Sollicitée à plusieurs reprises par le cinéma, Zaho a toujours refusé ces propositions. Jusqu’à ce qu’elle reçoive le scénario de Yo Mama, la comédie de Leïla Sy et Amadou Mariko visible au cinéma depuis le 5 juillet dernier. La chanteuse, devenue actrice, se confie à Télé 7 Jours sur cette première expérience mais aussi sur sa carrière et les responsabilités qu’ont, pour elle, les artistes.
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00:00 Parce que ce qu'on me proposait avant, c'était un peu ce que je faisais dans la vraie vie.
00:11 On proposait peut-être des fois des rôles de chanteuse, des rôles, enfin des rôles
00:15 en vrai, je m'en fous, rôle de chanteuse ou pas, mais des rôles qui ne m'avaient pas
00:18 touché au point de dire oui, qui ne m'avaient pas interpellé ou je préférais au lieu
00:25 d'investir trois mois ou deux mois dans un film, les investir dans un studio et faire
00:32 de la musique.
00:33 Là effectivement, quand le synopsis est arrivé entre mes mains, que je l'ai lu sans aucune
00:40 attente, j'ai versé une petite larmichette à un certain passage et je me suis dit, j'étais
00:45 complètement dans le personnage de Samira, sachant que c'était l'une des premières
00:50 versions du cino qui a bougé, où ils ont réécrit des choses en me connaissant un
00:55 peu mieux et en échangeant tous les deux.
00:57 En tout cas, ça m'a donné envie, j'ai eu beaucoup d'empathie pour ce personnage et
01:02 j'avais envie d'être cette maman qui se bat pour son enfant.
01:04 Le cinéma, c'est carrément un gros risque pour moi parce qu'au-delà de sortir de ma
01:13 zone de confort, c'est me mettre dans des états.
01:15 Parce qu'une chanson, elle est figée dans le temps.
01:17 On l'a fait, alors qu'un film, on fait les mêmes scènes 43 fois, des fois plus que
01:24 ça pour avoir plusieurs axes.
01:26 Des fois, on finit la scène et on refait la suite de la scène d'avant, mais trois
01:30 mois après.
01:31 J'exagère, mais c'était un mois après.
01:32 Mais tu n'étais pas du tout dans le même mood que tu étais il y a un mois.
01:35 En fait, il faut retrouver la même émotion, la même intention.
01:39 C'est très précis le cinéma et c'est un exercice qui me plaît beaucoup.
01:43 Je ne sais pas si c'est toujours quelque chose que je peux maîtriser.
01:47 En tout cas, je fais de mon mieux pour être à la hauteur.
01:50 Souvent, on critique les enfants des autres.
01:56 On se dit « Ah, t'as vu, mal élevé, nanana ». Jusqu'à ce que ton enfant te fasse
02:00 des crises et que tu te rendes compte que tu n'es pas mieux que l'autre maman que
02:03 tu critiquais la veille ou il y a un mois ou il y a un an.
02:06 En fait, ça parle de ça, que ça peut arriver aux meilleurs d'entre nous, à Samira qui
02:11 est organisée, qui a son petit salon de coiffure, qui a son train de vie, qui est impliquée
02:16 dans les associations, qui fait beaucoup pour les jeunes du quartier dans le film, qui est
02:21 engagée, qui connaît un peu tout le monde et qui est un peu la figure publique de ce
02:26 quartier.
02:27 Et qui, justement, de par cette petite mini-notoriété, le revers de la médaille, c'est quand son
02:34 fils est pointé du doigt, c'est elle que tout le monde pointe du doigt.
02:39 Donc par rapport à elle, on lui dit indirectement, dans le regard des gens, elle lit « Mauvaise
02:44 mère, mauvaise mère », parce que tout de suite, les premières incriminées, c'est
02:47 les mamans, car c'est l'éducation première de l'enfant.
02:50 C'est elles qui sont là pour faire barrage à la société et c'est la première école.
02:58 Au final, ces trois femmes-là, ce qui me plaît chez elles, surtout dans mon personnage,
03:05 parce que je parle de mon personnage, c'est ce qui m'a séduit, c'est qu'elles ont
03:08 énormément de failles, c'est qu'elles ne sont pas parfaites.
03:11 C'est ça qui me plaît.
03:12 C'est que c'est des mamans imparfaites qui font tout pour montrer à leurs enfants
03:17 qu'elles les aiment et pour les protéger.
03:19 Et c'est ça une maman.
03:21 On ne lui demande pas d'être parfait.
03:23 Il n'y a pas de parent parfait, ça n'existe pas.
03:25 On leur demande juste de ne pas lâcher l'affaire avec leurs enfants, c'est-à-dire de se
03:28 battre jusqu'au bout pour eux.
03:29 Le postulat d'un artiste, normalement, est de ne pas se soucier de ça.
03:37 C'est d'être libre dans ce qu'il dit et sa manière d'expression, qu'elle soit
03:43 ce qu'elle est.
03:44 Et je défendrais bien évidemment cette liberté d'expression, mais c'est vrai qu'on la
03:48 défend jusqu'au premier album, jusqu'à ce qu'on ait un succès et qu'on se rende
03:52 compte de l'impact qu'on a sur les gens.
03:54 Quand on fait des tournées, des gens, des milliers de gens qui viennent vous dire "tu
03:57 as changé ma vie", positivement, bien sûr.
03:59 "Tu m'as sauvé la vie", des fois des choses comme ça.
04:02 Et on dit "oh, j'ai ce pouvoir-là".
04:03 Et une fois qu'on… enfin, mon fils regarde beaucoup Spiderman, tout ça, donc je le répète,
04:08 de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités.
04:10 C'est la phrase clé.
04:11 Et en fait, on prend conscience de ça parce qu'on est humain.
04:16 Et quand on est artiste, c'est vrai qu'on est dans l'individualisme au départ.
04:19 Le postulat de départ, il est d'être unique, de ne pas être comme les autres, d'être
04:24 ce qu'on est, d'assumer sa différence, etc.
04:26 Mais on perdure en tant qu'artiste et on devient populaire parce qu'on n'est pas
04:31 différent des autres aussi.
04:33 Parce qu'on a de l'empathie et parce que notre art touche la majorité et que ça devient
04:39 populaire.
04:40 Une fois que ça devient populaire, on n'a pas envie, au même titre qu'on ne veut pas
04:44 décevoir ses parents, on n'a pas envie de décevoir ces gens-là.
04:47 Quand j'écris des choses, je réfléchissais beaucoup moins au départ, même si j'ai
04:52 toujours écrit des choses soft, on va dire soft dans le sens, profond dans le sens, mais
04:57 soft dans les mots, je ne sais pas si je dirais tasper, aujourd'hui taper, autant qu'avant.
05:05 Avant, je ne me posais pas la question.
05:06 Mais aujourd'hui, je vais me poser mille questions avant de dire un mot de travers
05:10 ou ce qui n'est pas mon style.
05:12 Mais je vais avoir cette donnée-là que je n'avais pas au départ.
05:15 Pour l'instant, je n'y suis pas confrontée parce que mon fils, il est trop jeune.
05:23 Pour l'instant, il écoute des BO de Spider-Man, des dessins animés, les pyjamas etc.
05:31 Peut-être que ça va me choquer si je l'entends écouter des propos vulgaires, extrêmement
05:38 vulgaires, mais c'est parce qu'on veut couver nos enfants et on les surprotège.
05:44 Mais je pense que c'est une erreur.
05:45 Il faut les laisser, s'ils ne l'écoutent pas, devant moi, il écoutera avec ses potes
05:49 en cachette et donc il faut juste expliquer, les accompagner dans ce qu'ils écoutent.
05:53 « Ah oui, pourquoi tu aimes bien ça ? Ah ouais, c'est quoi qui est cool ? »
05:57 Tu sais que ça, ça ne se dit pas, il ne faut pas.
05:59 Ça, c'est juste une mise en scène.
06:01 Ça, c'est juste comme regarder un film violent qui interdit au moins de 14 ans.
06:06 Si un 12 ans tombe dessus, il va dire « bon, bah tu vois, Deadpool, c'est 16 ans et plus.
06:12 » Voilà, il faut expliquer.
06:13 Non, en fait, tu es tombé dessus, mais voilà, c'est rigolo.
06:16 Il faut avoir le recul, la maturité.
06:18 Mais je pense qu'aujourd'hui, les enfants, ils ne sont pas bêtes et ils sont conscients.
06:22 Ils sont conscients de ce qui est bien ou pas.
06:24 Ils ont le bon sens naturellement, de manière innée.
06:27 Après, il faut les protéger.
06:28 Mais je pense que c'est une erreur d'interdire.
06:30 Interdire n'est jamais bon.
06:32 [Musique]
06:34 [Musique]
06:37 [SILENCE]