Jeudi 29 juin 2023, BE SMART reçoit Laurence Daziano (économiste, Sciences Po)
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00:05 Et donc, Laurence D'Asiano est avec nous. Bonjour Laurence !
00:09 Avec vous pour parler géopolitique, assez souvent, très régulièrement, autour de la Chine.
00:15 Alors, il y a un truc qui m'intéresse, Laurence, je vous l'ai demandé, mais je crois qu'il vous intéresse vous aussi.
00:20 J'ai vu ça en fait, à l'occasion, j'ai vu ça de manière assez détaillée,
00:27 à l'occasion de la visite du nouveau Premier ministre britannique en France.
00:31 Parce que, visiblement, ils en ont parlé. C'est ce concept de Sud global,
00:36 que visiblement veulent nous imposer. Alors, dans ce que j'ai lu, c'était un peu la Russie qui était au cœur de tout ça.
00:45 Ce que tu me dis, toi, c'est que la Chine n'est pas loin non plus.
00:48 Donc, de quoi on parle ? Comment ça se passe ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
00:52 Le concept de Sud global vient du fait que, et la Russie, et la Chine,
00:57 et on l'a vu lors de la visite du président Xi Jinping à Moscou, il est quand même resté trois jours,
01:03 veulent réformer l'ordre international. C'est-à-dire que l'ordre international,
01:08 qui est aujourd'hui basé sur la puissance américaine, et qui repose sur les bases qui ont été créées
01:14 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, c'est-à-dire l'ONU, et les institutions de Bretton Woods,
01:20 la Banque mondiale et le FMI, les Chinois et les Russes, mais surtout les Chinois,
01:25 n'en veulent plus et veulent créer un nouvel ordre international.
01:29 C'est-à-dire que, et je parlerai plus de Xi Jinping parce que je pense que la vision est plus aboutie
01:34 du côté chinois que du côté russe. Xi Jinping, parce que ça avait déjà commencé un petit peu
01:39 avec les routes de la soie, on pourra y revenir.
01:41 Mais évidemment.
01:42 Xi Jinping a compris qu'il ne gagnerait pas contre les États-Unis dans une confrontation en face à face.
01:50 Donc ce qu'il veut aujourd'hui, c'est détruire l'ordre mondial tel qu'il est aujourd'hui,
01:55 de l'intérieur via les Nations unies, d'où le concept de Sud global.
02:01 Et ce qu'il est en train de mettre en place, c'est de dire que les institutions telles qu'elles ont été créées
02:07 et aujourd'hui le droit international tel qu'il est, il est basé sur le droit international qui est né
02:13 de la charte des Nations unies et du fait qu'à partir de la fin de la seconde guerre mondiale,
02:17 tous les États sont égaux et les grands renoncent à envahir ou avoir des rapports de force avec les petits
02:23 et les droits de l'homme.
02:24 Et là, Xi Jinping va dire au pays du Sud, donc un Sud assez grand, c'est-à-dire l'Asie du Sud-Est,
02:31 le Moyen-Orient, l'Afrique et ça va même jusqu'à l'Amérique du Sud, qui est pourtant l'arrière-cours des États-Unis.
02:36 Il va jusqu'à leur dire "mais attendez, d'abord les droits de l'homme, c'est pas dans nos valeurs,
02:42 donc ça c'est du néocolonialisme, pourquoi est-ce qu'on va les appliquer ?
02:47 Puis les Nations unies en 44-45, là, vous avez été associé, vous à leur création ?
02:52 Bah non, donc du coup, aujourd'hui on est pratiquement 80 ans plus tard, modèle obsolète,
02:58 il faut le réformer, on va le réformer de l'intérieur.
03:00 Et ce que veut imposer Xi Jinping, c'est de passer de cet ordre mondial basé sur le droit international,
03:06 c'est-à-dire avec l'égalité des États et les droits de l'homme,
03:10 à une diplomatie transactionnelle qui repose sur des contrats, des accords au cas par cas.
03:16 Et le Global South, qu'est-ce que c'est ?
03:18 C'est selon les moments et selon les enjeux, d'agréger certains États dits du Sud,
03:25 pour porter une voix aux Nations unies et essayer de faire changer les choses de l'intérieur,
03:32 pour dynamiter le système, pour qu'il implose de l'intérieur.
03:35 Et le Global South, enfin le Sud global, ça vient et ça fait écho à tout ce qui s'est passé
03:44 de ce que fait la diplomatie de Xi Jinping depuis qu'il est au pouvoir en 2012.
03:48 C'est-à-dire qu'on a commencé par avoir les routes de la soie,
03:51 alors au début les routes de la soie c'était surtout pour écluser tous les surplus de production de la Chine,
03:56 et puis petit à petit c'est quand même devenu un outil diplomatique de soft power,
04:01 sauf que ça a au bout de dix ans une très mauvaise réputation,
04:04 parce que le bilan environnemental n'est pas génial,
04:08 et qu'il y a eu une trappe à pauvreté, une trappe à dette.
04:13 Voilà, c'est en train de craquer d'ailleurs un peu financièrement en ce moment.
04:16 Ça craque financièrement, d'abord parce que les Chinois y mettent moins d'argent,
04:19 mais surtout parce que tous les pays qui ont adhéré au concept se retrouvent très endettés,
04:24 donc ça commence à avoir une mauvaise réputation.
04:26 Donc, c'est pas grave, on change le système, on change le nom.
04:29 Alors, il y aura moins de financement qui sera mis,
04:32 parce que ce sera plus de la diplomatie et un petit peu moins de commerce,
04:37 quoique ça on pourra y revenir.
04:39 Mais surtout, dans la pensée du Sud global,
04:46 comme les routes de la soie, ça n'allait plus très bien.
04:50 En 2021, à la tribune de l'ONU d'ailleurs,
04:53 Xi Jinping avait parlé d'initiative de développement global,
04:58 le Global Development Initiative, qui était,
05:00 "Regardez, la Chine a réussi à se développer,
05:02 pourquoi est-ce que vous ne prenez pas le même modèle ?
05:04 Puisque de toute façon, voyez bien que le modèle capitaliste, il ne fonctionne pas."
05:07 Un an plus tard, en 2022, il y a le concept de Global Defense Initiative,
05:14 donc l'initiative de défense globale,
05:16 c'est-à-dire que chaque pays est libre de s'armer comme il veut.
05:19 La Chine explose son budget militaire.
05:22 La Chine, en un an, a construit la moitié du tonnage
05:30 de toute la flotte française en navires de guerre.
05:34 - Attends, on va revenir sur la guerre.
05:37 - Et le troisième point, parce qu'il y avait un troisième volet
05:40 de Global Initiative, c'est la Global Civilization Initiative,
05:44 celle que nous a sortie Xi Jinping au début du mois,
05:47 au moment où il a été élu président pour la troisième fois
05:52 par l'Assemblée Nationale, et qui est justement là,
05:55 où il dit, "Mais les droits de l'homme, ce n'est pas nos valeurs,
05:59 pourquoi est-ce qu'on voudrait nous les imposer ?"
06:01 Et où il dit, "Mais aucun pays ne doit imposer ses valeurs à un autre,
06:05 et donc chaque pays est libre de choisir ses valeurs."
06:08 Et si je remonte encore un petit peu, 2014,
06:13 sommet des briques de Fortaleza au Brésil,
06:16 création de la nouvelle Banque de Développement,
06:19 création du CRA, qui sont à la fois l'équivalent
06:24 de la Banque Mondiale et du FMI pour les pays émergents,
06:27 et on voit que cette volonté de remettre en cause
06:31 l'ordre international tel qu'on le connaît, tel qu'il est né
06:35 de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, avait déjà commencé à ce moment-là.
06:39 - Oui, mais alors ça, il faut... Parfait, reprenons.
06:42 Conseil de Sécurité des Nations Unies,
06:44 parce que faire exploser le système des Nations Unies,
06:47 il va toujours buter sur le Conseil de Sécurité ?
06:49 Où il n'a pas la majorité ?
06:51 Où il se retrouve face à États-Unis, France, Grande-Bretagne,
06:56 et où Chine et Russie resteront ?
06:58 Donc, c'est ce système-là qu'il veut faire exploser ?
07:02 - Alors, c'est beaucoup plus insidieux que ça.
07:04 Et c'est là où on voit aussi que la Russie prend sa part.
07:10 Il y a eu, il y a quelques mois, le renouvellement de l'ambassadrice de l'ONU
07:16 qui était chargée de toutes les questions environnementales dans les zones de conflit.
07:23 Et elle avait fait un rapport, qui était évidemment très négatif,
07:27 sur la situation de l'Ukraine.
07:29 - Quelle nationalité, cette ambassadrice ?
07:32 - Elle était occidentale. Je ne sais plus si elle était australienne.
07:35 Enfin, elle était occidentale.
07:37 Et au moment de son renouvellement,
07:39 donc il y a toute une procédure au sein de l'ONU pour renouveler les agents de ce niveau-là,
07:44 et elle était, donc il y avait eu consultation de tous les pays,
07:49 il n'y avait eu aucun autre candidat,
07:51 il y avait eu, donc, son renouvellement, elle est de soi.
07:54 La Russie a bloqué le renouvellement
07:56 en disant qu'on ne comprenait pas pourquoi c'était encore une occidentale
07:59 et que ce n'était pas un pays du sud qui aurait la présidence de ce comité-là.
08:06 Et donc, ils ont fait tout un ramdam.
08:09 Alors, ils ont échoué dans le fait qu'elle a été réélue,
08:14 mais ce qu'ils ont réussi, c'est de faire voter une résolution par une soixantaine de pays
08:19 qui disaient qu'il fallait qu'il y ait systématiquement un candidat venant d'un pays du sud,
08:24 quand il y avait un poste.
08:26 - Ça va se faire petit à petit, il y a du grignotage.
08:28 - C'est comme ça qu'ils vont changer les choses.
08:30 Quand vous regardez toutes les agences des Nations Unies,
08:33 la FAO, c'est un chinois, et il y en avait sur 4 ou 5 agences.
08:38 - Oui, mais je me demande quel impact réel ça a, tu vois, Laurence.
08:42 Je me souviens de cette histoire de FAO,
08:44 mais on a eu aussi, à l'époque Kadhafi, un Libyen à la tête de la commission des droits de l'homme des Nations Unies.
08:49 Donc, tu te rendais bien compte que ça n'avait pas de réel impact au-delà d'un symbole.
08:54 - Sur la FAO, il y en a peut-être un peu plus quand même, puisque c'est l'alimentation.
09:00 - Oui, mais de quoi décide la présidence de la FAO par rapport à la structure elle-même ?
09:06 - C'est le jeu de pouvoir qu'il peut y avoir avec les différents pays.
09:09 Et encore une fois, c'est la volonté d'installer cette diplomatie transactionnelle
09:14 dont on voit bien qu'elle sera de toute façon déséquilibrée.
09:17 Parce qu'un pays comme le Ghana, qui porte sa voix aux Nations Unies et qui dit quelque chose,
09:23 il est considéré comme un égal, au moins en théorie, parce qu'en pratique, il ne se sent pas considéré.
09:29 Et on va peut-être y revenir.
09:31 Mais dans un face-à-face avec la Chine et dans une diplomatie transactionnelle,
09:36 on voit bien que là, il n'y a plus du tout de même de diplomatie.
09:40 - Et alors, c'est cette diplomatie transactionnelle qui...
09:44 On n'en parle pas énormément en France, et c'est pourtant un tremblement de terre,
09:47 qui a permis par exemple ce rapprochement à Pékin entre l'Iran et l'Arabie Saoudite.
09:53 - Mais c'est... Vous l'avez vu, il y a eu le voyage de Xi Jinping en Arabie Saoudite,
09:59 là encore, il est resté 3 ou 4 jours.
10:01 Il y a eu la visite des Molas en Chine, où ils ont été reçus avec tous les honneurs.
10:07 Et un petit peu plus tard, on nous dit "Ah, ben, il y a un accord".
10:10 Pourquoi ? Parce que la Chine veut montrer qu'elle est partout.
10:14 Et surtout, la Chine est en train de créer l'organisation internationale de la médiation,
10:20 qui n'existait pas.
10:22 - C'est le vrai mot ?
10:23 - C'est l'organisation, alors en anglais, International Organization for Mediation.
10:27 Donc, ils sont en train de créer...
10:29 - On dirait un truc français, ça.
10:31 - ...cet organisme, mais c'est très intéressant.
10:33 D'abord, ça n'existait pas, c'est une niche.
10:35 Ils s'y sont engouffrés pour prendre la place, en disant quoi ?
10:39 - "On est où, la Chine, dans le monde ? On est là, en tant que médiateur.
10:43 On n'est pas part aux conflits, mais on va apaiser les conflits."
10:46 - Et donc, "médiateur", ça veut dire, à un moment, par exemple, je dis n'importe quoi,
10:49 "La Russie et l'Ukraine, venez nous voir et on va essayer de trouver un terrain d'entente."
10:53 Mais pas en tant que Chine, en tant qu'organisation internationale de la médiation.
10:57 - C'est un petit peu comme ça qu'ils ont commencé.
10:59 C'est-à-dire que les Chinois mettent le nom sur quelque chose,
11:01 après qu'ils l'aient déjà créé, on l'a vu avec les routes de la soie.
11:04 Il y a des projets qui rentraient dans les routes de la soie,
11:06 qui en fait étaient bien antérieurs à ça. - Bien sûr.
11:09 - Et là, c'est pareil. Tout ce qui va être leur initiative,
11:11 qu'elle soit de défense, de développement ou de civilisation,
11:15 de civilisation, de civilisationnelle, c'est créé...
11:18 Le nom apparaît maintenant, mais ils vont y raccrocher des choses qui existent déjà.
11:21 Mais avec cette histoire d'organisation internationale de la médiation,
11:26 c'est très bien joué, parce que du coup, entre les pays du Sud,
11:29 quand ils s'affrontent, ils vont dire "Mais nous, on est la Chine,
11:32 aucun intérêt, on n'est pas parti au conflit,
11:36 mais on va vous aider à le résoudre".
11:38 Et sur l'Ukraine, il se passera la même chose.
11:40 C'est-à-dire que pour l'instant, ils n'y vont pas trop.
11:43 Et puis le moment venu, qu'est-ce qu'ils recherchent sur l'Ukraine ?
11:48 D'abord, de ne pas être trop embarqués dans la guerre.
11:50 - Oui, ça, on a bien compris.
11:51 - Ensuite, c'est de se garder un siège à la table des négociations,
11:54 notamment par cette médiation.
11:56 Et puis ensuite, c'est participer à la reconstruction,
12:00 et puis à la réforme de l'ordre international qui naîtra d'après la guerre.
12:05 Et du coup, vous voyez la lignée.
12:08 Xi Jinping est là depuis 2012, et il est là encore jusqu'à sa mort.
12:13 Donc tout ouvre être dans la même lignée.
12:16 - Et juste dans ce cadre-là, Laurence, parce que ça aussi,
12:20 c'est très intéressant dans ce que j'ai lu autour du Sud global.
12:25 Il y a cette fameuse phrase de l'acteur français dont j'ai oublié le nom.
12:29 Mon Dieu, comment s'appelle-t-il ?
12:30 Enfin bref, qui a créé un scandale en France parce qu'il a dit
12:34 "écoutez, la guerre d'Ukraine, oui sans doute, mais vous savez,
12:36 en Afrique, des guerres comparables, il y en a,
12:38 et visiblement, c'est pas le souci des Nations Unies,
12:41 et c'est pas le souci du monde, et tout à coup, faudrait que..."
12:44 Ça, je crois que c'est ressenti assez fortement, finalement, dans le Sud global.
12:50 - Pourquoi est-ce que ce Sud global écoute la voix de la Chine ?
12:56 - Parce qu'effectivement, ils se sentent mal considérés à l'ONU.
13:00 Les États-Unis ont quand même eu des politiques de revirement ces derniers temps
13:04 qui font que c'est un petit peu difficile pour eux,
13:07 même si aujourd'hui, l'Arabie saoudite cherche quand même aussi
13:10 à avoir les États-Unis comme garantie de sécurité.
13:13 Ils n'ont pas tout à fait tourné la tête.
13:14 - On en dira un mot de ça, parce que...
13:16 - Mais c'est surtout qu'après la pandémie, et aujourd'hui,
13:20 avec l'inflation sur les coûts de l'énergie et de l'alimentation,
13:24 ces pays-là ont besoin de financement.
13:27 Or, aujourd'hui, les États-Unis n'apportent pas ces financements.
13:30 Aujourd'hui, le discours des États-Unis, c'est de dire...
13:32 - Les Chinois non plus ?
13:33 - Un peu plus.
13:35 - Leur banque mondiale parallèle, là. Redonne-moi le nom de...
13:40 - Ça, c'est la New Development Bank, la nouvelle banque de développement,
13:43 qui est la banque des BRICS.
13:45 Mais les Chinois ont aussi créé, et là, ils sont à 100 %,
13:48 la banque asiatique d'investissement.
13:53 Donc, et là...
13:55 - L'équivalent de notre banque européenne.
13:57 - Exactement.
13:59 - Sauf qu'ils n'ont pas le dollar.
14:01 Sauf que la Chine n'est pas non plus dans une situation financière
14:04 qui soit à ce point florissante,
14:06 qui puisse garantir quelque chose de comparable au FMI ou à la Banque mondiale.
14:10 - Non, mais ils ont des moyens.
14:12 Ce ne sont pas des dollars, ce sont des yuans.
14:14 Et de plus en plus, ils cherchent à ne pas avoir de dollars,
14:16 mais à mettre des yuans dans les transactions internationales.
14:19 Mais là, c'est comme tout.
14:21 On commence par petit, puis on finira par y arriver.
14:24 Un euro, ça commence par un centime.
14:27 - Non, non, mais je comprends.
14:29 Et effectivement, on voit bien la méthode.
14:31 - Voilà.
14:33 Donc, la méthode, elle est là.
14:35 Le temps, et le temps long, ils l'ont pour eux.
14:37 Parce que nous, on a moins en Occident, quand même.
14:39 - Alors, l'autre point qui m'intéresse quand même,
14:42 c'est que, bon, les Chinois, ok.
14:44 Mais qu'en pensent les puissances, les vraies puissances du Sud ?
14:47 Alors, peut-être pas forcément diplomatiques, mais qu'en pense l'Inde ?
14:50 Par exemple, est-ce que l'Inde va aujourd'hui aller bras-dessus-bras-dessous
14:56 dans des initiatives montées par les Chinois,
14:59 sachant les tensions qu'il y a dans l'Himalaya, etc. ?
15:03 - Non, mais les Indiens sont désopportunistes.
15:06 S'ils trouvent qu'à un moment, il y a une initiative à l'ONU ou ailleurs
15:10 qui peuvent les servir, bien sûr qu'ils s'en serviront.
15:13 Mais les Indiens sont parmi les premiers importateurs de pétrole russe aujourd'hui.
15:18 - Ça, on l'a bien compris. Et qu'ils le raffinent et qu'ils nous renvoient l'essence.
15:21 - Voilà. Avec une marge absolument démentielle.
15:25 - Absolument.
15:26 - Non, mais c'est une question d'opportunisme.
15:28 Lula au Brésil, qui est un autre pays des BRICS,
15:31 il est pour un monde multipolaire.
15:34 Et c'est l'arrière-cours des États-Unis.
15:36 Donc, le discours prend, parce que les États-Unis ont en face un narratif
15:42 qui, aujourd'hui, est trop court et qui est juste
15:45 "Regardez-moi, je suis superbe, je suis les États-Unis et mon système politique est meilleur".
15:49 Sauf qu'aujourd'hui, ça ne suffit plus.
15:51 Pour ces pays-là, ça ne suffit plus.
15:53 Ils ne sont pas dupes de ce qu'est la Chine.
15:56 Mais, aujourd'hui, c'est un peu la seule alternative qu'ils ont.
16:00 - Et là où ça m'intéresse énormément, ce que tu dis, Laurence,
16:04 c'est qu'on sait, et on l'a vu au moment des mid-terms,
16:07 qu'il y a des tensions aux États-Unis sur le financement de la guerre en Ukraine.
16:11 De fortes tensions.
16:13 Là, si effectivement, les Américains, et notamment les Républicains,
16:18 se rendent compte que c'est en train de modifier en profondeur...
16:21 Parce que, Arabie Saoudite, Iran, c'est quand même un sacré choc, je pense, pour eux.
16:25 Cette obsession ukrainienne est en train de modifier en profondeur les autres équilibres géopolitiques.
16:31 Là, on a un sujet, quand même, hein.
16:33 C'est absolument passionnant, qui donne un peu le vertige, d'ailleurs, mais on a un sujet.
16:37 Ça veut dire qu'à un moment, peut-être aussi, les Américains vont commencer à lever le pied sur la défense de l'Ukraine.
16:42 - L'Ukraine est regardée par la Chine beaucoup par rapport à Taïwan.
16:48 Parce que les Chinois, ils vont à Taïwan.
16:50 Ils iront à Taïwan, probablement en 2027, et que feront les Américains à ce moment-là ?
16:54 Ils feront comme ils le font avec l'Ukraine ?
16:56 - Pourquoi tu dis 2027 ?
16:57 - Parce que 2027, c'est le centième anniversaire de la création de l'armée populaire chinoise.
17:03 - Oui, mais Laurence, qui ne s'est jamais battue nulle part.
17:06 Qui a pris une déculottée au Vietnam.
17:08 - Elle a pris une déculottée au Vietnam, on est d'accord, mais...
17:10 - Tu crois vraiment qu'il se lancerait dans une aventure militaire comme ça ?
17:13 - Alors, aujourd'hui, la marine chinoise fait des exercices avec la marine russe régulièrement.
17:18 En ce moment, il y a des exercices entre la marine russe, la marine chinoise et la marine iranienne dans le golfe d'Oman.
17:27 Et il y a quelques semaines, il y a des exercices entre la marine russe, la marine chinoise et la marine sud-africaine.
17:33 Donc, ils s'entraînent. Je ne dis pas qu'ils sont au top, mais ils se sont beaucoup parmi.
17:39 - Les leçons de l'Ukraine, c'est quand même qu'à un moment, il faut débarquer.
17:42 - Oui, mais les Chinois...
17:44 - Et que ce n'est pas simple de débarquer.
17:46 - Non, mais les Chinois, comme les Russes, ont une capacité à envoyer des hommes au front que n'ont pas les Ukrainiens et qu'ont encore moins les Taïwanais.
17:56 - Bon, enfin, je prends l'oracle, 2027.
18:00 On sera encore là pour en parler, je pense.
18:04 - J'espère pas.
18:06 - Oui, j'espère, Pierre aussi. Ah, si, dis donc, 2027.
18:09 - Ou alors que je me sois trompée.
18:11 - Oui, oui, voilà, c'est ça.
18:13 Bon, mais ça veut dire que tout ça, et voilà, il nous reste deux minutes, c'est parfait,
18:19 parce que quand tu décris tout ça, tu peux justement décrire une solution sur le temps long,
18:27 telle qu'on l'imagine quand, comme moi, on a des clichés plein la tête sur la Chine,
18:32 sans aucun affrontement direct à un moment,
18:35 si tu penses qu'à la fin, une fois que tout ça sera consolidé,
18:39 bim, il y aura l'affrontement direct pour aller reprendre Taïwan.
18:42 - Il n'y aura pas d'affrontement direct, parce que les États-Unis feront comme ils le font pour l'Ukraine,
18:46 ils livreront des hommes, mais ils n'iront pas eux-mêmes.
18:48 - Non, non, mais je parle d'affrontement direct avec les Taïwanais.
18:50 - Ah oui ?
18:51 - Bah oui, mais qui ne vont pas se laisser faire, quand même.
18:53 - Comme les Ukrainiens, mais ils sont beaucoup moins nombreux.
18:57 - Et ils le sont beaucoup plus en face.
19:01 Et ils le sont beaucoup plus en face.
19:03 Bon, on a fait le tour ?
19:05 - Je pense qu'on a fait le tour.
19:07 - Ben voilà, de ce...
19:09 Et si, quand même, conclusion, ça veut dire que notre diplomatie,
19:15 alors peut-être que...
19:18 Enfin, évidemment qu'elle sait tout ça, mais en gros,
19:21 ce que j'ai lu, elle balayait d'un revers de main ce concept de suite globale.
19:24 Il ne faut surtout pas balayer d'un revers de main ce concept de suite globale.
19:27 Il faut s'y intéresser de très près.
19:29 - Il faut s'y intéresser de très près, tout en déniant à la Chine le fait qu'elle est le monopole sur ce sujet.
19:33 - Bien sûr, bien sûr.
19:35 Mais il est temps de s'en occuper, justement.
19:37 Si on ne veut pas qu'elle ait le monopole.
19:39 Laurence D'Aziano, donc, qui nous accompagnait.