Le Sénégal a été en proie, du 1er au 3 juin, à ses pires troubles depuis des années après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme dans une affaire de moeurs. L’annonce de la condamnation a déclenché des violences qui ont fait 16 morts officiellement, mais 23 selon Amnesty International. On vous explique le pourquoi du comment.
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00:00 Au tout début du mois de juin, Ousmane Sonko, le grand opposant politique du Sénégal,
00:04 est condamné par un tribunal dans une affaire sexuelle.
00:07 Ses partisans se répandent dans les rues de Dakar, il y a des émeutes qui font 16 morts.
00:11 Le pays semble basculer et être au bord de la guerre civile.
00:14 Que se passe-t-il au Sénégal ?
00:16 En février 2021, il y a une jeune employée d'un salon de massage de Dakar, qui s'appelle
00:22 Aljil Sar, qui va voir la police en disant "j'ai été violée par un client, il m'a
00:27 violée plusieurs fois, il m'a menacée de mort".
00:29 C'est extrêmement grave.
00:30 Ce client, c'est Ousmane Sonko, une personnalité très connue au Sénégal.
00:35 Il a été candidat à la présidentielle, il est maire de la grande ville de Casamance,
00:39 Zigue Unchor, et par ailleurs, il est candidat à la présidentielle de 2024.
00:43 En mars, il est arrêté par la police à cause de cette affaire, de cette suspicion
00:47 de viol.
00:48 Et bien immédiatement, en 2021, ça déclenche des émeutes dans Dakar de ses partisans qui
00:52 disent "c'est faux, c'est un complot, notre candidat ne peut pas être un violeur".
00:56 Mais néanmoins, la justice sénégalaise continue son travail et en mai 2023 se tient
01:02 le procès.
01:03 Finalement, Ousmane Sonko n'est pas condamné pour viol, mais il est condamné pour corruption
01:07 de la jeunesse.
01:08 C'est quand même deux ans de prison et deux ans de prison, ça lui interdirait de
01:11 se présenter à l'élection présidentielle de début 2024.
01:14 Depuis, il continue de s'opposer de camp au Sénégal et de s'opposer de manière
01:18 très virulente.
01:19 Il y a le camp des partisans de Sonko, en particulier les jeunes, les classes populaires
01:23 qui l'aiment beaucoup, qui pensent qu'il va sauver le pays, qui disent "c'est
01:27 scandaleux que l'État en soit réduit à faire des complots pour écraser un candidat
01:31 de l'opposition".
01:32 Et puis de l'autre côté, il y a des gens qui disent "mais pourquoi on douterait
01:35 de ça ?".
01:36 Le camp du président, par exemple, dit "moi j'ai laissé la justice faire son travail".
01:40 Et là, de ce côté-là qu'il faut entendre aussi, si Sonko est vraiment un violeur et
01:45 si il utilise la politique pour faire passer son crime, à ce moment-là, c'est lui
01:48 qui est ignoble, c'est lui qui utilise un procédé qui est déloyal et scandaleux,
01:52 surtout pour la victime réelle, que serait la jeune masseuse.
01:55 Il y a beaucoup de gens qui accusent le président de la République du Sénégal, Makisal, d'être
02:02 dans une dérive autoritaire et une dérive d'abus de pouvoir.
02:05 Makisal, il a été élu président de la République pour 7 ans en 2012.
02:09 Mais en 2016, il a fait faire une réforme qui dit "désormais on arrête avec le septéna,
02:14 désormais on va passer au quinquennat et ce quinquennat ne sera pas renouvelable deux
02:17 fois".
02:18 En 2019, il est réélu pour un quinquennat et maintenant, toute la question est de savoir
02:23 s'il va ou non dire qu'il veut faire un troisième mandat.
02:26 Et c'est ça qui rend fou les opposants, parce que les opposants disent "il veut
02:30 avoir le pouvoir pour toujours".
02:31 Alors Makisal, lui, il dit "moi j'ai le droit de faire un troisième mandat parce
02:35 que cette révision constitutionnelle qui prévoit qu'il n'y en ait que deux, elle
02:38 a été votée en 2016, donc mon premier mandat ne compte pas".
02:41 Et les autres, les opposants, disent "mais ça c'est évidemment un artifice".
02:45 Et il renvoie à Makisal un autre événement historique, c'est que Makisal lui-même,
02:49 quand il a été élu en 2012, il a été élu contre le précédent président Abdullouaï
02:54 Ouad, qui lui-même voulait faire un troisième mandat.
02:57 Et Makisal luttait jamais le troisième mandat, etc.
03:00 Maintenant qu'il est au pouvoir, c'est lui qui veut le faire.
03:02 Ça, ça crée une situation extrêmement tendue.
03:04 Si tendue que, par exemple, en septembre 2022, on a même vu des députés qui en venaient
03:09 à se battre dans l'enceinte du Parlement.
03:11 Tout ça, c'est grave aussi parce que le contexte régional géopolitique est extrêmement
03:17 tendu et que ça fait très mal aux observateurs de penser que ça arrive sur le Sénégal,
03:22 qui paraissait être un des seuls petits îlots de stabilité de l'Afrique de l'Ouest.
03:27 Alors le Sénégal, effectivement, depuis son indépendance, avec son célèbre leader
03:31 de l'indépendance, son père de l'indépendance, Léopold Sédar Senghor, paraissait un îlot
03:36 de démocratie et de stabilité.
03:38 On dit que c'est le seul pays d'Afrique qui n'a jamais connu de coup d'État.
03:41 Alors en Afrique de l'Ouest, les tensions, c'est deux choses.
03:43 C'est d'une part la poussée du djihadisme qui est un peu partout.
03:47 On l'a vu au Burkina Faso, on l'a vu au Mali, etc.
03:49 Et puis d'autre part, c'est l'influence russe de plus en plus puissante.
03:53 Tous ces pays qui, les uns après les autres, basculent du côté russe.
03:57 Alors est-ce que ça, ça menace le Sénégal ? On ne le sait pas directement.
04:01 Dans les deux camps, le camp de Makisal dit "le camp de Sonko est vendu aux Russes",
04:05 et le camp de Sonko dit "oui, mais Makisal, il est vendu aux Français".
04:08 Donc on ne sait pas exactement ce qu'est la réalité des choses.
04:11 Mais ce qu'on est sûr, c'est que les grandes puissances tournent autour de ce petit pays
04:15 pour une autre raison, c'est qu'on a découvert il n'y a pas si longtemps que ça
04:18 du pétrole et du gaz.
04:20 Et donc, ça va devenir un pays pétrolier où il y aura une richesse énorme.
04:23 Donc évidemment, elle va attirer les vautours.
04:26 Donc on espère que ce pays réussira à garder sa stabilité et son pôle démocratique.
04:31 [Musique]