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La journaliste franco-marocaine Camélia Echchihab a créé un compte Instagram pour recenser et alerter sur les féminicides. Pour ELLE, la journaliste et militante féministe se confie sur son engagement et la place du militantisme féministe au Maroc. 

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Transcription
00:00 Les politiciens ne nous entendent pas.
00:01 On a besoin de faire entendre nos voix, on a besoin de crier nos revendications et surtout
00:06 on veut réveiller un peu le pouvoir.
00:08 Je m'appelle Kamélia Eshiab, j'ai 31 ans, je suis journaliste indépendante et j'ai
00:24 créé en janvier 2023 la page Instagram Stop Féminicide Maroc où je recense les féminicides
00:31 au Maroc.
00:32 J'ai créé ce compte Instagram parce que j'ai constaté qu'il y avait vraiment un
00:35 plan, un guide au sujet des féminicides, donc les meurtres de femmes parce qu'elles
00:41 sont des femmes.
00:42 Pour moi c'est très important de nommer et de compter les féminicides.
00:46 Ça permet de mettre une histoire sur ce qu'on considère encore comme un fait divers.
00:51 Tous les jours j'ai une petite routine, il y a deux médias en particulier sur lesquels
00:57 je trouve le plus d'informations.
00:58 C'est vrai que c'est une revue de presse un peu fondément déprimante parce qu'il
01:03 n'y a que des mauvaises nouvelles, c'est morbide.
01:06 Plus je lis ces trucs et plus je me renforce dans mes convictions féministes, ça enfonce
01:11 le clou auprès de ceux qui sont encore sceptiques.
01:13 Le fait que ce soit toujours la même histoire, la même mécanique, ça prouve tout, ça
01:19 prouve que ce sont des violences qui délivrent d'un continuum de violences féminicideres.
01:24 On a grandi, on a été nourri par ça et on l'est depuis des siècles.
01:28 Le fait qu'on ne voit même pas que ce sont des meurtres fondées sur le sexe prouve qu'on
01:35 n'a même plus les yeux en face des trous.
01:37 Donc tout ne remonte pas jusqu'à moi, dans les médias et jusqu'à moi, parce que déjà
01:41 il y a une ligne éditoriale, donc les médias font le choix de traiter ou non une information,
01:46 ils ne sont pas tenus de traiter tous les meurtres et en plus il y a plein de féminicides
01:51 qui passent inaperçus, comme par exemple les décès de suite d'avortements clandestins.
01:57 Il faut savoir qu'au Maroc, l'avortement est criminalisé et moi, ces décès-là, je
02:02 les compte comme féminicides parce que pour moi, il s'agit d'un décès qui survient
02:08 en raison d'une privation de liberté fondamentale fondée sur le sexe.
02:12 On a un très gros problème au Maroc dans la façon dont les médias traitent les féminicides.
02:18 Déjà, ils sont encore considérés dans les faits divers.
02:22 La deuxième chose, c'est la romanticisation des crimes.
02:27 Donc parfois, on a le droit à des envolées numiques du journaliste ou de la journaliste
02:34 qui va essayer de trouver des circonstances atténuantes à l'homme qui a commis le féminicide
02:39 et ça non plus, ça ne devrait plus passer en 2023.
02:42 En ce moment, on est dans une période très intéressante pour le militantisme féministe.
02:48 Je pense qu'on est à l'aube d'une grande réforme qui visera à la fois le code de
02:55 la famille, la moukdawana, et le code pénal.
02:57 Donc militer au Maroc, maintenant, ça peut vouloir dire plein de choses.
03:02 Ça peut vouloir dire s'impliquer dans une association qui date des années 2000, voire
03:08 même d'avant.
03:09 Il y a aussi militer sur les réseaux sociaux en faisant du contenu, voire sensibiliser
03:14 et tout.
03:15 Et ces deux formes-là de militantisme, elles sont complémentaires pour moi.
03:19 Et donc c'est vraiment intéressant parce que je vois ces deux formes de militantisme
03:24 qui commencent à converger l'une vers l'autre.
03:26 Voilà, les politiciens ne nous entendent pas.
03:29 On a besoin de faire entendre nos voix, on a besoin de crier nos revendications et surtout
03:33 on veut réveiller un peu le pouvoir.
03:35 On veut leur dire qu'on est là et on ne va pas souffrir davantage, on ne va pas continuer
03:40 à couper nos mortes, nos blessés, nos traumatisés.
03:43 On veut que ça change et on veut conduire ce changement avec les politiciens.
03:50 On veut en faire partie.
03:51 ♪ ♪ ♪

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