L'hommage émouvant d'Antoine de Caunes à Alain de Greef
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00:00 Bonsoir, c'est un drôle de métier que celui de la télévision.
00:03 Un métier plein de bruit et de fureur, souvent raconté par un idiot, comme disait l'autre,
00:07 et comme je le prouve encore ce soir.
00:09 Et parfois, comme ici et maintenant, un métier de grande solitude,
00:12 quand il s'agit de saluer la mémoire de quelqu'un sans qui cette fameuse télévision
00:16 aurait été beaucoup moins drôle, beaucoup moins folle.
00:19 Alors voilà, Alain de Greff est parti.
00:21 Est-il parti nulle part ? Est-il parti ailleurs ?
00:24 Nul ne peut le dire. Ce qui est certain, c'est qu'il est parti.
00:28 C'était un homme à multiples facettes, un peu comme Thierry Ardisson,
00:31 mais sans qu'il ait eu pour autant besoin de laisser un bras chez le dentiste.
00:34 Non, par facette, je veux dire que c'était un homme qui connaissait la machine de l'intérieur,
00:38 pour avoir été successivement chef-monteur, chef d'atelier,
00:42 croyez-moi, à l'époque des Enfants du Rock, c'était pas des ateliers macramés,
00:45 et enfin chef des programmes sur notre chaîne bien-aimée.
00:48 En fait, on ne dit pas chef des programmes, on dit directeur.
00:51 Mais il y a tellement de directeurs et si peu de chefs aujourd'hui
00:54 que je continuerai à l'appeler chef si ça ne dérange aucun directeur.
00:58 Un chef, c'est dans l'adversité qu'il montre que c'est lui le chef.
01:01 Quand tout le monde recule, le chef, bah lui, il avance.
01:04 Un peu d'histoire, si vous me permettez.
01:06 Certains d'entre vous n'étaient peut-être pas encore de ce monde au moment de la naissance de Canal,
01:10 mais je peux vous dire que c'est pas passé comme une lettre à la poste.
01:12 Ça a été la fête aux forceps.
01:14 Tout le monde voulait la peau du petit Canal.
01:16 Les politiques, les médias, tous se battaient pour savoir qui lui enverrait le plus gros scud,
01:21 en espérant que ce serait le bon.
01:23 Ça dérangeait plein de gens, cette liberté de ton, de commentaires,
01:26 la seule idée de pouvoir rire de tout.
01:28 Ça aurait pu la faire exploser en vol, la petite chaîne.
01:30 Eh bien, ça a eu l'effet inverse.
01:32 Ça a resserré les rangs.
01:34 Alain de Greff, notre chef des programmes donc, il nous rassurait,
01:37 il nous encourageait à aller plus loin,
01:39 à ne pas écouter tous ceux qui voulaient nous faire rentrer dans le rang.
01:41 Alain, et je ne fais pas ici un insulte à sa mémoire,
01:44 c'était un homme 100% Canal compatible.
01:47 Il pouvait être très clair ou très crypté.
01:49 Suffisamment clair pour qu'on sache mettre en musique ses fulgurances,
01:53 suffisamment crypté pour qu'on comprenne que presque toujours,
01:55 il avait deux ou trois longueurs d'avance.
01:57 Quand on regarde son carnet de balles,
01:59 on se dit qu'on a tous eu de la chance qu'il ait pensé à nous pour un petit tour de piste.
02:02 Les nuls, nulle part ailleurs, Groland, Karl Zero, José Garcia, Albert Algoud, Jamel, les Deschiens,
02:08 M. Manhattan et bien sûr, les guignols de Nafo.
02:12 Et la liste est loindre et exhaustive,
02:14 et c'est un peu en leur nom à tous que je lui rends publiquement hommage ce soir,
02:18 dans le silence du studio du Grand Journal.
02:20 Et que je salue d'un seul et même geste,
02:22 le mentor, le pote, le compagnon, et donc oui, le chef.