Entretien avec Danielle Mitterrand le 22 juillet 2011 pour le festival EL MEDIOD

  • l’année dernière

Category

🗞
News
Transcription
00:00 [SILENCE]
00:09 Je veux dire mon regret de ne pas être parmi vous aujourd'hui.
00:14 Les impératifs de santé m'obligent à rester à la maison,
00:18 mais je suis de tout cœur avec vous.
00:21 Et puis je voulais remercier aussi tous ceux qui ont organisé cette manifestation,
00:26 les bénévoles de Medjugorje et ADLF,
00:30 mais aussi Roland, Régine, Jo, Isabelle,
00:34 que j'aurais bien aimé pouvoir embrasser en étant sur place.
00:39 Bon, c'est un regret, mais sachez que ma pensée est avec vous.
00:43 Voilà l'arrivée à Corvallis,
00:48 parce qu'il y a beaucoup de gens qui vont se demander des choses sur vous.
00:56 Alors il y avait quelqu'un qui s'appelle Jo Clément, mon tonton,
01:02 qui a préparé toute une interview sur vous.
01:06 Et il a des questions, mais je vais demander à Sylvie de les faire,
01:11 parce qu'elle comprend la question et la réponse.
01:15 Donc, Daniel, on voulait que tu nous parles un peu de la racine de ton engagement,
01:23 d'où elle vient.
01:25 Par exemple, Jo a noté que ton papa était principal d'un collège
01:30 et qu'il a refusé de donner à l'administration de Vichy
01:35 les noms des profs juifs, des collègues juifs et des enfants juifs,
01:40 et que du coup il a été révoqué, renvoyé, et que vous avez...
01:44 Eh bien on était très fiers. Moi j'étais très fière de mon père.
01:48 Et même quand quelquefois il avait des coups de cafard en se disant
01:52 "Mais je n'ai pas failli à ma tâche",
01:56 on lui disait "Mais oui, mais dans ce système-là, c'est courageux,
02:02 et puis c'est juste que tu aies fait cela,
02:06 et même si aujourd'hui tu en paies les conséquences,
02:10 eh bien sache que nous on est fiers de toi."
02:12 Et maman et moi on lui remontait le moral,
02:16 parce que mon père était très accro à son métier,
02:20 il était très rigoureux dans son métier.
02:24 J'ai souvent rencontré ensuite de ses élèves qui disaient
02:29 "Oh, il était sévère, monsieur Gouze, mais il était juste."
02:33 Et ça c'était le plus beau compliment qu'on pouvait me faire de mes parents.
02:37 - Et de là aussi est venu ton engagement politique ?
02:42 - Il vient de très loin en définitive,
02:45 parce que je me rends compte que tout petit j'ai vécu une grosse injustice
02:51 qui a marqué toute ma vie, d'ailleurs j'en parle tout le temps.
02:55 Et de cette injustice, il y a en moi un sentiment de révolte
03:04 contre ce qui bafoue les gens, ce qui m'humilie,
03:11 ce qui corrompt, ce qui frappe quiconque,
03:16 et cette espèce de goût de dénoncer les injustices,
03:21 de dénoncer les violations, de montrer du doigt les dictateurs.
03:27 Je crois que ça m'est venu de ce premier contact avec les mauvaises choses de la vie
03:34 qui étaient dans mon école lorsque j'ai été victime d'une grosse injustice.
03:40 A 15-16 ans, tu découvres la nature parce que vous avez été forcé
03:44 de quitter la ville et donc de partir à la campagne.
03:48 Quand mon père a été limogé, nous avions cette petite maison à Cluny
03:53 qui était complètement à la limite de la ville, presque dans la campagne.
03:59 J'ai pris vraiment conscience des rapports avec la nature à ce moment-là.
04:07 Pour moi, le matin, je me levais, je regardais l'horizon
04:12 et je me disais je vais aller dans cette direction.
04:14 Alors, malgré tout, il fallait que je fasse des examens.
04:19 J'emportais mes livres sous le bras et je partais droit dans la nature.
04:23 Je m'installais dans un frais ou sur une collie.
04:26 Je lisais et j'apprenais mes cours d'histoire, mes cours de géographie dans la nature.
04:34 J'avais une véritable communion avec la nature.
04:37 La Fondation France Liberté, comment et quand elle est née ?
04:41 Eh bien, tout au début du premier mandat de François, du premier septembre à François,
04:50 il avait mis le désir de voir se lever un contre-pouvoir, mais un contre-pouvoir constructif.
04:58 C'est-à-dire pas l'opposition, l'opposition elle ne pense qu'à détruire,
05:02 mais des gens qui vivent la vie de gauche, qui la critiquent, qui l'améliorent.
05:10 Et c'est le contre-pouvoir, c'est-à-dire la voie de l'opinion publique,
05:16 la voie des administrés qui reçoivent les instructions et qui doivent les appliquer.
05:23 Et moi je me suis sentie tout à fait à l'aise dans cette situation-là,
05:27 parce que déjà je militais dans des organisations non gouvernementales.
05:30 Donc j'ai créé une association pour pouvoir défendre les droits de l'homme et le droit des peuples.
05:38 Ça a duré comme ça trois ans.
05:42 Après j'ai recréé une autre association qui elle, défendait les petits entrepreneurs
05:47 qui n'avaient pas de caution, qui n'avaient pas de garantie,
05:50 et qui ne pouvaient pas monter leur entreprise pour qu'ils puissent monter leur entreprise.
05:54 Et puis un beau jour je me suis aperçue que c'était le même processus
06:01 qu'on défend des droits de l'homme, qu'on défend des droits des entrepreneurs,
06:05 à librement pouvoir entreprendre.
06:09 C'était le même processus, si bien que j'ai rassemblé tout l'actif de ces deux associations
06:16 dans une autre formule qui est la fondation,
06:20 qui est devenue la fondation France Liberté, c'était en 1986.
06:24 Daniel, parle-nous de ton engagement politique en marge de la politique.
06:29 Parce que tu as dit, je veux être le porte-parole de ceux qui n'ont pas de voix.
06:35 C'est un peu la continuité de ce que je viens de te dire.
06:38 Mais tu sais la politique, il n'y a qu'une politique.
06:41 Qu'est-ce que ça veut dire politique ?
06:43 Ça veut dire organisation de la société.
06:45 Alors on l'organise selon ses propres opinions, ses propres sentiments.
06:49 Pour le moment on est dans un système qui organise la société en vue de gagner de l'argent.
06:56 On est dans un système capitaliste.
06:59 Nous, on est plutôt, comment dirais-je, les militants pour une société qui favorise la vie,
07:10 qui favorise l'humanisme.
07:12 Mais je préfère dire la vie parce que la vie ce n'est pas seulement l'homme,
07:16 c'est aussi la nature, c'est aussi la faune, la flore, et on est tous dépendants l'un de l'autre.
07:21 Donc notre objectif c'est de faire comprendre que la terre, la terre est généreuse,
07:31 qu'elle nous donne la vie, qu'elle nous fait don de, par exemple, l'eau,
07:36 puisque la Fondation travaille beaucoup sur le statut naturel de l'eau,
07:41 et que ces éléments constitutifs de la vie doivent être des biens communs à partager
07:53 et pas à exploiter pour une couche de la société privée.
08:01 Et tout notre travail c'est de faire entendre dans les esprits qu'il faut changer sa façon de penser la politique.
08:10 Il n'y a qu'une seule politique, c'est celle qui organise la vie en commun sur cette terre.
08:16 Et actuellement, ce n'est pas du tout le cas.
08:21 Il y a toute une partie de la vie qui est exploitée, exterminée, bafouée,
08:32 alors qu'elle a les mêmes droits, les mêmes droits sont pour tous.
08:38 Le truc que je voulais rajouter, c'est que tu dis,
08:45 parce que c'est très, comment je te dirais, il y a une démarche dans tes choses depuis que je te connais,
08:52 qui n'a jamais changé.
08:56 Et là, l'effort, quand on s'est rencontré, c'était dans une école agricole,
09:04 où nous on travaillait pour des enfants, avec des profs qui faisaient des pièces de théâtre,
09:10 des profs, un festival qu'on appelait théâtre de gagne et de métier.
09:16 Toi tu n'as jamais changé, moi non plus.
09:21 Et c'est pour ça que les jours qui viennent à la première de mon spectacle,
09:27 je t'ai offert comme cadeau le compte de Portordo.
09:33 Tu te souviens ? Et toi tu as pris l'anteman et tu m'as dit, il faut faire une pièce de théâtre.
09:39 Et on a écrit la pièce de théâtre, et c'est un spectacle qu'on va jouer dimanche,
09:44 avec les enfants du théâtre de Corvallis,
09:48 qui raconte une histoire qui te préoccupe, qui me préoccupe,
09:54 qui est une préoccupation mondiale, qui est le problème de l'eau,
09:58 qui comme toi tu disais, c'est pas un produit, c'est un besoin,
10:04 c'est un don du ciel qu'il faut bien garder.
10:09 Alors je suis très content d'avoir passé, de faire ce détour,
10:13 et venir te voir, parce que je savais que, et je sais que maintenant en Corvallis,
10:19 les gens t'attendent beaucoup, mais là tu seras besoin de trois jours avec nous.
10:24 Merci à la magie de l'imagination, comme disait mon grand-père,
10:31 "saule le chien de l'âme".
10:34 Alors c'est suffisant que les gens de Corvallis, ils ont l'imagination de mettre le chien dans l'âme,
10:41 et on va voir que Daniel est à côté de nous, aujourd'hui il est trois jours de fête.
10:46 Il y a des choses que j'ai, pendant le dîner ensemble, j'ai pas bien compris.
10:52 Je sais que je ne mets pas de l'eau dans mon vin, parce que ça perturbe,
11:01 ça falsifie la pureté du vin, mais je mets du vin dans mon eau,
11:08 parce que ça améliore l'eau.
11:14 Alors, je voudrais que tu me parles un petit peu du langage qui a changé,
11:21 parce que, comme toi tu dis, l'eau, maintenant les gens qui prennent de l'eau, c'est des consommateurs.
11:27 Oui, c'est-à-dire qu'à force de faire des conférences et d'entendre des gens défendre le système actuel,
11:36 je me rends compte qu'ils utilisent presque les mêmes discours que nous.
11:42 Ils sont évidemment pour l'eau pour tous, ils sont évidemment pour que l'eau reste pure.
11:49 Mais qu'est-ce que ça veut dire dans leur vocabulaire ?
11:55 Quand on dit l'eau pour tous, nous c'est vraiment pour tous,
11:59 même le petit chat, le chien, la nature, bon c'est vraiment pour tous.
12:05 Eux, c'est pour tous ceux qui peuvent payer, déjà.
12:09 Je ne veux pas dire la même chose. Tous n'ont pas le même sens pour eux que pour nous.
12:15 Ensuite, quand on leur parle de l'humanité, on leur dit que l'humanité c'est une somme d'individus,
12:21 de chair, de pensée, de sentiments, etc.
12:26 Bon, et ils ont besoin d'eau pour pouvoir vivre, c'est l'essentiel, c'est un élément constitutif de la vie.
12:34 Alors, ils nous disent "ah ben oui, ce sont des consommateurs", ah ben non, ce sont des usagers.
12:41 Et tu vois, en changeant l'étymologie du mot, en changeant le sens du mot,
12:48 on finit par faire le même discours pour aboutir à des objectifs totalement différents.
12:55 C'est ce que j'essaye de faire entendre le plus possible.
13:00 Quand vous utilisez un mot, sachez vraiment ce qu'il veut dire et ne le falsifiez pas.
13:08 Mais c'est très difficile d'entrer dans les éprouves.
13:12 Vous savez, pendant des décennies et des décennies, on a formaté nos enfants à avoir pour objectif d'être riches,
13:23 d'être puissants, d'être heureux, alors que ce n'est pas ça le bonheur.
13:27 Et qu'on a découvert que le bonheur, ce n'était pas la richesse financière,
13:32 c'était la richesse humaine, c'était la richesse que nous donnait la nature, c'était tellement autre chose.
13:39 Et moi je l'ai découvert en 1992 d'une façon brutale presque, avec les Amérindiens,
13:48 quand j'ai rencontré tous ces Amérindiens à Quetzalelongo ou Guatemala,
13:54 et que je me suis rendu compte en entendant leur discours, en entendant leur description de la démocratie,
14:04 que nous étions totalement à côté de la réalité et qu'il fallait vraiment repenser autrement les rapports humains avec la nature.
14:15 Alors Julia, ne pas mettre du vin dans mon verre d'eau, Julia prend ses paillements.
14:25 Je mets du vin dans mon eau pour améliorer l'eau, mais je ne mets pas d'eau dans mon vin pour ne pas vimer le vin.
14:37 Je ne mets pas d'eau dans mon vin pour ne pas vimer le vin.
14:42 [SILENCE]

Recommandations