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A travers l’un des tous premiers châteaux construit dans le style classique qui prévaudra sous le règne de Louis XIV, un moulin du 18ème aux allures de château et une jolie église remaniée au 19ème, découvrez l’art de l’architecture à la Française.

Au côté de Laurent Poultier du Mesnil, suivez le baron Jean-Louis d’Anglade, Membre de l’Académie Nationale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux, dont la famille est propriétaire du Châteaux et Moulin d’Abzac depuis 1796. Ce dernier présente d’une façon passionnante, à travers trois siècles, l’art de l’architecture à la Française, dans des lieux d’exception, d’une rare élégance et d’un grand raffinement.


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Transcription
00:00 Bonjour, pour ce nouveau numéro de À la Française,
00:03 aujourd'hui, nous allons parler d'architecture, d'architecture à la française.
00:06 Et pour parler d'architecture à la française,
00:08 eh bien, je n'ai rien trouvé de mieux que de vous emmener à Abzac,
00:13 Abzac en Gironde, Abzac en Gironde, la limite avec le Périgord.
00:17 Vous allez voir, nous allons découvrir trois périodes différentes
00:20 à travers trois bâtiments classés monuments historiques,
00:23 XVII, XVIII et XIXe siècle.
00:26 Alors suivez-moi, ça va être passionnant et surtout très, très joli.
00:30 Suivez-moi !
00:31 Bonjour Jean-Louis Denglade.
00:35 Bonjour M. Poultier.
00:36 Merci de nous accueillir au château d'Abzac.
00:37 Eh bien, je suis ravi de vous recevoir.
00:39 Alors, nous allons parler d'architecture à la française,
00:41 mais plus exactement, plus précisément d'architecture régionale.
00:45 Tout à fait.
00:45 Alors, ce qui est extraordinaire ici, c'est que nous avons trois lieux,
00:49 enfin, trois époques différentes, trois grandes époques, XVII, XVIII et XIXe.
00:53 Et chaque fois, un monument historique.
00:54 Ah bah écoutez, c'est merveilleux.
00:55 Ils sont tous rassemblés ensemble.
00:56 Bah écoutez.
00:57 Le château, XVIIe.
00:58 Oui.
00:59 Le moulin et la manufacture, XVIIIe.
01:02 Et l'église restaurée, XIXe.
01:05 Voilà, mais on va rentrer et puis vous allez voir.
01:08 D'accord, merci.
01:09 [Musique]
01:17 Ryan Little.
01:18 [Musique]
01:46 [Musique]
02:10 Jean-Louis d'Anglade, l'histoire du château, sa construction.
02:14 XVIIe, exactement.
02:15 C'est 1663.
02:18 Donc, en 1662, le domaine d'Absac, château et moulin, plus les terres qui vont avec,
02:29 enfin la seigneurie, est vendu et racheté par un seigneur quand il l'achète.
02:35 La première chose qu'il fait, c'est qu'il considère que son château ici,
02:41 qui est une forteresse encore, c'est la maison forte, c'est totalement démodé,
02:45 que personne ne peut vivre là-dedans.
02:47 Il a envie de s'installer à Absac et donc il prend une décision immédiate.
02:51 On va détruire le château, on va récupérer les pierres, parce que les pierres, ça coûte cher,
02:56 et avec cela, on va reconstruire la maison, le château que vous voyez aujourd'hui.
03:02 C'est construit en combien de temps ?
03:04 Alors, la démolition, on n'a pas la date exacte,
03:08 mais je pense qu'elle a dû commencer à la fin 1962, début 1963,
03:13 et on sait qu'en avril 1964, il baptise sa fille aînée, qui s'appelle Livy, à l'église d'Absac.
03:21 Donc ça donne une durée de construction d'environ 14 mois.
03:26 Alors, ça paraît très court actuellement, à l'époque ça ne l'était pas.
03:30 Les constructions allaient très vite, on n'avait pas toutes ces normes de sécurité,
03:35 de construction de permis, etc.
03:38 On avait un chantier à faire, on s'y mettait,
03:41 par contre on avait affaire à des artisans extrêmement compétents,
03:44 qui savaient tailler des poutres, qui savaient tailler des pierres,
03:48 il y avait des contre-maîtres qui étaient là, qui faisaient des dessins sur place,
03:53 ils disaient tu tailles comme ça ou tu tailles comme ça,
03:55 et puis on s'y mettait et on montait au fur et à mesure.
03:58 Donc le chantier allait très très vite.
04:01 Et ce standard, à l'époque, pour les châteaux, c'est ce qu'on appelle la chartreuse.
04:05 Alors la chartreuse, c'est systématiquement une cour carrée, comme vous voyez ici,
04:10 et une construction entièrement en rez-de-chaussée, il n'y a pas d'étage.
04:14 Alors vous me direz, vous mettez un étage ici.
04:16 Alors oui, bien sûr, sauf qu'il a été rajouté au 19e siècle,
04:20 on a surélevé les ailes, mais il faut imaginer le château entièrement en rez-de-chaussée.
04:26 Alors un petit détail, 1663, c'est deux ans après 1661.
04:31 Et 1661, comme tu t'en souviens certainement,
04:34 c'est la mort de Bazarin et c'est le moment où Louis XIV prend le pouvoir.
04:38 Donc nous sommes vraiment au début de ce qu'on appelle l'âge classique.
04:42 Alors cette construction simple, évidemment, comme toujours quand c'est simple,
04:46 dans les actes notariés, les références, etc., au 18e siècle, dans tous les actes que j'ai pu trouver,
04:51 c'est défini comme une architecture "à la moderne".
04:55 Parce que c'est simple, dès que c'est épuré, c'est moderne.
04:58 Et c'est drôle, hein ?
05:00 Alors maintenant, très souvent, on utilise le mot "charteuse" pour n'importe quoi,
05:03 mais ce n'est plus la définition d'origine.
05:06 Alors ici, c'est ce style-là, et qui est un style entièrement nouveau.
05:10 Pourquoi ? Parce que jusqu'à maintenant, on était plutôt sous l'influence de la Renaissance
05:16 et de la première moitié du 17e.
05:19 Et là, on voulait plutôt une architecture avec beaucoup de décorations,
05:23 un peu exubérante, sculptée, etc.
05:26 Et puis naturellement, comme toujours, il y a un moment, on fait une réaction,
05:30 et on dit "tout ça, c'est maintenant, on va tout changer,
05:33 et maintenant on va plutôt jouer sur l'harmonie, l'équilibre, la symétrie, vous voyez,
05:39 et il faut que le château se présente sans son joli vert".
05:46 Et naturellement, donc, le maître mot, c'est la simplicité.
05:51 Autrement dit, c'est comme une jolie femme, elle se présente sans maquillage.
05:55 La grille, elle n'était pas là à l'origine ?
05:57 Non. Alors, la chartreuse se ferme par une clairvoie.
06:02 C'est-à-dire ?
06:03 C'est à dire une voie claire.
06:05 Oui.
06:06 Alors elle est toujours en bois. A l'origine, elle était en bois.
06:09 Alors cette grille, donc, enfin, qui mène dans une grille,
06:12 la clairvoie, après la Révolution, était en très mauvais état,
06:17 on a décidé d'abandonner le bois pour remplacer ça par une grille en fer,
06:22 mais ça qui a été fait vers 1820, à peu près, 1810-1820,
06:26 par un forgeron d'Amsac qui s'appelait Félix.
06:29 Donc il faut imaginer autrefois des barons en bois, tout la même chose mais en bois.
06:32 C'est cela.
06:33 D'accord.
06:34 Et puis dessus, alors, il y a des pots de fleurs.
06:36 Et les pots y étaient ?
06:37 Les pots de fleurs y étaient.
06:38 Ils y étaient.
06:39 Et voilà, ils ne sont pas dix-huitièmes.
06:41 Peut-être.
06:42 Oui.
06:43 Et je ne sais pas.
06:44 Et en tout cas, c'est des pots de fleurs.
06:46 Ils sont très jolis, très très jolis.
06:47 Alors ils sont sculptés, il n'y a pas deux pots pareils.
06:49 Et les deux lions, donc, pour rappeler les armoiries ?
06:51 Alors les deux lions, c'est des emblèmes.
06:52 Oui.
06:53 Et l'emblème, vous le reverrez, c'est deux lions, les mêmes, à l'usine en bas.
06:56 Donc je vous les présenterai.
06:58 Ils ont une particularité, c'est que la queue du lion, on le voit mal ici,
07:03 fait un rond complet, il y a un petit arrière-train,
07:06 un gros devant pour montrer la puissance,
07:08 et la queue fait un cercle parfait.
07:10 Les piliers en pierre n'étaient peut-être sans doute pas là à l'origine.
07:13 Si, si, si.
07:14 Si, c'était là à l'origine.
07:15 Mais parce qu'il y a les ailes et la partie centrale.
07:20 Alors au départ, et bien comme beaucoup de châteaux, c'était un château ferme.
07:24 C'est-à-dire que le propriétaire ou le seigneur vit dans la partie centrale.
07:28 Alors il est certain qu'à ce moment-là c'est rustique.
07:31 Oui.
07:32 Et comme c'est rustique, on utilise le principe de la voûte.
07:35 Quand on visite les chais à Bordeaux, par exemple,
07:39 et bien on constate que tous les rails de chaussée sont voûtés.
07:42 C'est là où on mettait les barriques.
07:43 C'est là où on mettait le stock.
07:46 Et puis on logeait au premier étage.
07:48 Et là on avait des pièces à plafond.
07:50 Alors la facette qui est la partie principale,
07:52 et bien à nouveau, il faut se situer,
07:54 c'est que nous quittons une période austère au point de vue logement,
07:59 qui est le début du XVIIe ou le XVIe siècle,
08:03 et que maintenant on veut des choses confortables.
08:05 Et pour ça, il faut beaucoup de lumière, beaucoup de soleil,
08:09 puisqu'il faut savoir que dans des châteaux comme ça,
08:12 on n'y réside pas l'hiver.
08:14 L'hiver on va à Bordeaux où il y a des maisons,
08:16 mais l'été il faut qu'on arrive,
08:18 et il faut qu'il y ait de la lumière, du soleil et de la chaleur.
08:20 Donc il faut des grandes ouvertures.
08:22 Alors c'est la mode, on commence à faire effectivement des grandes fenêtres.
08:26 On les retrouve partout au XVIIe, et ici en particulier.
08:29 Même le pavillon central,
08:31 et bien au-dessus de la porte il y a une fenêtre,
08:33 et la fenêtre est la même taille que celle du rail de chaussée.
08:38 Ce qui est nouveau.
08:40 On ne fait pas des choses comme ça, aussi importantes.
08:43 Et de manière à ce que la pièce qui est au-dessus,
08:45 qui est un site admirable,
08:47 ait non seulement la vue, mais également soit confortable à vivre.
08:50 Alors vous remarquerez également que,
08:54 toujours pas de lignes courbes,
08:56 on est toujours dans la sobriété,
08:58 sauf les quatre lucarnaux,
09:00 c'est le seul moment où on voit des lignes courbes.
09:02 Tout est simple, symétrique, géométrique.
09:06 C'est le standard moderne.
09:09 Alors la façade ici, comme vous le remarquez,
09:12 est relativement austère.
09:14 Nous sommes toujours à l'époque du milieu XVIIe,
09:16 simplicité, simplicité.
09:18 Donc la façade est simplement,
09:20 vaut par ses dimensions,
09:22 mais elle n'a pas de décoration particulière.
09:24 Alors il y a évidemment le grand perron qui est au milieu.
09:27 Alors il y a toujours eu un grand perron à cet endroit là,
09:29 mais celui d'origine a disparu.
09:32 Il a été reconstruit au XIXe siècle,
09:35 et ce que vous voyez ici,
09:37 c'est donc la construction du milieu du XIXe siècle.
09:40 Alors évidemment, c'est simple et austère.
09:43 C'est vrai qu'il n'y a pas de lignes courbes.
09:46 Ça vaut uniquement par l'ampleur de la dimension.
09:50 C'est tout.
09:52 Mais évidemment, un Italien aurait mis beaucoup plus de décoration.
09:56 Oui, ça aurait été très baroque.
09:58 Le château, évidemment, n'est pas décoré.
10:00 Il est simple.
10:02 Mais est-ce que justement, ce n'est pas le début du classicisme à la française ?
10:04 C'est le début du classisme.
10:06 C'est le début de l'âge classique, bien sûr.
10:08 Les choses doivent s'imposer par elles-mêmes,
10:10 par leurs dimensions, par leur élégance et leur symétrie.
10:14 Mais encore une fois, je reviens toujours à cette idée
10:17 qu'il n'y a pas de maquillage.
10:19 Oui, beaucoup de sobriété.
10:21 Alors ce qui est très amusant, c'est toujours dans la nuance.
10:24 Ce qui est très intéressant, c'est de voir que finalement,
10:27 on est au début du classicisme à la française,
10:30 au tout début, et on est au fin fond de la province française,
10:33 et on l'adopte déjà. C'est ça qui est fabuleux.
10:35 Oui, mais les gens voyagent quand même.
10:37 Oui, d'accord. Mais enfin bon, Versailles n'est pas encore construit.
10:39 Non, mais les idées de voyage,
10:43 la France est beaucoup plus unifiée qu'on ne le croit, bien sûr.
10:47 Paris, après tout, ce n'est jamais quatre jours de voyage.
10:50 Alors ça, c'est un témoignage, un des rares témoignages
10:54 de ce qu'a été le château-fort autrefois.
10:57 Il était redécoré à la Renaissance,
10:59 et c'est une porte qui évidemment ne donne plus rien maintenant,
11:02 mais qui a été gardée.
11:04 Alors on voit évidemment qu'elle a été affreusement mutilée.
11:07 Alors en particulier, elle a été grattée.
11:11 Ceci, hop, tout ce qui dépassait a été relevé.
11:15 Ici, là et là,
11:19 il y avait des motifs décoratifs qui ont été gommés.
11:23 La pierre a été même bûchée ici assez grossièrement,
11:27 et on l'a en quelque sorte aplani.
11:30 Tout ce qui dépassait a été gratté,
11:32 mais on voit encore à quoi correspondait cette porte.
11:36 Alors évidemment, par rapport à ce que l'on voit maintenant,
11:39 c'est l'opposé.
11:41 C'est une porte, à l'époque, qui était une porte normale,
11:45 et puis maintenant, c'est les grandes portes Q14.
11:47 Donc on est passé, quatre jours pareil,
11:50 cette idée de faire rentrer la lumière du jour, etc.
11:53 Vous allez la voir, donc, les lavandières se mettent à genoux
11:56 devant chacune des pierres,
11:59 et il faut s'y mettre, parce qu'on voit l'usure des pierres,
12:02 et pour eux, il fallait frotter beaucoup de linge.
12:05 Eh bien, quand on prend la position,
12:08 on a l'impression qu'on va basculer dedans.
12:10 Donc les femmes avaient des dos absolument merveilleux,
12:12 et très, très solides.
12:14 Alors, il y avait de l'eau, la source est à côté,
12:17 elle a été captée maintenant, mais elle coule encore,
12:19 il y a un troplin qui coule,
12:21 et on arrivait avec les broites chargées de linge,
12:24 et puis on commençait à stiquer,
12:26 et on faisait ça avec du savon de Marseille.
12:29 Et naturellement, quand on frotte du savon indéfiniment,
12:32 à un moment, il y a de la mousse.
12:34 Et donc le travail commençait vers 8h du matin à peu près,
12:37 et vers 11h, la mousse a teigné la charpente.
12:40 - Ouh là là là là !
12:41 - Alors, seule solution, on n'y voyait plus rien,
12:44 donc videz tout, tout le monde souffle,
12:46 et on va recommencer l'après-midi.
12:48 - Extraordinaire !
12:49 Il faut imaginer la mousse jusque là-haut, c'est merveilleux.
12:51 - Alors, je le sais, parce que c'est mon grand-père qui l'a vu.
12:54 - Ah oui, tu voyais ça.
12:56 - Vers 1905, quand il s'est marié, le lavoir était encore en activité.
13:00 Il s'est arrêté aussitôt après avec la Gate 14.
13:02 Mais enfin, pendant très longtemps,
13:04 ce lavoir faisait tout le linge du château,
13:07 mais également le linge du village.
13:09 - Ah, du village aussi, les gens du village venaient ici.
13:12 Alors, Jean-Louis d'Anglade, où est-ce que vous nous avez emmenés ?
13:16 - Alors ça, c'est la glacière du château.
13:19 Cette glacière, en fait, c'est la conversion d'une tour
13:23 du ancien château-fort. C'est tout ce qu'il en reste.
13:26 - D'accord, donc ça, c'est une ancienne tour du château-fort qui a été transformée.
13:30 - Alors, elle a été transformée. Elle a été transformée pour faire de la glace.
13:33 Le principe de la glace est le suivant.
13:35 La neige est extrêmement abondante et donc, elle arrive ici.
13:38 On la rentre par cette fenêtre qui est là.
13:42 Selon qu'on la cligne plus ou moins, elle va être lisse.
13:45 - Elle va glisser plus ou moins.
13:47 - Et puis là, on va la compacter.
13:49 Quand on fait une bouble de neige et qu'on la serre,
13:51 on va la consommer. Là, c'est pareil.
13:53 Et on va monter comme ça jusqu'en haut de la démarcation blanche.
13:58 Maintenant, cette glace, il faut la consommer.
14:01 Alors pour qu'elle soit en bon état, la glace doit être sèche.
14:05 Alors bien sûr, il y a une isolation formidable quand on voit l'épaisseur des murs.
14:09 Mais malgré tout, il y a toujours un peu de fonte.
14:12 Et cette fonte, évidemment, va abîmer la qualité de la glace.
14:16 Donc l'eau qui sort de là, il faut l'évacuer le plus possible.
14:20 Et parfois, le sol est incliné en pente vers l'intérieur, vers ce puitsard.
14:25 Et elle ruisselle tout doucement dans ce puitsard.
14:29 Alors c'est pas profond. Tout à l'heure, tu pouvais tomber dedans.
14:32 Il y a 10 cm d'eau.
14:34 C'est fait pour uniquement collecter les eaux de drainage.
14:38 Alors maintenant, quand on veut de la glace,
14:41 on ouvre la porte et puis, bloc par bloc, on découpe, on découpe, on découpe.
14:45 Et à la fin de l'année, il n'y a plus de glace, mais c'est pas grave,
14:48 parce qu'on peut en refaire.
14:50 Alors cette glacière donne lieu à un commerce qui marche toute l'année.
14:54 Le chiffre d'affaires, on le connaît, c'était 1 000 livres par an.
14:57 Deux au 17e, au 18e, c'est beaucoup.
15:00 Et donc tout le monde venait chercher sa glace
15:03 pour garder ses affaires dans son frigidaire.
15:06 Et ça va fonctionner jusqu'à la fin du 19e siècle.
15:09 Et puis là, il va se passer 2 accidents.
15:11 Le premier, le niveau de neige va commencer à baisser.
15:14 Et surtout, l'électricité va arriver.
15:17 Donc il y a une concurrence entre le frigidaire électrique et le frigidaire ici.
15:21 Et donc la glace, on arrêterait d'en faire 20 000 de ce genre.
15:25 Si maintenant, on voulait en faire, on ne pourrait pas,
15:28 tout simplement parce qu'il n'y a plus de neige.
15:30 Alors, Jean-Louis Denglade, nous arrivons maintenant aux 3 questions au coup de cœur.
15:33 Quelle est votre période préférée ?
15:35 Je n'ai pas de période préférée, parce que chaque période est intéressante.
15:39 Elle a ses critères.
15:41 Le 17e, c'est passionnant. Le 18e, encore plus.
15:44 Et le 19e, il ne faut pas l'oublier non plus, très important.
15:47 Donc ça serait quand même 18 ou 19 pour vous ?
15:49 17, 18, 19.
15:50 Votre artiste préféré ?
15:52 Au 19e siècle, je citerai Pascal, bien sûr.
15:54 Je ne parle pas des Corneilles, que j'aime beaucoup aussi.
15:58 Voilà. Et au 18e, alors là, on enclabara du choix.
16:02 Mais là, je vais me faire des références, non pas à coup de cœur,
16:05 mais pour la compréhension de l'époque.
16:07 La compréhension de l'époque, c'est quand même la seconde moitié.
16:11 C'est le temps des Lumières de l'Encyclopédie.
16:13 Donc c'est Diderot, bien sûr.
16:15 Et j'ajouterai Voltaire, bien sûr.
16:19 Mais il y a d'autres auteurs tout à fait passionnants,
16:22 qui méritent qu'on s'occupe d'eux.
16:24 Mais je me référais à eux.
16:26 Quand on parlera du Moulin, vous allez comprendre pourquoi.
16:28 D'accord. Et votre œuvre préférée maintenant ?
16:31 Mes œuvres préférées, ça n'a rien à voir du tout avec le Château.
16:34 Ça sera les grands romans russes de Dostoyevsky,
16:37 pour moi qui est le maître absolu.
16:40 Les frères Karamazov, on n'a rien écrit de mieux.
16:43 Et naturellement, Tolstoy, bien sûr.
16:46 Et puis en France, Stendhal, qui à mon avis est du même niveau.
16:50 Stendhal et Flaubert, voilà.
16:52 Alors évidemment, ça fait un peu passéiste,
16:54 mais c'est quand même une prose magnifique,
16:58 et puis une inspiration magnifique.
17:00 Stendhal, c'est absolument incroyable.
17:02 Alors, Jean-Louis d'Anglade,
17:04 le fameux Moulin dont vous nous parliez tout à l'heure,
17:07 évidemment ne date pas de la même période que celle du Château.
17:11 Alors le Moulin, construction 1780.
17:14 Comme le Château, c'est 1663,
17:17 donc ça fait grosso modo 120 ans d'écart.
17:20 Et on se rend compte que, évidemment,
17:22 ce n'est pas du tout la même logique architecturale.
17:25 Ici, il y a des lignes courbes, c'est plus riche, etc.
17:27 L'autre est plus austère.
17:29 Alors on est quand même dans une configuration assez imposante
17:32 pour un Moulin magnifique.
17:33 Alors ici, ce que vous voyez, c'est une manufacture.
17:35 Ce n'est pas un château.
17:37 La France est à un virage.
17:40 L'encyclopédie est passée par là,
17:42 et la pensée a changé complètement.
17:45 Jusqu'à maintenant, nous étions une civilisation chrétienne
17:49 où ce qui est important, c'était nous sommes sur Terre.
17:53 Mais nous sommes, c'est une première vie,
17:55 mais après cette vie-là, il y aura une seconde vie au-delà.
17:58 Et ce qu'il faut, c'est la première vie,
18:00 la passer correctement, ne pas faire trop de bêtises,
18:02 afin d'être convenable pour la seconde vie, qui est la vie éternelle.
18:06 Alors, en face, vont se trouver des penseurs
18:09 comme Locke en Angleterre, ou Diderot en France,
18:12 mais ce ne sont pas les seuls,
18:13 qui vont dire, oui, nous, on est d'accord,
18:15 on n'est même pas contre du tout,
18:17 mais toutefois, il y a un problème.
18:20 La première vie, nous la connaissons bien,
18:22 c'est celle que nous vivons,
18:24 mais la seconde vie, on manque de renseignements.
18:26 Il faut que l'humanité profite de l'esprit de progrès,
18:30 et le progrès va permettre d'améliorer nos conditions de vie,
18:33 et l'homme va prendre en main son destin.
18:37 Il ne se réfère plus à un dieu,
18:40 il se réfère à lui-même et à l'esprit de nature,
18:42 mais la nature, non plus comme création de dieu,
18:45 mais une nature comme un espace à dominer,
18:48 à maîtriser, techniquement.
18:51 Et comment va-t-on faire ?
18:53 Eh bien, un seul moyen, le développement de l'industrie.
18:56 Et par l'industrie, on va dominer la nature,
18:59 alors, à Bzac, c'est les mêmes principes qui vont fonctionner,
19:02 ce n'est pas la même architecture, mais toujours pareil,
19:04 une cour carrée, la cour carrée permet de se traverser rapidement
19:08 d'une aile à l'autre, donc tous les services sont en communication.
19:11 Avant, c'était les ateliers, dans les ateliers, il y a papa,
19:16 maman, les enfants, un ou deux ailes, un ou deux aides, et c'est tout.
19:20 Maintenant, on va avoir un manager salarié,
19:23 des ouvriers salariés également,
19:26 avec des horaires, une organisation,
19:29 une surveillance non seulement des ouvriers,
19:32 mais également des produits, donc un service qualité,
19:35 et tout ceci nécessite une administration.
19:38 Donc, ici, on va mettre, comme à Arc-en-Cient, etc.,
19:44 on met la maison du directeur au centre.
19:47 Pourquoi au centre ? Parce que le directeur veut tout voir,
19:50 et il faut que tout le monde le voit.
19:52 L'organisation est simple, tout le monde rapporte au directeur.
19:56 - Donc l'église, Saint-Pierre.
19:58 - Oui, alors l'église est dédiée à Saint-Pierre,
20:01 et pas n'importe quel Saint-Pierre, Saint-Pierre-Aulien,
20:04 qui est le patron d'Absinthe et qui est rappelé ici.
20:07 - C'est joli.
20:09 - Alors, ce porche n'existait pas.
20:11 Lorsque la Révolution commence,
20:14 ici, donc, il y a ici une abside romane,
20:21 et puis arrive Gilbert-Rome, Gilbert-Rome, le conventionnel,
20:24 bien connu pour la création du calendrier révolutionnaire,
20:28 Thermidor, Mercidor, le Floreal, c'est lui.
20:32 Rome est envoyé ici comme commissaire du peuple en mission
20:35 par la Convention, dans un but très précis,
20:38 promouvoir une fonderie de canons quelque part autour de Bordeaux,
20:41 de manière à fournir à l'armée et à la marine française des canons.
20:47 Donc il arrive ici, et la première chose qu'il fait en arrivant à Abzac,
20:53 eh bien, il l'avait débaptisé tous les mois,
20:56 maintenant il va débaptiser Abzac.
20:58 Abzac ne s'appellera plus Abzac, Abzac va s'appeler Gardorylle.
21:02 "Gare" pour "Garonne", "d'or" c'est la Dordogne,
21:05 et "île" c'est le nom de la rivière d'ici.
21:07 - Ah bah voyons.
21:08 - Voilà, c'est un joli nom d'ailleurs.
21:09 Et puis ensuite, après ça, il veut lancer son chantier,
21:12 et son chantier, il faut qu'il aille très vite,
21:14 donc il va changer, pour montrer sa détermination,
21:17 il va changer la devise nationale,
21:19 égalité, fraternité, etc.
21:22 C'est l'hérité, il faut que ça saute.
21:25 Et ensuite, il veut montrer, en profiter,
21:28 pour éduquer la pensée des gens d'Abzac,
21:31 d'une manière révolutionnaire,
21:33 donc il faut leur inculquer les deux principes principaux,
21:36 que nous connaissons bien,
21:38 égalité, non-discrimination.
21:40 Et comment expliquer la non-discrimination à des paysans ?
21:43 Eh bien, une idée absolument géniale,
21:45 ici sur ce parking, c'est le cimetière,
21:47 le cimetière, comme toujours, autrefois, était entouré de murs,
21:50 nous sommes tous appelés à mourir, un jour ou l'autre,
21:53 pourquoi est-ce que les morts sont discriminés par rapport aux vivants ?
21:56 Abattez les murs du cimetière.
21:58 Ensuite, égalité,
22:00 eh bien, il faut que tous les toits d'Abzac soient de la même hauteur,
22:03 et le premier mouvement à faire, c'est de raser le clocher,
22:06 donc le clocher, et en rasé, il n'y a plus de clocher.
22:09 Ça, c'est la porte principale,
22:11 et naturellement, Rome avait laissé un souvenir,
22:13 quand il institue le culte de l'Etat suprême,
22:16 il fait graver au-dessus de la porte,
22:18 l'expression "le peuple français reconnaît l'être suprême
22:22 et l'immortalité de l'âme",
22:24 et au bout du mot "âme",
22:26 il y a un petit triangle équilatéral,
22:28 parce que Rome appartient à la loge des Neuf Sœurs,
22:31 qui est la loge la plus à gauche,
22:33 à la veille de la Révolution,
22:35 et donc, l'être suprême,
22:37 il était là, Abzac, pour le promouvoir.
22:39 Alors, Jean-Louis Denglade, nous arrivons au terme de notre émission,
22:42 pour ceux qui souhaiteront savoir plus sur l'architecture à la française,
22:45 sur cette architecture très particulière, très provinciale,
22:48 du château d'Abzac et de son Moulin.
22:50 Un ouvrage de référence, que je vous conseille,
22:53 et je le conseille d'autant plus facilement que je l'ai moi-même rédigé.
22:57 Il a été fait à partir d'une documentation extrêmement importante,
23:01 qui m'a pris à peu près une dizaine d'années à rassembler.
23:05 Voilà, on a un très bon point de vue,
23:07 avec le château et son Moulin,
23:09 et l'église 19e que nous avons visitée.
23:11 Voilà, alors, je vous conseille de vous y plonger dedans.
23:14 Merci beaucoup.
23:15 Voilà, alors, à partir de là, vous pouvez remonter toutes les sources nécessaires,
23:18 puis le reste du temps, vous m'écrivez, et je vous répondrai très volontiers.
23:22 Donc, Jean-Louis Denglade, château d'Abzac, 33-230.
23:25 Merci beaucoup, Jean-Louis Denglade, et à très bientôt.
23:28 À bientôt.
23:29 Autour d'une bouteille.
23:31 [Musique]

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