• l’année dernière
- Grand témoin : Étienne Ollion, directeur de recherche au CNRS et professeur à l'École polytechnique

LE GRAND DÉBAT / Emmanuel Macron : comment reprendre la main ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Lors de son allocution du 17 avril 2023, Emmanuel Macron - regrettant l'absence de consensus à l'égard de la réforme des retraites - avait déclaré « nous avons devant nous, 100 jours d'apaisement, d'unité, d'ambition et d'action au service de la France ». L'objectif étant de fixer un nouveau cap en lançant trois chantiers prioritaires (le travail, la justice et le progrès) et de rétablir l'ordre républicain. Mais tout ne s'est pas passé comme prévu... Alors qu'il a présenté son plan de réindustrialisation ou encore signé un « nouveau pacte financier mondial » pour venir en aide aux pays les plus pauvres, la mort de Nahel a provoqué de nombreuses et violentes émeutes partout en France. Le Président de la République, qui ne s'est exprimé que deux fois depuis 2017 à l'occasion de la fête nationale, ne s'exprimera pas non plus ce 14 juillet mais « dans les prochains jours »... Craint-il de raviver les tensions du pays ?

Invités :
- Christophe Barbier, éditorialiste politique
- Catherine Tricot, directrice des éditions à la revue « Regards »
- Philippe Moreau-Chevrolet, communicant chez MCBG Conseil
- Thomas Despre, journaliste politique à RTL

LE GRAND ENTRETIEN / Étienne Ollion : autopsie d'une Assemblée chamboulée
Après avoir analysé la composition de l'ancienne Assemblée nationale (celle de 2017) dans son ouvrage « Les candidats », le sociologue Etienne Ollion partage son regard sur la nouvelle Assemblée de juin 2022. La part des cadres et des directeurs d'entreprises parmi les députés a notamment diminué : elle s'élève à 58%, contre 65 % en 2017. Mais l'Assemblée nationale n'est toujours pas le miroir fidèle de la population française. Pour Etienne Ollion, une véritable fatigue démocratique se répand au sein de la société. Comment l'atténuer ?

- Grand témoin : Étienne Ollion, directeur de recherche au CNRS et professeur à l'École polytechnique

BOURBON EXPRESS :
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Nathan Devers, écrivain
- Isabelle Lasserre, journaliste diplomatique au Figaro

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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News
Transcription
00:00 (Générique)
00:05 -Bonsoir et bienvenue.
00:07 Ca vous regarde en direct.
00:09 Pour cette dernière émission de la saison,
00:12 on va revenir sur cette année parlementaire
00:14 si particulière avec vous, Etienne Ollion.
00:17 Merci d'être notre grand témoin.
00:19 Vous êtes sociologue, vous connaissez le Palais-Bourbon,
00:22 vous avez passé des centaines d'heures à l'Assemblée nationale
00:26 à scruter, analyser les comportements des députés.
00:29 Vous le faites encore pour cette nouvelle législature.
00:32 Cette nouvelle Assemblée peut-elle fonctionner
00:35 pendant 4 ans ? Faudra-t-il des soudres ?
00:37 Vous nous le direz dans la 2e partie.
00:40 On commence ce soir avec les 100 jours.
00:42 C'est le calendrier que s'était donné Emmanuel Macron
00:45 pour relancer son quinquennat.
00:47 La page des retraites semble tourner,
00:50 mais la crise des émeutes a tout balayé.
00:52 Comment rebondir ? Le président de la République
00:55 ne parlera pas demain pour le 14 juillet,
00:58 mais peut-il reprendre la main ?
00:59 Avec mes invités dans un instant,
01:01 avant de retrouver nos affranchis pour leur parti pris,
01:05 et Bourbon Express, un peu spécial,
01:07 avec Elsa Mondingava.
01:08 Vous me suivez ? On y va, Etienne Ollion ?
01:11 -Ca vous regarde. -C'est parti.
01:13 Musique rythmée
01:15 ...
01:23 Alors, à quoi ont-ils servi ces 100 jours ?
01:27 Emmanuel Macron, au sortir de la crise des retraites,
01:30 voulait apaiser le pays. C'est raté.
01:32 Les émeutes urbaines, d'il y a deux semaines,
01:35 ont tout sauf relancé son quinquennat.
01:37 Comment rebondir quand la situation politique du pays
01:40 semble si difficile, voire bloquée ?
01:42 Bonsoir, Christophe Barbier. -Bonsoir.
01:44 -Ravi de vous retrouver, éditorialiste politique
01:47 à Front Tireur et à BFM TV. Bonsoir, Catherine Tricot.
01:51 Directrice des éditions à la revue "Regard".
01:53 Bonsoir, Philippe Moroche-Ambolay.
01:56 Vous êtes communicant, MCBG, bonsoir.
01:58 Conseil, pardon. -C'est ça.
02:00 -Et bonsoir, celui que je suis ravie d'accueillir,
02:03 Thomas Despré, que l'on connaît bien à la chaîne parlementaire.
02:07 Vous êtes journaliste politique à RTL,
02:09 en charge du suivi de l'Elysée.
02:11 J'espère que vous avez des infos fraîches.
02:13 Toutes confirmées. Etienne Ollion,
02:15 votre regard nous intéresse, de sociologue,
02:18 dans ce débat. N'hésitez pas à intervenir
02:20 ou à interroger nos invités.
02:22 On commence par planter le décor
02:24 de Macron 100 jours après.
02:26 Le chrono de Blaco, tout de suite.
02:28 ...
02:32 -Bonsoir, Stéphane. -Bonsoir, Myriam.
02:35 A toutes et tous. -Alors, 100 jours.
02:37 -On commence par un flashback.
02:39 Souvenez-vous, c'était il y a exactement 87 jours.
02:42 Nous étions le 17 avril 2023.
02:44 Le président venait de promulguer la loi
02:47 sur la réforme des retraites.
02:48 Il s'est adressé aux Français. On réécoute.
02:51 -Le 14 juillet prochain doit nous permettre
02:54 de faire un premier bilan.
02:55 Nous avons devant nous
02:57 100 jours d'apaisement,
03:00 d'unité, d'ambition et d'action
03:04 au service de la France.
03:05 -Cette semaine, lors des questions au gouvernement,
03:08 le Rassemblement national ne s'est pas privé
03:11 de faire remarquer qu'en matière d'apaisement,
03:13 ces derniers jours n'étaient pas très apaisés.
03:16 J'emploie un euphémisme, ce qui n'est pas la figure
03:19 de style préféré de Julien Audoul.
03:21 -Alors que vous aviez promis 100 jours d'apaisement,
03:24 les Français ont subi 5 nuits de chaos et de terreur.
03:27 -C'est un peu délicat de parler d'apaisement
03:29 pour le président dès qu'il a dû reporter
03:32 son allocution du 14 juillet, de crainte
03:34 que de nouvelles émeutes n'éclatent le jour
03:37 de la fête nationale. Si on se sentit en calendrier,
03:39 la fin des 100 jours, c'est le 26 juillet.
03:42 D'ici là, le président aura l'occasion de s'exprimer.
03:45 Revenons-en au 17 avril.
03:46 A l'époque, le principal objectif du président,
03:49 c'était de tourner la page des retraites.
03:52 Il a lancé 3 chantiers pour occuper les 100 jours.
03:54 Premièrement, le travail.
03:56 Deuxièmement, la justice et le maintien de l'ordre.
03:59 Et troisièmement, le progrès.
04:02 Alors, c'était pas gagné.
04:03 Souvenez-vous comment ça avait réagi à l'époque.
04:06 Côté LFI et CGT, on avait lancé les casserolades.
04:09 Côté CFDT, on avait réclamé un délai de décence
04:12 pour reprendre les négociations avec le gouvernement.
04:15 Il s'est écoulé 87 jours depuis.
04:17 Qu'est-ce qui a changé ? Pas mal de choses.
04:20 La casserolade, on n'en entend plus trop parler.
04:23 Les chaînes infos ont d'autres trucs à filmer
04:25 que des gens qui tapent sur des casseroles.
04:28 Du côté de la CFDT, il y a eu un changement aussi.
04:31 On s'est remis à la table de la négociation.
04:33 Le résultat, c'est qu'il y avait une unité syndicale
04:36 incarnée d'un côté par Martinez et Laurent Berger.
04:39 Puis, il y a eu du changement.
04:41 Dernier exemple en date, hier,
04:43 Sophie Binet de la CGT a quitté la réunion des partenaires sociaux
04:47 à Matignon en déclarant que c'était un échec.
04:50 Tandis que ce matin, sur France Info,
04:52 Marie-Lise Léon, qui est à la tête de la CFDT,
04:55 disait exactement le contraire en écoute.
04:57 -On a eu des garanties de pouvoir nouer un dialogue
05:01 à partir du mois de septembre.
05:02 Ca a été utile, on a pu se dire les choses,
05:05 et je pense que c'est important.
05:07 -Le deuxième chantier du président,
05:09 justice et maintien de l'ordre.
05:11 On ne va pas dire que c'était très monitoire,
05:14 mais la question du maintien de l'ordre
05:16 a été questionnée dans les médias.
05:18 Résultat, pendant ces 87 jours,
05:20 avoir réussi à nouer cette fameuse alliance
05:23 avec les Républicains,
05:25 on sent quand même que le gouvernement
05:27 soigne sa droite.
05:28 Encore un exemple, hier, il a fait voter un abonnement
05:31 déposé par Eric Soutil pour obtenir 3 000 places
05:34 de prison supplémentaires dans un projet de loi
05:37 de programmation pour la justice.
05:39 C'était quoi, déjà, le troisième ?
05:41 Ah, oui, le premier, on l'avait mis en troisième.
05:45 Le premier dans l'éducation nationale.
05:47 Il avait donné comme exemple, à la rentrée,
05:49 quand un prof sera absent, il sera systématiquement remplacé.
05:53 Est-ce que la promesse sera tenue ?
05:55 On attend la rentrée, mais septembre, c'est loin.
05:58 Vous allez devoir débattre de l'apaisement.
06:00 Est-ce que ces 100 jours d'apaisement
06:03 ont été au rendez-vous ?
06:04 C'est difficile de parler d'apaisement,
06:06 sachant qu'il y a 130 000 forces de l'ordre
06:09 qui sont mobilisées ce week-end pour apaiser,
06:12 les petites tensions.
06:13 -Coucou, Stéphane. Je vais commencer par vous demander un mot.
06:16 Un mot pour qualifier la situation
06:19 dans laquelle Emmanuel Macron se trouve.
06:21 Christophe Barbier, un mot.
06:23 -Funambulesque.
06:24 -Parce que ?
06:25 -Parce qu'il est sur un fil, qu'il y a du vide de tous les côtés
06:29 et qu'on le ventsouffle et on a du mal à le voir avancer
06:33 sur ce long câble tordu qui s'appelle le deuxième quinquennat.
06:37 -Et la chute est vraiment possible.
06:39 Catherine Tricot, un mot.
06:41 -Le désarroi.
06:42 Je pense qu'il sait absolument pas comment reprendre la main,
06:45 il sait pas comment interpréter la situation,
06:48 on dirait que la situation lui échappe.
06:50 Voilà.
06:51 -Philippe Moreau-Chevrolet.
06:53 -La dérive vers l'extrême droite.
06:55 Pas d'Emmanuel Macron,
06:57 mais du débat politique et public en général.
07:00 -On va y en venir.
07:01 Thomas Després, un mot.
07:03 -L'attente.
07:04 L'attente, parce qu'Emmanuel Macron avait fixé cette borne
07:07 des 100 jours ce 14 juillet, on l'a encore entendu là,
07:10 il aurait aimé pouvoir tourner la page le 14 juillet,
07:13 et finalement, il va encore devoir attendre
07:16 parce qu'il ne peut pas prendre la parole
07:18 avant la nuit du 14 et du 15.
07:21 -Justement, parce qu'il y a aussi l'attente des Français,
07:24 qui, en général, sont habitués à un président
07:27 qui est assez peu avare de sa parole.
07:30 Pourquoi ce silence ?
07:32 Ca peut, à ce point, dégénérer, là, demain,
07:35 demain soir, que c'est la meilleure option de se taire ?
07:39 -Il y a une inquiétude de la part de l'exécutif
07:41 que la moindre petite phrase du président,
07:44 dans une allocution qu'il aurait pu avoir
07:46 à l'occasion du défilé demain,
07:48 ou dans une interview à l'issue,
07:50 vienne embraser les quartiers et vienne embraser les cités
07:54 et, finalement, relancer une série d'émeutes
07:56 où le président a réussi à s'en sortir assez vite.
07:59 C'est une crainte.
08:00 Pour le moment, l'option choisie,
08:02 c'est de ne pas prendre la parole demain
08:05 et, éventuellement, de prendre la parole plus tard.
08:08 On en parlera dans les prochains jours,
08:10 peut-être dans une interview à la presse quotidienne régionale,
08:14 ce qui permettra à Emmanuel Macron de mesurer davantage ses mots.
08:17 C'était dans une interview à la presse quotidienne régionale
08:21 qu'il avait eu cette expression sur les non-vaccinés.
08:24 Une interview écrite n'est pas forcément plus bordée.
08:27 -Elles sont relues. -Elles sont relues
08:29 et encadrées, ce qui évite le moindre dérapage
08:32 qui pourrait mettre le feu aux poudres.
08:34 -Christophe Barbier, il ne vous surprend pas ce silence ?
08:38 -Non, c'est un silence très surprenant,
08:40 car il porte l'idée du vide, du désarroi.
08:42 C'est un silence, en plus, dans une organisation
08:45 de l'exécutif où, à part le président,
08:47 il n'y a pas grand monde.
08:48 Elisabeth Borne a beaucoup de mal à se relancer
08:51 après l'échec des retraites, car même si le texte est passé,
08:54 elle n'a pas réussi son pari politique.
08:57 Aucun ministre ne pèse vraiment,
08:59 et ceux qui pèsent jouent leur carte personnelle
09:01 qu'une carte de l'équipe complète.
09:03 Donc, oui, tout remonte au président.
09:06 Comment reprendre la main ? Il peut le faire.
09:08 Ce président a des talents de communication,
09:11 il peut aller sur le terrain, faire des annonces fortes,
09:14 bousculer un jeu politique, mais ce silence
09:16 marque plus un président sur la défensive
09:19 qu'un président à la veille de livrer une grande bataille.
09:22 -C'est un silence qui laisse le champ libre
09:24 à la droite et à l'extrême droite,
09:26 qui ont occupé le terrain pendant deux semaines
09:29 dans une forme de surenchère de mesures sécuritaires
09:32 sur l'immigration. On va en reparler
09:34 aujourd'hui. Par petite touche,
09:36 sans parler au français directement,
09:38 est-ce que le gouvernement a déjà choisi la droite,
09:41 la fermeté, on le voit avec les places de prison supplémentaires,
09:44 c'est la direction ?
09:46 -A défaut d'autre chose, j'ai l'impression
09:48 véritablement que pour l'instant, c'est la seule idée qui se fond.
09:52 Leur silence, le fait qu'ils ne se soient même pas manifestés
09:55 auprès de la famille de Naël, par exemple, montre que...
09:58 -En tout cas, on ne le sait pas.
10:00 -Ah bah non, on sait que non.
10:02 On sait qu'il n'y a pas eu de visite,
10:04 de coups de téléphone,
10:05 où ils n'ont pas été reçus, ni à Matignon, ni à l'Elysée.
10:09 Peut-être y a-t-il eu un coup de téléphone d'un ministre,
10:12 on ne le sait, mais en tout cas, il n'y a eu aucun geste politique fait,
10:16 de simple compréhension et compassion.
10:18 En dehors de la réaction du premier jour
10:20 où Emmanuel Macron a eu ces deux mots,
10:23 c'est inexplicable, alors que je crois que c'est très explicable,
10:26 et c'est inexcusable, ça, c'est en effet vrai,
10:29 à part ce jour-là, depuis, ça a été le silence,
10:32 en tout cas, les seules réactions ont été pour maintenir l'ordre.
10:35 J'ai l'impression que c'est la superficialité
10:38 de la compréhension de la situation qui est marquante.
10:41 Ils pensaient qu'il allait apaiser
10:43 simplement parce qu'il allait parler d'autre chose,
10:46 mais les gens ne sont pas du tout des enfants,
10:48 ils ne sont pas apaisants, ils ne vont pas être apaisés,
10:51 on ne va pas leur chanter une chanson,
10:54 il faut leur parler de choses et leur faire une proposition sérieuse.
10:57 Je crois que la violence de ce qui vient de se passer
11:01 montre une société qui est extrêmement tendue
11:03 et qu'on ne peut pas imaginer se calmer simplement
11:06 par des mots comme ça.
11:08 -Philippe-Henri Rochevrelet,
11:09 c'est vrai que vous êtes communicant
11:11 dans une parole présidentielle,
11:13 il y a une adresse avec des mesures concrètes
11:16 pour trouver des solutions à une situation,
11:18 et il y a un pays qui attend.
11:20 Quand on regarde les premières enquêtes d'opinion,
11:23 depuis les émeutes, +8 % sur les questions de sécurité,
11:26 c'est la deuxième attente, juste après le pouvoir d'achat.
11:29 Pareil sur l'immigration.
11:31 Ca veut dire qu'au fond,
11:32 on est entré dans un moment régalien,
11:35 quoi qu'il arrive, il va falloir,
11:37 sur l'autorité, sur les questions de fermeté,
11:41 dans le symbole, au moins dire quelque chose
11:43 avant de poser la question très concrète et chirurgicale.
11:47 -Je pense qu'on est dans un moment...
11:49 extrêmement conservateur.
11:52 On est dans un moment qui est... Je sais pas s'il est régalien,
11:56 mais en tout cas, on est dans un moment
11:58 où l'extrême droite a pris, pour moi, en tout cas,
12:01 le pouvoir sur le débat public.
12:03 C'est peut-être temporaire, c'est peut-être pas grave,
12:06 c'est pas pour ça que Marine Le Pen va être manifestement élue
12:09 en 2027, mais ils ont pris le pouvoir
12:11 d'une façon assez forte, d'abord parce qu'ils incarnent
12:14 une forme de républicanisme, par leur calme,
12:17 leur façon de se mettre en scène,
12:19 et la façon qu'a Marine Le Pen de prendre la parole,
12:22 petit à petit, mais sans faire d'annonce tonitruante,
12:25 ils ont gagné une certaine crédibilité.
12:27 En fait, ils apparaissent comme la vraie droite,
12:30 la vraie alternative, en tout cas l'alternance,
12:33 et puis ils ont pris le pouvoir
12:35 parce que les médias sont, d'une façon générale,
12:38 plutôt en train d'évoluer dans cette direction.
12:41 On le voit avec l'affaire Geoffroy Lejeune,
12:43 où il se passe une bataille politique aussi autour de JDD.
12:46 On va pas se voiler la face, il y a une bataille politique.
12:50 -Y compris au sein du gouvernement.
12:52 -Au sein du gouvernement,
12:53 c'est à peu près tout le gouvernement.
12:56 -La CNN a été reprise de volée par le président
12:58 sur le fait qu'elle avait désavoué Papendiaïe
13:01 qui avait attaqué Bolloré.
13:02 On voit que ce clivage de l'extrême-droite
13:05 divise même l'exécutif.
13:06 On sait pas combien de jours il reste à Madame Borne,
13:09 mais de fait, il y a quand même un conflit politique.
13:13 -Un mot là-dessus, peut-être, sur l'affaire Papendiaïe,
13:16 sur CNews, chaîne d'extrême-droite, selon Ceylon ?
13:19 -Papendiaïe a pris la parole dans une interview
13:21 le week-end dernier pour expliquer que, selon lui,
13:25 CNews et Europe 1 étaient une rédaction d'extrême-droite.
13:28 Elisabeth Borne a considéré que ce n'était pas à son ministre
13:32 de donner des brevets de respectabilité
13:35 à tel ou tel média, là où, ce matin,
13:37 en Conseil des ministres, Emmanuel Macron, lui,
13:40 a décidé de prendre le contre-pied et de dire,
13:42 de manière assez surprenante,
13:44 parce qu'Emmanuel Macron avait parfois eu
13:47 des rapports un peu ambiguës avec CNews,
13:49 y compris avec Valeurs Actuelles, à qui il a accordé une interview,
13:53 Emmanuel Macron, de manière assez surprenante, a dit
13:56 "Je soutiens mon ministre Papendiaïe,
13:58 "il a eu raison de prendre la parole et d'avoir cette expression."
14:02 On sent bien, une nouvelle fois, que même sur ce sujet-là,
14:05 il y a des divisions, entre Elisabeth Borne
14:08 et le président de la République. Ca commence à faire beaucoup.
14:11 -Peut-être qu'il y a un débat qui se joue
14:14 entre Boloré et le président de la République.
14:16 Il y a une histoire de pouvoir.
14:18 Boloré a pris la main sur Paris Match et le JDD,
14:21 et il a pris la main sur la communication gouvernementale.
14:25 -Est-ce qu'on extrapole un peu ? Il y a 15 jours, 3 semaines,
14:28 Elisabeth Borne avait été recadrée par le président
14:31 parce qu'elle avait fait le lien entre le RN
14:34 et son histoire et le régime de Vichy.
14:37 Donc, est-ce qu'Emmanuel Macron est aujourd'hui
14:40 un grand pourfendeur de l'extrême droite ?
14:42 Ca serait très pénaturé de le dire.
14:44 -Pour revenir sur le rebond possible,
14:47 on a bien compris que c'est pas tout de suite,
14:49 on passe le 14 juillet. Quelles sont les options ?
14:52 Quand on regarde la feuille de route,
14:54 il y a quelques cases cochées, mais c'est impossible
14:57 de faire fi de ce qui s'est passé.
14:59 Quand on entend Marie-Elise Léon de la CFDT, ça, ça marche.
15:03 -L'apaisement que promettait le président,
15:05 c'était en grande partie un apaisement du climat social.
15:08 Le bilan des 87 jours écoulés n'est pas mauvais.
15:11 Les casserolades se sont calmées,
15:13 les syndicats sont revenus à la table de négociation,
15:16 la réforme est divisée, on a entendu deux sons de cloche.
15:19 Il y a une feuille de route avec de nouveaux thèmes
15:22 pour des négociations à l'automne.
15:24 C'est loin d'être l'entente parfaite,
15:26 mais le dialogue social a repris.
15:28 C'est un autre incendie qui s'est allumé.
15:31 L'apaisement sociétal, là, il n'est pas pour...
15:33 -Il polarise et réveille le clivage gauche-droite.
15:36 -Il réveille le clivage gauche-droite,
15:39 qui réveille aussi dans notre société
15:41 un besoin d'ordre et de sécurité obsessionnel
15:44 et qui permet des embardées idéologiques
15:46 dans l'interprétation des causes.
15:48 -Est-ce qu'on peut faire du "et" en même temps ?
15:50 -Non, c'est la limite du "et".
15:52 C'est très compliqué de dire le mercredi inexcusable,
15:55 inexplicable, et d'apparaître comme aux côtés de la famille,
15:59 et le lendemain, les émeutes sont injustifiables.
16:02 Pour les Français, c'est une contradiction,
16:04 pas une addition.
16:05 Sur ces sujets régaliens,
16:07 c'est pas la première fois qu'on voit le "et"
16:09 trouver son angle mort, son apori.
16:12 -Il doit en sortir. Soit en renversant la table,
16:14 en passant un pacte de gouvernement avec la droite,
16:17 en élargissant sa majorité OLR.
16:19 C'est ce qu'esquisse Laurent Wauquiez
16:21 quand il dit "union sacrée", même si ça ressemble
16:24 à un cadeau empoisonné.
16:25 Il peut tenter ça, le président de la République,
16:28 c'est se mettre en cohabitation. -On y va.
16:30 Sur les conséquences politiques possibles,
16:33 c'est soit une coalition,
16:35 soit une forme de gouvernement d'union nationale,
16:37 mais de quoi parle-t-on précisément ?
16:40 La main tendue de Laurent Wauquiez a pu en surprendre plus d'un.
16:43 Explication avec Hélène Monduel.
16:45 On reparle de cette alliance potentielle
16:47 avec la droite juste après.
16:49 Musique rythmée
16:52 ...
16:54 -Tendre la main à droite, mais avec qui et sur quelle base ?
16:58 Ce matin, c'est le potentiel candidat LR
17:01 à la présidentielle Laurent Wauquiez
17:03 qui avance ses pions et parle d'union sacrée,
17:06 mais pas à n'importe quel prix
17:08 et surtout à ses conditions.
17:10 -Il revient au président de la République
17:13 de mobiliser une forme d'union sacrée.
17:15 Ce n'est en aucun cas une démarche de coalition,
17:18 de négociation ni de compromission,
17:20 mais nous devons nous entendre sur quelques mesures fortes.
17:23 -Des mesures comme le rétablissement
17:26 des peines planchers ou encore l'expulsion des étrangers
17:29 responsables d'actes de violence.
17:31 -Quand on souhaite discuter,
17:33 on commence pas par avoir des exigences
17:36 et on parle pas de temporairement.
17:38 Si la volonté de discuter est là, elle est bien réelle,
17:41 on peut faire ça de façon un peu plus ouverte et souple.
17:44 Je le redis, la main a été tendue au début du quinquennat,
17:47 elle a été refusée.
17:48 -Une main tendue, mais peut-être pas assez franchement.
17:51 C'est l'ancien président Nicolas Sarkozy
17:54 qui l'a évoquée lors d'un déjeuner
17:56 avec une quinzaine de députés macronistes il y a 15 jours.
17:59 -C'est au plus fort de tendre la main.
18:02 -A l'Assemblée, cette année, 64 % des textes
18:04 ont été adoptés grâce au vote des Républicains.
18:07 Mais sans programme commun, difficile de parler d'alliance.
18:11 -Ca fait six ans qu'on répond à cette question
18:14 avec une certaine constance,
18:16 on va nous en donner quitus, quand même.
18:18 Notre projet n'a rien à voir avec celui d'Emmanuel Macron.
18:22 -Un LR, Premier ministre, c'est non ?
18:24 -Non, on a répondu très clairement.
18:26 -Des LR, sans forcément avoir Madignan ?
18:28 -C'est non.
18:29 -Pour l'aile gauche de la majorité, ce serait même un mariage forcé.
18:33 -Non, je le souhaite pas.
18:35 -On a montré qu'on pouvait voter texte par texte des éléments.
18:38 On a montré aussi les Républicains sur l'immigration.
18:41 Toutes les lignes rouges fixées, ils les ont franchies.
18:44 Ca démontre qu'ils ne le veulent pas.
18:46 -Une droite timorée dans un contexte post-émeute,
18:50 alors que 65 % des Français seraient favorables
18:55 à un gouvernement d'Union nationale.
18:57 -C'est intéressant de voir qu'il y a une attente des Français.
19:01 Il n'y aura aucune forme d'alliance,
19:03 quelle qu'elle soit.
19:05 -Aujourd'hui, elle est très difficile à trouver
19:07 car les Républicains n'ont pas grand intérêt
19:10 à faire de cadeau à Emmanuel Macron.
19:12 Les élections sénatoriales arriveront en septembre
19:15 où la droite peut espérer avoir de bons résultats
19:18 et rester majoritaire au Sénat.
19:20 D'ailleurs, c'est même certain.
19:21 Les résultats seront positifs pour la droite.
19:24 Quel est leur intérêt de bouger ?
19:26 -L'intérêt général, l'intérêt national du pays.
19:29 Ca existe aussi.
19:30 -Souvent, c'est l'intérêt politique
19:32 quand il y a des élections qui arrivent.
19:34 L'intérêt politique, aujourd'hui, pour les Républicains,
19:38 c'est de rester dans cette situation,
19:40 d'essayer de faire des coups, comme sur l'immigration,
19:43 de dire "voilà nos propositions"
19:45 et d'essayer d'exister médiatiquement ainsi.
19:48 Si demain, un élu de droite venait à arriver au gouvernement,
19:52 ce serait sans doute la fin des Républicains
19:55 telle qu'on les connaît.
19:56 Beaucoup de cadres des Républicains
19:58 l'ont en tête. -Christophe Barbier,
20:01 vous avez dit que tout est bloqué.
20:02 Quand Nicolas Sarkozy dit qu'il faut attendre la main
20:05 de façon publique, forte et ferme,
20:07 au nom de l'intérêt supérieur du pays,
20:10 s'il l'avait fait, est-ce qu'il veut le faire ?
20:12 Je ne sais pas, mais s'il le faisait,
20:14 les LR ne pourraient pas lui dire non ?
20:16 -C'est au président de la République
20:18 de prendre l'initiative.
20:20 Quand il parle d'élargissement de la majorité,
20:23 il donne l'impression d'engloutir la droite.
20:25 Il fallait parler de quelque chose d'égal à égal.
20:28 Sarkozy ajoute aussi, en privé,
20:30 que cette union lui semble inéluctable.
20:32 La droite n'a rien à gagner en termes politiciens,
20:35 sauf qu'en 2027, son propre électorat peut lui dire
20:38 "Vous avez laissé tomber la France, vous nous avez fait perdre 4 ans,
20:42 "vous nous avez parlé de la retraite à 65 ans,
20:44 "vous avez formulé des exigences impossibles à accepter,
20:47 "donc on n'a pas fait la grande loi sur l'immigration que vous vouliez."
20:51 Là, ça va être compliqué pour le présidentiable LR de 2027
20:55 d'assumer ces 3 ans d'immobilisme infligés à la France
20:58 pour des raisons politiciennes.
21:00 Néanmoins, jusqu'au sénatorial, ça ne devrait pas bouger.
21:03 Derrière les sénatoriaux, il y a les européennes.
21:06 C'est plus compliqué pour les Républicains.
21:08 Ils ont connu un mauvais millésime en 2019,
21:11 ils n'ont pas de liste, ça peut fracturer leur camp
21:13 si ils ne reconduisent pas certains sortants.
21:16 Ca sera une élection de tous les dangers en eux,
21:19 pour eux, en juin 2024.
21:20 -Catherine Tricot, élargir la majorité,
21:22 c'était le mandat qui a été donné par Emmanuel Macron
21:25 à Elisabeth Borne. -J'espère qu'elle y arrivera.
21:28 -Il n'était pas d'un optimisme débordant.
21:30 -Donc menaçant et sceptique.
21:32 -Donc c'est l'impasse.
21:34 Qu'est-ce qui se passe dans ces cas-là ?
21:36 -L'impasse, il n'est pas simplement
21:38 d'un accord politique avec les LR.
21:40 Le problème, c'est qu'elle est la proposition politique
21:43 qui peut être faite, qui relance la dynamique politique,
21:46 la dynamique sociale, la confiance dans le pays.
21:49 Je ne vois pas ce que les LR ont apporté sur la table
21:52 ni une personne très charismatique,
21:54 ni des personnes très charismatiques,
21:56 qui ont fait des propositions. -J'ai les propositions
21:59 de Laurent Wauquiez.
22:01 -Si on pense qu'on va régler les problèmes
22:03 qui sont ceux du pays en expulsant les étrangers,
22:06 je ne sais pas quoi,
22:07 je veux dire, ce sont des signaux idéologiques,
22:11 des marqueurs politiques,
22:13 mais ce n'est en rien de nature à régler les problèmes
22:16 qui sont ceux que nous avons,
22:17 et en premier, et ceux qui dominent,
22:20 qui est le réchauffement climatique,
22:22 qui est en train de donner ses manifestations.
22:25 -Vous pensez qu'une union nationale sur la transition écologique...
22:28 -Je ne suis pas surprise par le résultat de 64 % de Français.
22:32 Je pense que la France est véritablement
22:34 exempte de toutes ces tensions.
22:36 Le problème, c'est qu'il n'y a pas de propositions politiques
22:40 rassembleuses pour l'instant.
22:42 Quand on voit Emmanuel Macron prendre ses distances
22:45 avec les enjeux écologiques dans ses déclarations,
22:48 et les LR, très nettement,
22:49 donc comment on fait pour apporter une réponse
22:52 à la jeunesse des banlieues, à la question de l'école,
22:55 à la question de l'écologie ?
22:57 Il n'y a pas ces questions-là sur la table.
22:59 -Vous enseignez, Etienne Ollion.
23:01 On a pu lire, puisqu'il n'a pas parlé,
23:04 que le sujet de l'école était fondamental
23:06 dans sa lecture des émeutes,
23:08 qu'elle devait contribuer puissamment
23:10 à la formation républicaine,
23:12 faire de l'école un sujet régalien,
23:15 en tout cas, rétablir l'autorité.
23:17 Ca vous semble urgent, aujourd'hui ?
23:20 -Remettre des financements
23:22 dans les niveaux primaires de l'éducation et secondaires,
23:25 vu le caractère exsangue à l'heure actuelle
23:28 de certains lycées, collèges et écoles maternelles.
23:31 C'est pas comme ça que j'avais entendu le président.
23:34 J'avais entendu parler de jeux vidéo,
23:36 ce qui me paraît pas être le même diagnostic,
23:38 mais sur le constat qu'il faille réinvestir
23:41 dans les services publics,
23:42 tout le monde sera d'accord.
23:44 -Philippe Moreau-Chevrolet,
23:46 quelles sont ces options ?
23:48 -Les options du chef de l'Etat ?
23:50 -Oui. -S'il ne peut pas faire
23:51 de coalition, d'alliance, il va faire des mesures
23:54 où chacun se reconnaîtra ?
23:56 Comment on peut redonner un élan, au fond, au pays,
24:00 dans ce moment-là ?
24:01 -Je sais pas si c'est à lui de le faire.
24:03 Je sais pas s'il est pas un peu tard pour lui.
24:06 -Déjà ? -Ce qui serait possible,
24:08 c'est qu'un candidat modéré arrive à se détacher du lot,
24:12 "tu le perds", c'est-à-dire,
24:13 face à ce que tous les prédécesseurs,
24:15 y compris Emmanuel Macron, ont fait,
24:18 et au bout d'un moment, partir en campagne,
24:20 y compris contre le président installé.
24:22 -La rupture dans la rupture.
24:24 -Je sais pas si c'est pas ça qu'il faudrait.
24:27 -Edouard Philippe ? -Par exemple, pourquoi pas ?
24:30 Il y en a plein, des modérés, qui peuvent faire campagne.
24:33 Ce que peut faire le chef de l'Etat, c'est difficile.
24:36 Il a essayé de refaire un grand débat.
24:38 Il a essayé de devenir maire de Marseille
24:40 le temps d'un week-end, ce qui était très bon,
24:43 c'est une très bonne séquence,
24:45 mais qui a été parasité par les émeutes.
24:48 Il a été détruit par les émeutes,
24:49 il a essayé de repartir en campagne, quelque part,
24:52 c'est sa manière de faire, à chaque fois qu'il est
24:55 dans ce type de difficultés, mais c'est autocentré.
24:58 Et là, le pays a besoin, en fait, qu'on lui parle de lui, du pays.
25:03 Et ça, je sais pas si Emmanuel Macron a encore la dynamique
25:06 pour le faire, il est environné de personnes,
25:09 il a pas de grands témoins autour de lui,
25:11 de grandes personnalités avec du poids qui pourraient l'aider.
25:15 Il y a Bayrou qui essaye, Sarkozy, même,
25:17 essaye quelque part, tout le monde essaye, au fond,
25:20 de conseiller ce jeune président, mais il n'y a pas de poids
25:23 autour de lui, donc qu'il y arrive tout seul, c'est infaisable.
25:27 -Thomas Dépré, un remaniement, puisqu'on nous en parle
25:30 depuis plusieurs jours... -Il est imminent.
25:32 -Il est imminent, mais les hommes peuvent
25:35 suffire à cette attente ?
25:38 -Déjà, pour... -Ou les femmes.
25:40 -Pour finir sur la date, on ne sait pas quand il arrive,
25:43 ce remaniement, on nous avait expliqué qu'il devait arriver
25:46 il y a une semaine, quand il y a eu ces émeutes
25:49 qui sont venues perturber le calendrier du président.
25:52 Là, il a un calendrier très serré, il a un déplacement prévu
25:55 en Belgique au début de la semaine, à Bruxelles,
25:58 il doit ensuite aller en Nouvelle-Calédonie
26:00 et faire une tournée au Pacifique à la fin de la semaine.
26:04 -Quand on parle de remaniement, il s'agit de politiser
26:07 son gouvernement ? Je pense qu'il y a une attente là-dessus.
26:10 -Mettre des poids lourds politiques qui incarnent une parole,
26:13 c'est l'objectif ? -Oui, c'est son objectif,
26:16 notamment sur l'éducation nationale.
26:18 Papandiai, aujourd'hui, beaucoup expliquent
26:20 qu'il n'a pas imprimé pendant cette année et demie
26:23 où il a été ministre, qu'il a été très critiqué,
26:26 qu'il n'a pas réussi à prendre son poste.
26:28 Donc, essayer de mettre quelqu'un de plus politique,
26:31 c'est le souhait d'Emmanuel Macron pour incarner ses priorités.
26:35 Il parle de l'éducation, de la santé,
26:37 avec François Braun, qui, parfois, est critiqué.
26:40 La justice, c'est ce qu'Eric Dupond-Moretti va rester
26:43 ministre garde des Sceaux.
26:44 Voilà les questions.
26:46 Pour avoir des poids lourds, on a évoqué un moment
26:49 Edouard Philippe, qui pourrait revenir au gouvernement
26:52 pour devenir ministre de l'Education nationale.
26:54 On sent bien que c'est ce que cherche le président.
26:57 A chaque fois qu'il veut faire un remaniement,
27:00 il cherche à faire des coups, à apporter des personnalités,
27:03 telles qu'avaient été Nicolas Hulot ou Eric Dupond-Moretti
27:06 quand il est venu au gouvernement.
27:09 Souvent, on voit que ça se solde par des échecs ou des déceptions.
27:12 -Ce ne sont pas des personnalités politiques.
27:15 Papendia et Nicolas Hulot ne sont pas des personnalités politiques,
27:18 elles sont imminentes, appréciées, sympathiques,
27:21 mais voilà. -On a reproché souvent
27:23 le manque de sens politique. -Vous me disiez
27:25 qu'il fallait des personnalités politiques.
27:28 -Etienne Ollion ? -On a parlé de personnalités,
27:31 de savoir s'il faut avoir des gens.
27:33 On a parlé de programmes.
27:34 Il y a quelque chose qui bloque pour le président,
27:37 il n'a pas de majorité, elle est relative,
27:40 et vous êtes bien placé pour savoir que ça a été compliqué
27:43 au quotidien. S'il avait une majorité,
27:45 ils auraient la possibilité de faire passer un programme.
27:48 Quand on sort des crises, comme la crise qui nous amène
27:51 à être en plateau, à savoir les celles sociales
27:54 qui avaient allumé le pays avec les retraites,
27:56 il n'y a pas beaucoup de solutions.
27:58 Il y en a une qui est de dissoudre.
28:00 Ca aurait pu changer les choses, mais c'était pas le bon moment.
28:04 Ils étaient sûrs de perdre. -Pour son propre camp, oui.
28:07 -Une défaite assurée. On peut faire un remaniement,
28:10 mais là, on reste sur des personnes,
28:12 et il faut faire une espèce de mercato
28:14 qui ne dupera pas grand monde dans l'opinion publique,
28:18 ou alors il faut arriver à provoquer
28:20 une espèce de retournement politique et programmatique.
28:23 -Est-ce qu'il en est capable ou est-ce que c'est la fin de règne ?
28:27 -Il a des outils pour ça.
28:28 L'outil de la dissolution se retournait contre lui.
28:31 Le remaniement serait surtout une fin juillet
28:34 où la moitié de la France est en vacances
28:36 et les ministères vides, ça ne marcherait pas.
28:39 En revanche, le président peut s'adresser au Congrès.
28:42 Il peut utiliser l'arme référendaire,
28:44 utiliser sa parole, pas tellement par le haut à la télévision,
28:47 les gens l'écoutent moins, mais aller au contact,
28:50 comme il sait le faire, ça peut être utile.
28:53 Il manque le contenu pour l'instant.
28:55 Si on réunit le Congrès, c'est pour faire un discours
28:58 de politique générale puissant.
29:00 Si on convoque un référendum, c'est pour saisir l'opinion.
29:03 On a l'impression que le président ne sait pas
29:06 que sa boîte à outils est pleine,
29:07 mais que le contenu du sac à idées est vide.
29:10 C'est aussi la rançon d'une campagne présidentielle
29:13 un peu creuse qui a été faite sur la gestion des crises,
29:16 et on ne change pas de capitaine dans la tempête,
29:19 plus que sur des propositions disruptives
29:21 et un programme lumineux.
29:23 -Sans compter que les caisses sont vides
29:25 et la dette est abyssale.
29:27 -Ca peut être une bonne réponse.
29:29 Dire aux Français "Regardez les choses comme elles sont,
29:32 mais nous allons redresser les finances de ce pays".
29:35 -C'est sans aider l'âme.
29:36 -Thomas Dépré, puis on va voir Marco Pommier.
29:39 -La seule proposition dans la campagne
29:42 était la réforme des retraites.
29:44 Une fois que cette réforme était passée,
29:46 y compris dans la majorité,
29:48 quand on discute avec des députés à l'Assemblée,
29:51 ils disent "On va où ?
29:52 "Quel est le cap que doit donner Emmanuel Macron ?"
29:55 Ca fait six mois qu'à toutes les discussions
29:58 qu'on peut avoir, ils nous expliquent
30:00 l'école, l'hôpital, l'écologie...
30:02 -Ce sont des grands thèmes.
30:04 Y a pas de proposition sur ces sujets ?
30:06 -A défaut d'interview du 14 juillet,
30:08 le président de la République va quand même s'exprimer.
30:11 Il est ce soir à l'hôtel de Brienne
30:13 pour le discours aux armées dans les jardins
30:16 du ministère de la Défense.
30:18 On aurait été ravis qu'il soit ponctuel,
30:20 Emmanuel Macron, mais ça n'est pas le cas.
30:23 Il ne s'est pas encore exprimé.
30:24 On voulait scruter un message sur la situation nationale.
30:28 Quelle est l'atmosphère autour de vous ?
30:30 -Ecoutez, Myriam, le président a une trentaine de minutes de retard
30:34 sur le programme prévu.
30:35 Il est en train d'échanger avec des militaires blessés.
30:38 Il rencontre aussi des familles de militaires endeuillés.
30:42 Cette parole présidentielle,
30:43 elle va être quand même scrutée par les journalistes.
30:46 Vous l'avez dit, ce sera la seule prise de parole
30:49 d'Emmanuel Macron à l'occasion de la fête nationale.
30:52 Son discours devrait être consacré
30:54 uniquement aux questions internationales
30:57 et de défense, avec une large partie
30:59 consacrée à la guerre en Ukraine.
31:01 Ca n'empêchera pas Emmanuel Macron
31:03 de se féliciter quand même de l'adoption définitive
31:07 de la loi de programmation militaire.
31:09 413 milliards d'euros de programmés
31:13 entre 2024 et 2030
31:15 pour moderniser nos armées, un budget en hausse de 40 %.
31:18 C'est forcément symbolique, une veille de 14 juillet.
31:22 Ce soir, le président dînera à l'Elysée
31:24 avec Narendra Modi, le Premier ministre indien,
31:27 le premier d'honneur pour le traditionnel défilé
31:30 sur les Champs-Elysées, à la clé,
31:32 une grosse commande de Rafale et de sous-marins, notamment.
31:35 Bref, vous l'avez compris, Myriam,
31:37 une séquence positive, mais qui apparaît
31:39 comme une parenthèse pour Macron.
31:41 -Merci beaucoup, Marco Pommier.
31:43 Un dernier mot. Qui veut le mot de la fin
31:46 sur ce débat d'attente
31:47 avant l'intervention présidentielle ?
31:50 -Quand il est sur le Régalien,
31:51 quand il est sur l'armée, avec une loi qui a été votée
31:55 avec la droite, ça montre que sur certains sujets,
31:58 il y a une possibilité d'agir.
31:59 Il reste à trouver Martin Gall sur les colonies,
32:02 sur l'éducatif, sur l'immigration, et c'est pas simple.
32:05 -On s'arrête là. Bon courage.
32:07 Merci, en tout cas, d'être venus tous les quatre débattre
32:10 sur ce plateau. Vous restez avec moi,
32:12 Étienne Ollion. Dans une dizaine de minutes,
32:15 les partis prides nous affranchir avec Isabelle Lasser
32:18 pour l'international, qui revient sur le sommet de l'OTAN à Vilnius.
32:22 On a aussi Nathalie Pouzel pour les Ukrainiens.
32:25 Le philosophe Nathan De Verne nous livre sa lecture
32:28 de Milan Kundera, décédé hier à Paris.
32:30 Pour ce dernier Bourbon Express de la saison, Elsa Mondingava,
32:34 de quoi nous parlez-vous ? -Je lance un défi aux députés,
32:37 dire du bien des uns des autres. -C'est pas facile.
32:40 -J'ai hâte de voir ça. En attendant, Étienne Ollion,
32:43 on va continuer à en parler de cette nouvelle Assemblée.
32:46 Elle a fonctionné, tant bien que mal, mais à quel prix ?
32:49 On parle de ceux qui avaient été élus les macronistes en 2017.
32:52 On voit ça dans l'invitation de Pierre-Michel Carniel.
32:55 On en parle juste après.
32:57 -Si on vous invite, Étienne Ollion,
32:59 c'est pour avoir votre regard sur cette année écoulée à l'Assemblée,
33:03 sur les députés qui la composent,
33:05 vous qui les passez régulièrement au crible.
33:08 A 41 ans, Étienne Ollion,
33:09 vous êtes un spécialiste de la sociologie politique,
33:12 chercheur au CNRS et professeur à Polytechnique.
33:15 Vos travaux portent sur l'Etat, le pouvoir,
33:18 le pouvoir et ses élus.
33:20 Dans deux ouvrages, vous avez analysé
33:22 le portrait social et politique des parlementaires.
33:26 En 2022, de nouveaux visages viennent remplacer les novices de 2017.
33:30 Vous parlez d'une brutale reconfiguration.
33:33 Mais que sont-ils devenus ?
33:35 Se sont-ils professionnalisés ?
33:37 Qui de la NUPES ou du RN a le plus permis de diversifier l'hémicycle ?
33:41 Comment avez-vous vu leur comportement évoluer ?
33:44 -C'est l'or pour la France !
33:46 -Au sein des parlementaires, on retient le feuilleton électrique
33:49 du débat sur la réforme des retraites.
33:51 -C'est une réforme ou la faillite.
33:53 C'est ça, la réalité de notre système.
33:56 -Pour faire passer sa réforme,
33:58 Elisabeth Borne recourt encore une fois aux 49.3.
34:00 -Sur le fondement de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution,
34:04 j'engage la responsabilité de mon gouvernement...
34:08 Sur le fondement de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution,
34:12 j'engage la responsabilité de mon gouvernement...
34:15 -De quoi pousser l'opposition à l'outrance.
34:17 -Entre 2017 et 2019,
34:19 c'est 33 % d'accidents du travail causant la mort en plus.
34:24 Vous avez la responsabilité de ce choix politique.
34:26 Vous êtes un imposteur et un assassin.
34:29 -De quoi faire sortir de ces gonds les ministres.
34:32 -Mesdames et messieurs les députés insoumis,
34:34 vous m'avez insulté 15 jours.
34:36 Vous chantez, mais vous m'avez insulté.
34:38 Personne n'a craqué ! Personne n'a craqué !
34:41 Et nous sommes là, devant vous, pour la réforme !
34:44 -Et réveiller des coups d'éclat permanents dans l'hémicycle.
34:47 Nous avons donc une question pour vous, Etienne Ollion.
34:51 Pour éviter ces tensions permanentes,
34:53 ne faudrait-il pas supprimer le 49-3 ?
34:56 -Qu'en pensez-vous, Etienne Ollion ?
34:58 Ce 49-3 qui semble aujourd'hui insupportable aux Français.
35:02 -Ce 49-3 dont on a fêté la centième utilisation
35:05 avec la loi sur l'air-train,
35:07 donc une loi extrêmement symbolique,
35:09 qui est un outil dans la palette du législateur,
35:12 un outil légal, et qui a des défauts incroyables.
35:15 Je pense vraiment que pour avoir vu une assemblée
35:17 avec 49-3, une assemblée qui vit sous le seau du 49-3,
35:21 c'est un théâtre d'ombre.
35:22 C'est un moment où on est dans les postures,
35:25 on est dans la tension, on cherche à provoquer l'ennemi.
35:28 -C'est ce 49-3 qui est rejeté sur les trains
35:30 ou c'est l'outil constitutionnel ? -Tout l'outil.
35:33 C'est un système qui est finalement assez rare,
35:36 qui a été inventé, comme vous le savez, en 1958,
35:39 pour débloquer les situations de Parlement
35:41 sans majorité, donc de ce point de vue-là,
35:44 il fonctionne, mais c'est un peu comme une arme nucléaire.
35:47 Une fois qu'on a utilisé l'arme nucléaire,
35:49 il y a des traces et en général, personne n'est gagnant.
35:52 Je pense que le 49-3 a un peu la même aura,
35:55 mais aussi la même conséquence.
35:57 -Vous avez beaucoup travaillé sur l'Assemblée,
36:00 je le disais, depuis 2017, encore aujourd'hui.
36:02 2017, on s'en souvient, c'était la vague des macronistes,
36:05 la révolution du renouvellement,
36:07 avec tous ceux que l'on disait de novices
36:10 issus de la société civile,
36:12 qui n'avaient jamais fait de politique.
36:14 Il nous semble que, cinq ans après,
36:16 l'exécutif a tiré les leçons
36:18 et a décidé que, désormais,
36:21 le nouveau monde n'existait plus,
36:23 on revenait à l'expérience.
36:24 On est frappés de voir qu'ils viennent souvent de cabinets.
36:28 Vous, qui avez observé cela, en sociologue,
36:30 vous le confirmez ? -Oui, en 2017,
36:32 il faut se souvenir qu'Emmanuel Macron
36:34 avait fait rentrer des novices, mais il l'avait fait
36:38 avec une faiblesse structurelle, la jeunesse d'un parti
36:40 sans cadre et sans personne pour venir avec lui.
36:43 Il faut renouveler la vie politique.
36:45 Je ne dis pas qu'il n'y croyait pas,
36:47 mais par ailleurs, il avait fait ça.
36:50 En 2017, cette parenthèse est terminée.
36:52 Des novices se sont professionnalisés,
36:54 qui savent faire de la politique comme les autres.
36:57 Il y a ceux qui sont partis.
36:59 De manière plus significative,
37:00 ceux que le parti a recherchés
37:02 viennent tous des cabinets ministériels,
37:04 donc de ce fameux cursus honorum
37:06 que critiquait vertement Emmanuel Macron.
37:09 -Les classes populaires,
37:10 quasiment absentes de la précédente législature,
37:13 ont fait quand même leur apparition
37:16 plutôt assez massivement
37:18 via deux grandes formations politiques,
37:20 les Insoumis et le Rassemblement national.
37:23 -C'est une question de point de vue.
37:25 Elles avaient tellement disparu
37:27 au moment des précédentes législatures,
37:29 qui avaient été la législature la plus élitiste
37:32 de tout le XXe et le XXIe siècle,
37:34 la législature de 2017.
37:35 Vous avez vu une assemblée bourgeoise.
37:38 Cette fois-ci, deux partis,
37:39 LFI d'un côté, le Rassemblement national de l'autre,
37:42 font revenir à l'Assemblée
37:44 les classes populaires, les employés et les ouvriers.
37:47 On est dans l'ordre de 5-6 %,
37:48 alors qu'ils représentent 50 % de la population active.
37:51 -C'est bien de remettre les choses dans leur proportion.
37:55 -Ils avaient beaucoup disparu. -Plus féminines aussi.
37:57 Pas tant que ça, parce que j'ai découvert
38:00 que 37 % des députées femmes seulement,
38:02 elles étaient 39 il y a cinq ans.
38:04 On a un petit recul qu'on avait vu qu'une seule fois
38:07 sous la Ve République, il y avait eu une petite baisse.
38:10 2017 avait été une grande montée.
38:12 Mais cette parité est en clair-obscur,
38:14 parce qu'on n'a pas cette grande tendance
38:16 et cette grande augmentation, c'est certain,
38:19 et on peut le déplorer.
38:20 D'un autre côté, les femmes ressemblent plus aux hommes.
38:23 Avant, on avait des femmes avec des diplômes,
38:26 des profils différents.
38:27 Les femmes et les hommes politiques
38:29 se ressemblent de plus en plus.
38:31 -C'est ce que j'allais dire.
38:33 Alors, c'est intéressant, parce qu'il y a les profils,
38:36 on voit que ça change, ça évolue,
38:38 et puis il y a la pratique.
38:39 On a trois blocs à l'Assemblée nationale,
38:42 blocs contre blocs, que tout oppose.
38:44 Les Français avaient un peu donné,
38:46 dans cette majorité relative,
38:48 l'impératif de trouver des compromis.
38:50 Vous qui l'avez observé,
38:52 se sont passés ces consensus
38:56 où vraiment le conflit l'a toujours emporté ?
38:59 -Un petit peu des deux, j'ai envie de dire.
39:02 C'est-à-dire qu'on a vraiment eu une Assemblée en clair obscur,
39:05 avec d'un côté une reparlementarisation
39:07 qui est la conséquence de ce que vous venez de dire,
39:10 à savoir une majorité relative et une tripartition,
39:13 qui empêche un bloc de tout écraser.
39:16 La reparlementarisation, on l'a vu à plusieurs reprises.
39:19 On a vu la majorité être battue,
39:21 on a vu la majorité être obligée d'accepter des amendements,
39:24 voire des textes de loi.
39:26 Quand on fera l'histoire de certains textes de loi,
39:29 on est d'accord avec ce qui a été voté.
39:31 Mais ça, c'est la petite partie de cette Assemblée de cette année.
39:35 Ce qu'on a surtout vu, c'est une reprise en main
39:38 de l'Assemblée par l'exécutif et la majorité,
39:40 qui a déployé tout l'arsenal de la Constitution
39:43 et du règlement de l'institution
39:45 pour contraindre les oppositions.
39:47 -La réforme des retraites et des 49.3 budgétaires.
39:50 -Les 12.49.3, les 11.49.3 budgétaires et la réforme,
39:53 plus la réforme des retraites,
39:54 où on a même été jusqu'à faire des arrangements de procédures
39:58 pour que la proposition de loi d'Elliott en juin
40:00 ne soit simplement discutée.
40:02 -Sur les tensions,
40:03 jeu de posture, parce qu'elles ont toujours existé,
40:06 ces grandes passes d'armes,
40:08 elles sont toutes dans les journaux officiers
40:10 de notre histoire parlementaire, mais on a franchi un cap ?
40:14 -Je suis content que vous disiez ça,
40:16 parce qu'il y a parfois une espèce d'oubli du passé.
40:19 On se dit que la tension n'a jamais été aussi forte.
40:21 Vous prenez le compte-rendu officiel du débat des années 1950,
40:25 vous aurez des mots assez peu amènes
40:27 entre gaullistes et communistes,
40:29 et si vous êtes au sortir de la guerre,
40:31 on s'en voit des noms d'oiseaux particulièrement vivaces.
40:35 Le terme "assassin" qui a été évoqué pendant le reportage
40:38 et qui a valu au député Saint-Houl,
40:40 une inscription au compte-rendu, avec retenu sur salaire,
40:43 c'est quelque chose qui avait été beaucoup entendu avant.
40:46 C'est fort, "assassin", c'est une intention de tuer,
40:49 mais on avait aussi beaucoup entendu.
40:51 Là où cette assemblée est différente,
40:54 c'est de deux manières.
40:55 Il y a eu des changements des choses,
40:57 par rapport aux 20 ou 30 ans qui étaient plus pacifiés,
41:00 et il faudrait que les chercheurs expliquent pourquoi.
41:03 Et la deuxième chose, c'est qu'on a des gens qui ne se supportent pas.
41:07 On a des tensions tellement fortes que c'est un ciel d'orage permanent.
41:11 Ca change les dynamiques à l'Assemblée nationale.
41:14 -On y reviendra avec Elisa Mondingava.
41:16 Vous verrez ça.
41:17 Ca veut dire qu'il y aura inévitablement une dissolution ?
41:21 Cette culture du compromis,
41:23 on ne l'a pas en France.
41:25 Est-ce que c'est une question institutionnelle
41:28 ou une véritable question d'histoire parlementaire, politique ?
41:32 -C'est une vraie question de science politique.
41:35 Est-ce que l'absence de culture pourrait faire
41:37 qu'on n'en aurait pas ? Ou au contraire,
41:40 si on changeait les dispositifs d'organisation,
41:42 des votes, du débat, on créerait cette culture ?
41:45 Il semblerait que ce soit la deuxième solution.
41:48 Si on en venait à réformer les institutions
41:50 ou l'institution et son fonctionnement,
41:53 on aurait la possibilité de créer une culture du compromis.
41:56 On le voit dans ces exemples de reparlementarisation
41:59 que j'évoquais. Il est tout à fait envisageable
42:01 de pouvoir s'accorder quand quelqu'un ne détient pas
42:04 tous les pouvoirs et quelqu'un d'autre n'essaie pas d'exister
42:07 en faisant de l'obstruction.
42:09 -Vous croyez aux procédures, aux règles du jeu démocratique ?
42:13 On parle de fatigue démocratique, d'immense défiance
42:16 vis-à-vis des élus. Il y a même des épisodes de violence,
42:19 on l'a vu avec le maire de Saint-Brévin.
42:21 Quel changement de constitution change la constitution ?
42:26 -Quel que soit le nom qu'on lui donne,
42:28 il est temps de s'arrêter et de voir que tous les clignotants
42:31 sont orange vif depuis plus de 20 ans.
42:33 La réforme des retraites en a rajouté encore un peu
42:36 puisqu'on a quand même une majorité qui est passée en force
42:39 par rapport à l'opinion, au syndicat, au Parlement,
42:42 parce qu'il n'y a pas eu de vote sur la réforme des retraites.
42:46 Je pense qu'il est temps de s'arrêter et de réfléchir
42:48 sur les formes d'une nouvelle constitution.
42:51 Ce serait deux choses.
42:52 Ce serait, d'une part, un processus
42:54 où on décide que pendant un ou deux ans,
42:57 on va tous se mettre à discuter, on va voter,
42:59 on va faire campagne, on va réfléchir.
43:02 -La question de la méthode est fondamentale.
43:04 Qui est créé ? Qui participe ?
43:06 -Et elle est d'autant plus fondamentale
43:08 qu'elle vise, avec ses déclarations sur la participation,
43:12 à impliquer des gens. Il faut que ce soit bien au-delà
43:15 d'un comité transpartisan fait par deux anciens présidents
43:18 et trois chefs de parti. Il faut que les Français
43:21 puissent avoir des outils démocratiques.
43:23 C'est comme ça qu'on déjoue les tensions
43:25 qui peuvent exister sur des sujets plus ponctuels.
43:28 -Pour parvenir à une révision constitutionnelle,
43:31 il faut les 3/5 des parlementaires réunis en congrès à Versailles.
43:34 C'est pas possible dans la donne actuelle.
43:37 -C'est pour ça qu'il faut préparer cela.
43:39 -Dans une campagne présidentielle future.
43:42 -Au contraire, pour sortir par le haut des crises
43:44 dans lesquelles on est, on pourrait imaginer
43:47 d'organiser deux ans de débats, de votes, de votations,
43:50 au cours desquelles... -Des conventions citoyennes.
43:53 -Toutes formes d'outils démocratiques.
43:55 Il ne faut jamais penser en silos, mais comme des manières
43:58 de sonder d'une manière ou d'une autre les envies, les besoins,
44:02 et de s'arrêter pour reconnaître le fait que la situation
44:05 ne fonctionne pas et faire des propositions.
44:08 -Dernier mot, il y a des raisons de se réjouir.
44:10 Vous êtes sensible à la question de la participation
44:13 de l'association du citoyen à la décision publique.
44:16 Les Français se sont passionnés par cette nouvelle assemblée
44:20 de la Constitution. Ca veut dire quoi ?
44:22 Ca veut dire que les petites phrases,
44:24 les quatre colonnes, on en parle moins
44:26 que ce qui se passe dans l'hémicycle ?
44:28 -Ca, c'est intéressant. Je pense qu'on s'est beaucoup plus
44:32 prononcés sur des questions très techniques,
44:34 constitutionnelles. Il y a peut-être un effet réseau sociaux
44:37 qu'il faudra regarder. Mais j'ai vu, dans cette assemblée,
44:41 où il se passait plus de choses dans l'hémicycle,
44:43 les journalistes revenir en hémicycle.
44:46 C'est une bonne ou une mauvaise chose ?
44:48 -Quand il se passe quelque chose dans l'hémicycle,
44:51 on capture l'attention. Il ne faut pas désespérer.
44:54 -Vous restez avec moi, Etienne Ollion.
44:56 Sur la chaîne parlementaire, c'est passionnant.
44:59 Vous allez voir, ils seront aussi passionnants
45:01 les affranchis qu'on accueille pour leur parti pris.
45:04 C'est à vous.
45:05 Nathan Devers, qui va revenir sur l'immense romancier
45:09 Milan Kundera, et Isabelle Lacerre, pour l'International,
45:12 qui nous livre son regard sur le sommet de l'OTAN.
45:15 On commence comme chaque soir,
45:17 par Bourbon Express.
45:19 C'est la dernière chronique de la saison avec vous.
45:21 Elzabeth Mondingava, bonsoir.
45:23 -Bonsoir. Pour cette dernière, j'ai décidé de lancer un défi.
45:27 Au député, c'est pas simple, dire du bien des uns des autres.
45:30 C'était pas une mince affaire.
45:32 J'y suis pas allée avec mes gros sabots.
45:34 Avec Camille Souho, on leur a déjà proposé
45:37 de trouver un mot pour définir cette année parlementaire.
45:40 -Ouh, passionnante.
45:43 -Oh !
45:44 -Intense.
45:45 -Tumultueuse.
45:46 -Je dirais âpre.
45:47 -Flop.
45:48 -Bruyante, à l'Assemblée nationale, très bruyante.
45:51 -Une année de tension.
45:53 -Voilà, ça, c'était pour commencer.
45:55 Et chose sérieuse après, j'attaque le défi.
45:58 -Est-ce que vous pouvez me faire un compliment sur la majorité ?
46:01 Me dire quelque chose de sympathique sur eux.
46:04 -Discipliné.
46:05 -C'est le meilleur compliment que vous trouviez ?
46:08 -Oui. On peut pas dire que la majorité ait été ouverte,
46:11 qu'elle ait été attentive aux propositions des oppositions,
46:15 mais qu'elle a été attentive aux propositions des oppositions.
46:18 -Sur la majorité, un compliment.
46:20 -Oui, oui, je cherche...
46:21 Euh... Ils sont naïfs.
46:23 C'est un gentil compliment.
46:25 -C'est le mieux que vous puissiez faire ?
46:28 -Oui, c'est le mieux. Ils sont naïfs,
46:30 et parfois, ils le sont de bonne foi.
46:32 -Est-ce que vous pouvez me dire du bien des Insoumis ?
46:35 -Euh...
46:37 Si j'en disais du bien, je serais un Insoumis moi-même,
46:40 donc non, je peux pas en dire du bien.
46:42 -Pas possible, même, d'avoir un petit mot,
46:44 un petit compliment ?
46:46 -Bruyant. Très bruyant.
46:47 -Est-ce que vous pouvez me dire du bien de la majorité ?
46:51 -Vous avez combien d'heures pour que je réfléchisse ?
46:54 -Quelques secondes après, ça fait trop long.
46:56 -C'est dur, hein ?
46:58 -Non, c'est dur parce que... C'est dur.
47:00 Euh...
47:01 Ils représentent tellement bien la Ve République.
47:04 -Ah bah c'est le plus beau compliment
47:06 que vous pouvez leur faire, c'est ça ?
47:08 -Oui, oui. La fin de la Ve, ils représentent bien son achèvement.
47:12 -Vous voyez qu'on a bien galéré.
47:14 C'est vrai, on l'a vécu ensemble.
47:16 Le climat à l'Assemblée, il est très tendu.
47:18 On s'est demandé, et vous en parliez,
47:21 dans votre débat, est-ce que c'est que dans l'hémicycle
47:24 ou partout, tout le temps ?
47:25 -Les choses sont très cloisonnées, en fait.
47:28 Au fond, l'après-séance,
47:30 je trouve, ressemble de plus en plus à la séance elle-même.
47:35 -Y a-t-il toujours de la tension
47:37 ou vous arrivez à avoir des relations apaisées
47:39 avec la majorité ?
47:41 -Je dirais moins qu'avant.
47:42 J'étais déjà députée au mandat précédent
47:45 et je trouve que l'état de tension politique dans le pays
47:48 et l'état de tension particulier à l'Assemblée nationale,
47:51 que l'exécutif fait peser aussi sur l'Assemblée,
47:54 il faut le dire comme ça, et sur sa majorité, d'ailleurs,
47:57 forcément, se propage aussi en dehors de l'hémicycle.
48:01 -Comment ça se passe en coulisse,
48:03 quand vous vous croisez avec des députés des oppositions ?
48:06 Vous vous parlez ou même se parler, ça devient difficile ?
48:09 -C'est ça qui est triste et qui m'inquiète.
48:12 Ca devient même parfois difficile dans les couloirs.
48:15 Mais qu'on continue à se parler, ça me semble important,
48:18 parce que c'est ça, l'humanité, c'est accepter l'altérité,
48:21 la différence, et si on se parle plus, ça devient grave.
48:24 -Cette année, on s'est beaucoup demandé
48:26 si l'Assemblée n'a pas toujours été comme ça,
48:29 avec beaucoup de tension.
48:30 Je rejoins ce que vous disiez avant,
48:32 puisque c'est ce que les députés nous disent aussi.
48:35 La tension est constante, elle ne retombe jamais,
48:38 mais c'est usant pour tous les députés de tous les bords politiques,
48:42 pour nous, les journalistes, et pour les Français.
48:45 -C'est intéressant ce que vous dites,
48:47 il y a quelque chose qui a mérite d'être mis dans l'équation,
48:50 c'est que cette Assemblée a une majorité relative.
48:53 Ca produit quelque chose que vous connaissez bien,
48:56 que les députés, du matin au soir, sont dans l'hémicycle,
48:59 parce qu'ils doivent pouvoir être là si on fait un vote.
49:03 Qu'est-ce que ça veut dire, être dans l'hémicycle ?
49:06 -C'est un hémicycle où on a un peu de répit,
49:08 on est épuisé, on finit tard le soir, on commence tôt le matin.
49:11 Il faut que les téléspectateurs sachent
49:13 que l'hémicycle a l'air très grand,
49:15 mais quand on est dedans, il est assez petit,
49:18 que les sièges ne sont pas si grands.
49:20 Quand quelqu'un crie, hurle, insulte, c'est à 3 m d'écart.
49:24 Tout ça, ça produit un chaudron de 16 heures par jour, parfois,
49:27 qui fait que les gens sont vraiment, sincèrement, épuisés.
49:30 C'est quelque chose qu'on n'avait pas avant,
49:33 qui permettait d'avoir plus d'espace.
49:35 -L'apaisement dont on parlait tout à l'heure,
49:38 il est impossible aussi dans l'hémicycle, aujourd'hui.
49:41 Si c'est si épuisant, nerveusement,
49:44 est-ce qu'ils n'ont pas tous intérêt
49:46 à faire baisser un peu les décibels et la tension ?
49:49 Ca devient quelque chose de gagnant-gagnant pour tout le monde.
49:53 -C'est le problème des dynamiques mal enclenchées.
49:55 À partir du moment où quelqu'un va baisser la voix,
49:58 il ou elle ne sera plus audible de la même manière.
50:01 C'est difficile de demander à quelqu'un de le faire.
50:04 -La conflictualité comme stratégie,
50:06 pensée par les Insoumis pour relayer la colère des Français
50:09 dans l'hémicycle ?
50:11 -C'est une stratégie qui avait été très payante
50:13 sous la législature précédente,
50:15 et je pense qu'elle a été transposée maintenant,
50:18 mais ils sont 80, donc ça se déploie et ça fait plus de bruit.
50:21 La majorité répond maintenant, ce qu'elle ne faisait pas
50:25 sous la législature précédente. -On passe à l'international.
50:28 Vous avez regardé tous les communiqués
50:31 de ce sommet de l'OTAN, tout ce qui a été donné
50:33 comme garantie de sécurité, il faut décrypter tout ça.
50:36 Vous nous dites que c'est décevant pour les Ukrainiens.
50:39 Je croyais qu'il était content.
50:41 -Il a fait semblant d'être content.
50:43 Il était formé content mardi et un peu plus content mercredi,
50:46 mais il n'a pas eu ce qu'il demandait,
50:49 c'est-à-dire pas d'invitation officielle
50:51 et surtout pas de calendrier précis.
50:53 Les Ukrainiens ont fait le plein de promesses,
50:56 tout le monde a juré que l'aide arriverait
50:58 dans la suite des combats, mais les promesses
51:01 sont restées suffisamment vagues,
51:03 c'est-à-dire que l'OTAN promet une entrée de l'Ukraine
51:06 quand les alliés l'auront décidée et quand les conditions seront réunies.
51:10 Ca peut être interprété de manière différente
51:13 par les alliés.
51:14 La Pologne et les Pays-Bas pensent que cette rentrée dans l'OTAN
51:19 pourra avoir lieu à peine la guerre terminée,
51:22 tandis que pour d'autres membres,
51:24 car ils sont très divisés sur la question,
51:27 il faudra attendre de multiples réformes
51:30 et aussi que la corruption soit complètement éradiquée.
51:33 Finalement, on n'est pas complètement sortis
51:36 de l'ambiguïté de 2008.
51:39 Le veto français et allemand avait, en fait,
51:42 refermé une porte qui venait d'être ouverte à l'Ukraine
51:46 sur le principe.
51:47 C'est la ligne des Etats-Unis et de l'Allemagne
51:49 qui a gagné, pas celle de la Pologne et des Pays-Bas.
51:53 Zelensky est déçu, il a considéré que le projet
51:56 qu'on lui proposait pour rentrer à l'OTAN,
51:58 ce chemin, était absurde, c'était son mot.
52:01 -Pourquoi la prudence des Américains,
52:04 la réserve de Joe Biden ?
52:06 -C'est... Depuis le début de la guerre,
52:10 Joe Biden commence tous ses meetings en disant
52:12 "je ne serai pas le président qui entraînera les Etats-Unis
52:16 "dans une troisième guerre mondiale."
52:18 Joe Biden a peur de l'escalade,
52:20 il a peur que Vladimir Poutine finisse par utiliser
52:23 des armes nucléaires tactiques.
52:25 C'est une implosion de la Russie
52:27 qui serait, selon lui, synonyme de chaos.
52:29 C'est pour ça que, depuis le début de la guerre,
52:32 il calibre son aide, il donne suffisamment d'aide
52:35 pour que les Ukrainiens puissent résister,
52:38 mais il appuie sur le frein quand il s'agit
52:40 de donner des avions et d'ouvrir grand la porte de l'OTAN.
52:44 -Quels sont les risques ?
52:45 -Les risques, ils sont de voir une défaite de l'Ukraine,
52:50 qui serait très néfaste
52:53 pour la sécurité européenne.
52:56 On peut se demander aussi...
52:59 La guerre pourrait durer beaucoup plus longtemps.
53:02 Qu'est-ce qui se passera si Donald Trump revient au pouvoir
53:06 en 2024 ? Et surtout, ça, c'est la grande peur
53:08 de Volodymyr Zelensky.
53:10 Il a peur qu'en fait, Joe Biden,
53:12 le patron de l'OTAN, en gros,
53:14 garde la carte de l'intégration de l'OTAN
53:19 pour des négociations, c'est-à-dire que si la contre-offensive
53:22 ukrainienne ne va pas jusqu'au bout,
53:24 on pourra échanger en disant soit tu rentres dans l'OTAN
53:27 mais tu donnes un peu de ton territoire,
53:30 soit tu ne rentres pas dans l'OTAN,
53:32 mais avec Poutine, on pourra décider.
53:34 -On n'est pas sortis d'ambiguïté.
53:36 -On a dit que l'Ukraine n'était pas prête à rentrer dans l'OTAN,
53:40 mais elle apparaît. Elle pense qu'elle est prête à rentrer
53:43 dans l'OTAN, mais visiblement, c'est l'OTAN
53:45 qui n'est pas prête à intégrer l'Ukraine.
53:48 -Merci beaucoup. Merci, Isabelle.
53:50 On termine avec vous, Nathan Devers.
53:52 Vous voulez rendre hommage à Milan Kundera.
53:54 -Oui, je voulais lui rendre hommage,
53:56 mais je voulais surtout essayer d'exprimer le sentiment étrange
54:00 qu'il m'a investi et qui nous a tous investi
54:02 en apprenant sa disparition.
54:04 Précisément, Milan Kundera, ça fait bien longtemps
54:07 qu'il avait disparu du monde public.
54:09 Ça fait une dizaine d'années qu'il n'avait pas publié de livres.
54:13 Et ça fait près de 40 ans qu'il avait refusé
54:15 toute existence médiatique,
54:17 c'est-à-dire toute apparition télévisuelle,
54:20 de quelques entretiens écrits, mais extrêmement rares.
54:23 Donc, paradoxalement, la disparition de Kundera
54:25 est la disparition de quelqu'un qui a déjà disparu.
54:28 En réfléchissant sur cette idée, je me suis dit
54:31 que c'était peut-être une clé pour rentrer dans l'oeuvre
54:34 et dans la singularité littéraire qu'a pu représenter Milan Kundera.
54:38 -C'est-à-dire ? -C'est-à-dire que l'oeuvre
54:40 de Milan Kundera s'est construite sur plusieurs disparitions.
54:44 D'abord, une disparition littéraire,
54:46 qui est peu commune, créatrice,
54:48 qui a été publiée pendant une dizaine d'années.
54:51 Blanchot disait que dans l'écriture,
54:53 ce qui compte, c'est pas la main qui écrit,
54:55 mais celle qui dit à l'auteur, "Arrête d'écrire, retire-toi de ça."
54:59 Et en cela, Kundera s'inscrit, même s'il était âgé,
55:02 dans la lignée des auteurs qui, comme Rimbaud,
55:04 ont pris du recul par rapport à la littérature publiée.
55:08 Deuxième disparition, quand même incroyable,
55:10 c'est quelqu'un qui a changé de langue,
55:12 qui a passé ses premières oeuvres, ses premiers romans en tchèque,
55:16 et s'est mis à écrire en français,
55:18 ce qui lui crée une position paradoxale dans la littérature
55:21 par rapport à la République tchèque,
55:23 où il est aperçu comme un écrivain national
55:26 et en même temps comme un déserteur.
55:28 Troisième disparition, et qui est peut-être la principale,
55:31 c'est qu'il a renoncé à l'existence publique sur le tard,
55:34 mais que, dès le début, dès son premier roman,
55:37 il a passé toute sa vie à critiquer le monde public.
55:40 Le monde du journalisme, il avait des vœux très violents
55:43 et, plus profondément, l'injonction à apparaître,
55:46 c'est-à-dire l'injonction à se conformer à l'image publique
55:49 qu'on peut donner de soi.
55:51 Dans la plaisanterie, il mettait en scène cette problématique,
55:54 parce qu'il y avait un personnage, Ludvig,
55:57 qui envoyait une lettre à son amante,
55:59 en lui faisant croire qu'il était trotskiste,
56:01 et cette blague privée dans un cadre de séduction érotique
56:04 lui valait l'exclusion du parti et la mise au banc de la société.
56:08 Dès la plaisanterie, l'oeuvre de Kundera se construit,
56:11 c'est un des grands fils de la continuité,
56:14 mais elle s'est construite sur une défense littéraire
56:17 et politique de l'intimité.
56:18 L'intimité, c'est pas seulement la distinction
56:21 entre la vie publique et la vie privée,
56:23 mais l'intimité poussée jusqu'à son paroxysme,
56:26 c'est-à-dire l'idée d'une multiplication de soi,
56:29 des visages, des identités stratifiées,
56:31 qui fait qu'à la fin, on ne sait plus vraiment qui on est.
56:34 -Ca, c'est vraiment la définition du roman chez Kundera,
56:37 ne pas savoir qui on est, prendre le risque
56:40 de se découvrir ou de ne pas se trouver dans l'écriture ?
56:43 -Oui, et ne pas savoir qui on est en tant que romancier.
56:46 Kundera déconstruit l'identité de ses personnages,
56:49 mais il s'efface lui-même en tant que romancier
56:52 et refuse, c'était quelqu'un qui pensait que les romanciers
56:55 ne pensaient pas.
56:56 Pour finir, dans l'art du roman,
56:58 qui est sans doute le livre le plus romanesque,
57:01 même si c'est un essai,
57:02 le roman n'est pas une confession de l'auteur,
57:05 mais une exploration de ce qu'est la vie humaine
57:08 dans le piège du monde.
57:09 -Magnifique. Vous aimez Kundera ?
57:11 -Oui, j'aime bien Kundera.
57:13 C'est un auteur qui a traversé un siècle,
57:15 un siècle lourd, et qui a réussi à maintenir
57:18 une certaine légèreté dans l'écriture
57:21 tout en traitant ces sujets-là.
57:23 -De l'intimité, du privé,
57:25 et complètement à rebours de notre époque,
57:27 sur la transparence.
57:29 -Sauf quand il parle de l'Occident kidnappé.
57:31 -Ah.
57:33 -Il colle parfaitement bien à notre époque.
57:35 -Absolument. Voilà.
57:37 Grand défenseur de l'Europe, aussi.
57:39 On s'arrête là. Merci, Etienne Ollion,
57:41 d'être passé sur le plateau de LCP.
57:43 Merci à vous, les Afranchis.
57:45 C'est la der des ders de la saison.
57:47 So long, Elsa.
57:49 On se retrouve la saison prochaine,
57:51 à la rentrée de septembre.
57:52 Merci à vous de nous avoir suivis.
57:55 Un très grand merci à l'équipe de "Ça vous regarde"
57:58 qui m'accompagne au quotidien.
57:59 C'est pas toujours un cadeau.
58:01 Jean-Pierre Montaner, à la rédaction en chef,
58:04 Fanny Saliu à l'édition,
58:06 Charlotte Barbazat à la programmation,
58:08 et à la production, ainsi que mes deux indispensables,
58:11 qui vont me quitter à grands regrets,
58:13 Enza Benotti et Mazarine Demanja,
58:15 stagiaires de compétition, s'il vous plaît,
58:18 qui vont partir vers de nouvelles aventures journalistiques.
58:21 Merci à toute la régie, bien évidemment,
58:24 et à tous les journalistes de la rédaction.
58:26 Merci à ma patronne, Daphine Ouédard.
58:29 "Ça vous regarde" revient en septembre.
58:31 Bel été à tous. Profitez bien.
58:33 On se retrouve à la rentrée.
58:35 ...

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