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00:00 Si on vous parle de Léonidas de Sparte, il est probable que la première image qui vient en tête, ce soit ça.
00:05 Malgré leur succès, les films historiques sont remplis de représentations de personnages assez loin de la réalité,
00:12 bien que la véracité ne soit pas leur premier objectif.
00:15 Les anachronismes dans le costume, ils sont pas graves en soi, on est pas là pour voir un documentaire, le cinéma c'est de la fiction.
00:21 Un premier exemple de biais contemporain, avec le film 300,
00:26 réalisé par Zack Snyder, adapté du comics de Frank Miller. Le film met en scène le roi de Sparte pendant la bataille des Thermopyles en
00:33 480 avant Jésus-Christ, Léonidas.
00:35 Son costume,
00:37 plutôt minimaliste, il est là pour montrer un corps très musclé, très développé, dans des codes de virilité qui sont
00:41 ceux de la société
00:44 d'aujourd'hui. Pourtant, les Sparsats étaient bel et bien habillés. Pas de slip, car ils ne portaient pas de sous-vêtements, mais un chiton.
00:50 Et par-dessus ce chiton, il pouvait se couvrir d'une clamide, un grand tissu rouge qui est
00:55 plus ou moins représenté dans le film.
00:57 Mais là, elle est surdéveloppée, en fait c'est la cape d'un super-héros. Et on le voit, là, Léonidas c'est quasiment Superman. Il a ce torse
01:06 extrêmement musclé, et une grande cape rouge qui accompagne ses mouvements guerriers d'une manière plutôt dramatique. On comprend pourquoi c'est fait à l'écran, mais
01:13 d'un point de vue historique, c'est faux. Un autre guerrier a eu le droit à une adaptation assez libre, William Wallace,
01:18 figure écossaise de la guerre d'indépendance face à l'Angleterre durant le XIIIe siècle. Le gardien de l'Ecosse est incarné par Mel Gibson en
01:25 1995 dans Braveheart.
01:27 D'un point de vue historique, c'est n'importe quoi. Il porte un kilt
01:29 à des siècles d'écart de ce qu'il aurait été censé porter lui. Il porte aussi des peintures sur le corps,
01:37 ce masque bleu, qui sont en fait des codes empruntés au Picte,
01:42 un peuple antique. Donc on a une composition de costumes qui vient
01:47 créer une chimère historique, qui est là pour servir le propos du film et donner corps à une image.
01:54 C'est comme si nous représentions Jeanne d'Arc avec un bonnet phrygien et un bouclier mérovingien.
01:58 En parlant de Jeanne d'Arc,
02:01 dans le film de Luc Besson, la représentation de Jeanne est l'héritage de plusieurs siècles d'iconographie.
02:06 Jeanne d'Arc, on sait que c'était une femme plutôt petite, plutôt très costaud, assez musclée, avec des cheveux noirs.
02:12 Or, dans la fiction, souvent Jeanne d'Arc, elle est représentée comme une figure un peu gracile, blonde
02:18 et innocente, ce qui est tout à fait Mila Jovovich dans le film.
02:22 "Rentrez chez vous, en paix !"
02:24 En fait, c'est cette mystique un peu de la vierge guerrière.
02:27 "Ces imprécisions ne se limitent pas à sa morphologie. Pour symboliser sa piété, on met de côté une partie de ses habitudes vestimentaires."
02:35 C'était une femme qui aimait s'habiller à la dernière mode masculine.
02:40 Souvent dans les films, on la représente en armure et quand elle n'est pas en armure, elle est un petit peu crado comme ça,
02:46 en vêtements de pauvresse. C'était pas du tout
02:50 la manière dont voulait être représentée Jeanne d'Arc. "Une de ses tenues a coûté 13 écus et 36 sols, soit 6000 euros."
02:55 "Repérer ces anachronismes ne sert pas à juger la qualité d'un film." Si par exemple, on nous montrait
03:02 des fictions dans lesquelles Louis XIV
03:05 aurait une coupe en brosse, est-ce que c'est très grave ? Non. Mais simplement,
03:09 à un moment, on aurait une espèce d'image mentale comme ça de
03:13 "je sais pas exactement où je l'ai vu, je sais pas où je l'ai vu, mais je sais qu'il ressemblait à ça." En fait, on est en
03:18 train de construire des paysages mentaux
03:20 avec une série de codes et d'images qui ne correspondent pas à une réalité historique, mais qui sont construites par de la fiction contemporaine.
03:26 "Mais ces erreurs peuvent cacher une vérité historique qui peut s'avérer tout aussi intéressante et cinématographique."
03:31 Ça nous prive d'un grand imaginaire
03:34 multiple de
03:36 vêtements, de possibilités de société, de différents modèles de masculinité, de féminité. Ça écrase en fait une
03:43 multiplicité de sociétés qui se sont succédées jusqu'à la nôtre et en même temps que la nôtre.
03:48 Et en fait, si on ne s'interroge pas sur ces erreurs, on va
03:51 s'appauvrir de milliers d'années de modèles possibles.
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