Dans ce nouvel épisode d’ « Entre elles », Marie Bochet, multiple championne paralympique de ski alpin et porte-parole internationale L’Oréal Paris, et Anne Floriet, multiple championne paralympique de biathlon et de ski de fond, ont accepté de se rencontrer.
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00:00 Il y a un problème de confrontation à la différence en France.
00:03 On ne se confond pas assez à la différence.
00:04 Alors, je t'explique, moi, j'ai une maladie rare qui s'appelle olier
00:26 et ça a empêché mes os de grandir correctement.
00:30 Au niveau du bras, j'ai le bras plus court.
00:32 Puis j'ai des problèmes avec les doigts aussi,
00:34 mais pour moi, le problème, c'était la marche.
00:36 J'ai une jambe plus longue que l'autre.
00:37 Quand je suis née bébé, j'avais deux jambes pareilles.
00:40 Et au fur et à mesure de la croissance, il y en a une qui n'a pas grandi.
00:44 C'est toujours marrant ce mot "handicap"
00:46 parce que "handicap", ça voudrait dire que ça nous empêche.
00:48 Et puis, je pense que ce n'est pas toujours des choses qui nous ont empêchés.
00:51 C'est pour moi, je le vis plus comme une différence.
00:56 Qu'un empêchement.
00:57 Je crois qu'il n'y a pas énormément de gens qui font du ski de fond
01:00 quand ils ont des difficultés pour marcher au départ.
01:03 Mais je pense que moi, j'aime bien les difficultés.
01:06 Du coup, ça m'a motivée.
01:08 T'aimes bien te confronter un petit peu à des obstacles.
01:11 Voilà.
01:11 Mais c'est drôle que tu parles du handicap comme une différence.
01:14 En fait, j'ai trouvé dans le mot de la différence
01:16 ce qui qualifiait mon handicap.
01:19 Et du coup, c'est pareil, c'est un handicap de naissance.
01:21 C'est une agénésie.
01:23 Donc pareil, il y a un membre qui n'a pas poussé.
01:25 Mais dans le ventre de ma maman.
01:27 Et donc, je suis née avec ce petit doigt.
01:29 Et en fait, comme tu dis, le handicap, c'est quelque chose qui empêche.
01:32 Et en fait, comme j'ai jamais connu la vie avec dix doigts,
01:36 je ne comprends pas ce qui me manque.
01:38 En fait, j'ai tout appris à faire avec six doigts.
01:41 Et donc, en fait, pour moi, c'est pas un handicap de ne pas en avoir dix.
01:44 Mais c'est une différence.
01:45 C'est juste que je fais les choses différemment, mais je les fais quand même.
01:47 Mes parents ont eu la chance de l'apprendre avant ma naissance.
01:50 Donc, je pense de faire un petit peu le deuil de l'enfant parfait,
01:53 d'anticiper certaines choses avant mon arrivée,
01:57 notamment la réaction des proches, je pense aussi.
02:00 Donc, en fait, j'ai été accueillie dans une famille
02:02 qui m'a tout de suite considérée comme un enfant classique.
02:05 J'ai dit que mon petit doigt, ça a été une clé qui m'a ouvert pas mal de portes.
02:08 Et notamment celle du sport de haut niveau.
02:10 Peut-être qu'il se serait refermé un peu tôt, peut-être dans le monde valide,
02:14 parce que cette différence faisait qu'il y avait une différence de temps aussi.
02:17 Et donc, au niveau des sélections, c'était compliqué.
02:19 Et en fait, j'ai découvert le milieu du handicap qui était finalement adapté,
02:22 qui m'attendait en fait.
02:23 C'est un milieu qui est fait pour nous, pour qu'on puisse s'épanouir.
02:26 Et puis, ça m'a permis aussi de me rendre compte
02:28 que j'étais capable de faire plein de choses avec ce petit doigt malgré tout.
02:30 Et des choses plutôt extraordinaires
02:33 que tout le monde ne vit pas dans sa vie quotidienne.
02:35 Et donc, je pense que ça m'a permis, moi en tout cas,
02:38 de me rendre compte que ce petit doigt, finalement,
02:39 c'était aussi une différence, mais une chance.
02:41 En fait, on n'a pas de modèle.
02:43 Et souvent, je me suis dit,
02:45 bon d'accord, je suis forte, mais qu'est-ce que t'en sais que je suis forte ?
02:49 Parce que ça se trouve, on pourrait faire beaucoup mieux que moi.
02:53 J'en sais rien, en fait, parce qu'il n'y a pas une personne qui me ressemble.
02:56 Moi, je crois que j'ai beaucoup appris en regardant les Finlandaises,
03:00 les Norvégiennes, ce qui est...
03:04 Alors qu'en France, je n'avais pas d'exemple.
03:06 Moi, j'ai fait Nagano, Salt Lake City et Turin.
03:10 Et franchement, j'ai vu l'évolution de la médiatisation.
03:14 À Nagano, il n'y avait pas de télé.
03:17 À Salt Lake City, il y avait des télés partout
03:20 et on pouvait voir les autres filmer et on disait,
03:23 "Waouh, c'est génial, ils passent à la télé."
03:26 Et puis à Turin, c'est dédiffusé pour tout le monde.
03:31 Je veux dire, mes proches m'ont vu.
03:33 C'est les premiers jeux où mes proches ont pu le voir.
03:37 Même moi, entre 2010 et 2022, il y avait une évolution assez fun.
03:41 Et c'est vrai que c'est un petit peu du coup le combat après.
03:44 Et là, on a encore un point commun.
03:46 L'évolution, c'est de vraiment attacher la performance sportive.
03:50 Tu vois, j'ai l'impression, en discutant avec toi,
03:52 que quand tu es sportive de haut niveau valide,
03:56 tu as la mission de ta carrière, tu as juste cette mission-là.
03:59 Et nous, j'ai l'impression qu'en plus de nos carrières,
04:00 on doit porter aussi la mission du développement
04:04 et de la crédibilité du handisport.
04:06 Et tu vois, on est investi d'un truc.
04:07 Dans nos carrières, on n'est pas juste investi sur un projet personnel,
04:10 on est aussi investi sur ce projet global et de l'acceptation.
04:14 Et on nous attend dessus aussi.
04:16 On nous attend.
04:17 Moi, je n'avais jamais imaginé être forcément championne de ski.
04:20 Mon rêve, c'était d'être monétriste de ski.
04:21 Et encore plus loin de ça,
04:26 je n'avais jamais imaginé être un jour ambassadrice de la marque L'Oréal Paris.
04:29 Et tout à l'heure, on parlait de la différence qui est une chance.
04:34 En fait, je te disais que ce petit doigt, c'était une clé.
04:37 En fait, moi, ce petit doigt, donc cette différence
04:39 qui aurait pu être considérée comme quelque chose de terrible,
04:42 qui allait du coup me priver de beaucoup de choses,
04:44 finalement m'a fait vivre des aventures assez extraordinaires comme celle-ci
04:48 et comme celle d'être ambassadrice de cette marque
04:51 et du coup, de représenter un peu une catégorie de femme dans la société.
04:56 Et ça m'a énormément touchée.
05:00 J'ai été assez fière qu'on me propose ça.
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