Visite de MBS à Paris : quels enjeux pour le prince héritier d'Arabie saoudite ?

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00:00 - Gautier Ribinski, l'Arabie Saoudite veut jouer un rôle propre sur la scène mondiale,
00:05 elle use de plus en plus de son soft power et veut s'émanciper de la tutelle américaine.
00:09 - Oui, soft power, peut-être maintenant, mais enfin l'épisode de l'assassinat de Jamal Khashoggi,
00:18 on ne peut pas dire que ce soit du soft power.
00:20 Alors oui, peut-être pour se rattraper, parce que vous vous souvenez que les États-Unis avaient dit
00:23 "Bon, on va quand même isoler un peu", alors pas complètement,
00:26 mais on va faire sentir à l'Arabie Saoudite qu'on n'est pas d'accord à ce qui s'est passé.
00:30 Oui, le soft power de l'Arabie Saoudite, il émane de quelle situation ?
00:36 La situation, c'est que, paradoxalement, les États-Unis, en devenant indépendants sur le plan énergétique,
00:43 par le gaz de schiste, se privent d'un levier qu'ils avaient autrefois sur l'Arabie Saoudite
00:48 et qui était justement leur dépendance au pétrole.
00:50 Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, les Américains avaient dit aux Saoudiens
00:55 "Si vous nous laissez l'accès complet, total, enfin, moyennant bien sûr, et tribution au pétrole,
01:00 nous, on vous garantit la sécurité".
01:03 Or, on a vu que ces derniers temps, avec la guerre au Yémen, notamment,
01:06 un certain nombre d'objets, on va dire, de missiles et roquettes avaient atteint le territoire saoudien,
01:14 tirés par, vraisemblablement, les outils du Yémen soutenus par l'Iran,
01:20 sans que ça fasse broncher les Américains.
01:22 Et donc, il y a l'idée, chez Ben Salmane, de diversifier ses alliances, ses alliés,
01:30 en tentant, parfois, toute une série de grands écarts qui sont difficilement soutenables,
01:37 c'est-à-dire, on parlait de la Russie, dont, effectivement, le prince héritier est proche,
01:42 mais en même temps, il a reçu Zelensky à Riyad,
01:44 de la même manière qu'il reçoit aussi Assad, qui est en mal de reconnaissance à nouveau.
01:50 Donc, ça part dans tous les sens, c'est tout azimut, et au fond, on se demande où ça peut aller.
01:56 Alors, tout ça, parce qu'il y a la volonté, aussi, chez Ben Salmane, de poursuivre ce qui est son objectif suprême,
02:03 c'est-à-dire le fameux plan 2030 pour l'Arabie saoudite,
02:07 qui est une forme, là aussi, d'émancipation de toute tutelle, et aussi de la dépendance au pétrole,
02:13 parce qu'en termes de revenus, c'est quelque chose, évidemment, de capital pour le Royaume.
02:17 - Et c'est toujours le même débat entre les grands principes d'un côté et la réale politique.
02:21 Encore faut-il que cette réale politique soit efficace ?
02:24 - Eh oui, et rien n'est moins sûr.
02:27 Parce qu'on a bien vu, avec notamment les révolutions arabes, mais il y a d'autres exemples,
02:32 il y a l'exemple de Poutine, que le pari de la stabilité, le pari de la réale politique,
02:38 c'est parfois, non seulement, une sorte de ruine morale, mais d'impasse, même économique,
02:45 avec, par exemple, la flambée des prix du pétrole que la guerre en Ukraine génère,
02:50 et avec, justement, revenons-en à Mohamed Ben Salman,
02:53 quelqu'un qui ne dessert pas la production pour pouvoir faire baisser les prix.
02:57 Donc, ça veut dire qu'on confie à un certain nombre de personnages...
03:01 Comment les qualifier ?
03:03 - Peu fréquentables. - Voilà.
03:05 Peu fréquentables, des minorités de blocage qui, finalement, se répercutent sur tout le monde.
03:12 Donc, encore une fois, le pari d'avoir besoin et de traiter bien Mohamed Ben Salman
03:18 parce qu'il s'est rabiboché avec l'Iran, et parce que l'Iran a, j'allais dire, des fers au feu diversifiés,
03:25 que ça soit au Liban, que ça soit en Syrie, que ça soit aussi dans la guerre en Ukraine,
03:30 oui, c'est une manière de dire "on va essayer d'agir sur ces questions-là", mais agir avec qui ?
03:35 Et rien n'est sûr, rien n'est certain dans ce domaine-là,
03:38 et surtout pas le fait que Mohamed Ben Salman ne soit pas capable de se retourner complètement
03:43 quand il jugera que ses propres intérêts du royaume sont en question.
03:49 Juste d'un mot pour la fin.
03:51 Vous disiez à l'instant "les droits sont souvent bafoués, même si on fait semblant de les mettre en avant".
03:58 Oui, regardez comment Ben Salman nous a donné à nous, occidentaux, un sucre,
04:04 avec le fait que les femmes puissent conduire en Arabie Saoudite.
04:08 Mais enfin, c'est quand même extraordinaire !
04:11 Vous savez, c'est un peu comme quand il fait très froid, quand il fait -5°C, et que tout d'un coup il fait zéro, on dit "ah, il fait chaud".
04:18 Les femmes qui ont le droit de conduire, pour le reste, elles sont toujours soumises à la tutelle du mari, de l'oncle, du grand-père, etc.
04:25 Et nous, on se contente de ça en disant "c'est extraordinaire".
04:29 Et ça, c'est probablement le premier pied qu'on met dans cette réelle politique qui, un jour, se retourne contre nous.
04:36 Et à ce moment-là, on peut dire qu'on a que ce qu'on mérite.
04:39 Merci beaucoup Gauthier Ravinsky pour votre décryptage.

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