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Russie : «Les jours de Poutine sont relativement comptés», estime Jean-Louis Bourlanges
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Transcription
00:00 Jean-Louis Bourlange, président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée,
00:03 ce matin sur Europe 1, il y a quelques instants, vous avez prononcé le mot de déliquescence de l'État russe.
00:08 Mais est-ce que les Occidentaux ont intérêt à avoir une Russie désorganisée, un État déliquescent,
00:15 avec quand même un pays qui a l'arme nucléaire ? Est-ce que c'est notre intérêt ?
00:18 — Non, pas du tout, ça n'a jamais été notre choix non plus. Je ne sais pas compris comment un certain nombre de très grands esprits
00:24 comme Hubert Védrine semblaient dire que nous n'avions pas fait les gestes qu'il fallait.
00:28 Regardez l'Allemagne, l'Allemagne qui, de ce point de vue-là, nous représentait tous.
00:33 L'Allemagne s'était complètement tournée vers la Russie. Elle estimait qu'elle pouvait apporter de la prospérité,
00:39 de l'oxygène du commerce. En échange, on avait effectivement de l'énergie. Le destin normal aurait été une Russie
00:47 s'orientant progressivement vers une sorte de semi-démocratie et vers le progrès économique.
00:55 Et le choix inverse a été fait. Et c'est Kissinger qui a raison quand il dit...
01:00 quand il s'inquiète de l'immense catastrophe que représenterait cette gigantesque Yougoslavie.
01:07 Parce que c'est un peu le modèle yougoslave étendu à je ne sais combien de fuseaux horaires.
01:12 — Mais M. Bourlange, c'est à qui de décider, finalement, de l'avenir russe ? On a entendu certains responsables politiques.
01:17 Je l'entendais sur le service public hier avec Raphaël Glucksmann, affirmant qu'il fallait presque changer ce régime.
01:24 Mais est-ce que c'est aux Occidentaux, véritablement, de fantasmer peut-être un changement ?
01:29 — Je crois que chacun désire, ne serait-ce que par amitié pour le peuple russe, que le régime soit différent,
01:36 qu'il soit à peu près honnête. C'est une kleptocratie violente, le régime russe. Mais alors ceux qui pensent que nous allons,
01:43 avec soit des bons sentiments, soit des armes, arriver en Russie et dicter un autre destin au peuple russe,
01:50 je crois, sont vraiment téméraires. Les Américains ont essayé de faire ça sous toutes les latitudes depuis 50 ans.
01:58 En dépit de leur puissance, ils ont toujours échoué. Nous, nous avons essayé de faire ça en Libye, par exemple.
02:03 C'est un petit pays, la Libye. On s'est quand même planté dans les grandes largeurs. On a essayé de faire ça...
02:09 Là, on a carrément essayé de voler au secours du Mali. Ça n'a pas tardé à se voir attribuer...
02:18 Nous nous sommes vus attribuer une réputation de néocolonialiste, etc. Donc nous sommes dans un monde où le destin des Russes
02:25 appartient aux Russes. Mais nous devons effectivement souhaiter qu'il évolue. Je pense, cela dit, que les jours de M. Poutine
02:34 sont relativement comptés. Il semble bien que la Russie est un peuple fier, les Russes sont un peuple fier.
02:40 Et l'humiliation qui a été subie, non seulement samedi dernier, mais d'une façon générale depuis le déclenchement de la guerre,
02:48 ne pourra pas être éternellement sans conséquence.
02:51 — Qui ces jours sont comptés ? Peut-être c'est moi, bien sûr. Mais alors, quelle peut être la réaction, voire la surréaction
02:58 d'un animal blessé ? Parce que qui peut croire qu'après avoir été ainsi humilié, Poutine va continuer à faire propre de menses suétudes
03:05 à l'égard notamment d'un prigogine ou d'autres autour de lui qui pourraient le menacer ? Qui peut le croire ?
03:10 — J'ai pas l'impression que prigogine bénéficiera d'une grande aménité de la part du président russe.
03:20 Mais il y a la question de l'humiliation qui avait été posée à plusieurs reprises, notamment par Emmanuel Macron.
03:24 Faut pas humilier Poutine. Je crois que de toute façon, Poutine est humilié par lui-même. Il est humilié par Chegou.
03:30 Il est humilié par l'échec de son armée. Mais je pense que l'avantage, quel que soit le successeur – et là, le successeur,
03:38 c'est toujours lui, si je puis dire – mais l'avantage, c'est que le successeur n'aura pas à porter la responsabilité de cela.
03:46 Ce qui est grave avec Poutine, c'est le déni de réalité. C'est que face à l'échec, il peut y avoir la tentation de surenchérir.
03:54 Et je pense que c'est là où l'ensemble des... — Surenchérir à l'intérieur de la Russie ou sur le front ukrainien ?
03:59 C'est ça, la vraie question. — Surenchérir de manière... Un coup d'État qui manque, c'est un tour de vie supplémentaire.
04:06 Ça, c'est comme ça partout. Ça a été comme ça en Turquie il y a quelques années. Ça a été comme ça le 20 juillet 1944,
04:14 après l'attentat d'Hitler. C'est toujours ça. Il va y avoir un tour de vie. C'est pour ça que les Russes vont pas rigoler, hélas.
04:20 Mais au-delà de ça, alors, ce qu'il va faire militairement... Moi, je suis de ceux qui pensent que la guerre est à peu près contenue,
04:29 que je ne pense pas qu'il y ait un vrai risque nucléaire. Mais même si ce risque est ténu, comme les conséquences en sont immenses,
04:37 on ne peut pas le négliger. Je pense que ça serait quand même mieux d'avoir en face de nous un dirigeant qui dit
04:44 « Écoutez, moi, je suis pas responsable de cette guerre. On va essayer de s'en tirer au mieux pour tout le monde ».

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