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00:00 7h-9h, les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 La question du jour, les flux de touristes sont-ils devenus insoutenables en France ?
00:10 Le gouvernement a annoncé dimanche un plan pour faire face au surtourisme qui ronge la
00:15 première destination touristique mondiale alors que les visiteurs s'empressent dans
00:19 les mêmes lieux.
00:20 Des calanques marseillaises aux falaises d'Etretat, il s'agit de miser sur la valorisation de
00:24 régions moins connues.
00:25 Quelles mesures sont prévues pour mieux réguler le tourisme ? Comment mettre en valeur
00:29 un territoire ? Bonjour Maria Gravari Barbas, vous êtes professeure de géographie à l'université
00:35 de Paris, Panthéon-Sorbonne.
00:37 Il faut tout d'abord revenir sur ce drôle de mot quand même, surtourisme.
00:41 Oui, qui n'est pas un mot nouveau.
00:44 On a parlé de surtourisme depuis fort longtemps sans pour autant pouvoir véritablement le
00:49 définir.
00:50 Surtourisme, soutourisme sont toujours des questions qui sont un peu relatives et qui
00:53 dépendent vraiment de la façon de se positionner au niveau local.
00:58 Les habitants locaux et les acteurs locaux.
01:00 Je préfère moi-même parler plutôt des fréquentations massives qui, je pense, décrivent
01:04 mieux les phénomènes que nous vivons de façon un peu plus exacerbée aujourd'hui
01:09 du fait de tout un ensemble de nouveaux phénomènes qu'on qualifie très souvent des disruptifs.
01:13 Les plateformes de location de courte durée, les croisières, les vols aériens low cost
01:20 qui font qu'effectivement il y a des pics de fréquentations qui sont parfois extrêmement
01:26 constantes sur certains territoires au risque de ne pas pouvoir les gérer comme il le faut.
01:30 Alors pendant quelques mois, on a espéré des touristes.
01:33 Alors maintenant, ils sont de retour.
01:34 Largement, on est à peu près à quel niveau de fréquentation, Maria Gravari Barbas ?
01:40 On a espéré effectivement.
01:41 C'est vrai que cette coupure de Covid qui a été problématique, évidemment, pour
01:45 les secteurs du tourisme, a également donné l'espoir d'une gestion du tourisme différente.
01:52 Et finalement, on a vu qu'immédiatement avant, dès l'été 2022, nous sommes revenus
01:57 dans ce qu'on pourrait qualifier de business as usual.
02:00 Donc, on a retrouvé et même on a dépassé les niveaux de fréquentation touristique
02:05 qu'on connaissait en France et d'ailleurs dans d'autres territoires touristiques dans
02:09 le passé.
02:10 Ça veut dire qu'il y a plus de touristes aujourd'hui qu'hier en France ?
02:14 Il y a plus de touristes aujourd'hui.
02:16 Il y a aussi également plus de phénomènes de fréquentation massive dans le temps et
02:21 dans l'espace.
02:22 Le problème n'est pas véritablement le nombre de touristes.
02:26 Le problème, c'est que pratiquement 80% de ces tourismes se concentrent sur moins de
02:32 20% du territoire et pas tout le long de l'année.
02:36 C'est-à-dire que ce n'est pas qu'une concentration spatiale, c'est aussi une concentration
02:40 dans le temps.
02:41 Et donc, les mesures du gouvernement visent, et je pense que c'est une chose tout à
02:45 fait excellente, visent à faire en sorte à ce que ces fréquentations massives soient
02:50 un peu régulées, soient un peu rationalisées.
02:53 Mais alors justement, quelles mesures retenir ?
02:56 On a vu par exemple dans les Calanques de Marseille, il y a une limitation du nombre
03:01 de visiteurs.
03:03 Quel type de mesures peut-on mobiliser, Maria Gravari Barbas, pour lutter contre le surtourisme
03:09 ?
03:10 Le dispositif qui est proposé actuellement par le gouvernement concerne plusieurs niveaux
03:14 finalement d'intervention.
03:15 Il est articulé autour de quatre axes différents.
03:19 Le premier axe consiste tout d'abord à avoir une compréhension commune de ce qu'est
03:25 le surtourisme, entre guillemets, ce que cela représente effectivement ces fréquentations
03:29 touristiques massives.
03:31 Le deuxième est plutôt axé sur la sensibilisation, sensibiliser les acteurs du tourisme, sensibiliser
03:38 également les habitants locaux, faire en sorte à ce que les uns et les autres vivent
03:41 cette cohabitation parfois forcée de façon un peu plus agréable.
03:45 Par exemple, qu'est-ce que l'on peut faire à cet égard pour favoriser la cohabitation
03:49 parce que bien souvent aussi ce sont des régions qui vivent du tourisme ?
03:53 Absolument.
03:54 Et c'est vrai que là on a parfois des incompréhensions.
03:56 C'est-à-dire que lorsque l'on parle de numerus clausus, lorsque l'on parle de jauge,
04:00 les acteurs qui vivent du tourisme sont beaucoup moins enthousiastes à ce que ces mesures
04:06 soient appliquées que les autres professionnels pour lesquels le tourisme est parfois une
04:10 nuisance et les habitants locaux par exemple.
04:12 Donc il faut tout d'abord expliquer au niveau des acteurs locaux que quelque part on ne
04:18 peut pas continuer à gérer le tourisme dans la ou une des premières destinations touristiques
04:25 mondiales avec cette logique du laisser faire.
04:27 On n'est plus du tout dans cette logique-là.
04:29 On ne peut pas laisser le tourisme prendre place de façon totalement libre et non régulée
04:35 là où il veut et comme il veut.
04:36 Donc ça c'est vraiment un message qui n'est pas toujours facile à faire passer.
04:40 Mais il y a des initiatives dans ce domaine qui ont fonctionné à l'étranger parce
04:44 qu'on voit qu'il y a beaucoup de villes dans le monde qui luttent contre ce que l'on
04:50 appelle maintenant le surtourisme.
04:51 Je pense par exemple à Venise et on voit que les résultats ne sont pas complètement
04:56 probants jusqu'ici en tout cas.
04:58 Non, en tout cas certainement pas à Venise.
04:59 Il y a plein d'autres territoires qui ont mis en place de bonnes pratiques.
05:04 Je ne dirais pas aujourd'hui que les résultats sont vraiment au rendez-vous.
05:08 Il y a encore énormément de travail à faire et c'est pour cela qu'il est vraiment
05:13 important de parler d'un ensemble de mesures qui ne sont pas que des mesures de limitations,
05:20 qui sont aussi des mesures de communication, des mesures de connaissance parce qu'en
05:26 fait ce qui est également extrêmement problématique c'est que dans ces destinations majeures
05:30 qu'est la France et ce n'est pas que le cas de la France d'ailleurs, et bien la
05:33 connaissance sur ces pics et des fréquentations est encore extrêmement médiocre donc on
05:39 manque cruellement de données.
05:40 Lorsque nous avons les données, ces données ne sont pas viennent plus ou moins je dirais
05:45 des différents côtés, ne sont pas interopérables donc là il y a également un énorme effort
05:52 à faire et c'est autour par exemple de cette mesure d'observatoire que le gouvernement
05:57 propose et qui consistera dans un premier temps de bien comprendre finalement pourquoi
06:04 et comment tout ceci se passe dans l'espace et dans le temps.
06:07 L'un des discours consiste à dire qu'il faut faire découvrir d'autres lieux que
06:11 les lieux touristiques habituels, la côte d'Azur, le littoral du Pays-Bas, qu'il
06:16 faut apprendre aux touristes qu'il y a d'autres lieux en France mais alors comment
06:21 fait-on ça ? Est-ce que justement les lieux fréquentés par les touristes aujourd'hui
06:26 se sont concentrés et comment déconcentrés ces mêmes touristes Maria Gravary Barbas ?
06:32 C'est évidemment extrêmement difficile, c'est extrêmement difficile mais il y a
06:36 des moyens aujourd'hui, enfin il faut arrêter par exemple de continuer à faire du marketing
06:40 sur des territoires à propos des territoires qui sont très fréquentés.
06:44 On parle même de dé-marketing aujourd'hui, c'est-à-dire passer...
06:48 Alors dire par exemple la côte d'Azur c'est laid, n'y allez pas...
06:52 Ou bien non, dire que si vous voulez vraiment découvrir la côte d'Azur, c'est tout à
06:56 fait important que les gens puissent aller à la côte d'Azur.
06:58 Si les touristes en fait, j'ouvre une parenthèse, se concentrent dans certains territoires,
07:02 c'est qu'effectivement ils y trouvent leur bonheur tout d'abord.
07:05 Donc effectivement on peut comprendre pourquoi les gens, les touristes se concentrent sur
07:10 certains territoires.
07:11 Il ne s'agit pas de dire vraiment n'y allez pas, il s'agit de dire aujourd'hui n'y
07:15 allez pas, allez à un autre moment, profitez d'une autre occasion pour y aller.
07:19 Donc le dé-marketing c'est ces lieux qui sont aujourd'hui très connus et qui de toute
07:25 façon attireront les touristes.
07:26 Et bien ce n'est pas forcément la peine de continuer à parler de ces lieux-là.
07:30 En revanche, on peut parler davantage d'autres lieux qui sont tout aussi intéressants et
07:35 qui sont aujourd'hui beaucoup moins connus parce qu'ils sont restés un peu à l'écart
07:39 des flux touristiques au cours des dernières décennies, voire des derniers siècles, ne
07:44 sont pas aussi connus finalement des touristes locaux, nationaux et internationaux.
07:49 Et donc cette mesure de dé-marketing, elle peut avoir certains effets.
07:54 Effectivement, il y a d'autres mesures qui sont tout à fait intéressantes et qui consistent
07:59 à aussi encourager les locaux de profiter de ces lieux touristiques parce qu'on l'a
08:05 vu également pendant la Covid, cela a été une période pendant laquelle les habitants
08:10 locaux ont pu profiter des lieux qui ne sont pas en général accessibles.
08:15 Donc voilà, il s'agit de faire en sorte à ce que ces deux populations qui en général
08:19 s'opposent se rencontrent davantage.
08:21 NICOLAS : Merci Maria Gravari-Barbaz.
08:23 Je rappelle que vous êtes professeure de géographie à l'université parisien Panthéon-Sorbonne.

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