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00:00 Thomas Borel, coordinateur de l'ouvrage collectif "Une histoire de la France-Afrique"
00:04 qui vient de paraître aux éditions Point Histoire.
00:07 Et vous êtes également porte-parole de l'association Survie qui décrypte et dénonce la France-Afrique.
00:12 Avant d'entamer cette interview, je vous propose d'écouter un extrait du président Leomba,
00:18 le premier président du Gabon, placé par la France à l'indépendance.
00:21 Les élections se sont très bien passées.
00:25 Quand on sait que l'État par là-bas, il n'a obtenu plus de 90% de voix, alors voilà.
00:34 Voilà le président Leomba qui donne des résultats, qui se satisfait d'être largement réélu.
00:43 On voit d'ailleurs sur cette image à ses côtés à l'époque le vice-président Omar Bongo.
00:48 Finalement Thomas Borel, la rhétorique n'a pas changé des décennies après l'indépendance.
00:54 Et peut-être aussi pour ça sera le bol.
00:57 C'est sûr que la dynastie Bongo, puisqu'en fait, c'est aux côtés du président Leomba,
01:03 il y avait donc Albert Bongo qui allait devenir Omar Bongo, qui a pris le pouvoir à sa suite en 1967.
01:09 Et depuis, les Gabonais ne connaissent que le pouvoir, le régime Bongo.
01:13 C'est un pouvoir clanique, népotique, corrompu, mais en fait qui est imbriqué à l'histoire franco-africaine
01:22 et à la France-Afrique, puisque quand on parle de France-Afrique, c'est un système de domination
01:27 au sein duquel la France joue un rôle majeur, mais qui prend appui et qui se construit avec des élites africaines.
01:35 Et Bongo est devenu une de ces élites, Omar Bongo.
01:39 Et donc Ali Bongo a cherché à prolonger, à capitaliser sur l'histoire de son père.
01:46 Et ce qui est intéressant, c'est qu'en 1964, il y a un putsch pour renverser Leomba
01:53 et l'armée française intervient pour réinstaller Leomba au pouvoir.
01:58 L'armée française présente sur place au Gabon, dans une base permanente, qui existe d'ailleurs toujours.
02:05 Et à l'époque, Jacques Fokard, qui était le monsieur afrique du général de Gaulle,
02:11 assume ce qui va devenir sa doctrine, qui est de dire que quand il y a un coup d'État, il faut absolument qu'on intervienne,
02:18 sinon nos amis africains ne sauront pas s'ils peuvent vraiment compter sur la France.
02:23 Et c'est dans d'autres mots ce qu'a dit Emmanuel Macron il y a quelques jours à la conférence des ambassadeurs,
02:28 en disant que quand on a un partenaire, il faut qu'il puisse compter sur nous, sinon ce partenariat ne veut rien dire.
02:35 Donc il y a quand même des parallèles à tirer, même si évidemment la situation n'est pas identique à celle des années 60.
02:42 Alors Thomas Borel, je souhaitais rappeler le sous-titre de l'ouvrage dont vous êtes coordinateur, "Histoire de la France-Afrique".
02:50 Le sous-titre est "Un empire qui ne veut pas mourir".
02:53 Ne sommes-nous pas finalement en train d'assister à l'agonie de cet empire avec ce putsch
02:58 qui semble avoir écarté l'une des dynasties symboles de la France-Afrique ?
03:02 Ça fait environ 15 ans qu'on annonce la fin de la France-Afrique.
03:07 Elle était moribonde en 2008, donc ensuite le temps de la France-Afrique était révolu, dit François Hollande en 2012.
03:14 C'est ce qu'a redit Emmanuel Macron depuis le Gabon début mars, où il était au sommet One Forest Summit dont vous avez parlé tout à l'heure.
03:23 Et donc on a toujours cette idée assez née, à force de répétition, que ça serait terminé.
03:28 Effectivement, là ce qu'on peut voir c'est que cet empire s'effrite,
03:33 parce qu'il y a une contestation simultanée assez importante et relativement inédite,
03:38 du moins depuis, c'est la première fois depuis les années 50 finalement,
03:43 si on met de côté le mouvement des conférences nationales souveraines au début des années 90.
03:49 Ce sont un peu les différentes périodes où il y a eu de la contestation simultanée.
03:53 Par contre, l'empire lui-même ne veut toujours pas mourir, c'est-à-dire que
03:56 à Paris, on a l'affirmation que la France est dans le vrai, a raison, que c'est la bonne politique qui est menée.
04:04 C'est ce qu'a redit Emmanuel Macron il y a quelques jours.
04:07 Et puis vous avez une armée française qui est maintenue sur place dans ce pays et dans différents pays africains.
04:14 Vous avez le franc CFA qui est toujours en place et donc vous avez les différents attributs de la puissance française qui demeurent.
04:21 Alors justement...
04:22 Donc cet empire ne veut pas mourir, même si on voit bien que par la base il est effrité.
04:26 Très rapidement, la France a condamné le coup d'État, ce qui semble dans l'ordre des choses.
04:31 Mais son passé dans certains pays, et c'est le cas du Gabon, rend ses déclarations et ses prises de position compliquées.
04:37 Comment réussir ce jeu d'équilibriste et s'écarter, ou même plutôt rompre, avec ces pratiques de la France-Afrique ?
04:45 Justement, il y aurait une position qui serait à peu près l'inverse de ce qui a été fait à la fois au Niger,
04:50 concernant le Niger et concernant le Gabon, en dépit des différences qui ont été rappelées tout à l'heure.
04:56 Mais c'est-à-dire que la France devrait adopter une position d'humilité totale, de retrait, de mise en retrait et de stricte neutralité.
05:05 Dans les premières heures, au niveau de l'association Survie, on s'est même demandé si le contingent français présent sur place ne risquait pas d'intervenir.
05:12 Ça peut paraître fou, mais c'est à peu près ce qui s'est passé au Niger il y a un mois.
05:17 On l'a appris dans des révélations de journal Le Monde, c'est que dans les premières heures du putsch, l'armée française présente au Niger
05:23 s'était préparée à intervenir pour mettre fin au putsch, exactement comme en 1964 au Gabon.
05:28 Et c'est le président du Niger qui n'a pas donné le feu vert à l'opération.
05:33 Donc la France devrait, au contraire, annoncer un calendrier de retrait de son armée, la sortie de la France du franc CFA.
05:41 Et finalement, pour revenir à la question d'avant, c'est parce que l'empire ne veut pas mourir qu'il y a autant de turbulence.
05:49 Merci, merci beaucoup. Malheureusement, Thomas Borel, nous n'avons pas...