Chroniqueuse : Johanna Ghiglia
L’affaire Nahel a grandement creusé le fossé entre la population et les forces de l’ordre. Au fil de cinq jours d’émeutes d’une extrême violence, la police a été prise pour cible. Une situation qui ulcère Perrine Sallé, porte-parole de l’association Femmes de Forces de l’Ordre (FFOC) et co-autrice de « Putes à flic ». Sur le terrain, les tensions commencent à s’atténuer. Cette femme de « flic » détaille la surmobilisation des forces de l’ordre pour « la protection des Français ». Comme 45 000 policiers, son mari a été envoyé sur le front pour faire face aux émeutiers. Sur le plateau de Télématin, elle revient sur ces terribles nuits où l’objectif était d’en découdre avec la police et de « tuer du flic ».
L’affaire Nahel a grandement creusé le fossé entre la population et les forces de l’ordre. Au fil de cinq jours d’émeutes d’une extrême violence, la police a été prise pour cible. Une situation qui ulcère Perrine Sallé, porte-parole de l’association Femmes de Forces de l’Ordre (FFOC) et co-autrice de « Putes à flic ». Sur le terrain, les tensions commencent à s’atténuer. Cette femme de « flic » détaille la surmobilisation des forces de l’ordre pour « la protection des Français ». Comme 45 000 policiers, son mari a été envoyé sur le front pour faire face aux émeutiers. Sur le plateau de Télématin, elle revient sur ces terribles nuits où l’objectif était d’en découdre avec la police et de « tuer du flic ».
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00:00 Il est 8h15, c'est l'interview de l'actualité.
00:01 Johanna, vous recevez ce matin une femme de policier
00:04 et porte-parole de femme des policiers en colère,
00:07 elle s'appelle Perrine Salé, une voix à écouter
00:09 alors que les forces de l'ordre sont très souvent prises sur cible
00:11 pour cibler ces jours-ci. Bonjour et bienvenue.
00:13 Bonjour Perrine Salé.
00:14 Bonjour.
00:14 Merci d'être avec nous.
00:15 Alors tout d'abord, une réaction par rapport à cette cinquième nuit d'émeute.
00:18 On a vu, les choses se sont quand même calmées sur le terrain.
00:21 Oui, fort heureusement, les tensions, on va dire,
00:24 les événements les plus violents semblent s'écalmer.
00:27 On espère que ça va durer. Malgré tout, les forces de l'ordre sont extrêmement mobilisées.
00:32 La majorité des fonctionnaires de police ont été rappelés sur leur repos.
00:35 Certains y vont sur base du volontariat,
00:38 puisque, on le sait très bien, la police nationale comme la gendarmerie
00:41 sont en crise un petit peu de recrutement.
00:43 Ils sont en crise, ils sont en manque d'effectifs
00:45 et pourtant, ils sont surmobilisés pour la protection des Français.
00:48 Alors Thomas vient de le dire, vous êtes femme de policier.
00:50 Est-ce que votre mari était sur le terrain ces derniers jours ?
00:53 Évidemment, mon compagnon, comme 45 000 policiers et gendarmes
00:57 étaient sur le terrain durant ces émeutes,
01:00 a fait face en bac de nuit à des émeutiers, à des pilleurs, à des casseurs,
01:05 à des personnes qui voulaient s'en prendre directement aux forces de l'ordre,
01:08 à des personnes qui voulaient tuer du flic pendant ces quelques nuits extrêmement violentes,
01:12 avec une radicalité dans la violence,
01:15 avec un armement de plus en plus pointu, de plus en plus important.
01:19 Effectivement, on a vu dans les vidéos, les photos, ces scènes extrêmement violentes.
01:22 Comment vous vous sentez-vous dans ces cas-là,
01:24 quand vous savez que votre mari est engagé sur le terrain ?
01:27 Alors vous savez, moi j'ai un compagnon qui a fait plusieurs services dans sa carrière,
01:31 sa jeune carrière on va dire.
01:33 Il était d'abord mobilisé sur les manifestations,
01:37 il était policier spécialisé en manif.
01:39 On a vécu des événements extrêmement intenses,
01:41 extrêmement violents avec les Gilets jaunes.
01:43 C'était des journées d'angoisse, mais c'était des journées un peu ponctuelles,
01:47 c'était que le week-end.
01:48 Ensuite, il y a eu les manifestations sur les lois retraites.
01:52 Effectivement, là encore, c'était des journées intenses,
01:54 mais relativement ponctuelles.
01:56 Là, ça a été cinq nuits d'angoisse, cinq nuits terrifiantes,
02:00 à entendre les tirs de mortier de chez moi,
02:03 à me demander où était mon compagnon, à se demander qu'est-ce qui se passait,
02:06 à entendre que des collègues à mon compagnon étaient blessés,
02:10 à entendre que des cocktails Molotov leur étaient jetés dessus,
02:13 voire même que des armes longues étaient utilisées contre des policiers.
02:16 Alors justement, concernant ces agressions,
02:18 Annie, il y a un policier qui a été touché par une balle,
02:20 une balle de 9 mm est sauvée par son gilet pare-balles.
02:23 Dans le Rhône, quatre policiers gravement blessés par des plombs
02:26 dans la nuit de vendredi à samedi.
02:27 On a d'autres exemples comme ça d'agressions.
02:30 En tant que femme de policier, est-ce que vous avez peur ?
02:32 Est-ce que vous pensez que ça pourrait arriver avec votre mari ?
02:35 Et quand vous parlez avec les autres familles, les autres femmes,
02:37 qu'est-ce qu'elles vous disent ?
02:39 Aujourd'hui, c'est véritablement des nuits d'angoisse,
02:42 comme je le disais tout à l'heure.
02:43 Et en fait, le risque du métier est de plus en plus présent.
02:47 C'est un risque qui est décuplé.
02:49 Vous sentez qu'il y a eu un basculement ?
02:51 Il y a eu un basculement dans la violence, c'est évident.
02:54 Mais ce risque-là se déplace même,
02:56 il n'est pas seulement quand ils sont en intervention,
02:59 il est également quand ils quittent le service.
03:01 On précise effectivement que ces policiers,
03:04 quand ils sont en service, ils vont se prendre tout type de projectiles,
03:07 notamment des balles réelles, comme on l'a vu à Nîmes.
03:09 Mais également, quand ils quittent le service,
03:11 notamment il y a un policier du 19e arrondissement de Paris
03:14 qui, quand il sortait de son service, a été suivi,
03:16 a été menacé, il a été agressé
03:18 et a aujourd'hui huit jours d'ITT.
03:20 Aujourd'hui, ce sont des barrages filtrants organisés par des délinquants
03:24 qui sont mis en place, notamment à Vaux-le-Plein-Nil
03:26 et d'autres endroits comme ceci,
03:28 pour repérer du flic dans leur véhicule.
03:30 Ce sont également des menaces qui sont faites sur nos familles
03:33 et des fichiers de salles de sport qui sont observés
03:36 pour retrouver nom, prénom et adresse de policiers.
03:39 Et vous-même, en tant que femme de flic,
03:41 vous avez aussi reçu des menaces de mort par le passé.
03:45 Parce que c'est toujours le cas.
03:46 C'est toujours le cas, effectivement.
03:47 Dès la première nuit d'émeute,
03:51 j'ai tout de suite reçu des menaces de mort directement.
03:54 On m'appelle à venir me chercher en bas de chez moi
03:57 et à me faire de joyeuses surprises, si vous voyez ce que je veux dire.
04:01 Est-ce que vous comprenez la profonde colère
04:04 qui a été déclenchée par la mort du jeune Naël ?
04:07 Toute mort sur des interventions de police est plus que déplorable.
04:13 On ne peut pas être insensible à la mort d'un jeune homme de 17 ans.
04:18 On ne peut pas être insensible à la douleur d'une famille
04:21 qui vient de perdre un être aimé.
04:23 Cependant, aujourd'hui, on n'est plus sur ce débat-là, malheureusement.
04:28 On n'est plus sur le débat de la justice.
04:30 Vous la comprenez ?
04:31 On peut comprendre la colère, évidemment.
04:33 Cette colère-là, elle est compréhensible.
04:34 Cette douleur-là, elle est compréhensible.
04:36 Par contre, le résultat, par des émeutes, par des violences,
04:39 par des tracts, par des vendettas à l'encontre des policiers et de leur famille,
04:43 là, c'est incompréhensible.
04:45 Quand vous appelez à aller chercher des policiers et leur famille
04:49 sur leur lieu de vie, c'est criminel.
04:52 Et là, ça dépasse l'entendement, ça dépasse la compassion
04:57 que l'on peut avoir avec cette douleur et cette colère.
05:00 Alors, il y a un problème qui a été dénoncé par plusieurs personnes
05:03 qui ont manifesté, c'est le problème du racisme dans la police.
05:05 D'ailleurs, l'ONU, également, appelle la France à s'attaquer
05:08 au profond problème de racisme au sein des forces de l'ordre.
05:11 Est-ce que, selon vous, il y a du racisme chez les forces de l'ordre ?
05:14 Je vais utiliser un mot un petit peu étonnant.
05:17 Oui, il y a du racisme dans la police nationale, comme il y en a en France.
05:21 La police nationale, c'est la représentation de notre société.
05:24 Je vous invite à aller dans les commissariats et à rencontrer
05:27 ces fonctionnaires de police, ils sont 150 000,
05:29 et il y a également les gendarmes.
05:31 Ils sont issus de tous coins de la France.
05:33 Ils sont issus des banlieues, ils sont issus aussi bien des campagnes,
05:36 ils sont issus de la province, ils sont issus de Paris,
05:38 ils sont issus de tous nos quartiers.
05:40 Donc vous comprenez ces jeunes qui dénoncent le racisme
05:42 au sein de la police, ainsi que l'ONU ?
05:44 Bien sûr, on peut le comprendre.
05:45 Ce qui pose problème.
05:46 On peut comprendre qu'il y a cette dénonciation.
05:48 Cependant, ce qu'il faut observer, c'est les réponses qu'il y a derrière.
05:52 Sur ces 150 000 policiers, la grande majorité est exemplaire
05:55 et la grande majorité va converser avec les jeunes des quartiers
05:59 de façon tout à fait courtoise.
06:01 Et qu'est-ce qu'on fait pour le racisme dans la police ?
06:03 Eh bien, il y a des mentions qui sont faites,
06:05 il y a des signalements à l'EGPN notamment,
06:06 qui sont faits très régulièrement.
06:08 Et au plus haut de ces signalements, il y en a eu 1 400 en 2019.
06:13 Et sur ces 1 400 signalements, tous sont observés.
06:16 Moi, j'invite les personnes qui se sentent victimes de violences policières,
06:20 j'invite ceux qui se sentent victimes d'un comportement déplacé
06:24 par un fonctionnaire de police à faire soit un signalement auprès de l'EGPN,
06:28 soit déposer plainte, soit écrire au procureur de la République
06:30 pour obtenir justice.
06:32 Et évidemment, la police nationale a besoin de fonctionnaires de police
06:35 qui sont exemplaires, c'est leur devoir.
06:37 Alors concrètement, selon vous, qu'est-ce qu'on peut faire
06:39 pour rétablir le lien de confiance et de respect
06:41 entre les jeunes et les forces de l'ordre ?
06:44 La première des réponses, c'est évidemment l'éducation.
06:47 L'éducation non seulement des parents, l'éducation à l'école
06:49 pour comprendre nos institutions, comprendre la police nationale,
06:53 recréer du lien, mais également faire confiance aux associations
06:56 qui sont là pour montrer la beauté de ce métier.
07:00 Quand même, il n'y a pas plus beau métier que d'aller protéger un concitoyen,
07:04 que de donner sa vie pour sauver et servir.
07:07 Alors très rapidement, une toute dernière question,
07:09 voir Marie donc été sur le terrain pour les émeutes,
07:11 est-ce qu'un jour vous avez pensé à lui dire "Aujourd'hui, n'y va pas,
07:15 c'est trop dangereux" ?
07:16 C'est tous les jours qu'on se pose cette question-là.
07:18 Tous les jours qu'on a envie de leur dire "Non, n'y va pas".
07:21 Mais vous savez, mon compagnon aujourd'hui a plus peur pour moi
07:24 dans ce climat d'émeute que pour lui-même.
07:27 Et il n'a pas hésité une seule seconde à être rappelé
07:30 et à se porter volontaire pour être rappelé
07:32 et être sur le terrain avec ses collègues
07:34 parce qu'on ne laisse pas un policier de côté.
07:36 Merci beaucoup Perrine Sallé.
07:37 Je rappelle que vous êtes femme de policier,
07:39 porte-parole des femmes des forces de l'ordre en colère,
07:41 également un co-auteur avec Aurélie Laroussi de Putaflic,
07:44 le quotidien des familles des forces de l'ordre,
07:46 qui est paru aux éditions Ring.
07:48 Merci à vous.
07:49 Merci à vous.