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Transcription
00:00 entrez-vous en contact avec un groupe de migrants qui sont bloqués à la frontière,
00:07 à un poste frontière entre la Tunisie et la Libye ?
00:09 Oui, tout à fait. Alors où je vous parle, il y a exactement 150 personnes,
00:13 tous des Africains subsahariens, qui ont été abandonnés dans le désert
00:17 et qui se trouvent à ce poste frontière de Rajdhir.
00:20 Ils m'ont tous dit qu'ils avaient été arrêtés sans aucune raison.
00:23 C'est important de préciser, juste simplement à cause de leur couleur de peau.
00:28 Certains ont donc été arrêtés chez eux, à Sfax ou dans la région de Sfax.
00:32 D'autres m'ont même dit qu'ils avaient été arrêtés alors qu'ils se baladaient
00:35 tout simplement dans la rue.
00:36 Ils sont dans le désert donc, et comment vivent-ils ?
00:38 Ah ben alors les infos qu'on a reçues, les vidéos qu'on a reçues sont assez dramatiques.
00:43 J'ai reçu donc énormément de documents par Kelvin.
00:45 Kelvin fait partie de ce groupe de 150 personnes bloquées dans le désert.
00:48 Il est nigérian. Lui, il dit qu'il a été raflé par les autorités tunisiennes mardi
00:53 et qu'il a été expulsé directement à Rajdhir.
00:56 Quand il est arrivé, il a constaté qu'il y avait déjà d'autres groupes de migrants
01:00 présents depuis plus longtemps, depuis cinq ou six jours.
01:02 Voilà, il m'a envoyé...
01:03 C'est lui qui a tourné ces images.
01:04 Tout à fait, qui a tourné ces vidéos qui datent d'hier.
01:07 Des images qui sont absolument dramatiques.
01:10 On va le voir, il y a des femmes, il y a des enfants.
01:12 Ils survivent comme ils peuvent, ces personnes.
01:15 Je rappelle qu'ils ont été lâchés, abandonnés dans le désert, sans eau ni nourriture.
01:19 Et qu'il fait actuellement 40 degrés à l'ombre dans la région tunisienne-libyenne.
01:24 Donc que les chances de survie, quand on n'a pas d'eau, restent très minces.
01:28 Les dernières nouvelles que j'ai reçues de Kelvin datent de ce midi.
01:31 Il semble absolument découragé puisqu'il affirme que tout son groupe va mourir de soif
01:36 s'ils n'ont pas une aide immédiate qui vient.
01:40 Pourtant, Liliel disait tout à l'heure, 650 migrants ont été secourus dans cette
01:46 même zone par le croissant rouge tunisien et les autorités tunisiennes.
01:49 Pourquoi il reste encore 150 personnes alors ?
01:51 Parce qu'on pense tout simplement que ce groupe ne se situait pas dans la même zone
01:55 que les 650 migrants.
01:56 On pense que le groupe de Kelvin était dans une zone un peu plus reculée, un peu moins
02:00 accessible et surtout dans une zone littéralement côté libyen.
02:04 En fait, le premier groupe qui a été secouru était encore plutôt côté tunisien.
02:08 Selon les coordonnées GPS que m'a envoyée Kelvin, on peut vraiment voir que son groupe
02:14 se situe du côté de la Libye.
02:17 Et donc les ONG, comme le croissant rouge tunisien que Lilia a évoqué, ne peuvent
02:21 pas sans autorisation rentrer dans le territoire libyen pour leur apporter de l'eau et de
02:26 la nourriture.
02:27 Et ces personnes ne peuvent pas partir, ils sont piégés ?
02:29 Oui, c'est le but d'une zone frontalière.
02:32 Impossible pour eux d'entrer en Libye puisque les gardes frontières les empêchent d'accéder
02:36 au territoire et impossible de retourner en Tunisie.
02:39 En fait, les gardes frontières des deux pays se renvoient la balle et refusent catégoriquement
02:44 de les laisser passer.
02:45 Une situation dramatique, comment vous faites pour rentrer en contact avec eux ?
02:48 C'est un peu la question centrale à InfoMigrants.
02:51 C'est la première fois, je crois, à la rédaction qu'on est face à une urgence
02:55 vitale.
02:56 On doit faire le choix entre recueillir des informations pour faire notre travail de journaliste
03:01 et leur faire économiser le peu de batterie qu'ils ont sur leur portable pour qu'ils
03:08 puissent communiquer avec le monde extérieur, avec les humanitaires.
03:11 J'insiste sur cette question des portables parce que c'est vraiment le seul lien, le
03:16 seul support qui les relie au monde extérieur.
03:19 Et quand ils seront déchargés, ils seront complètement coupés du monde et livrés
03:23 à eux-mêmes.
03:24 Dans le groupe de Calvin, il n'y a que trois portables.
03:26 Trois portables pour 150 personnes depuis 48 heures au communique sur deux portables
03:31 qui sont maintenant complètement hors service.
03:33 Il en reste donc un qui a encore un peu de recharge.
03:36 Il y a aussi le problème de l'absence de journalistes locaux dans la zone puisque
03:41 c'est un poste frontalier très militarisé.
03:42 L'absence d'ONG.
03:44 En fait, nous n'arrivons pas à décorréler ces images d'une forte émotion.
03:50 Toutes les infos qui nous parviennent sont vraiment teintées de panique, de beaucoup
03:55 d'émotions.
03:56 Calvin m'a appelé ce matin, mais en fait la discussion est impossible par vidéo puisque
04:00 quand nous apparaissons à l'écran, nous les journalistes, tout le groupe se précipite
04:04 sur le portable pour essayer d'obtenir de l'aide.
04:07 Donc en fait, à l'heure actuelle, tous ces gens qui sont bloqués nous perçoivent
04:10 comme des potentiels secours, pas du tout comme des journalistes.
04:13 Et vous avez tenté bien sûr de joindre les autorités tunisiennes.
04:16 Et on a tenté de joindre les autorités tunisiennes.
04:18 Évidemment, elles ne communiquent pas sur le sujet.
04:20 Nous avons essayé aussi de joindre le parquet de Sfax qui ne communique pas sur la situation
04:25 à la frontière et nous attendons toujours une réaction de la garde nationale tunisienne
04:30 qui est accusée de transporter ces migrants.
04:32 Un dernier mot, Charlotte.
04:33 Les autorités tunisiennes ont aussi parlé hier de deux corps de migrants retrouvés
04:36 dans le désert, deux personnes mortes.
04:39 Oui, mais cette fois-ci, comme le signifiait Lilias, c'est côté algérien, pas du tout
04:42 côté libyen.
04:43 On a, nous, très peu d'infos sur les migrants qui se trouvent dans cette zone.
04:46 On sait juste que leur situation est similaire à celle de Rajdhir en Libye.
04:50 Ce sont des gens livrés à eux-mêmes avec des portables qui se déchargent très rapidement
04:54 et qui n'ont donc aucune aide pour rester en vie.
04:57 Info précieuse relayée par Infomigrants.

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