Les sextoys ont-ils une âme, les poupées sexuelles ont-elles un esprit ? Peut-on soigner sa relation au vivant quand on fait ses courses au sexshop ? En somme, l’animisme a-t-il une place dans nos sexualités ?
Retrouvez toutes les chroniques de Maïa Mazaurette dans « Jusqu'ici tout va bien » sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/
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AmusantTranscription
00:00 Or aujourd'hui, il n'y a pas que les animaux et les plantes qui entretiennent des rapports avec les humains,
00:03 il y a aussi les machines et les objets.
00:05 C'est la base de la réflexion de la promotion canapé du soir.
00:08 Dans cette chronique Maya, tu te demandes si l'animisme a une place dans nos sexualités.
00:18 Eh oui ! Les sextoys ont-ils une âme ? Les poupées sexuelles ont-elles un esprit ?
00:22 Peut-on soigner sa relation au vivant quand on fait ses courses au sex shop ?
00:25 Dit comme ça, ça semble compliqué. Et pourtant au Japon, c'est une réalité.
00:28 Il y a une anthropologue qui a travaillé sur la question, Agnès Villard, qui est aussi journaliste à l'Ibé.
00:32 Il y a quelques années, elle a publié un livre génial qui s'appelle "Un désir d'humain" publié aux Belles Lettres.
00:37 Et dedans, elle raconte comment au Japon, les poupées sexuelles prennent vie.
00:40 Et alors concrètement, ces poupées, c'est quoi ?
00:42 Tu veux les tester, Marie ?
00:43 Tu veux les tester, c'est ça ?
00:44 Complètement.
00:45 Alors, pour ton test, ce sont des poupées d'apparence humaine, quasi grande en nature.
00:49 Elles sont en silicone, articulées par un squelette en métal.
00:52 Elles coûtent plusieurs milliers d'euros.
00:53 Et pour les gens qui les achètent, ces poupées font office de compagnes à la maison.
00:56 Ils les maquillent, ils les habillent.
00:58 Et bien sûr, de temps en temps, ils passent la nuit avec.
01:00 Mais au-delà de cet aspect sexuel, les possesseurs de poupées disent développer une vraie relation
01:05 avec leurs compagnes de silicone.
01:07 Ils en tombent amoureux avec une phase passionnelle au début,
01:09 et une certaine lassitude au bout de quelques mois ou quelques années.
01:12 Exactement comme avec une vraie personne, genre nos conjoints et conjointes.
01:16 D'ailleurs, depuis tout à l'heure, je parle de poupées sexuelles.
01:18 Mais au Japon, on parle de Love Doll, une poupée d'amour.
01:21 Alors, vu de chez nous, évidemment, c'est farfelu.
01:23 Ces poupées sont inertes, elles ne bougent pas, elles ne parlent pas.
01:25 C'est comme des plantes d'intérieur.
01:26 Et pourtant, il se passe quelque chose, un lien secret.
01:29 Comment c'est possible, Maya ?
01:31 Alors déjà, outre que les Japonais ont un rapport différent aux objets et aux vivants,
01:34 cette relation est aussi rendue possible par la manière dont les poupées sont conçues.
01:39 J'explique.
01:39 Le visage de ces poupées est légèrement asymétrique pour que, selon la lumière,
01:43 ils reflètent différentes émotions.
01:45 Les yeux des poupées ont un petit strabisme pour toujours regarder à travers nous.
01:48 C'est impossible de capter leur regard.
01:50 Donc on a l'impression qu'elles pensent à autre chose et qu'on ne peut pas vraiment les posséder.
01:53 Et puis bien sûr, l'apparence elle-même peut permettre de projeter tous les fantasmes.
01:57 Les poupées peuvent représenter des hommes, des femmes, des elfes, des aliens.
02:00 Et tout cet imaginaire, il permet de jouer, d'inventer des scénarios, d'inventer des dialogues.
02:04 Et finalement, l'objet n'est plus vraiment un objet.
02:06 C'est une porte ouverte sur un monde différent.
02:08 La poupée a bel et bien une âme.
02:10 Mais ça, c'est au Japon.
02:12 C'est vrai.
02:12 Mais on n'est pas si loin de ça en Occident.
02:14 C'est juste qu'on a besoin d'un petit peu plus d'interaction.
02:16 Il y a quelques années, l'idée de tomber amoureux de machines ou de robots,
02:19 c'était ce qu'on voyait dans les films de science-fiction.
02:21 Mais depuis, c'est devenu quasi banal.
02:22 Des milliers de personnes sont amoureuses de compagnons non-humains
02:25 aussi variés que des hologrammes, des personnages de jeux vidéo ou des applis de conversation.
02:29 Pour l'instant, la censure limite les interactions purement érotiques.
02:33 Mais il n'empêche qu'on voit de plus en plus de personnes intéressées par des relations intimes avec des machines.
02:38 Et pour sûr, s'il y a une demande, il y aura une offre.
02:40 - Alors l'offre, elle est minoritaire ou ça explose ?
02:43 - Faut voir.
02:44 L'an dernier, aux Etats-Unis, presque la moitié des hommes disaient qu'ils pourraient coucher ou tomber amoureux d'un robot.
02:48 - Presque la moitié ?
02:49 - Exactement.
02:50 Et un tiers pour les femmes.
02:51 En France, on tombe à peu près sur les mêmes chiffres.
02:53 Ça paraît énorme, je sais que certaines personnes vont dire que c'est triste.
02:56 Mais moi, j'y vois plutôt une preuve de notre redoutable sens de l'adaptation.
03:01 - Quel optimisme !
03:02 - Face à l'épidémie de solitude qui ronge notre quotidien,
03:05 les partenaires robotiques, algorithmiques ou virtuels repeuplent nos imaginaires
03:09 de la même manière que les sextoys repeuplent nos lits.
03:11 Ces interactions non humaines pourraient même nous permettre de réinventer le lien
03:14 entre humains sur de nouvelles bases, avec peut-être plus d'empathie et de partage.
03:17 Si nous avons besoin de mettre de l'âme partout, et même dans les robots,
03:21 c'est qu'on n'a pas encore perdu la nôtre.
03:23 - Merci Maya.
03:24 On retrouve ta chronique en podcast sur le site de France Inter.