Couches inchangées, manque de personnels, un taux d'occupation explosé… Les crèches privées sont au cœur d'une polémique. Deux livres d'enquêtes, qui paraîtront ce jeudi et vendredi, dénoncent certaines pratiques de ces établissements qui auraient tendance à privilégier le rendement financier au bien-être des jeunes enfants. L'enfant de Mélanie Gomez, cheffe au service société à Europe 1, mais aussi maman, a été victime de ces mauvaises pratiques. Elle raconte au micro d'Europe 1.
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00:00 moment un peu particulier pour vous Mélanie parce que dans un instant vous allez nous raconter une page vraiment douloureuse de votre vie de maman
00:05 ce que vous avez vécu, beaucoup de jeunes parents vont certainement s'y reconnaître. Je vois vous avez déjà les larmes aux yeux
00:11 - J'en ai jamais parlé ouvertement et publiquement donc effectivement c'est pas la meilleure partie de ma vie de maman
00:17 - Eh ben crevons l'abcès parce qu'en cette rentrée
00:19 beaucoup de parents sont encore là à chercher une place en crèche pour leur tout petit
00:22 c'est presque aujourd'hui plus difficile de trouver une place en crèche que de trouver un appartement à louer
00:26 et voilà que deux livres choc sont sur le point de paraître
00:30 dévoilant les dessous des crèches privées. Vous avez eu l'un de ces ouvrages en main d'ailleurs
00:33 ces crèches privées elles sont comparées dans ces deux livres à des usines à bébés où les enfants sont maltraités et c'est arrivé à votre fille
00:42 Mélanie alors racontez nous votre expérience
00:44 - Alors effectivement j'ai eu un bébé en 2017, une petite fille et après donc le congé maternel habituel, le congé
00:51 parental, j'ai pris un petit congé parental parce qu'elle avait eu des petits soucis de santé à la naissance
00:55 donc à partir de l'âge de six mois il a fallu que je reprenne le travail
00:57 et il a été question de trouver un mode de garde on a fait évidemment appel à notre mairie pour voir s'il y avait une place
01:03 en crèche municipale on m'avait dit non avancer un an il n'y a aucune chance en plus
01:05 bon les dates de naissance des enfants jouent beaucoup mais c'est un bébé de septembre donc elle n'avait pas de chance avancer un an
01:10 d'avoir une crèche municipale
01:12 donc on cherchait aussi une assistante maternelle pareil au mois de mars elle a six mois c'est pas évident les assistantes maternelles sont déjà toutes
01:17 prises elles n'ont plus de place
01:18 donc bon voilà on cherche on cherche et puis un jour en voiture en se baladant en bain-lieu parisienne
01:23 on passe devant une de ses crèches privées on voit une grande banderole disant ici place disponible on se dit oh mais qu'est ce que
01:29 c'est honnêtement j'avais jamais à l'époque entendu parler vraiment des crèches privées
01:32 donc je me renseigne on arrive à faire financer un berceau justement pour notre fille par l'entreprise de mon mari
01:36 et donc au mois de mars elle rentre en crèche privée dans un des grands groupes
01:40 qui est concerné par cette affaire. - Et là vous allez déchanter assez rapidement parce que vous voyez très vite il y a des signes
01:45 que ça ne va pas en fait dans cette crèche. - Dès l'adaptation vous savez cette semaine où les parents
01:50 font un petit peu moitié moitié on les laisse une heure on reste avec eux une heure et puis on les laisse tout seul une
01:54 heure dès l'adaptation j'ai su que ça n'allait pas aller
01:56 pour nous nous permettre de faire une adaptation à peu près correcte c'est à dire rencontrer ma fille
02:01 nous et voir quels étaient ses besoins on a casé les autres bébés de la section puisqu'elle était donc dans chez les tout petits
02:06 vous savez c'est en gros dans ces sections là normalement c'est un adulte pour cinq enfants qui ne marche pas
02:11 tout de suite je vois qu'on laisse les autres bébés pleurer dans le dortoir. - Pour se consacrer à vous. - Voilà il me dit non mais c'est pour qu'on ait le temps
02:17 vraiment de faire connaissance je dis mais celle là elle pleure depuis une demi-heure là vous allez la laisser pleurer combien de temps mais vous
02:22 inquiétez pas celle là elle a toujours du mal à s'endormir
02:24 puis ça fait les poumons enfin des trucs évidemment qu'on entend plus normalement en
02:28 2018 à l'époque
02:30 donc l'adaptation déjà je sens que ça va pas le faire mais bon ben je me dis on va voir ça c'est un début peut-être
02:35 qu'après ça ira mieux mais après bon l'adaptation est passée on entame la crèche et là je vois que dès le début dès le début
02:40 les premières semaines tous les matins les têtes changent déjà il y a un turnover de folie on m'a présenté une
02:46 pour moi la référente de ma fille au bout de trois jours c'est déjà plus la même
02:49 tous les matins il manque du monde à l'appel
02:52 entre celles qui ne donnent plus de nouvelles parce qu'elles ont disparu de la circulation
02:55 celles qui sont en arrêt maladie celles qui ont démissionné du jour au lendemain
02:58 honnêtement le turnover est fou et même au niveau de la direction moi je suis resté cinq mois dans cette crèche
03:02 il y a eu deux directrices déjà donc c'était vraiment effarant. - Et puis alors votre fille très vite vous constatez des traces de coups
03:09 de strangulation autour de son petit cou. - Exactement. - Votre fille et vous la récupérez elle est
03:16 affamée
03:17 et il y a un vrai problème vous le constatez très vite au niveau des couches vous la récupérez avec des érythèmes fessiers abominables
03:23 - Elle avait jamais eu de problème jusqu'à ces six mois honnêtement tous les bébés peuvent avoir un érythème par ci par là mais elle
03:27 c'était même pas le cas ça a commencé tout de suite dès les premières semaines des fesses rouges d'abord et puis des fesses qui ne
03:32 guérissent pas et puis on était au delà de l'érythème je l'amène chez le pédiatre régulièrement à ce moment là il me dit il y a
03:36 un problème de change là c'est pas possible elle avait des plaies à vif c'est à dire qu'elle avait les fesses
03:40 les couches remplies de sang le soir
03:42 donc je me dis il y a un problème je commence à en parler à la crèche à la directrice je dis vous êtes sûr qu'elle
03:46 est changée suffisamment oui oui bien sûr bien sûr et comme à cette époque j'avais la même marque de couche que la crèche je
03:51 décide pour essayer de les piéger entre guillemets en tout cas essayer de débusquer quelque chose de changer de marque
03:54 j'achète des couches avec des petits motifs renard vous voyez bon peu importe l'anecdote
03:58 mais ça m'a marqué et je me souviens qu'un matin je la dépose avec cette petite couche et je la récupère à 17h30
04:02 avec la même couche que je lui avais mise le matin même et donc j'en ai fait - 9 heures plus tard
04:07 elle était restée de 8h30 à 17h30 avec cette couche avec en plus un enfant qui avait des problèmes d'érithème et plus que d'érithème
04:13 elle avait les fesses en sang quoi complètement vraiment et on était traumatisés à chaque changement de couche
04:18 - Alors Mélanie vous pourriez multiplier les anecdotes
04:22 il faut comprendre que dans cette séquence là vous prenez conscience des choses
04:26 et c'est dur pour vous parce que vous n'avez pas d'alternative vous n'avez pas de famille à proximité et ça c'est une situation que beaucoup de
04:31 parents rencontrent et du coup vous êtes dans la culpabilité en fait
04:34 - Complètement au départ j'en parle pas vraiment, évidemment on en parle en famille avec mon époux avec mes parents
04:39 j'en parle et tout le monde me dit la seule chose qu'on sait me dire c'est "mais pourquoi tu l'enlèves pas immédiatement ?"
04:42 mais c'est pas aussi simple que ça j'avais un emploi que je devais, cet emploi ici d'ailleurs
04:46 mais j'avais envie de travailler j'avais besoin de travailler
04:49 et puis c'était pas simple il n'y a pas de solution
04:51 je vous avoue que le jour où en juin je reçois un appel de la crèche municipale
04:55 c'est le plus beau jour de ma vie je me rappelle même du jour où je l'ai retiré le dernier jour en juillet de
04:59 cette crèche privée
05:00 je l'ai gardé je l'ai sorti de la poussette je l'ai gardé contre moi pendant tout le trajet jusqu'à la maison
05:04 c'était le plus après sa naissance on va dire c'était le plus beau jour de ma vie je savais que je la sortais de cet enfer
05:09 - Et vous constatez vraiment
05:11 une différence importante
05:13 entre la crèche privée et la crèche municipale ?
05:15 - Rien à voir alors évidemment là aussi il y a du manque de personnel on a senti mais je n'ai jamais vu le moindre signe
05:21 de maltraitance les filles aussi qui s'occupaient de mon enfant en crèche municipale
05:25 faisaient part elles en parlent aux parents de toute façon que ce soit en privé ou en public
05:29 on sait très bien que c'est difficile pour elles qu'elles sont sous payées
05:32 qu'elles sont pour certaines au bord du burn out on peur d'être maltraitante mais
05:36 - Il y a la même crise de recrutement dans les crèches que dans les EHPAD
05:38 - Ça évidemment mais j'ai jamais vu de signe de maltraitance mais c'est mon cas encore une fois je ne sais pas
05:43 il y a peut-être d'autres cas effectivement de maltraitance mais c'est le problème c'est que c'est systémique ces femmes là
05:47 aucune ces professionnelles pour certaines ne sont des femmes maltraitantes qui ont envie de faire du mal à des bébés
05:52 mais on les pousse à bout elles sont sous payées elles sont surchargées de travail
05:56 un matin j'ai déposé ma fille avec une dame une dame pour 15 enfants de trois mois à deux ans
06:01 les grands tapaient sur les petits elle était en pleurs au milieu des enfants eux-mêmes en pleurs
06:05 c'est une image que je garderai toute ma vie j'ai dû rester une demi-heure de plus pour la calmer pour l'aider à
06:09 séparer les enfants qui se bagarraient c'est pour ça que ma fille avait des bleus des traces de morsures c'est que les grands lui faisaient
06:14 mal mais c'est pas la faute des enfants c'est par défaut de surveillance tout simplement
06:17 - Merci beaucoup Mélanie Gomez pour votre témoignage je rappelle vous êtes la chef du service société d'Europe 1 c'est affaire des crèches
06:23 on va beaucoup en parler dans les heures et dans les jours qui viennent
06:26 on perçoit tout de suite la similitude avec le scandale des EHPAD le scandale hors PA on aura évidemment l'occasion d'en reparler dès le
06:33 journal de 7h30 merci beaucoup Mélanie d'être d'avoir eu le courage de nous parler de ces douloureux souvenirs pour vous merci d'être venue