Le projet de barrage de Sainte-Croix a angoissé le village des Salles pendant plus de 70 ans. Au début des années 1970, la tension était montée crescendo à mesure que l’édifice se concrétisait en aval. Lors de l'hiver 1973-1974 la décision est prise, le barrage doit être construit et les villages seront engloutis par les eaux du lac.
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NewsTranscription
00:00 Moi la vallée, je me manque.
00:01 C'était cette épaisse amontesse qui arrivait sur la tête des gens,
00:06 en disant on va nous faire repartir, on va nous exproprier.
00:11 Beaucoup de gens n'étaient pas contents bien sûr, c'est certain.
00:18 Il y a 85 mètres d'eau au-dessus de ma maison.
00:27 Quand on détruit un village, aujourd'hui on détruit cette maison,
00:31 demain on détruit ce lavage, c'est sûr que c'était compliqué.
00:35 Ça c'est sûr que ça a été compliqué.
00:38 Ça faisait de la peine bien sûr.
00:41 Je suis René Bondier, je suis né le 12 août 1952.
00:57 J'ai 71 ans presque.
00:59 Moi je suis resté 20 ans à Fontainebleau.
01:03 J'ai passé en tant que jeunesse.
01:05 Clément Coulon, 84 ans et demi.
01:14 Je suis né à Aiguille et j'ai toujours habité ici, à peu près à Saint-Ottova.
01:22 Moi je m'appelle René Rouvier, j'ai 88 ans.
01:28 J'ai vécu au Sade entre 10 et 18 ans.
01:34 Il y a 50 ans, lors de l'hiver 1973-1974,
01:42 les eaux du lac de Sainte-Croix engloutissent la vallée du Verdon.
01:45 Après des années de réflexion et de lutte pour les habitants des alentours,
01:48 EDF décide finalement l'installation d'un barrage hydroélectrique.
01:53 Mais sur son chemin se trouve le village des Selles-sur-Verdon
01:56 et le hameau de Fontaine-l'Evêque.
01:58 Tous les deux seront rasés par les bulldozers avant d'être noyés par les eaux.
02:02 René Bondil, Clément Coulon et René Rouvier
02:09 font partie des derniers témoins de cette disparition.
02:12 Depuis le début 1900, on a parlé de barrage.
02:17 C'était cette épaisse d'amontesse qu'il y avait sur la tête des gens en disant
02:21 "on va nous faire repartir, on va nous exproprier".
02:25 Ma mère, elle était inquiète, elle avait l'imbécile de quitter le village.
02:30 Parce que surtout qu'on se connaissait tous.
02:34 On perdait dans la vallée, ça a été nous.
02:40 On a tout perdu nous.
02:43 Nous ce qu'on avait c'était... on peut pas en parler.
02:47 C'est quelque chose...
02:48 Tous les jeunes de la région, nous, à l'époque, Sainte Croix tout ça,
02:51 le samedi on se réunissait au salon.
02:54 C'était la retombée de tous les jeunes.
02:56 Salon, à l'époque, à l'époque, je connaissais tout le monde.
03:06 Toutes les familles.
03:07 Qu'est-ce que vous disaient les gens ?
03:08 Les gens, ils étaient bien sûr pas contents
03:14 qu'on allait démolir ces maisons, qu'on allait prendre leur terrain.
03:17 Il y avait des gens qui sortaient le fusil des vieux habitants, bien sûr.
03:24 Mais comment faire ? C'était comme ça, c'était comme ça.
03:28 On a commencé à détruire, on a commencé à détruire les maisons.
03:32 Qu'est-ce qu'il fallait faire ?
03:33 Chacun récupérer tout ce qu'il pouvait, bien sûr.
03:36 Ils ont tout démoli, ils ont tout cassé, ils ont brûlé tout ce qui était poutre et bois.
03:41 Ils ont tout brûlé, ils ont laissé que des pierres, que des tas de pierres.
03:47 Nous, nous, les premiers fontais, la maison qui est là,
03:49 c'est la première maison qui a été noyée.
03:51 La première.
03:52 Il y a 85 mètres d'eau au-dessus de ma maison.
03:55 Nous, on avait de l'eau, presque un restaurant, on était presque noyés, nous déjà.
04:00 Mais il y en a un qui n'en voulait pas partir.
04:04 Il y en a un qui est resté, l'eau était au pied de sa maison.
04:09 Et il était toujours dans la maison.
04:11 Alors, un matin, ils ont amené dans la nuit,
04:18 des bus de dosaires, des camions de déménagement, la police.
04:21 Et à 6 heures du matin, ils l'ont réveillé, ils l'ont sorti de la maison.
04:29 Lui, ils l'ont mis dans le fourgon de police.
04:32 Ils ont mis les meubles dans les camions de déménagement.
04:36 Quand tout a été vide, les bus de dosaires ont cassé la maison.
04:39 Puis après, ils ont dit, ben maintenant, vos meubles vont aller au garde-meubles à tel endroit.
04:43 Maintenant, si vous voulez vous noyer, vous pouvez rester.
04:45 Il est parti.
04:46 Et après, le jour, malheureusement, c'est arrivé, il a fallu qu'on parte.
04:55 Mais bon, il a fallu qu'on parte, nous, on fait partir.
04:58 On n'était pas contre le barrage.
05:00 Mon père n'était pas contre la expropriation.
05:03 Parce que bon, il fallait le faire, il fallait le faire.
05:05 On nous a vraiment payé très peu, très peu, très peu.
05:11 On nous a payé à peu près, sur la base de, à l'époque, d'un franc le maître.
05:16 On se serait réagi à l'amiable, on ne nous aurait pas donné d'argent de plus, parce que non.
05:19 Mais mon père, il n'a pas voulu, parce qu'il avait donné sa parole aux paysans de Sainte Croix et tout.
05:24 Mon père, il a dit, si vous payez tout le monde pareil, moi, je signe.
05:29 Mais ils n'ont pas voulu.
05:30 Ils voulaient essayer d'acheter un, deux et puis...
05:33 Alors, mon père avait donné sa parole et il n'a pas vendu.
05:36 Il n'a pas... Il n'a pas cédé.
05:39 - Vous savez, quand on a été indemnisé par l'EDF,
05:44 il est certain qu'on trouvait bien sûr que c'était jamais suffisant, ce qu'on nous donnait, bien sûr.
05:51 On a trouvé que c'était des voleurs.
05:54 Bon, comment faire ? C'était comme ça, c'était comme ça.
05:56 Il a fallu accepter ce qu'on nous offrait, ce qu'on nous donnait.
06:03 Et oui, voilà.
06:04 - Est-ce que vous considérez le nouveau village des Salles comme Nessal ?
06:13 - Ah non, quand même pas.
06:14 C'est plus beau, les Salles.
06:16 C'est pas pareil.
06:17 Les Salles, c'était un ancien village.
06:18 C'était comme en Bodioune.
06:20 C'est un ancien village.
06:22 Bon, c'est pas vilain, je veux pas...
06:24 Mais pour moi, c'était plus beau, les Salles.
06:27 La fontaine, le lavoir, c'était beaucoup plus beau.
06:32 - Vous avez envie de parler de ça aujourd'hui ?
06:41 - Comme d'habitude, ça me fait pas trop de bien.
06:45 Mais ça me fait plaisir d'en parler aussi, parce que je voudrais pas qu'on oublie.
06:50 Je voudrais pas qu'on oublie Vendeeck, je voudrais pas que...
06:53 Moi, la Vallée, elle me manque.
06:54 Faut pas oublier ce qu'il y a à Bemba.
06:56 Et les gens qui ont vécu à Bemba, il faut pas les oublier, quand même.
06:58 - Je vous en prie.
06:59 - Merci.
07:00 - Merci.
07:01 - Merci.
07:02 - Merci.