Chroniqueuse : Maud Descamps
Sophie Lavaud ne cesse de dépasser ses limites et de pulvériser des records. Parmi l’une des alpinistes les plus brillantes de sa génération, cette grande athlète a atteint il y a seulement deux mois, le sommet du Nanga Parbat au Pakistan. À plus de 8126 mètres d’altitude, notre invitée a bouclé le grand chelem en gravissant les 14 sommets de plus de 8000 mètres qui existent sur notre planète. C’est la première personne de nationalité française à avoir accompli un tel exploit. Sur le plateau de Télématin, elle revient sur cet incroyable parcours et se confie sur cette ascension fulgurante.
Sophie Lavaud ne cesse de dépasser ses limites et de pulvériser des records. Parmi l’une des alpinistes les plus brillantes de sa génération, cette grande athlète a atteint il y a seulement deux mois, le sommet du Nanga Parbat au Pakistan. À plus de 8126 mètres d’altitude, notre invitée a bouclé le grand chelem en gravissant les 14 sommets de plus de 8000 mètres qui existent sur notre planète. C’est la première personne de nationalité française à avoir accompli un tel exploit. Sur le plateau de Télématin, elle revient sur cet incroyable parcours et se confie sur cette ascension fulgurante.
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00:00 Notre invitée n'en finit plus de repousser ses limites, de pulvériser des records.
00:04 Vous recevez, Maude, aujourd'hui l'une des alpinistes les plus brillantes de sa génération.
00:07 Elle s'appelle Sophie Laveau et on n'est pas peu fière parce qu'elle est suisse canadienne,
00:11 mais aussi française.
00:11 Mais aussi française et vous faites bien de le souligner.
00:13 Bonjour Sophie Laveau, bienvenue sur le plateau de Télématin.
00:17 Le 26 juin dernier, vous avez atteint le sommet du Nanga Parbat.
00:20 C'est au Pakistan, 8126 mètres d'altitude.
00:24 Et vous avez bouclé ce jour-là également le Grand Chlem,
00:27 c'est-à-dire que vous avez gravi les 14 sommets de plus de 8000 mètres
00:31 qui existent sur notre planète déjà.
00:33 Bravo !
00:33 Et alors vous êtes la première française et vous êtes la première personne de nationalité française,
00:38 parce qu'aucun homme ne l'a fait avant vous, à accomplir cet exploit.
00:42 Qu'est-ce qu'on ressent une fois qu'on arrive là-haut ?
00:45 C'est évidemment beaucoup d'émotion.
00:50 Sauf qu'au sommet du Nanga Parbat, on a eu une météo qui était très très compliquée.
00:56 Il y a eu très très froid, beaucoup de vent, on était dans une intempérie.
01:02 Ce qui a fait que j'étais finalement plus préoccupée par la descente,
01:06 plutôt que de savourer le sommet.
01:09 Parce que quand on est en haute, c'est une grande montagne,
01:13 et on a fait que la moitié du chemin finalement.
01:14 Oui, l'important c'est quand même de redescendre.
01:16 Et il faut redescendre, oui.
01:17 Et on reste combien de temps quand on est au sommet,
01:19 comme ça pour profiter quand même un petit peu ?
01:21 Oh, on est restés vraiment peut-être à peine quelques minutes.
01:26 En plus, il n'y avait pas de vue, mais du coup on fait quelques photos,
01:30 on envoie le point GPS pour la preuve du sommet.
01:32 Pour la validation.
01:33 Voilà, et puis on s'inquiète de la descente.
01:37 Il vous a fallu combien d'années pour boucler ces 14 sommets ?
01:41 Alors, c'est une longue aventure.
01:42 C'est 11 ans avec un premier sommet en 2012.
01:47 Et puis, j'ai dû faire 22 expéditions.
01:52 C'est-à-dire qu'il a fallu s'y reprendre à plusieurs fois pour certains sommets ?
01:55 C'est ça.
01:56 C'est une vraie école du renoncement.
01:59 Parce qu'on n'est vraiment rien face à ces grandes montagnes.
02:03 Et c'est ça, donc 22 expéditions, 11 ans pour les 14 fameux grands sommets validés.
02:10 Est-ce qu'il y a une expédition qui a été particulièrement compliquée ou difficile,
02:15 dont vous vous souvenez, qui vous a marquée ?
02:17 Alors, il n'y a rien de facile là-haut.
02:19 Oui, on imagine.
02:20 Il n'y a rien de facile.
02:21 Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on a déjà les camps de base
02:23 qui sont à peu près à 5 000 m d'altitude.
02:26 Donc, on est déjà au-dessus du Mont-Blanc.
02:28 Donc, pour gravir un Mont-Blanc, il faut deux jours.
02:30 Et pour gravir un 8 000, il faut deux mois en moyenne.
02:33 Donc, c'est vraiment un environnement difficile, hostile.
02:38 Et alors, oui, il y a des difficultés extrêmes quand on aborde un sommet comme le K2, par exemple,
02:45 qui est le deuxième sommet le plus haut de la Terre.
02:47 Qui est réputé pour être particulièrement difficile.
02:49 Qui est très, très dur, engagé.
02:53 Un sommet que tout le monde connaît, c'est la Napurna.
02:55 Oui.
02:57 La Napurna, c'est un méchant.
02:59 Oui.
03:00 C'est dur.
03:01 C'est dangereux.
03:01 Et alors, quand vous partez comme ça, est-ce que vous avez un peu la peur au ventre ?
03:04 Est-ce qu'il y a une appréhension quand même ?
03:06 Alors, on n'a pas vraiment le temps d'avoir peur.
03:08 Il faut… D'abord, j'ai vraiment confiance dans toute l'équipe qui m'entoure.
03:12 Oui, parce que vous n'êtes pas seule.
03:13 C'est ça qu'il faut souligner.
03:14 C'est ça.
03:15 Donc, on est vraiment… Moi, je travaille en équipe.
03:17 Donc, notamment avec Dawa Sanghe Sherpa, qui m'accompagne sur toutes ses expéditions.
03:23 Qui est népalais.
03:24 On a fait 12 expéditions ensemble, dont 7 sommets réussis.
03:28 C'est la moitié du chemin.
03:29 Il y a un météorologue qui est vraiment clé dans l'histoire, qui est basé à Chamonix.
03:35 Donc, tout ça fait que le fait d'être entourée de personnes compétentes,
03:40 c'est ce qui sécurise un petit peu.
03:43 Après, on est quand même dans ce qu'on appelle la zone de la mort.
03:48 Oui, c'est ça.
03:49 Au-dessus de 8 000 mètres.
03:50 Oui.
03:51 Donc, il faut être…
03:52 On connaît la part de risque.
03:53 C'est ça.
03:54 Je voudrais qu'on regarde un petit message vidéo qu'on a pour vous
03:56 de la part de votre frère Pierre,
03:59 qui justement évoquait vos qualités au micro d'Olivier Chalher.
04:03 C'est quelqu'un d'assez fort et de très positif.
04:09 Je pense que s'il y a une caractéristique, il y a 5 Guylaris.
04:14 C'est sa capacité à maîtriser le doute et justement à ne pas douter,
04:19 même si fondamentalement, ce n'est pas une tête brûlée.
04:22 Donc, ce n'est pas quelqu'un d'impulsif, pas du tout.
04:28 Mais par contre, c'est quelqu'un qui a une force mentale,
04:33 une capacité à ne pas douter qui est hors du commun.
04:36 Il a raison, vous n'êtes pas une tête brûlée,
04:38 mais votre truc, c'est le mental.
04:40 C'est vraiment ça qui compte ?
04:42 Alors, je pense.
04:42 En revanche, je doute beaucoup.
04:45 Mais dans le fait de ne peut-être pas y arriver,
04:49 c'est toujours un petit peu…
04:54 Il y a tellement d'aléas.
04:55 Il peut y avoir des aléas de météo, de physique avec l'hypoxie.
05:01 Donc, l'hypoxie, c'est le manque d'oxygène
05:03 quand on est en très haute altitude
05:05 qui altère vraiment la capacité de réflexion,
05:08 des avalanches, il y a plein de choses.
05:10 Donc, je doute toujours sur le fait qu'on ne va peut-être pas y arriver.
05:14 Et ça, ça m'a fait faire demi-tour plusieurs fois.
05:18 Mais je pense que je suis très contente de l'avoir fait
05:20 pour être là et vous parler ce matin.
05:22 C'est quoi votre quotidien, Sophie Laveau ?
05:24 Comment on se prépare au quotidien pour mener ces expéditions ?
05:28 C'est vraiment du plein temps.
05:30 C'est entre la préparation des expéditions en tant que telle,
05:34 la recherche de fonds, les sponsors, les partenaires,
05:40 l'entraînement.
05:42 C'est vraiment un plein temps,
05:45 sachant que j'ai vraiment fait les trois saisons d'expédition,
05:49 le printemps, l'été et l'automne.
05:52 Il n'y a qu'en hiver où je ne fais pas d'hivernal.
05:56 En revanche, je suis dans les Alpes pour continuer d'entraîner.
06:01 C'est du full time.
06:02 Vous avez un profil assez atypique parce que vous vous êtes mise à l'alpinisme
06:05 assez tard finalement et vous aviez commencé surtout sur une voie
06:09 complètement différente.
06:10 Vous avez fait une école de commerce, vous avez travaillé dans l'hôtellerie,
06:12 dans la restauration, dans le luxe.
06:14 Qu'est-ce qui a fait qu'un jour vous vous êtes dit
06:15 "cette vie-là, ce n'est pas pour moi,
06:17 moi ce que je veux faire, c'est gravir des montagnes".
06:19 C'est venu progressivement.
06:21 C'est vraiment un long chemin.
06:22 Même quand je travaillais en entreprise,
06:25 j'avais déjà commencé à faire de l'alpinisme dans les Alpes.
06:30 Petit à petit, j'ai très vite été attirée par
06:34 toujours aller un petit peu plus haut.
06:36 C'était un super prétexte pour voyager finalement.
06:40 Donc faire des sommets de 5000 mètres, 6000 mètres, 7000 mètres.
06:43 Puis là, on arrive à la barre des 8000.
06:46 Et à cette époque, je dirigeais avec mon frère,
06:49 une société d'événementiel dans le domaine de la finance.
06:54 - Non mais il n'y a rien à voir.
06:56 - Non.
06:58 Et j'ai envie de dire merci à la crise économique de 2008
07:01 parce que notre business model s'est complètement écroulé
07:03 et on a dû fermer l'entreprise.
07:05 Et c'est ça qui m'a donné du temps pour pouvoir démarrer
07:07 et commencer ma première expédition à plus de 8000 mètres.
07:11 - On voit que certains sont dans un peu une course au sommet.
07:14 Certains essaient de boucler par exemple ces 14 sommets
07:17 en quelques mois seulement.
07:18 Est-ce que c'est une bonne idée ou est-ce qu'il y a une dérive selon vous ?
07:22 - Non, non.
07:23 L'avantage en fait de la montagne et même de l'himalayisme en général
07:28 et de la pratique, c'est que chacun est libre de faire comme il veut.
07:31 Et c'est ça qui est...
07:34 Alors si on veut aller sur un record, on peut.
07:37 Moi j'ai pris mon temps on va dire.
07:41 - Mais il y a des images qui ont fait polémique,
07:42 je pense notamment aux longues files sur l'Everest.
07:45 Je crois que c'était l'an dernier où vous voyez les alpinistes
07:48 qui faisaient, qui étaient vraiment à la queue leu leu
07:50 pour essayer d'aller jusqu'au sommet.
07:52 Et certains dénonçaient une forme de surtourisme de cet alpinisme.
07:56 - Alors cette fameuse photo qu'on voit partout et qui a fait le tour de la Terre,
08:00 c'est en fait, elle date de 2019.
08:02 Et la particularité de cette journée-là,
08:07 c'est que pour atteindre le sommet de l'Everest,
08:10 il y a eu ce qu'on appelle une fenêtre météo,
08:12 c'est-à-dire le temps nécessaire pour faire,
08:15 qui était de deux jours uniquement.
08:17 Et donc ce qui fait que tous les gens qui étaient au camp de base
08:19 ont tenté de monter en même temps.
08:22 Si je prends l'année dernière où moi j'étais au Lotse,
08:24 donc qui est vraiment presque l'antécime de l'Everest,
08:28 on a eu une fenêtre météo de plus de dix jours.
08:31 Donc tout ça s'étale et donc ça n'arrive pas systématiquement.
08:36 Il faut quand même relativiser ce genre d'images figées
08:40 qui sont un petit peu impressionnantes.
08:42 - On parle beaucoup des fortes chaleurs, des fortes températures ces derniers jours.
08:46 Ce réchauffement climatique dont on parle beaucoup,
08:48 est-ce que vous, vous le constatez dans vos expéditions
08:50 et est-ce que ça les change ces expéditions ?
08:52 - Alors pas foncièrement.
08:54 En fait, moi ça fait quand même,
08:56 ça fait on va dire en dix ans que je vais en Himalaya.
09:01 Si on prend l'exemple du Pakistan d'où je reviens,
09:04 c'est des glaciers, c'est immense par rapport aux Alpes.
09:08 Si on prend le glacier du Baltoro, c'est un glacier qui fait 65 kilomètres.
09:12 Donc en dix ans, si je suis très honnête, je ne vois pas la différence.
09:17 Alors les experts disent que oui, ça fond, comme dans les Alpes.
09:20 Oui, je vois beaucoup cette différence.
09:24 Mais donc il faut effectivement rester vigilant
09:26 parce que je pense que ça touche toute la planète.
09:29 - Merci beaucoup Sophie Laveau d'être venue nous voir sur le plateau du Télémathent.
09:32 - Merci à vous.
09:33 - Un grand bravo effectivement Sophie Laveau.