Tanguy Durand, ex-addict au porno : "J'en consommais six heures par jour"
Alcool, drogues, sexe, alimentation, jeux d’argent ou jeux vidéo… Pour "Addict.e.s", sur Yahoo, anonymes et célébrités ont accepté de briser le tabou de la dépendance. Ils racontent la spirale infernale de l’addiction, l’impact souvent destructeur sur l’ensemble des sphères de leur vie, et le chemin, souvent long et douloureux, vers la sobriété.Addict au porno pendant des années, Tanguy Durand a mis du temps à reconnaître sa dépendance, qui l'a isolé et lui a donné une vision biaisée de la sexualité. Désormais guéri, il a su retrouver une vie sociale et sexuelle plus apaisée. Désireux d'aider d'autres porno-dépendants, il livre aujourd'hui son histoire à Yahoo.
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00:00 Je suis un ancien porno dépendant qui aide d'autres personnes à arrêter la pornographie.
00:03 La première fois que j'ai vu de la pornographie c'était à 12 ans.
00:09 Comme la plupart des adolescents de cet âge là, j'achetais des pétards et des bonbons.
00:14 Et il se trouve que mon oeil a été attiré par des magazines porno.
00:19 Et j'ai par curiosité recherché ça ensuite sur internet.
00:24 J'ai découvert ça, c'était à la fois un mélange d'adrénaline, de surprise et de curiosité.
00:31 C'était une sorte de fascination, comme transgresser une sorte d'interdit.
00:37 Je suis passé aux vidéos et j'en ai regardé de plus en plus et c'était l'addiction.
00:41 J'avais eu de la masturbation même avant ça, sans la pornographie.
00:44 Mais très vite, bizarrement, je regardais de la pornographie sans spécialement associer ça avec.
00:50 Moi c'était plus de la curiosité et du visionnage que réellement de la masturbation telle qu'elle.
00:56 La curiosité c'était toujours d'aller plus loin, de savoir ce qui était possible.
01:00 Parce que mine de rien, je connaissais certaines choses à la sexualité.
01:04 Mais pas tant de choses que ça.
01:07 Puisque à 12 ans, on n'a encore rien expérimenté, ça reste assez rare.
01:10 À 12 ans c'était des images pornographiques extrêmement simples.
01:13 Celles qu'on pourrait trouver dans un magazine ou ce genre de choses.
01:17 Des femmes déludées.
01:18 Ensuite ça a été des vidéos pornographiques, d'abord extrêmement soft.
01:21 Puis ensuite il y a eu une escalade dans cette consommation.
01:26 En allant vers des choses de plus en plus violentes mentalement.
01:31 Et dans les faits aussi, dans les vidéos.
01:34 Et de plus en plus crades si je puis dire très clairement.
01:38 C'était des images que normales.
01:41 Qui n'ont pas leur place dans la sexualité normale de personnes qui s'aiment.
01:46 Alors quand je parle de crades, j'entends tout ce qu'on peut trouver sur un site pornographique globalement.
01:51 De manière légale.
01:53 J'ai jamais touché à ce qui était illégal.
01:55 Heureusement. Vraiment heureusement.
01:57 Ça aurait pu être le cas comme beaucoup d'autres pornos dépendants.
01:59 Mais ça n'a pas été mon cas.
02:00 Mais vraiment, j'ai vu tellement de choses.
02:02 Vraiment, tout ce qui existe sur un site pornographique globalement, je l'ai vu.
02:06 En fait c'est comme une fascination malsaine.
02:11 Où on va chercher à toujours aller plus loin.
02:14 Toujours en voir plus.
02:15 Au début c'est de la curiosité. Vraiment.
02:17 Je dirais que jusqu'à mes 16-17 ans.
02:22 Voir même jusqu'à mes 18 ans.
02:23 C'est vraiment de la curiosité.
02:25 Où il faut toujours aller en voir plus.
02:28 Même s'il y a un phénomène d'addiction.
02:29 En fait on est addict à cette nouveauté.
02:31 À toujours vouloir chercher quelque chose de plus malsain.
02:35 De plus problématique si je puis dire.
02:39 Et dans mon cas, ça me permettait de me sociabiliser.
02:43 Et de me faire des amis.
02:44 Comme beaucoup d'adolescents, on va parler de ça.
02:46 Et comme j'étais celui qui en connaissait le plus.
02:48 Et bien en fait ça me permettait de me faire des amis.
02:51 Notamment avec ça.
02:52 Parce que j'avais des personnes qui me posaient des questions à ce propos.
02:55 Et je leur répondais.
02:56 Et en fait, plus j'en savais, plus je pouvais leur répondre.
03:00 Et plus du coup je pouvais avoir de relations sociales en fait.
03:03 Comme un adolescent.
03:04 C'est une forme de provocation aussi.
03:06 Parce que ça me permettait de dire que moi je pouvais regarder des choses.
03:09 Que eux n'étaient pas capables spécialement de regarder.
03:12 Ma vision de la femme a évolué au fur et à mesure.
03:15 Et mes relations aussi.
03:16 Au début, j'étais timide.
03:18 Une fille me parlait, je rougissais.
03:20 Un adolescent.
03:21 Par la suite, en ayant des amis filles.
03:23 Avec qui j'échangeais à propos de ce genre de sujet.
03:26 Globalement, ma vision de la femme c'est que.
03:28 Une femme c'est un homme.
03:30 Avec ses pulsions et ses envies sexuelles.
03:33 Et ça a les mêmes côtés malsains qu'un homme.
03:36 Là où en tant qu'adolescent, jeune adolescent.
03:38 Je voyais la femme comme étant une créature pure, innocente, blanche.
03:41 Si je puis dire, de toute salissure.
03:44 Globalement, entre le porno et mes discussions à ce sujet là.
03:50 Avec des femmes.
03:51 Bah en fait, je me suis rendu compte que les femmes c'était pareil que les hommes.
03:54 Si ce n'est même que certaines femmes étaient même presque pire que certains hommes.
03:58 Globalement.
03:58 Parce que j'avais des copains et des amis masculins.
04:01 Qui n'y connaissaient quasiment rien.
04:03 Et ne s'intéressaient pas à la chose.
04:05 Là où certaines filles, globalement, cherchaient des trucs aussi trash que moi.
04:09 Alors ma consommation était de 6 heures par jour dans la période où j'en consommais le plus.
04:15 C'était pas que de la pornographie.
04:16 Il y avait aussi des interviews d'actrices, des reportages sur le sujet.
04:22 Mais il y avait beaucoup, beaucoup de pornographie.
04:24 Ça partait dès le matin, globalement, avec un film pornographique en prenant le petit déjeuner.
04:29 En allant à l'université, je regardais de la pornographie en chemin.
04:35 Et ça m'arrivait même de regarder en cours en amphithéâtre.
04:38 Est-ce que j'étais en érection spécialement quand je regardais de la pornographie ?
04:42 Non, pas spécialement.
04:43 Comme j'avais une maîtrise de mon érection.
04:46 C'est-à-dire que je pouvais en déclencher sur volonté.
04:48 Et je pouvais les supprimer par volonté.
04:51 J'étais pas spécialement excité.
04:53 En fait, je regardais vraiment de la pornographie à cette période-là.
04:57 Comme quelqu'un va regarder une série.
04:59 Comme quelqu'un regarderait un film ou lirait un livre.
05:02 C'était normal.
05:03 Ça me servait même plus souvent de bruit de fond qu'autre chose.
05:05 Par exemple, si je travaillais sur quelque chose, il y avait un film porno qui traînait derrière.
05:11 Et il y avait juste le son.
05:12 Je le regardais même pas, mais il était là.
05:15 Et je faisais autre chose en même temps.
05:16 J'ai jamais eu honte de regarder du porno.
05:18 Je l'ai toujours assumé.
05:19 Pour moi, c'était quelque chose de parfaitement normal.
05:21 J'avais même une petite forme de mépris à cette époque-là quand je consommais.
05:27 Parce que je considérais que les gens regardaient du porno.
05:31 Mais juste étaient un peu trop couarts pour être capables d'assumer ça face au monde.
05:38 Et pour moi, c'était quelque chose qu'il fallait parfaitement assumer.
05:41 Parce qu'il n'y avait pas de tabou à avoir envers ça.
05:43 J'ai eu ma première relation sexuelle à 18 ans.
05:46 Ça s'est pas forcément bien passé.
05:50 Mais ça s'est pas non plus mal passé.
05:52 Dans mon cas, c'était un peu spécial.
05:53 Parce qu'il y a eu à la fois un rapport vaginal et anal.
05:56 Est-ce que je cherche à reproduire le sexe que je vois en porno dans ma sexualité ?
06:01 Eh bien oui, totalement.
06:02 D'ailleurs, ça reste assez souvent le cas malheureusement.
06:06 Jusqu'à ce que je m'en libère.
06:08 Et globalement, oui, il y a de la pornographie ou des actes pornographiques
06:12 qu'on pourrait considérer comme tels dans ma sexualité.
06:15 Et ça reste extrêmement compliqué.
06:17 Parce qu'aussi, avec le début de sexualité,
06:20 c'est là que je me rends compte que finalement,
06:23 c'est un peu compliqué pour moi d'avoir des éjaculations.
06:27 Ça a été d'ailleurs le gros souci.
06:29 Même si je ne m'en rendais pas compte.
06:30 Parce que comme pour moi, avec la pornographie,
06:32 c'était normal pour moi d'être capable d'avoir des rapports qui durent des heures.
06:36 Je considérais que c'était la norme.
06:38 Et comme moi, j'y arrivais, je considérais que j'étais dans la norme par rapport à ça.
06:42 Est-ce que j'ai pu expérimenter des choses du porno à la réalité ?
06:47 Oui, complètement.
06:47 En fait, pour moi, j'ai deux règles qui sont prioritaires.
06:50 C'est la santé et le consentement.
06:51 À partir de ce moment-là, j'ai quasiment tout expérimenté.
06:54 Et j'ai très souvent été déçu.
06:56 Dans le porno, on va voir des choses et dans les faits, c'est complètement surfait.
07:00 Un exemple concret, une personne qui voulait faire une gorge profonde avec moi.
07:05 Et globalement, la personne ne prenait absolument aucun plaisir.
07:09 Même si c'était elle qui avait proposé.
07:11 Moi, je n'ai pris absolument aucun plaisir.
07:13 Ça m'a juste ramené à mes anciens démons.
07:14 Pour expliquer ce qu'est une gorge profonde,
07:16 c'est que là où une fellation va être une pénétration buccale dans la bouche,
07:24 la gorge profonde va considérer à enfoncer le pénis plus profondément dans la gorge.
07:30 Pour moi, la gorge profonde est probablement l'une des choses
07:33 qui est vraiment la plus surfaite de la pornographie,
07:36 qui est en plus considérée maintenant, à l'heure actuelle,
07:39 comme de la pornographie mainstream.
07:42 Vraiment, c'est basique.
07:44 Et le truc, c'est que vraiment, ça fait partie des choses les plus surfaites.
07:48 Alors, un jour, je me suis rendu compte que,
07:50 globalement, j'avais des douleurs périnéales après les rapports.
07:54 Des douleurs extrêmement vives.
07:56 Et donc, j'ai consulté un médecin.
07:58 Et il n'y avait absolument rien qui justifiait cette douleur.
08:02 Et comme j'ai vite fait le lien entre éjaculation et douleur,
08:08 j'ai donc décidé, à cette période, d'arrêter d'éjaculer.
08:10 Tout simplement, de passer en rétention séminale.
08:13 C'est là que, vraiment, je me suis rendu compte que je n'y arrivais pas.
08:18 Parce que, justement, je regardais du porno.
08:20 Donc, ça me donnait du désir, quand même, mine de rien, de temps en temps.
08:23 Et donc, la conséquence a été que j'ai pas réussi.
08:28 Et c'est là que j'ai découvert que j'étais addict.
08:30 C'est là que j'ai découvert ce qu'était le NoFap sur Internet.
08:33 Notamment avec un forum qui s'appelle StopFap.
08:36 Qui est un forum d'entraide pour des personnes qui souhaitent arrêter la masturbation,
08:39 qui souhaitent être abstinents, ou qui souhaitent arrêter la pornographie.
08:42 Et j'ai essayé.
08:43 J'ai échoué énormément de fois.
08:46 Et vraiment, les échecs, au début, sont extrêmement difficiles.
08:51 Quand on se rend compte qu'on a un problème et qu'on essaye d'arrêter,
08:55 et qu'on est complètement soumis à nos pulsions,
08:58 qu'on se rend compte qu'on est mal parce qu'on n'y arrive pas,
09:03 bah, c'est une horreur.
09:05 Et donc, j'ai continué d'essayer.
09:07 Jusqu'à ce que je prenne conscience d'une chose,
09:12 c'est qu'il fallait travailler sur moi pour arrêter.
09:14 Et quand je dis travailler, c'est pas travailler un petit peu,
09:17 c'est vraiment un énorme travail personnel.
09:19 Ça m'a pris des heures et des heures de travail au début,
09:23 et puis après un peu moins de temps.
09:26 Où j'ai dû redéfinir toute ma vie.
09:27 Travailler sur chaque petit détail.
09:30 Et il y a des détails qui peuvent paraître complètement anodins,
09:32 comme le fait de choisir ses vêtements pour s'habiller,
09:34 ou l'heure de réveil, ou des...
09:37 Mais en vrai, c'est vraiment un assainissement pur de l'environnement.
09:41 Puis ensuite, un travail sur comment notre propre cerveau fonctionne en tant qu'addict.
09:47 Vraiment savoir pourquoi nous, on est comme ça.
09:50 Et une fois que j'ai fait ce travail, j'ai commencé à pouvoir arrêter.
09:54 Mon abstinence, en fait, a progressé, et a progressé, et a progressé.
09:58 Et puis, j'ai pu commencer à aider d'autres personnes par la suite,
10:01 et à libérer d'autres personnes de cette addiction.
10:04 Alors aujourd'hui, ma vie sexuelle est bien, elle est remplie, elle est épanouissante.
10:08 Alors ça veut pas dire qu'elle est forcément parfaite tout le temps.
10:12 Globalement, il y a encore des petits échecs dans la vie de tous les jours.
10:17 Des choses un peu amusantes.
10:18 Mais globalement, c'est plus du tout la même chose.
10:21 Ça veut pas dire que j'ai renoncé à tout ce que je faisais par le passé.
10:25 Mais je me suis quand même énormément détaché de la pornographie dans la vision de ma sexualité.
10:29 Je suis beaucoup plus dans l'échange humain, amoureux et sentimental.
10:35 Je suis beaucoup plus dans le moment présent avec l'autre,
10:37 et c'est véritablement beaucoup plus un échange.
10:39 Ce qui peut être plus compliqué, c'est que malheureusement, certaines fois,
10:43 je suis en contact avec certaines femmes qui, elles, regardent de la pornographie,
10:46 qui ont une sexualité qui s'approche beaucoup plus de la pornographie.
10:49 Là, dans ces cas-là, c'est un peu plus néfaste pour moi,
10:52 puisque ça me ramène à mes anciens démons.
10:56 Alors, ce que j'ai envie de dire aujourd'hui aux jeunes de 12, 13, 14 ans,
11:02 profitez de la vie et vraiment, sacrifiez pas votre sexualité future pour des images.
11:10 Vraiment, le porno, c'est des pixels.
11:12 Si vous voulez du sexe, concentrez-vous sur des relations amoureuses.
11:16 Profitez, kiffez et vraiment, prenez le temps.
11:19 Moi, j'ai sacrifié mon temps et ma sexualité.
11:22 J'aurais pu avoir une sexualité beaucoup plus épanouissante
11:24 et des relations humaines beaucoup plus épanouissantes.
11:27 J'estime qu'à l'heure actuelle,
11:29 certains échecs de ma vie amoureuse sont dus à la pornographie.
11:33 Certains échecs de ma vie, que ce soit à l'université et compagnie,
11:36 sont dus à la pornographie.
11:38 Et du coup, j'ai perdu du temps en études universitaires.
11:40 J'aurais pu avoir de meilleures notes.
11:42 J'aurais pu être quelqu'un de meilleur globalement
11:45 et moins perdre de temps par rapport à ça.
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