout ça, c'est rester fidèle aux attentes de vos consommateurs,
06:38 qu'ils vous connaissent, qu'ils vous reconnaissent,
06:40 et donc ne pas changer de voix, ne pas changer de système,
06:43 parce que la marque, le produit, le client, tout ça, ça se confond,
06:47 ça doit rester homogène.
06:50 - On a 9 ans de carrière au sein de la même entreprise,
06:52 on ne peut pas évoquer tous les sujets,
06:53 ce serait évidemment très long,
06:54 mais c'était très bien de vous recevoir ce matin.
06:56 Daniel Delahaye, désormais ex-directeur général de la coopérative Izini Sainte-Mère,
07:00 merci, vous étiez notre invité, France Bleu et France 3, bonne journée.
07:03 - Merci monsieur Charpin.
07:04 - Merci, notre invité à retrouver bien sûr en podcast sur votre application,
07:08 ici France Bleu.